lundi 30 juin 2008

Le plus grand groupe de nerds du monde





















 

Cela pourrait bien être un record en la matière, Nude With Boots, la cuvée 2008 des Melvins, a commencé à circuler sur le net trois mois avant sa sortie officielle -en fait non, ce n’est peut être pas un record et cela ressemble plutôt à une bonne blague. Sauf que ça n’en n’est pas une non plus. La release date (le 08 juillet aux US mais le disque est déjà disponible dans la vieille Europe depuis une semaine) étant enfin dépassée, il est grand temps d’en parler un peu plus. Entre ceux qui restent persuadés que Nude With Boots est principalement composé de chutes de studio provenant de l’enregistrement de son prédécesseur (A) Senile Animal, ceux qui pensent que la version qui circule est une version inachevée et que donc on verra bien plus tard ce que cela donne, ceux qui trouvent que ce disque est une merde, ceux qui au contraire le mettent au pinacle du panthéon discographique de la bande à King Buzzo, cela fait beaucoup de monde qui s’autorise. Et c’est parfait : plus on est de fous et plus on rit. Le pouvoir ancestral et maléfique des Melvins, ce pouvoir de ne laisser personne indifférent et de déclencher quelques bonnes engueulades et batailles d’argumentaires plus ou moins moisis, est résolument intact. Rien que pour ces sombres querelles d’amateurs les Melvins restent le meilleur groupe de nerds du monde, même avec un Big Business en guise de fauteuil roulant (de déambulateur ?) ou de souffre-douleur.
Nude With Boots décoiffe (le brelan The Kicking Machine, Billy Fish 3 et Dog Island), Nude With Boots déconcerte (le titre instrumental suivant, le passablement mauvais Dies Irae) avant de donner envie de bailler (Suicide In Progress avec comme un goût d’inachevé et de redite) puis de refédérer son petit monde avec un The Smiling Cobra déjà plus convaincant grâce à son final pour choristes échappés de la Kiss army. On passe très vite sur Nude With Boots, malheureusement beaucoup moins génial que son titre, on passe également sur le remplissage de Flush et la pochade de The Stupid Creep. Reste deux titres avant la fin du disque et déjà le délitement est quasiment complet. The Savage Hippy remet du baume au cœur avec son rythme lourd, le riff tout simple de guitare et les voix si caricaturales mais pourquoi ce titre dure t-il aussi peu de temps ? La réponse est dans It Takes Better Than The Truth, un final répétitif et étiré qui ne ressemble à rien mais convient parfaitement pour achever -dans tous les sens du terme- un album aussi bancal.
Alors, comme je l’entends dire à droite et à gauche, les Melvins ont-ils viré plus expérimental ? Evidemment, non. On réécoute les trois premiers titres pour se rendre compte que le groupe sait définitivement bien gérer les parties de chant multiples, cela donne un côté outrancier supplémentaire qui lui va très bien. L’outrance n’avait pourtant plus beaucoup de secret pour les Melvins, surtout lorsque ceux-ci ont décidé de manifester un amour plus que jamais immodéré pour la merdasse seventies (ce que beaucoup confonde avec l’expérimentation, ce mot tellement vague).
Réécouter l’album, en entier cette fois, permet d’apprivoiser quelques uns des huit autres titres : Suicide In Progress ou Nude With Boots finissent par gagner leurs galons mais qu’est ce qu’un disque que l’on arrive à apprécier (moyennement, soit à peu près la moitié des compositions) à force d’habitude, suite à des écoutes répétées, si ce n’est à une leçon de par coeur ? Les Melvins voulaient être une nouvelle fois irrésistiblement drôles ? C’est raté, quasi totale absence de jubilation instantanée et de plaisir partagé. Même le plus grand groupe de nerds du monde peut se vautrer lamentablement. J’accepte de me faire botter le cul pour ça, à la seule condition que King Buzzo et compagnie acceptent de sortir de leurs schémas autistes de principe.

dimanche 29 juin 2008

Harvey Milk / Life... The Best Game In Town



















 

Quel choc que celui de la découverte d’Harvey Milk. Une découverte tardive, à l’occasion de la reformation du groupe et de la publication en 2006 de Special Wishes, album magnifique remettant sur orbite -et d’une bien magistrale façon- la carrière du groupe d’Athens. Si tant est que ces gars là aient un jour pensé à une quelconque carrière. Après ce choc, il n’y avait plus qu’à se plonger corps et âme, grâce aux rééditions publiées par Relapse, dans la courte discographie d’un groupe hors du commun. Un sens de la lourdeur pas comme les autres. Harvey Milk est tout aussi capable de ralentir à l’extrême son rock teigneux, que de se réinventer complètement dans un album heavy boogie rock (le jouissif The Pleaser). Et que dire du sens inné que semble posséder le groupe pour composer des balades capables à la fois de faire chialer pépère dans sa bière et de faire mouiller mémère dans sa cuisine, la réconciliation offerte à tous les couples fatigués ou en détresse ?
En cette année 2008, Harvey Milk propose un nouvel album, sur Hydra Head. Life… The Best Game In Town est un titre parfait pour un disque qui l’est presque lui aussi. Si la pochette de Special Whises montrait un intérieur tout pourri avec un poster de Jimi Hendrix accroché au mur, celle de Life… The Best Game In Town reprend la même idée mais cette fois ci on a droit au Killers d’Iron Maiden et à un guitariste moustachu qui ressemble furieusement à Duane Allman. Le groupe raconte volontiers qu’il s’est formé autour d’un amour commun pour Kiss, nous voilà en possession de quelques nouveaux indices et éventuelles influences sur la musique pratiquée par Harvey Milk.
Life… The Best Game In Town continue les choses là où Special Whises les avaient laissées (comprendre que ça ne rocke pas dans le sens où The Pleaser le faisait) mais les intensifie en appliquant un bon coefficient multiplicateur : toujours plus lourd, toujours plus inattendu et toujours plus surprenant -l’intro en trompe l’oreille de Death Goes To The Winner, par exemple. La comparaison avec les Melvins va encore inévitablement ressortir… ce qui n’est pas réellement faux mais reste, comme toutes les comparaisons, très réducteur. Ajoutons de l’eau à ce moulin là : Joe Preston (l’un des nombreux ex bassistes des Melvins, en particulier sur l’insurpassable Lysol) a depuis peu renforcé le line-up d’Harvey Milk. A noter également que Kyle Spence, historiquement le deuxième batteur du groupe, a retrouvé sa place alors que c’est Paul Trudeau, batteur originel, qui avait enregistré l’album de la reformation.
On remarquera quelques accélérations plutôt époustouflantes (l’instrumental After All I’ve Done For You, This Is How You Repay Me ? et surtout We Destroy The family ainsi que A Maelstrom Of Bad Decisions -mais où vont-ils chercher des titres pareils ?- et Barn Burner). Quatre speederies sur dix titres cela fait une bonne moyenne mais surtout cela ne laisse aucune place aux ballades qui constellaient Special Wishes, unique regret concernant ce disque, regret même pas adoucit par le très curieux et lymphatique Motown.
Le chant de Creston Spiers (quelle voix, quel timbre !) est toujours aussi arrache-coeur et surtout les soli de guitares sont parfaitement en place et toujours les bienvenus. Histoire de prouver également qu’Harvey Milk est un groupe plein d’humour (mais qui en douterait ?), Good Bye Blues s’achève sur la citation d’un générique de cartoon bien connu tandis que Death Goes For The Winner ose carrément l’hommage aux Beatles, dont les membres d’Harvey Milk sont fans, avec une incursion d’A Day In A Life. Définitivement grandiose.

samedi 28 juin 2008

Aujourd'hui ou jamais













C’est le gros morceau de la semaine -revoir Today Is The Day et Steve Austin une bonne douzaine d’années après- et c’est aussi le match au sommet : d’un côté le buble core des japonais d’Envy à l’Epicerie Moderne de Feyzin et de l’autre la souffrance et la douleur des maîtres américains du grind noise au Sonic (je plaisante à peine, ce petit jeu inutile des étiquettes est toujours des plus amusants). C’est un peu stupide deux dates bloquées le même jour et pouvant attirer une partie commune du public mais, dans un cas comme dans l’autre, les organisateurs n’ont pas eu beaucoup le choix.
Le Sonic espère avoir du monde, en vue d’une éventuelle affluence je suis supposé aider aux entrées, détail que j’avais complètement oublié car c’était une promesse conclue il y a déjà un bon mois, une éternité quoi. Alors que l’un des tauliers me remémore mes engagements et qu’il commence déjà à se faire des cheveux blancs devant le peu de personnes qui se pressent devant sa salle, j’acquiesce de bonne grâce : ce soir tous mes coups à boire seront offerts par la maison, bingo !

















