samedi 12 juin 2010

Scorn / Evanescence & Ellipsis























Au départ Scorn est un duo formé de l’ancien Napalm Death Nicholas James Bullen – c’est lui que l’on peut entendre jouer de la basse et chanter sur la première face de Scum – et de Mick Harris, à l’époque toujours batteur de Napalm Death, groupe qu’il ne tardera pas à quitter lui aussi, laissant le combo de Birmingham définitivement orphelin de tous ses membres originels. L’idée était de faire du métal autrement, du metal lourd, au groove mécanique, avec des machines et des effets électroniques. Avec un tel descriptif la filiation avec Godflesh pourrait sembler évidente – Justin Broadrick, ancien Napalm Death lui aussi, a même participé à quelques enregistrements de Scorn en tant que guitariste de session – mais il n’en est rien : Scorn, qui délaissera rapidement les voix hurlées et les guitares saturées (l’album Vae Solis en 1992) propose dans le même temps des collections de remix bien plus orientés vers l’électro et le deuxième album, l’incroyable Colossus paru en 1994, finit de désorienter les fans cloutés mais également d’intriguer les autres avec sa fusion quasiment parfaite entre metal plombé, groove animal et electro lorgnant définitivement vers le dub.
Evanescence est le troisième album de Scorn, en 1995. C’est un disque important à plus d’un titre puisqu’il s’agit du dernier avec Nicholas James Bullen qui, miné par les problèmes personnels, quittera le duo, laissant Mick Harris seul aux commandes et à la destiné de Scorn, pour le résultat que l’on connait maintenant. Allant beaucoup plus loin que son prédécesseur, Evanescence est le premier album réellement electro/dub/ambient de Scorn qui rompt définitivement avec le passé metal de ses membres. L’instrumentation est toutefois toujours bien présente car outre les samples, synthétiseurs et bidouilles, les basses profondes et massives sont jouées sur une quatre cordes, les rythmes sont souvent des samples en boucles de Mick Harris lui-même et James Plotkin est venu assurer l’intérim à la guitare. Et puis surtout il y a le chant de Bullen, présent sur presque tous les titres. Album de profondes mutations, il est flagrant à la réécoute que Evanescence était alors un pur work in progress, ses géniteurs visionnaires cherchant un son neuf, tâtonnant, explorant de nouveaux territoires et pendant longtemps, faute de mieux, on qualifiera la musique de Scorn de dub industriel, appellation faisant le lien entre l’organique et l’électronique. Il est saisissant aussi de constater que malgré son côté pionnier et aventureux, Evanescence est un album magnifiquement équilibré et homogène. Que ce soit dans le registre lourd (Automata), purement groovy (les irrésistibles Silver Rain Fell et Dreamspace) ou plus rapide (Day Passed, presque un clin d’œil à PiL) tout est ici absolument parfait. La remasterisation 2010 est elle aussi impeccable, dépoussiérant ce qu’il faut les bandes d’origine mais n’en faisant pas trop : les énormes lignes de basse, profondes et arrondies, de Nicholas James Bullen n’ont jamais aussi bien sonné.
Publié l’année d’après, Ellipsis est le petit frère d’Evanescence puisqu’il en propose quasiment l’intégralité dans des versions remixées par Mick Harris lui-même sur deux titres et par une prestigieuse liste d’invités : Meat Beat Manifesto, Coil, Bill Laswell, Scanner, Autechre et le PCM Sound System. Les albums de remix sont rarement utiles parce que n’apportant pas grand-chose aux originaux. Ellipsis est l’exception qui confirme la règle avec Meat Beat Manifesto qui dynamite Silver Rain Fell dans une version funky et mercuriale incroyable grâce à l’adjonction de multiples surcouches de synthétiseurs acidifiés, Bill Laswell qui transforme Night Ash Black en dub névrotique, Scanner qui fait du pur Scanner sur Night Tide ou PCM qui donne une leçon de drum and bass sur The End – Mick Harris publiera plus tard quelques enregistrements intéressant avec l’un de ses deux DJs, Neil Harvey. L’autoremix de Exodus par Scorn est réussi alors que la version proposée de Light Trap n’échappe elle pas à la complaisance. Coil se plante sur le trop long et fastidieux Dreamspace, tout comme Autechre qui se révèle moyennement convaincant en s’attaquant à Falling. Si on fait le compte, on obtient donc une grosse moitié de bonnes choses contre quelques longueurs et facilités d’usages : c’est bien plus que la moyenne généralement admise pour qualifier un album de remix de pertinent.

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