mardi 17 juin 2008

Force The Hand Of Chance & Dreams Less Sweet






















On a beau savoir que Stevø, boss du label Some Bizzare, est un escroc notoire et que toutes les rééditions du back catalogue du label qu’il publie actuellement ne sont peut être motivées que par l’appât du gain et qu’une fois de plus les musiciens/groupes ne vont toucher aucune royalties, on est quand même admiratif… Some Bizzare avait déjà fait très fort en ressortant l’année dernière Hole, Nail, Thaw et Sink, quatre disques essentiels de Foetus, puis en enchaînant sur The Unacceptable Face Of Freedom et Beating The Retreat de Test Dept. Le label annonce également pour août 2008 les rééditions de Scatology et de Horse Rotorvator de Coil -le groupe avait pris les devants dès 2001 en faisant ses propres rééditions et en imprimant directement sur les pochettes Stevø, Pay Us What You Owe Us!, ambiance.
Qu’importe donc les motivations puisque Some Bizzare vient également de rendre à nouveau disponibles les deux albums que Psychic TV a jamais enregistrés pour le label : Force The Hand Of Chance (1982) et Dreams Less Sweet (1983). A l’époque de ces deux disques qui comptent parmi les meilleurs du groupe, le line-up comprenait encore -outre Genesis P-Orridge le roi des freaks et des allumés- Alex Fergusson, Peter Christopherson (pas encore définitivement parti s’occuper à plein temps de Coil) mais aussi David Tibet et John Balance.














L’écoute de Force The Hand Of Chance, même après tant d’années, provoque toujours un saisissant contraste par rapport à l’époque Throbbing Gristle (dont rappelons-le Genesis P-Orridge et Peter Christopherson sont directement issus) : que dire de toutes ces mélodies 60’s, de ces choeurs tout droits sortis d’un album des Beach Boys, de ce dépouillement formel pas très éloigné du Velvet Underground (la grosse influence du disque), du funk ultra répétitif de l’hymne Ov Power ? Rien à voir avec la terreur industrielle pratiquée auparavant et dont il semble qu’il subsiste encore quelque chose aujourd’hui. Force The Hand Of Chance est un album de rock, oui, de rock tordu et dévié mais de rock quand même. A noter que cette réédition comprend en guise de deuxième CD Themes, à ne pas confondre avec Themes part 1 qui était lui un disque bonus accompagnant les premiers exemplaires de l’édition vinyle originale. Themes part 1 était censé être la bande son des rituels du Temple Of Psychic Youth, l’organisation spirituelle et politique montée en parallèle à Psychic TV par Genesis P-Orridge et à la limite du sectarisme, ce dernier en étant bien sur le grand gourou. Quoi qu’il en soit Themes, qui regroupe les inédits et faces B de l’époque de Force The Hand Of Chance, est un honnête complément à celui-ci, plus expérimental et ambient, utilisant des instruments acoustiques donnant une atmosphère passablement rituelle (Three Full Pack), avant de retomber dans la chansonnette (Just Drifting, dans une version différente de celle de l’album).
La synthèse est effectuée par Dreams Less Sweet publié l’année suivante et enregistré selon un procédé de rendu sonore en trois dimensions (même avec une écoute attentive au casque c’est très difficile de s’en faire une idée exacte…). Dreams Less Sweet est le chef d’oeuvre inégalé de Psychic TV, balayant un spectre musical aussi large qu’inattendu, de la pop mielleuse à de la musique industrielle telle que l’avait initiée Throbbing Gristle, le tout dominé par les textes ultra ironiques de Genesis P-Orridge, notamment sur l’appropriation de son propre corps comme dernier tabou à écraser (il était dès le début des années 80 amateur de piercing et de nos jours, après plusieurs opérations, ressemble plus à une vieille maquerelle qu’autre chose). Dreams Less Sweet est la preuve irréfutable que Genesis P-Orridge n’était pas qu’un provocateur et un cinglé mais il faut dire aussi que le groupe qui l’accompagnait alors était singulièrement bon et composé de musiciens hors catégorie. Ceux-ci ont rapidement quitté le navire et par la suite Psychic TV s’est très largement englué jusqu’à se vautrer dans le désintérêt le plus complet. Il parait que c’est ainsi que naissent les légendes.