Premier groupe à monter sur scène, Four Question Marks vient de Paris, des gars gentils et bien élevés. OK ils ont un peu des tatouages et certains portent le cheveux long mais rien de terrifiant. Le bassiste (également chanteur) joue sur une cinq cordes et imite parfaitement le bûcheron norvégien en rut un soir de pleine lune. Le son est gras, très gras et le tempo des titres se situe plutôt dans les mediums avec me semble t-il des mesures bancales -ils ont du beaucoup écouter Meshuggah. Je retourne aux entrées pour assurer ma part de contrat et réclamer en échange une nouvelle bière gratuite, de loin le son de Four Question Marks est du genre monolithe mais je suis au regret de déplorer une absence totale d’originalité. C’est du metal, du vrai, à l’image du batteur qui se lève de temps à autre de son tabouret pour nous faire du haut les cornes/vive la chasse aux escargots.
Cela se presse toujours aussi faiblement à l’entrée, l’objectif c’est quand même d’arriver à faire 80 entrées payantes pour au moins payer le cachet des groupes. Four Questions Marks termine son set comme il l’avait commencé, une partie du public totalement indifférent est ressorti prendre l’air, les convaincus collent à la scène, débordements de virilité bon enfant et hurlements de guerriers sanguinaires. Le metal c’est la fête. Le dernier album de Four Question Marks a été publié par Trendkill, label qui est également le tourneur responsable de la tournée Today Is The Day/Jucifer/Complete Failure (tiens, au fait, où est passé le groupe de Amber Valentine ?).

















Lorsque Complete Failure, un quatuor grind originaire de Pittsburgh, commence à balancer, je me dis que l’on va enfin s’amuser un peu : une batterie (dotée d’un double pédalier), une guitare et un druide en chemise à carreaux en guise de chanteur. Où est passé le bassiste ? Pour une raison que j’ignore il ne joue pas sur la tournée européenne.
Le son est correct, la guitare est énervante, le chant -comme presque toujours dans ce genre là- est complètement linéaire mais pas assez puissant (n’est pas Kevin Sharp qui veut) et le batteur abuse de sa double pédale… le mécanisme de celle-ci doit être particulièrement bien huilé si j’en juge par la faible vélocité des jambes comparée au son qui sort de la façade. Je passe un bon petit moment à regarder ce batteur jouer comme un robot inexpressif et insensible -un psychopathe de plus?
Le grind core pratiqué par Complete Failure est des plus classiques, répondant à tous les poncifs du genre mais ne possède pas le côté crade d’un Regurgitate ni la tonalité crust d’un Asshole Parade. Le concert devient vite lassant, les passages lents, au lieu d’aérer l’ambiance de pieds qui puent, alourdissent le propos et rétrécissent d’autant l’attention déjà faiblarde que je porte au groupe. Tant pis.

















Le changement de plateau est des plus rapides puisque Today Is The Day utilise le batteur de Complete Failure. Ce gars doit avoir une sacrée endurance, cela fait deux mois qu’il fait le mariole sur une scène dans deux groupes consécutifs. Comme le fera remarquer Steve Austin un peu plus tard, ils en sont quand même à la centième date.
Après une intro inutile le trio monte sur scène, branche les guitares et n’attend pas pour mettre une déculottée à un public qui n’attendait que ça pour s’électriser. La musique de Today Is The Day, sans tomber dans le metal gadgetisé, est jouée à la sauce grind : rythme accéléré, double pédale à volonté, guitare Black et Decker, chant guttural ou crié (le bassiste chante également), basse en tournebroche et un son d’une agressivité qui donne envie de mourir, là tout de suite et maintenant.
J’ai le plus grand mal à reconnaître les titres joués, tout est balayé et refondu dans un moule de démence passée au hachoir. Il semble bien que Steve Austin a oublié toute la fatigue d’une épuisante tournée, il a dû se régénérer au topset colombien c’est pas possible autrement, même si c’est le bassiste qui assure le plus le spectacle. Quant au batteur, il commence à être passablement énervant avec son côté Terminator du beat. Bassiste et batteur quittent la scène, Austin entame un interlude patchouli avec le final de If You Want Peace Prepare For War, tablas et sitar inside.






















Il ne faudra pas attendre longtemps pour que le groupe soit à nouveau au grand complet sur scène, personne ne le sait mais on n’en est qu’à la première moitié d’un concert qui s’est déjà révélé magistral. Et là, c’est un peu l’avalanche de titres plus anciens, du bonheur. La voix et la façon de chanter de Steve Austin ayant changé avec les années, le son du groupe ayant évolué, cela fait bizarre d’entendre quelques vieilleries dégrossies à grands coups de blasts mais bordel qu’est ce que c’est bon.
Austin casse une corde, ce n’est pas grave, la rythmique continue toute seule et lui se contente de chanter, lorsque il récupère son instrument remis d’aplomb on est bien forcé de constater que cet incident n’a pas entamé sa volonté, bien au contraire. Today Is The Day est plus furieux que jamais.
C’est le moment de faire des papouilles avec le public, déclarations d’amour réciproques, un type trop bourré se fait éjecter de la scène et c’est un Steve Austin épuisé mais visiblement heureux (si si) qui sonne la fin du concert, sans regret, avec ce sentiment partagé que lui et son groupe viennent une nouvelle fois de faire très très fort.

















Pendant que l’on démonte le matériel, je m’approche de la scène pour jeter un coup d’œil sur le double pédalier du batteur de Complete Failure. J’explique au homeboy du Sonic alors en pleine lutte avec un câble récalcitrant que le jeu de double pédale me paraissait étrange, ce qui le fait bien rire : il m’explique à son tour que les pédales sont reliées à un déclencheur qui permet à une interface numérique de donner des infos à une boite à rythmes. Et d’ajouter que la plupart les groupes de black metal et de death ont recours à ce subterfuge, que l’on ne peut pas imaginer un batteur blastant avec la puissance d’un panzer au galop pendant une heure et demie d’affilée. Pour moi, un monde s’écroule, mes illusions de petit puceau du beat sont annihilées. Rendez moi Philty Taylor !
Beaucoup moins drôle est le bilan de la soirée. Comme l’a fait remarquer quelqu’un à l’équipe du Sonic : vous vous êtes peut être plantés mais merci pour ce concert. Plantés ? Cinquante trois entrées payantes c’est la débâcle. On sent comme une profonde lassitude et une certaine démotivation chez les gens du Sonic. La programmation va s’arrêter pour cause de vacances d’été et ils seront à nouveau là à la rentrée mais peut être plus pour très longtemps encore. C’est toujours aussi difficile d’allier amour de la musique, activité économique et éthique commerciale. C’est lorsque les choses ont définitivement disparu que l’on se rend compte qu’elles vont vraiment nous manquer. Comme toujours.

vendredi 27 juin 2008

Playing Enemy / My Life As The Villain



















Jusqu’ici on pouvait penser que le EP Accessory était l’ultime publication de Playing Enemy. Mais alors que deux anciens du groupe (Demian Johnston et Shane Mehling) réapparaissent -pour l’instant pas pour le meilleur- sous le non de Hemingway, voilà que deux labels annoncent de nouvelles galettes avec du matériel inédit de Playing Enemy. Et pour être plus précis : il s’agirait d’enregistrements réalisés pour le troisième album, inachevé, du groupe.
Hex records
a donc publié My Life As The Villain, soit une collection de cinq titres sous la forme d’un CD joliment emballé, tandis que Rome Plow records annonce un Here’s To What We Made, cette fois ci en vinyle. Ces deux disques ont exactement la même illustration, signée par le guitariste Demian Johnston, un gars qui s’amuse à confectionner, juste pour le fun et de ses blanches mains, des cassettes d’Hemingway enregistrées en concert et limitées à un seul exemplaire. My Life As The Villain et Here’s To What We Made auraient un tracklisting différent (une face complète de démos enregistrées en 2006 en plus pour le second). Quoi qu’il en soit, ce disque posthume laisse un témoignage autrement plus saisissant de la musique de Playing Enemy que l’ennuyeux Accessory.
Cinq titres ce n’est pas grand-chose mais c’est déjà beaucoup, surtout lorsqu’ils sont de la qualité et de la (haute) tenue de ceux que My Life As The Villain donne à entendre. D’entrée le son claque, énorme, volumineux, enveloppant. Si pour vous noise rime avec Dazzling Killmen -il y a des différences lexicales et régionales qui font que pour certains noise est synonyme de Sonic Youth alors que pour d’autres ce terme évoquerait plutôt Unsane, va comprendre- et bien My Life As The Villain vous fera autant pleurer et regretter la disparition d’un grand groupe que Recuerda l’avait fait pour la bande à Nick Sakes.
Alors que l’énorme majorité des formations hard core/noise ont gonflé leurs guitares au metal et tricotent à la batterie des rythmes époustouflants mais incompréhensibles, Playing Enemy était le garant d’une tradition efficace et jamais démentie que constitue le power trio. Une batterie qui bien que complexe n’oublie jamais de prendre suffisamment d’élan pour garder une allure de géant, une guitare qui n’a que faire des leçons données par le grind ou le death (ici on n’est pas chez Today Is The Day) et une basse parfaitement en place c'est-à-dire correctement mise en avant, c’est un réel plaisir de l’entendre se tendre et claquer comme une bonne torgnole amoureuse de rugbyman à un collègue après un essai transformé. Les titres sont plutôt de la veine complexe (breaks, cassures, reprises, machins et trucs) mais ont un vrai confort d’écoute : My Life As The Villain c’est du grand tordu qui va droit au but. Qui dit mieux ?

jeudi 26 juin 2008

Toute une vie bien ratée






















 


