mercredi 18 juin 2008

Les joyaux de Blixa Bargeld






















Déjà un nouvel album de la part d’Einsturzende Neubauten ? Techniquement, il y a plusieurs choses à dire sur The Jewels. D’abord les quinze titres qui figurent dessus faisaient partie de la phase 3 du programme que le groupe avait réservé à ses fans die-hard : en gros tu paies la souscription et tu as le droit à du matériel inédit, sur CD, DVD, etc. Dans le cas de The Jewels, il s’agit de titres réservés et à l’origine uniquement disponibles sous forme de téléchargements, ce que le site official du groupe désignait comme a newly recorded digital download of a miniature track (so-called "Jewels") per month for 12 months, which will form a digital-only album that will not be otherwise available. Cela veut bien dire ce que cela veut dire, les binbins qui ont payé pour financer les enregistrements de Neubauten et la coke de Blixa Bargeld ont gagné de la musique exclusive qui désormais est disponible de partout et surtout dans les bacs des magasins de disques sous la forme d’un très joli CD édité par le label Potomak. Cherchez l’erreur.
Comme je n’ai pas fait partie des souscripteurs, je devrais m’en foutre un peu. Mon égoïsme forcené me fait même apprécier l’aubaine de ce Jewels. Parce que celui-ci est très loin d’être anecdotique. Alles Wieder Offen, précédent album des allemands, m’avait réconcilié avec le groupe -pas mal, après une brouille de douze années- sans pour autant annihiler toute réserve et méfiance, bien naturelles il faut le dire vis-à-vis d’un groupe capable de singer pour le pire le néo romantisme de cabaret. Avec Jewels, ce genre de travers semble être définitivement oublié. Sans revenir au chaos sismique des premiers disques (et d’ailleurs, à quoi bon ?), Einsturzende Neubauten se sert à nouveau de quelques éléments simples mais nécessaires et suffisants lorsque on prétend verser dans l’expérimentation, non je ne parle pas de nouvelles drogues ou d’un changement de marque de céréales au petit déjeuner : spontanéité, aventurisme et chasse au superflu.
Est-ce la faute au processus d’élaboration des titres que l'on retrouve sur ce disque ? Si on en croit le texte écrit par Blixa Bargeld et qui est imprimé dans le livret, les thématiques et paroles des chansons sont directement tirées de ses rêves -car il consigne ses rêves depuis des années sur son notbook, il en a des centaines de pages et on se demande pourquoi il ne s’en est par servi plus tôt. Surtout, la composition proprement dite semble avoir découlé d’un jeu de hasard à base de cartes (et inspiré du tarot) donnant à la fois des indications sur la direction à prendre tout en limitant le champs des possibles. Tout cela est montré dans le film de quarante minutes gravé dans la partie rom du CD, à condition de comprendre l’allemand…

Comme on dit, c’est sous la contrainte que l’imagination opère des miracles et des miracles il y en a plus d’un sur The Jewels, collection de vignettes sonores (comprendre par là que les titres sont courts, dépassant rarement les trois minutes) convoquant une certaine nervosité, des idées parcellaires mais toujours exploitées à fond sans jamais -donc- être étirées sur la longueur, une alchimie poétique de la bricole qui tient a peu de chose (un son, un frottement, une pulsation, une résonance…) et surtout un Blixa Bargeld qui sans s’arracher les cordes vocales retrouve un peu de tenue et oublie de singer les crooneries de son ex partenaire Nick Cave. Les cinq Neubauten sont enfin revenu sur leurs affirmations démagogiques à propos du silence : dans leur cas, celui-ci n’avait rien de sexy, il était tout simplement vulgaire.