Ruined Lives. Le titre de ce disque est tout simplement épatant. Ça sent le nerd et la lose à plein nez, parfait pour l’auto apitoiement et les gueules de bois à répétition. Si tu as envie de pisser, vas-y c’est le moment, tu pourras toujours lire cette chronique plus tard (ou pas). Le titre donc. Et les illustrations de la pochette auxquelles je ne comprends rien, j’aurais préféré une photo aussi moche que celle du single sorti quelques semaines avant. Ah, et puis, en parlant de ce single, la bonne nouvelle c’est que les deux titres gravés dessus sont restés inédits. Transistor Transistor a eu le bon goût de ne pas les remettre sur l’album. Chouette.
C’était déjà perceptible sur Young Vampires of New Hampshire mais avec Ruined Lives c’est devenu une certitude : en confiant la production à Kurt Ballou le groupe est parti à la pèche au gros. Et est revenu avec un son de guitare bien plus épais qu’auparavant, une batterie plus massive, bref ce disque sent la boisson énergisante et la salle de musculation. On pouvait craindre un résultat aussi pitoyable que celui offert par Alex Newport produisant Numbers (sur l’album We’re Animals je crois, mais le talent de l’anglais n’avait pas suffi à améliorer un groupe dont de toutes façons on ne peut rien attendre) et oui, ça choque tout ce volume, ça taquine l’oreille, on reconnaît sans s’y retrouver complètement. Transistor Transistor lâche du leste sur son côté bordélique et inachevé, devient plus proprement agressif alors que le groupe se contentait auparavant de n’être qu’irritant et casse couilles. Comment troquer sa frénésie punk contre un t-shirt moulant. (tu n’es toujours pas allé pisser ?)
Et puis on s’y fait à ce son. Alors on s’intéresse à tout le reste c'est-à-dire au principal : les chansons. Transistor Transistor c’est quand même une bande de sacrés branleurs. Trois ans pour enregistrer un nouveau disque donc on pouvait s’attendre à du riche en fruit et du multivitaminé question composition. Que dalle. Il y a de sérieux trous d’air sur Ruined Lives, des passages sans aucun intérêt avec des riffs de débutants et même des titres largement en dessous des autres. Rien de bien grave certes mais du coup la production de l’ami Kurt prend un caractère maquillage et ravalement pour groupe déficient bien trop prononcé. Alors heureusement que Transistor Transistor ne s’éparpille pas trop en route, à peine le temps de s’emmerder un peu que débaroule une petite pépite noise punk qui donne envie de s’agiter. Ouf.
Il en va donc de se disque comme de l’humeur du matin. Pile ou face. Pile, il faut écouter autre chose. Face, ça fait bien plaisir quand même. Seule grosse ombre rédhibitoire au tableau : le piano. Si c’est encore une idée géniale de monsieur Ballou et bien je ne le félicite pas. Qu’il retourne dans sa jungle. Sur The Ghost Hand ça pourrait encore passer, bien que sur ce coup là on frise l’émo nevropathe, trois minutes de nombrilisme avant de pouvoir danser la valse sur Harvest. Mais sur le final de Teratogen c’est carrément Richard Clayderman qui a été invité dans le studio. Engine Down n’aurait pas fait plus minable que cette comptine naïve et racoleuse et comme en dehors de ça ce titre est déjà l’un des plus faibles de Ruined Lives, cela laisse un goût de soupe sans sel dans la bouche, dommage. Il faut alors tout son courage pour réécouter tout le disque depuis son début fracassant (Morning Sickness et surtout Price Of Gazoline), éventuellement en entier, avant de s’apercevoir qu’il y a de très bonnes choses dessus, bien que peut être pas à la hauteur c’est vrai de White Knives, face B du single déjà cité. (n’oublie pas de tirer la chasse)

mercredi 25 juin 2008

Sightings et Tamagawa au Sonic














Ça sent l’été : il fait beaucoup trop chaud, il y a un nombre incroyable de jupettes et de belles jambes dans les rues, les connards d’automobilistes qui ont passé tout l’hiver à insulter les cyclistes qui ne respectent pas ce foutu code de la route se déplacent désormais à vélo et grillent tous les feux rouges qu’ils peuvent, le SMIC est rehaussé de 0.9 % (c’est la lutte pour le pouvoir d’achat) et lorsque j’arrive -très en avance- au Sonic, tous les membres des groupes devant jouer ce soir sont en train de manger et de se prélasser au soleil sur la terrasse de la péniche. Au loin les intégristes et royalistes du quartier d’Ainay répètent, comme tous les mardi, leurs airs de chasse à cour -en tenues de grands veneurs parait-il, un jour il faudra que j’aille vérifier ça de mes propres yeux.
Longtemps indéterminé, le groupe de première partie a enfin été annoncé dans la semaine : Tamagawa est venu en voisin depuis Saint Etienne, et c’est une excellente nouvelle. Tout comme on est en droit d’attendre beaucoup de la tête d’affiche, Sightings, depuis la parution de leur monstrueux album Through The Panama (sur Load records et Ecstatic Peace !), un disque qui a indéniablement fait passer le groupe à la vitesse supérieure.























La soirée tarde réellement à démarrer. Le public n’arrive pas, l’heure avance, la bière coule, les organisateurs font la gueule, ça suppute sur le concert de vendredi prochain (Today Is The Day), ça parle des concerts de la rentrée de septembre, c’est le rituel habituel, la même litanie, les mêmes regrets et les mêmes espoirs, blah blah blah.
Il est à peine plus de 22 heures lorsque Tamagawa commence son set. Contrairement à la dernière fois il est tout seul, tout son attirail est installé sur le devant de la scène, lui-même joue assis sur une chaise. Les touches d’un gros synthé ont été bloquées avec du scotch, notre garçon s’applique en premier lieu à installer des boucles lysergiques, tripatouille un peu, on remarque un vieux réveil digital sur le côté droit de la scène. Tamagawa empoigne sa guitare et superpose des accords en boucle sur la trame préexistante. Le roulis synthétique se transforme petit à petit en volutes psychédéliques, le développement est très lent mais irrésistible, sans accrocs, prenant et incitant à la rêverie comme aux hochements ridicules de la tête (ouais comme les chiens-chiens sur les plages arrières des voitures et qui acquiescent au moindre coup de frein). La musique s’arrête, un peu trop brutalement (pourtant le réveil n’a pas sonné…), mais elle aurait aussi bien pu continuer plus longtemps sur les mêmes motifs. Tamagawa remercie. Il ne jouera pas d’autres titres ce soir et je le regrette, c’était bien parti, confortable (malgré la chaleur), on ne pouvait entrer que tout doucement dans ce concert alors en ressortir aussi vite a un goût d’inachevé et de frustration.























Continuation du rituel annexe aux concerts. De nouveaux arrivants, quelques infos sur la soirée Burning Heads/Adolescents de la veille, deux cents entrées, ça fait que dans cette ville même les vieux ne se déplacent plus pour les concerts de vieux (je n’y suis pas allé non plus, hein…) et qui va aller se rajeunir aux Thugs la semaine prochaine ? Décidemment tout ça sent définitivement l’été.
Pendant que les Sightings s’installent sur scène tout le monde reste consciencieusement dehors car chacun sait qu’une fois les portes fermées et le concert commencé, le Sonic va se transformer en boite à sardines avec sauna et cabine à UV intégrée. La seule solution c’est évidemment de bien s’hydrater.
Le premier titre joué par Sightings est réellement perturbant : pas d’attaque formelle, pas de fil conducteur, un développement qui n’en est pas un, contrairement aux apparences les trois musiciens n’improvisent pas mais obéissent à une logique qui leur est propre, celle qu’ils ont inventé ensemble en montant ce groupe. Le son se montre particulièrement crispant, celui ultra métallique de la guitare (métallique au sens propre, comme lorsque on attaque une tôle d’acier à la meuleuse électrique) tout comme celui du bassiste qui privilégie un jeu percussif et dans les aigus, bourré d’effet.


















Lorsque ce même bassiste fracassera la corde du haut de son instrument, cela ne le dérangera pas le moins du monde, il finira la fin du concert sur trois cordes, toujours avec ce jeu bizarre (et parfois lead) qui ne ressemble sûrement pas à ce l’on attend généralement de la pratique d’un tel instrument. Côté curiosité, le batteur n’est pas en reste avec ses pads électroniques reliés à je ne sais quel dispositif installé derrière lui. La batterie sera largement sous exploitée pendant tout le concert et cela représente un sacré manque par rapport à l’album Through The Panama : où est passé le côté tribal et percussif du dernier effort de Sightings ?
Malheureusement, plus le concert avance et plus l’influence de ce disque s’approche de zéro : pas de rythmique tribale donc et pas de mélodies tordues mais accrocheuses non plus. Sur scène Sightings reste très proche de ses tout premiers albums et je comprends mieux pourquoi le groupe a enregistré dans le temps avec ce timbré de Tom Smith. Un morceau court et hurlé accroche l’oreille mais cela reste un concert difficile et hermétique, un peu vain. Le dernier titre joué, répétitif, lancinant et vicieux sera le meilleur du lot. Le concert de Sightings a duré quarante minutes chrono mais vu le caractère complètement fermé et obscur de la musique jouée, c’était peut être largement suffisant. Tout sauf du divertissement, l’exact opposé de la prestation du début de mois de Melt Banana, basée elle uniquement sur le fun et l’efficacité. Mais dans un cas comme dans l’autre il manquait un je ne sais quoi pour réellement faire un bon concert. Un peu de fond, peut être ?

mardi 24 juin 2008

Nadja & Black Boned Angel : que la lumière soit























Dernière chronique de la série (cela fait quand même quatre d’affilée…) à propos de Nadja : s’il doit y avoir une suite, ce sera pour les mois à venir et je ne doute pas une seule seconde qu’il va y avoir une suite, bande de stakhanovistes. Le disque dont il va être question est une collaboration entre nos canadiens et un groupe répondant au doux nom de Black Boned Angel. Un groupe pas si obscur que son nom l’indique puisque on y retrouve monsieur Campbell Kneale, alias Birchville Cat Motel, en plein délire de potache métallurgiste. Dire que Black Boned Angel est son projet le plus rock serait une énorme exagération mais il en est ainsi que sous cette appellation gogolgoth notre homme prétend faire une musique plus… carrée ? rythmique ? formatée ? acceptable ? audible ? Ha, ha, je crois que sur ce coup là je ne vais pas m’en sortir.
Christ Send Light
est une publication du label Battle Cruiser, lequel label est également une créature de Campbell Kneale, comme si il n’avait pas déjà suffisamment à faire avec son autre label, Celebrate Psi Phenomenon, sur lequel paraissent majoritairement les enregistrements de Birchville Cat Motel qu’il effectue à la fréquence d’un pétomane toulousain. Les disques estampillés Battle Cruiser ont cette particularité d’avoir tous le même visuel c'est-à-dire une impression monochrome (argentée) sur une pochette en carton noir épais avec une quantité d’informations imprimées proche du zéro absolu. Beau et austère comme une messe noire chorégraphiée par Gisèle Vienne.
Il n’y a qu’un seul titre sur ce disque. Dès la première écoute on se dit que c’est peut être suffisant. A la deuxième on est contant qu’il n’y en ait pas deux. A la troisième le morceau a désormais laissé une emprunte vivace dans votre cerveau (ou ce qu’il en reste, tout dépend de l’âge que l’on a). A la quatrième on cherche, sans en avoir l’air, des bonnes raisons d’aimer ce Christ Send Light. Inutile de cacher que ça chante, voire même que ça vocalise en choeur, peut être en canon et que la mélodie de chant est à mi chemin entre l’hymne de supporters de football et We Are The World : voix qui réussissent l’exploit d’être à la fois traînantes et emphatiques, angéliques et appuyées. En tendant bien l’oreille on croirait reconnaître Brian Adams, Freddy Mercury et Demis Roussos mais ces trois là étant morts et putréfiés on est bien forcé de saluer les prouesses d’un mixage moderne. C’est tellement kitsch, comme si Justin Broadrick faisait son coming out et postulait à la Starac, que cela devient aussi fascinant de dégoulinades qu’un slow de Boris. Il y a, je l’avoue, une certaine perversion à aimer ce disque mais je l’aime quand même.
Christ Send Light
a été enregistré en même temps que deux autres titres qui vont bientôt faire l’objet d’une autre parution conjointe de Black Boned Angel avec Nadja sur le label 20 Buck Spin. Attendu également pour le début du mois de juillet sur le label Consouling Sounds, un The Bungled And The Botched cette fois ci sous le nom de Nadja seul. Quand je vous disais que l’on n’en a pas encore fini avec ces canadiens…

lundi 23 juin 2008

Magma To Ice




















A l’origine revue à la parution rare mais régulière (en gros un numéro par an), Feardrop a donné naissance dès 1998 à un label, Fario, aux productions tout aussi disséminées dans le temps. La quasi totalité des références du label concerne des split albums incluant même des collaborations étroites : ainsi tout a commencé avec un CD regroupant Fragile, projet solo d’Hervé Thomas également guitariste/chanteur de Hint, et Dither, c'est-à-dire Marc T de Dirge en échappée solitaire. Ont suivi des contributions de Mick Harris, Francisco Lopez, Rapoon ou Troum tandis que sont annoncés pour le courant de l’année 2008 Thomas Köner, Charlemagne Palestine et Janek Schaefer. La dernière publication est celle d’un split CD/collaboration entre Netherworld et Nadja, c’est celle qui nous intéresse.
On oublie rapidement la présentation beaucoup trop digitale de l’objet et ses illustrations sans âme : les photos (manipulées) sont l’oeuvre d’un certain Alan McClelland dont on peut apprécier ou pas le travail ici. Tout ce bleu azoté et numérisé n’est pas forcément la meilleure entrée en matière pour apprécier ce disque mais passons.
Les trois premiers titres sont signés Netherworld et balisent un territoire musical ultra connu et maintes fois défriché, celui de la musique ambiante et atmosphérique. L’impression de départ est celle d’une glaciation à outrance des sonorités utilisées, d’un recours sans retenue aucune à la froideur digitale, finalement la pochette de ce disque était une bonne indication de son contenu. Mais cette première impression n’est pas forcément la bonne : le garçon italien dernière l’appellation de Netherworld est de toute évidence un grand admirateur des paysages givrés de Thomas Köner et en bon suiveur appliqué il arrive parfois à créer l’illusion. Le titre du milieu, Frozen Divinity, est le plus réussi parce qu’il utilise des samples extraits de quelques grands airs de la musique classique romantique. Là non plus il n’y a rien de fondamentalement nouveau mais cela étoffe singulièrement le propos.
De l’épaisseur, c’est bien ce dont il s’agit avec Ice To Magma qui est le titre enregistré en commun par Netherworld et Nadja. On arrive très bien à y discerner qui a fait quoi, comme si de l’huile surnageait dans de l’eau sauf que le mélange a tendance à prendre et qu’il est agréable -plus de grésillements, plus de lourdeur, moins de surfaces planes et beaucoup moins de blanc stratosphérique. Dans la continuité, Kriplyana est l’unique titre présenté par Nadja (mais dix neuf minutes quand même) et représente le versant ambiant du duo canadien. Ce titre peut être appréhendé comme une intro à rallonge ou un final étiré d’une composition habituelle de Nadja mais il fonctionne très bien tout seul, contrairement aux apparences il n’est pas exempt de percussions ni de narration. Tout l’intérêt de Magma To Ice provient évidemment de cette fin de disque, ce n’est pas aujourd’hui que la loi universelle stipulant que sur un split il y a forcément un bon groupe (porteur) et un moins bon (supporté) va être remise en question.

dimanche 22 juin 2008

Nadja en concert et Aidan Baker en solo












Et Nadja en concert, ça ressemble à quoi ? Je n’en sais rien et ne le saurai probablement jamais, le duo canadien risquant fort de rejoindre la liste des groupes que je raterai toujours allègrement en live, à moins d’aller courir les festivals comme l’édition 2008 du Roadburn. En soi ce n’est pas si grave que ça mais c’est quand même avec une certaine curiosité que je me suis risqué à une écoute de Thaumoradiance, enregistrements en concert réunis par Archive records. Comme le titre le laisse supposer, on a droit ici à une version de Radiance Of Shadows et à une autre de Thaumogenesis (radio edit) c'est-à-dire à l’origine deux des meilleurs compositions de Nadja. On reste serein, on se cale confortablement dans le fauteuil du salon, on monte le son de l’ampli et on attend de voir et d’entendre ce qui se passe en regardant les mouches voler.
Radiance Of Shadows
qui ouvre le disque est absolument somptueux. Le son, bien évidemment moins léché, est toujours aussi massif et froid -et je ne dis pas ça parce que c’est une nouvelle fois James Plotkin qui est responsable du mastering. Non, cette interprétation est tout simplement monstrueuse, Baker joue très bien de sa voix (d’abord les murmures puis la colère) et la musique escalade sans faiblesse un crescendo dramatique absolument imparable. Magique. Du coup Thaumogenesis apparaît presque comme décevant… alors qu’en fait il n’en est absolument rien : ce titre est juste moins mis en scène, moins dramatique tout en demeurant encore une fois un parfait exemple de l’art musical de Nadja. Il y a donc de bonnes chances pour que Thaumoradiance soit une excellente captation du groupe en concert. Et en plus -comme toujours chez Archive- la présentation et l’artwork du disque sont impeccables, je ne suis pas très fan de Seldon Hunt mais les couleurs de sa forêt psychédélique sont très belles.






















Jusqu’ici, les travaux solo d’Aidan Baker n’avaient guère trouvé grâce à mes oreilles. Avec I Will Always And Forever Hold You In My Heart And Mind on frise directement l’excellence. Je remercie mille fois et à genoux s’il le faut le micro label Small Doses, spécialisé dans l’édition de CDr à tirages ultra limités, d’avoir sorti ce disque. OK, l’illustration est moche, la présentation est cheap et chacun des morceaux a pour titre l’un des douze mots composant le titre de l’album, procédé un rien facile mais on passe au dessus de ces considérations pour geeks et midinettes : voilà un disque efficace lorsque on veut écouter autre chose que de l’agressivité et de la saturation.
Pourtant il ne s’est pas fait chier, Aidan, il s’est enregistré à la basse puis à la guitare et a superposé tout ça tel quel. Le résultat a un rendu très herbeux (non, pas quand on a la fume, plutôt lorsque on marche dessus pieds nus) et doucement aquatique. C’est bien la première fois que ce genre de bidouille développe autant de charme et de plénitude sans tomber dans les travers néo new age et la complaisance du grand sage vénéré. Objectivement, on peut trouver des longueurs et des facilités à I Will Always And Forever Hold You In My Heart And Mind mais ce disque respire tellement la tranquillité que l’abandon total n’est jamais très loin. A écouter selon l’humeur très fort ou tout doucement, mais jamais entre les deux.

samedi 21 juin 2008

Nadja / Tümpisa vs Trinity





















L’amateur moyen pensait être débarrassé du cas Nadja après la parution du mitigé Desire In Uneasiness et bien non : ce serait bien mal connaître Aidan Baker et Leah Buckareff qui ont plus d’un tour dans leur sac ou plus exactement plus d’un enregistrement de leur groupe sur leur disque dur. Nadja confirme une fois de plus que le duo est un animal de studio, prêt à pondre du son au kilomètre, multipliant les sorties sur autant de labels différents que l’on puisse imaginer. Pourquoi pas, tant que la qualité est au rendez-vous.
Voilà donc Tümpisa, un bel objet qui se présente sous la forme d’un split LP avec d’un côté Nadja et de l’autre 5/5/2000. Du bon gros vinyle bien lourd dans une épaisse pochette cartonnée avec inserts à l’avenant et, c’est tellement la mode que ce n’est même plus une surprise, un CD qui reprend exactement le même tracklisting que le LP. Accident Prone, label californien ayant assuré cette sortie, affirme que ce disque est déjà épuisé.
La face Nadja ne comporte qu’un seul titre de quelques vingt minutes. Spahn est du metal atmosphérique totalement dans la lignée de tous les enregistrements précédents de Nadja, oui mais c’est un enregistrement avec boite à rythmes et après l’échec relatif de la tentative d’inclure un vrai batteur dans le line-up de groupe, ce retour aux fondamentaux industriels du duo fait plaisir à entendre. Nadja sait faire principalement deux types de morceaux, ceux qui montent et ceux qui descendent. Spahn est un titre qui descend c'est-à-dire qu’une fois bien mis en place, le son du groupe s’altère progressivement, donnant une sensation d’ensevelissement très apaisante malgré le côté sombre de la musique. Rien de nouveau mais que du bon.
La face 5/5/2000 propose trois titres de musique ambiante mais lourde : on croirait entendre une intro à rallonge d’un long morceau de Nadja mais il n’en est rien puisque derrière ce nom mystérieux -tiré de 5/5/2000 - Ice: The Ultimate Disaster, un bouquin mi écolo catastrophiste, mi mystico divinatoire d’un certain Richard Noone, pas lu- on trouve Travis Ryan, un membre de Cattle Decapitation (à l’origine un side project très basiquement grind de certains membres de The Locust mais aujourd’hui un groupe de death metal peu inspiré, si ce n’est par le végétarisme et alors qu’il n’y a plus aucun membres de The Locust dedans). 5/5/2000 se propose d’élaborer la bande son de la fin de notre monde, on entend plutôt de la musique d’accompagnement pour un film de vampires post romantiques pour teenagers gothiques et en plein désarroi. Agréable sans plus.



















Trinity est un peu plus ambitieux que Tümpisa. Ce CD limité à 500 exemplaires numérotés présente un titre d’Aidan Baker, un titre de Leah Buckareff et un titre de Nadja -d’où le TrinityDie Stadt, label allemand, nous a plutôt habitué à des publications tout aussi confidentielles et obscurantistes (Hafler Trio, Organum, Illusion Of Safety, Z’ev, Thomas Köner…) et à l’écoute ce trinity ne dépareille pas du reste du catalogue du label.
On commence avec Aidan Baker dont le Carrizozo fait un peu peur au départ : guitare acoustique au son désagréablement métallique en pleine phase d’accordage, confusion des sources sonores, absence de visibilité du paysage. Heureusement, Baker arrive en fin de parcours à donner plus de densité à l’ensemble mais on pourrait presque dire qu’il ne s’est pas trop foulé.
Socorro
est la partie composée par Leah Buckareff : ambiance plus (sour)noise, fausse rythmique, va et viens de sonorités abrasives, vrombissements de basse de plus en plus envahissants. Même si ce titre évolue d’une façon somme toute très classique l’élève a fait beaucoup mieux que son maître. Vive les femmes. La conclusion de Trinity est donc Jornada Del Muerto, un titre de 17 minutes signé Nadja et au sujet duquel on peut appliquer exactement les mêmes conclusions que celles déjà énoncées un peu plus haut à propos de Spahn. Sauf que Jornada Del Muerto est un titre ascendant, qui vous prend aux tripes et vous tord l’échine. A défaut de surprendre Nadja peut encore donner le frisson et c’est bien là le principal.

vendredi 20 juin 2008

Visibilité et rentabilité de la politique culturelle
























C’est la deuxième audience pour Barbe à Pop et cela tombe très mal : contrairement aux fois précédentes je n’ai rien pu faire pour me libérer. Je me contente donc d’arriver au palais de justice de Lyon sur le coup des huit heures et demi, histoire de fumer une clope ou deux et de discuter avant de partir travailler. Cela me met d’autant plus en rogne de ne pas pouvoir rester et assister à cette audience qu’il n’y a pas grand monde qui s’est déplacé pour soutenir Barbe à Pop. Les gens arrivent quand même petit à petit, je vois l’heure pour moi d’être obligé de quitter les lieux mais je traîne, de toutes façons j’ai décidé d’être en retard.
Je ne regrette pas ce passage éclair sur le parvis du palais de justice pour une seule et unique raison : l’un d’entre nous exhibe un encart récupéré dans le dernier numéro des Inrocuptibles, dedans on trouve un DVD de concerts filmés et s’étant déroulés à Lyon ainsi qu’un laïus du maire Gérard Collomb expliquant combien il est attaché à la défense des musiques actuelles dans sa ville. Ce magnifique encart à la gloire de notre ville aurait été coordonné par Pierre Bouchard, chargé de mission à la mairie de Lyon. Le contraste est vraiment formidable avec le pourquoi et le comment de procès du jour : qui ne respecte pas la législation en matière de panneaux d’affichage libre ? qui traîne des pieds pour aider financièrement le Sonic ou le Grrrnd Zero ?
Alors que le gouvernement à la tête de l’Etat parle de plus en plus d’allouer ses subventions et aides diverses en matière de culture en fonction de critères de popularité des spectacles (sic) proposés voire même en fonction de leur rentabilité (inversant ainsi la logique d’une politique culturelle neutre et désintéressée), on aurait pu peut être espérer que la mairie de Lyon -d’une couleur politique différente- reste garante d’une certaine pluralité ou au moins ne fasse rien pour entraver les organisations et associations qui elles y croient encore. Avoir un lieu pas trop cher pour y faire des concerts, avoir le droit de coller des affiches pour assurer un peu de promo et bien rigoler ce n’est quand même pas trop demander, non ? Finalement celles et ceux qui continuent vaille que vaille dans leur coin ont sûrement raison -le do it yourself c’est ça le vrai libéralisme, sauf qu’un libéralisme qui ne prône ni l’enrichissement ni l’accumulation ça fait désordre.

[Je relaie ici des extraits du compte rendu écrit par l’un des porte-parole du collectif pour l'affichage libre à propos de cette folle journée :
Pour commencer, un grand merci à toutes celles et tous ceux qui ont pu venir au procès de l'asso Barbe à Pop ce Jeudi 19 Juin !!! Il devait bien y avoir une soixantaine de personnes présentes alors, ce qui est déjà une petite victoire en soi, comme il s’agissait rien moins que de la 4ème comparution ... en seulement 6 mois ! Merci à VOUS !!!
La salle d’audience était bien pleine. Rappelons combien il est important de leur montrer combien ce mouvement de résistance peut mobiliser de gens sur Lyon lors d’un procès. Chose faite, même si on peut toujours regretter la plus grande affluence des audiences du Sonic.
Par contre, la ville avait bel et bien dépêché rien moins qu’une douzaine de policiers (CRS ?!) pour nous, craignant sans doute le pire. « Tremble Lyon, tremble. » Notre avocat a d’ailleurs ironisé là-dessus, sur notre supposée dangerosité revendiquée (quoique) et sur les inutiles dépenses de la ville pour employer ces gens-là lors de l'audience, quand il ne s'agit pas de l'Unité Cadre de Vie verbalisant à tour de bras les petits colleurs d'affiches sauvages. A quoi sert l’argent public ? A ça. Surveiller et punir l’affichage libre.
On a eu droit à 2 autres affaires avant la nôtre. Des choses assez comiques pour ainsi dire, surtout du fait des interventions assez ubuesques du substitut du procureur.
Pour ce qui est de notre affaire, l'intervention du substitut du procureur a été assez directe et courte (très courte), pas très développée ni étayée pour ainsi dire.
Il a dit en substance que, comme Seb de l'asso Barbe à Pop reconnaissait bel et bien avoir commis lesdites infractions (Seb reconnaît avoir collé lui-même ces affiches), vu que son asso n'était pas une asso "à but humanitaire" -"comme on voudrait bien le faire croire aux gens" ou bien "le lui faire croire" !?!-, comme Seb se fait très certainement de l'argent avec ses concerts (concerts à but lucratif, donc), il demandait donc le paiement des amendes, majorées de 15 Euros chacune, soit 50 Euros par affiche collée au lieu des 35 du départ.
Le substitut -dont la pièce manquante, responsable de l’ajournement de la dernière fois, était la surface réelle que la ville de Lyon utilise déjà pour les panneaux d'affichage libre- a aussi mis en avant que la ville de Lyon était presque à la norme, à 20-25 mètres carrés près, surface dérisoire à ses yeux, renforçant donc le caractère illégal desdits collages. Il a enfin argué du fait qu'il n'imaginerait personne content du fait de voir collées de telles affiches sur les murs de son propre immeuble ou dans sa rue un jour.
Après ça, la plaidoirie de notre avocat, Maître Couderc, a été assez longue et argumentée, mettant en avant les contradictions et illégalités commises par la ville elle-même et les grosses structures (collant aussi bien dessus qu'en-dehors des panneaux d'affichage libre, preuves photos à l‘appui), puis se rapportant aux textes de loi, dont l'un très important qui stipule qu'aucune poursuite ni amende ne peut avoir lieu ni être demandée tant que la ville n'est pas à la norme côté surface de panneaux légaux (quelle que soit la surface manquante). Le juge a d’ailleurs demandé que l'avocat lui fournisse cette pièce.
Pour démonter les arguments du substitut : - personne n'a jamais dit que cette asso était humanitaire (!), mais si petite soit-elle elle contribue à la ville culturelle "alternative" lyonnaise - en organisant des concerts à but non lucratif (s'il y a un prix d'entrée, c'est simplement parce qu'il faut payer les groupes qui jouent).
Il a aussi insisté sur le fait que ces affiches étaient vraiment toute petites (et, qu'à ce titre, peut-on raisonnablement parler de pollution visuelle, de "saleté" ?), comparées à celles collées par le Transbo, la ville ou d’autres structures commerciales, lesquelles, autant qu‘il le sache, ne sont pas soumises à de telles poursuites ou procès.
Émettant aussi l'hypothèse que le substitut serait certainement encore moins aise de constater un jour que le mur de son immeuble aurait été recouvert par des grandes affiches de concerts commerciaux ou bien encore par de grandes affiches de la ville de Lyon (Biennale par exemple). Moment de douce hilarité dans la salle. Notre avocat a ainsi essayé de recentrer le débat, expliquant qu'il n'était pas celui de "ville propre versus ville sale", mais qu'il dépassait largement ce cadre-là. Et profitait du soutien de structures officielles s'occupant des musiques actuelles au niveau national. De même, alors que la ville sanctionne à tout va les petites structures associatives, il a rappelé que le collectif s'était créé pour, entre autres, entrer en discussion et faire des propositions à la ville de Lyon, sans pour autant que cette discussion ou que ces propositions soient réellement entamées et suivies d'effets, du côté de la ville.
Il a enfin illustré la contradiction dans laquelle la ville de Lyon se trouve, avec l'exemple de l'exposition consacrée à Keith Harring, artiste américain dont le travail est maintenant reconnu et exposé dans les musées, alors que la plupart de ses oeuvres (tags etc) ont été réalisées dans la rue, dans le métro, illégalement. L’avocat a donc fini par demander la relaxe pure et simple, et que la ville change sa politique pénale à l'égard de l'affichage libre et de ces petites assos organisatrices de concerts.
Le juge a remis les délibérés au Jeudi 18 Septembre ! A quelle sauce sera t’on mangé-e-s ? Que nous prépare t'on ? On le saura le 18. Enfin, rappelons que 2 autres assos ont fait opposition, et que les procès sont en cours, qui auront tous deux certainement lieu à la rentrée. Pour info, il s’agit de ceux de Damien Bronzy et de Pierre Ostrobtonie. La lutte pour la défense l’affichage libre continue, prenant des allures de course de fond. ]

jeudi 19 juin 2008

Barbe à Pop, le retour
























Un nouvel appel à soutien de la part du collectif lyonnais pour l'affichage libre à l’occasion de la deuxième audience du procès Barbe à Pop… Pour lire le texte en détail il suffit de cliquer dessus.

mercredi 18 juin 2008

Les joyaux de Blixa Bargeld






















Déjà un nouvel album de la part d’Einsturzende Neubauten ? Techniquement, il y a plusieurs choses à dire sur The Jewels. D’abord les quinze titres qui figurent dessus faisaient partie de la phase 3 du programme que le groupe avait réservé à ses fans die-hard : en gros tu paies la souscription et tu as le droit à du matériel inédit, sur CD, DVD, etc. Dans le cas de The Jewels, il s’agit de titres réservés et à l’origine uniquement disponibles sous forme de téléchargements, ce que le site official du groupe désignait comme a newly recorded digital download of a miniature track (so-called "Jewels") per month for 12 months, which will form a digital-only album that will not be otherwise available. Cela veut bien dire ce que cela veut dire, les binbins qui ont payé pour financer les enregistrements de Neubauten et la coke de Blixa Bargeld ont gagné de la musique exclusive qui désormais est disponible de partout et surtout dans les bacs des magasins de disques sous la forme d’un très joli CD édité par le label Potomak. Cherchez l’erreur.
Comme je n’ai pas fait partie des souscripteurs, je devrais m’en foutre un peu. Mon égoïsme forcené me fait même apprécier l’aubaine de ce Jewels. Parce que celui-ci est très loin d’être anecdotique. Alles Wieder Offen, précédent album des allemands, m’avait réconcilié avec le groupe -pas mal, après une brouille de douze années- sans pour autant annihiler toute réserve et méfiance, bien naturelles il faut le dire vis-à-vis d’un groupe capable de singer pour le pire le néo romantisme de cabaret. Avec Jewels, ce genre de travers semble être définitivement oublié. Sans revenir au chaos sismique des premiers disques (et d’ailleurs, à quoi bon ?), Einsturzende Neubauten se sert à nouveau de quelques éléments simples mais nécessaires et suffisants lorsque on prétend verser dans l’expérimentation, non je ne parle pas de nouvelles drogues ou d’un changement de marque de céréales au petit déjeuner : spontanéité, aventurisme et chasse au superflu.
Est-ce la faute au processus d’élaboration des titres que l'on retrouve sur ce disque ? Si on en croit le texte écrit par Blixa Bargeld et qui est imprimé dans le livret, les thématiques et paroles des chansons sont directement tirées de ses rêves -car il consigne ses rêves depuis des années sur son notbook, il en a des centaines de pages et on se demande pourquoi il ne s’en est par servi plus tôt. Surtout, la composition proprement dite semble avoir découlé d’un jeu de hasard à base de cartes (et inspiré du tarot) donnant à la fois des indications sur la direction à prendre tout en limitant le champs des possibles. Tout cela est montré dans le film de quarante minutes gravé dans la partie rom du CD, à condition de comprendre l’allemand…

Comme on dit, c’est sous la contrainte que l’imagination opère des miracles et des miracles il y en a plus d’un sur The Jewels, collection de vignettes sonores (comprendre par là que les titres sont courts, dépassant rarement les trois minutes) convoquant une certaine nervosité, des idées parcellaires mais toujours exploitées à fond sans jamais -donc- être étirées sur la longueur, une alchimie poétique de la bricole qui tient a peu de chose (un son, un frottement, une pulsation, une résonance…) et surtout un Blixa Bargeld qui sans s’arracher les cordes vocales retrouve un peu de tenue et oublie de singer les crooneries de son ex partenaire Nick Cave. Les cinq Neubauten sont enfin revenu sur leurs affirmations démagogiques à propos du silence : dans leur cas, celui-ci n’avait rien de sexy, il était tout simplement vulgaire.

mardi 17 juin 2008

Force The Hand Of Chance & Dreams Less Sweet






















On a beau savoir que Stevø, boss du label Some Bizzare, est un escroc notoire et que toutes les rééditions du back catalogue du label qu’il publie actuellement ne sont peut être motivées que par l’appât du gain et qu’une fois de plus les musiciens/groupes ne vont toucher aucune royalties, on est quand même admiratif… Some Bizzare avait déjà fait très fort en ressortant l’année dernière Hole, Nail, Thaw et Sink, quatre disques essentiels de Foetus, puis en enchaînant sur The Unacceptable Face Of Freedom et Beating The Retreat de Test Dept. Le label annonce également pour août 2008 les rééditions de Scatology et de Horse Rotorvator de Coil -le groupe avait pris les devants dès 2001 en faisant ses propres rééditions et en imprimant directement sur les pochettes Stevø, Pay Us What You Owe Us!, ambiance.
Qu’importe donc les motivations puisque Some Bizzare vient également de rendre à nouveau disponibles les deux albums que Psychic TV a jamais enregistrés pour le label : Force The Hand Of Chance (1982) et Dreams Less Sweet (1983). A l’époque de ces deux disques qui comptent parmi les meilleurs du groupe, le line-up comprenait encore -outre Genesis P-Orridge le roi des freaks et des allumés- Alex Fergusson, Peter Christopherson (pas encore définitivement parti s’occuper à plein temps de Coil) mais aussi David Tibet et John Balance.














L’écoute de Force The Hand Of Chance, même après tant d’années, provoque toujours un saisissant contraste par rapport à l’époque Throbbing Gristle (dont rappelons-le Genesis P-Orridge et Peter Christopherson sont directement issus) : que dire de toutes ces mélodies 60’s, de ces choeurs tout droits sortis d’un album des Beach Boys, de ce dépouillement formel pas très éloigné du Velvet Underground (la grosse influence du disque), du funk ultra répétitif de l’hymne Ov Power ? Rien à voir avec la terreur industrielle pratiquée auparavant et dont il semble qu’il subsiste encore quelque chose aujourd’hui. Force The Hand Of Chance est un album de rock, oui, de rock tordu et dévié mais de rock quand même. A noter que cette réédition comprend en guise de deuxième CD Themes, à ne pas confondre avec Themes part 1 qui était lui un disque bonus accompagnant les premiers exemplaires de l’édition vinyle originale. Themes part 1 était censé être la bande son des rituels du Temple Of Psychic Youth, l’organisation spirituelle et politique montée en parallèle à Psychic TV par Genesis P-Orridge et à la limite du sectarisme, ce dernier en étant bien sur le grand gourou. Quoi qu’il en soit Themes, qui regroupe les inédits et faces B de l’époque de Force The Hand Of Chance, est un honnête complément à celui-ci, plus expérimental et ambient, utilisant des instruments acoustiques donnant une atmosphère passablement rituelle (Three Full Pack), avant de retomber dans la chansonnette (Just Drifting, dans une version différente de celle de l’album).
La synthèse est effectuée par Dreams Less Sweet publié l’année suivante et enregistré selon un procédé de rendu sonore en trois dimensions (même avec une écoute attentive au casque c’est très difficile de s’en faire une idée exacte…). Dreams Less Sweet est le chef d’oeuvre inégalé de Psychic TV, balayant un spectre musical aussi large qu’inattendu, de la pop mielleuse à de la musique industrielle telle que l’avait initiée Throbbing Gristle, le tout dominé par les textes ultra ironiques de Genesis P-Orridge, notamment sur l’appropriation de son propre corps comme dernier tabou à écraser (il était dès le début des années 80 amateur de piercing et de nos jours, après plusieurs opérations, ressemble plus à une vieille maquerelle qu’autre chose). Dreams Less Sweet est la preuve irréfutable que Genesis P-Orridge n’était pas qu’un provocateur et un cinglé mais il faut dire aussi que le groupe qui l’accompagnait alors était singulièrement bon et composé de musiciens hors catégorie. Ceux-ci ont rapidement quitté le navire et par la suite Psychic TV s’est très largement englué jusqu’à se vautrer dans le désintérêt le plus complet. Il parait que c’est ainsi que naissent les légendes.


lundi 16 juin 2008

Grey Daturas / Return To Disruption





















 


Grey Daturas c’est vraiment un drôle de groupe. Difficile à cataloguer pour qui s’aventurerait à vouloir le faire. Une musique qui glisse entre les doigts dès que l’on essaye de s’en saisir. Mais une musique qui reste durablement en tête. Il y a plein de choses dedans, des choses archi-connues (noise, stoner, indus, psychédélisme, metal… liste non exhaustive) mais impossible de mettre le doigt à l’endroit exact où tout se met en place, où tout semble enfin s’accorder pour nous dire : bonjour, nous sommes les Grey Daturas, un trio australien qui pratique du rock instrumental. Tout ceci est fondamentalement inexact parce que terriblement incomplet mais on s’en contentera.
Grey Daturas vient donc de Melbourne, Australie, ville et pays où le rock’n’roll le plus déviant et le plus sauvage (rien qu’en citant Birthday Party) explose sans crier gare, telle une vieille source affleurant au milieu d’un désert sans fin -un peu de poésie naïve n’a jamais fait de mal à personne. Grey Daturas est à la fois un groupe atypique, qui n’a rien à voir avec le rock racé d’un Witch Hats ou la noise nerveuse d’un Scul Hazzards pour citer deux formations contemporaines, et qui en même temps s’inscrit parfaitement dans cette logique du ailleurs, autrement qui semble animer l’ensemble des groupes australiens intéressants (dont bien sûr les deux déjà cités). Les trois Grey Daturas sont plutôt versatiles, l’écoute de leur excellent Dead In The Woods (2004, réédité l’année dernière chez Crucial Blast) est à ce niveau plutôt périlleuse -oui c’est du rock, souvent bruyant et pas très carré, mais au-delà ? Et bien lorsque on est capable également de singer Monarch à l’occasion d’un split album partagé avec ceux-ci, au point de faire tourner l’auditeur en bourrique, on est sûrement capable de tout.
C’est Neurot records qui publie Return To Disruption, troisième ou quatrième album du groupe qui a également à son actif une flopée de splits en tous genres. Le label de Scott Kelly permet ainsi de donner un éclairage supplémentaire sur les australiens et cela tombe très bien : ce disque le mérite amplement. Tout commence avec la tornade Beyond And Into The Ultimate qui avec sa rythmique bloquée en mode martèlements et ses guitares en continu assène deux ou trois vérités, genre c’est nous, on est énervé et on va faire du bruit. Pas mal du tout pour un groupe qui prétendument improvise tout, ne compose rien et n’a jamais répété, ach ! Mode opératoire auquel on croit bien davantage sur le morceau titre et ses percussions qui gratouillent et qui craquent, un interlude presque, et qui tranche violemment avec les guitares précédentes. Balance Of Conveniance remet le couvercle noise sur la marmite en pleine ébulition et s’achève dans une belle démonstration de larsens. Answered By The Negative est une longue plage où Grey Daturas mélange sludge et psychédélisme. L’art de tout écraser et d’éparpiller les bouts qui restent aux quatre vents. Le mal nommé Unsdisturbed est formellement à déconseiller à tous les allergiques aux crissements et stridences de violons. Demarcation Disputes/Unity est un autre gros morceau psychédélique du disque, spatial et tendu, qui rapproche encore un peu plus la musique des australiens de celles de certains de leurs voisins néo-zélandais pour le côté à la fois nuageux, lo-fi et oppressant des guitares. L’ultime Neuralgia va également dans ce sens, celui d’un brouillard électrique foisonnant, avant de monter en puissance dans un déchaînement de saturation. Un final vraiment parfait.

vendredi 13 juin 2008

Today Is The Day























La tournée européenne de Today Is The Day et beaucoup plus localement la venue du groupe à Lyon le 27 juin (au Sonic) présente une excellente occasion de déblatérer un peu sur le groupe de Steve Austin et sur son dernier album en date, Axis Of Eden. Ben oui, la maxime belliqueuse inventée par les faucons -mais vrais connards- du Pentagone et du Département d’Etat américain retournée comme une crêpe, prends ça dans ta gueule. La pochette est dans le plus pur style d’Austin, paysan sudiste et grand amateur d’armes à feu : le droit de se défendre quoi qu’il arrive, même et surtout si ce droit est garanti par ceux que l’on considère comme ses propres ennemis. Encore une histoire de contradiction et de crêpe.
Axis Of Eden est le je ne sais de combientième album de Today Is The Day, il y a longtemps que comme beaucoup j’ai lâché l’affaire, d’abord perplexe face aux frasques métalliques du groupe et de son leader plénipotentiaire (Temple Of The Morning Star, qui a bien vieilli) puis dégoûté avant de devenir tout simplement insensible (In The Eye Of God ou Kiss The Pig). Une insensibilité comme une insulte jeté à la face d’un groupe qui est passé d’Amphetamine Reptile -l’incarnation même de l’héroïsme noise- à Relapse, le marketing metal jusqu’à l’extrême. Mais maintenant tout va beaucoup mieux. Steve Austin avait déjà son propre studio, en tant que producteur il est capable du meilleur, comme la façon dont il est arrivé à faire sonner les enregistrements de Circle Of Dead Children, et désormais il possède également son propre label, Supernova records. Non content de rééditer les premiers albums de Today Is The Day -à noter que la réédition de l’album Supernova ainsi que celle du troisième LP sans titre comportent des singles éparpillés en guise de bonus- Austin est le plus fier des hommes d’avoir pu publier Axis Of Eden par ses propres moyens. Ne rien devoir à personne, jamais et vive la liberté. Réflexe identique à celui concernant les armes mais avec des implications plus bénéfiques à mon goût (oui, ceci est bien un jugement moral de ma part).
Axis Of Eden a encore été enregistré avec une nouvelle section rythmique qui depuis a déjà changé donc ce n’est pas vraiment la peine de s’appesantir sur les détails si ce n’est que le batteur, un ex Hate Eternal je crois, est le dark lord de la double détente. Ça pédale comme sur un bon vieux disque de death metal tandis que Steve Austin en rajoute une couche supplémentaire dans le hurlement de porcinet revenu à la vie grâce à une piquouse de ce cher Herbert West, oui il a toujours aimé en faire trois milliards et ça, ça n’a pas changé.
Le bonheur de ce disque est dans sa diversité. Si, dès le début, IED ressemble à un lancer de grenade à fragmentation, il est directement suivi d’un Free At Last rampant, visqueux et plaintif. Today Is The Day a réussi avec Axis Of Eden à donner corps et homogénéité à toutes ses différentes directions musicales, du métal de gros lourd teigneux au psychédélisme maladif (ouais les tablas de If You Want Peace Prepare For War). Un véritable catalogue qui jamais n’a l’air d’en être un. Seul gros bémol : le son de cet album beaucoup trop sourd, Steve Austin devrait parfois apprendre à déléguer un peu et accepter de faire mixer ses disques par autrui, lui qui est si fort pour s’occuper de ceux des autres.

jeudi 12 juin 2008

Inevitable Collapse In The Presence Of Conviction























Dans la catégorie seconds couteaux, Soilent Green fait figure d’exemple parfait : des membres d’EyeHateGod (le guitariste Brian Patton) ou de Crawbar (le batteur Tommy Buckley), un chanteur au style souvent décrié et dont l’autre groupe (Goatwhore) est très loin également de faire l’unanimité. Longtemps affilié à l’écurie Relapse records, Soilent Green et son nom de science fiction ont décidé d’émigrer sur Metal Blade pour le nouvel album, rejoignant Goatwhore, justement. On passe rapidement sur les assassinat ou disparition -pour cause d’ouragan- des anciens membres, ces péripéties sordides le groupe n’en joue d’ailleurs pas plus que ça, quelques notes en forme d’hommage dans les pages du livret du dernier album, du loving memory en veux tu en voilà, de la fierté douloureuse de gros durs, de l’honneur tribal. C’est que Soilent Green est une formation originaire du même bled que les autres groupes déjà mentionnés, la Nouvelle Orléans et alentours, et c’est cette origine qui semble être l’élément déterminant dès que l’on aborde le sujet purement musical.
Pas de hard core noise, lent, lourd et poisseux à la EyeHateGod/Buzzov-en, pas de trip seventies et sabbathien non plus mais quelques accents marécageux de ci ou de là, des interludes vaguement cajun entre les titres, un son de guitare qui dans les parties lentes prend des airs étrangement connus. Parties lentes ? Oui car le reste du temps Soilent Green est en groupe qui manipule un grind à la fois technique et sauvage, de plus en plus proche des prouesses au scalpel d’un metal moderne et constipé -s’éloignant par là même du houblon et de la fumée bleu, reléguant le côté crust de sa musique à un esprit plus qu’à une forme d’exécution proprement dite.
En réécoutant l’album Sewn Mouth Secrets (datant déjà de 1998) on peut mesurer tout le chemin parcouru jusqu’au présent Inevitable Collapse In The Presence Of Conviction. Pour obtenir ce résultat bancal -la haute teneur en metal froid et dur du disque contraste fortement avec le riffing très southern de certains breaks qui pourtant nécessiteraient à la fois plus de gras et plus de moiteur- Soilent Green a été aidé par Erik Rutan, frontman d’Hate Eternal et ex Cannibal Corpse, également producteur et possédant son propre studio, studio tellement moderne et digital qu’il en donnerait une bonne et fatale crise d’apoplexie au binoclard de l’analogique. Il en résulte un album énorme de puissance dans le droite lignée de son prédécesseur (Confrontation, en 2005), enregistré dans les mêmes conditions.
Mais le plus gros apport sur Inevitable Collapse In The Presence Of Conviction est tout autre. Soilent Green -sans dévier de ses habituelles accélérations, depuis le temps le batteur a appris à faire des blasts efficaces- joue de plus en plus sur l’accroche mélodique et surtout sur un groove surpuissant et irrésistible dont il pare à merveille ses parties plus prosaïquement soupoudrées de boue sale et collante. Le groupe prend sans cesse des virages à 180°, dégainant des rythmiques infernales pour mieux déballer son gras double et ses tripes à l’ancienne. Soilent Green arrive finalement très bien à faire oublier le niveau de jeu très metal de son grind (les breaks successifs de Antioxidant) et on se dit que le groupe a fait le bon choix en optant pour ce type de production mettant davantage en relief ses particularités sudistes qu’on aurait pu le penser au départ.

mercredi 11 juin 2008

Venomous Concept / Poisoned Apple
























C’est bien connu, c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes et question vieux pot, Venomous Concept en connaît un rayon. Jugez plutôt : Kevin Sharp de Brutal Truth au micro, Dan Lilker des mêmes Brutal Truth à la basse, Shane Embury de Napalm Death à la guitare et Danny Herrera toujours du même groupe à la batterie. A noter qu’à l’origine le meilleur ami des nerds, King Buzzo des Melvins, tenait la guitare alors qu’Embury jouait de son instrument habituel : la basse atomique.
Le premier intérêt de Poisoned Apple (deuxième album du groupe publié en 2008 par Century Media mais enregistré il y aurait déjà deux ans, en 2006) c’est d’offrir du neuf côté Kevin Sharp, l’homme aux hurlements d’or et portant les plus belles chemises du monde : en effet il va falloir attendre encore un peu avant de pouvoir entendre un nouvel album de Brutal Truth reformé l’année dernière ou alors se contenter du malheureux titre de la compilation This Comp Kills Fascists lorsque celle-ci sera disponible.
Avec un peu de mauvais esprit on peut considérer que la désaffection de Buzz Osborne du poste de guitariste -c’est parce qu’il est beaucoup trop occupé par les Melvins mais il n’est pas sorti de l’auberge si on considère les versions de Nude With Boots à paraître début juillet qui circulent depuis presque deux mois sur le net- est une déception, faisant passer Venomous Concept du statut de super groupe partouzard à celui d’alliance anglo-américaine du punk hard core.
Et c’est en fait le second et principal intérêt de Poisoned Apple, ce pacte de fer, cette intransigeance à perpétuer la jouissance de chansons qui ne répondent qu’à deux ou trois caractéristiques essentielles mais suffisantes : c’est court, c’est speed et c’est violent. Parfois aussi jouissif qu’un vieux titre d’Exploited (mais la voix d’alcoolique écossais en moins) comme sur l’introductif Drop Dead, Venomous Concept n’hésite pas non plus à cracher ses gammes grind (Toxic Kiss, en deuxième position du disque). Avec des mid tempos tels que A Case Of The Mondays on en vient à soupçonner que c’est dans le registre de l’hymne à bière et au headbanging que nos quatre garçons sont les meilleurs mais peu de temps après retentit la furie simplissime d’un Workers Unite (agrémenté d’un magnifique solo de guitare au démonte-pneu) et soudain on sait, on sait que l’on écoute un disque qui tient toutes ses promesses alors qu’il n’en avait faite aucune, à part celle d’atomiser des lapins comme sur la magnifique illustration de la pochette. De l’énergie pure et enfin un véritable rayon de soleil de printemps.

mardi 10 juin 2008

(retour sur) Jazzwerkstatt


Déjà un peu évoqué ici, le label berlinois Jazzwerkstatt poursuit comme on dit son petit bonhomme de chemin : pas moins de huit nouvelles références ajoutées au catalogue en moins de six mois. Le credo du label reste le même, celui d’une scène improvisée européenne principalement centrée autour de la figure tutélaire de Peter Brötzmann, le grand schtroumpf du free jazz aylerien. Les parutions du label se partagent entre nouveautés et rééditions de disques introuvables, le plus souvent des disques initialement publiés par FMP. Ainsi la référence jw 060 qui en quatre CDs regroupés dans un magnifique coffret propose l’intégralité des enregistrements du Die Like A Dog Quartet (Peter Brötzmann au sax, Toshinori Kondo à la trompette, William Parker à la contrebasse et Hamid Drake à la batterie), à savoir : Framents Of Music, Life And Death Of Albert Ayler (1994), Little Birds Have Fast Hearts part one (1998) et part two (1999) ainsi que Aoyama Crows (2002). L’un des sommets de la carrière de Brötzmann, toujours bloqué c’est vrai sur l’intransigeance de l’époque Machine Gun, mais comment lui en vouloir ?




















On parlera du très beau disque de Phil Minton et de Veryan Weston (soit la moitié de 4 Walls) peut être une autre fois mais en attendant concentrons nous sur Low Life/Last Exit. Ce CD bien emballé regroupe deux albums, Low Life du duo Bill Laswell/Peter Brötzmann et Köln de Last Exit c'est-à-dire le quartet Peter Brötzmann/Sonny Sharrock/Bill Laswell/Shannon Jackson. Le principal (et gros) défaut de ce disque c’est que tout ne tenait pas dessus : ainsi Low Life a été amputé d’un titre, Barrier, tandis qu’il manque le Taking A Beating de Köln. L’avantage c’est que Low Life a ainsi à nouveau été rendu disponible et que cette édition double est nettement moins onéreuse que la réédition 2005 du seul Köln chez Atavistic, dans l’excellente collection Unheard Music Series.
A tous les réfractaires de Bill Laswell (dont je fais partie), précisons qu’à l’époque de l’enregistrement de ces deux albums -respectivement 1986 et 1987- celui ci n’abusait pas encore de son fameux son de basse à grosses bulles, ce son qui gâche complètement par exemple un disque comme The Last Wave publié en 1996 par Arcana (soit Laswell et Tony Williams accompagnant Derek Bailey) et occasionne une grosse poilade à chaque fois que l’on essaie d’écouter un enregistrement de la reformation de Massacre (avec Fred Frith et Charles Hayward). Non. Et en particulier sur Lowlife, enregistré à Brooklyn chez Martin Bisi, Laswell a su faire preuve d’une dureté et d’une âpreté de son comme rarement. De son côté, Brötzmann était ce souffleur terroriste au mieux de sa forme, ne se posant aucune question inutile.
Last Exit est un groupe à redécouvrir d’urgence et pour avoir une bonne vue d’ensemble de la discographie du quartet, autant se plonger dans les analyses pertinentes distillées à son sujet par Guts Of Darkness. Avec le recul, c’est la contribution du guitariste Sonny Sharrock qui reste la plus importante. Celui qui a débuté en 1966 en tant que sideman sur le Tauhid de Pharaoh Sanders était le guitariste estampillé jazz le plus sauvage et le plus violent de la planète, jetant toutes les bases du jazz core en intégrant des vrilles noisy à un sens du groove désossé et épineux. Pas loin d’être l’égal de Peter Brötzmann même lorsque celui-ci est au fait de ses hurlements au ténor, Sonny Sharrock est tout simplement inclassable… et pour se faire une petite idée du personnage, il faut lire cette excellente interview réalisée par Jean-François Pauvros.