vendredi 31 août 2007

Black Engine






















Le fait que ces derniers temps Mick Harris ait troqué sa canne à pèche contre un semblant de vie sociale et revienne donc à la musique est peut être la meilleure nouvelle de 2007. L’autre bonne nouvelle c’est ce groupe avec lequel Michel Tornado joue parfois : Black Engine. Le premier album du nom de Ku Klux Klowns est sorti au printemps chez Wallace records et pour l’instant il figure sans problème à la première place de mes émois musicaux pour cette année.
Je ne suis pas un fan absolu de Zu (ce groupe pourtant déchaîne chez certains des commentaires enflammés) et je connais assez mal le travail de Eraldo bernocchi, mise à part deux ou trois vieilles collaborations avec Mick Harris et encore, l’album Overload Lady est assez lassant alors que Total Station m’est lui complètement passé au dessus de la tête, peut être à tort. Mais la réunion de ces deux entités -donc Zu et Eraldo bernocchi- sous le nom de Black Engine c’est vraiment tout autre chose.
Je suis bien obligé de reconnaître qu’il y a des zestes de Zu dans la musique de ce groupe mais pas seulement. L’assise rythmique est vraiment impeccable mais ici le couple infernal basse/batterie prend un peu moins de place : le saxophone, les guitares et les effets électroniques sont là et bien là pour ériger ces murs du son titanesques et abruptes. Le côté free n’est certes pas mis totalement de côté mais il y a parfois du dub là dedans et encore plus il y a un rapport masse/volume tel que je n’en avais plus entendu depuis, disons et sans exagérer, depuis certains titres de God ou de 16/17. La comparaison avec le trio suisse est d’ailleurs assez facile (grosse basse de léviathan sous acide et saxophone hurlant comme sur Gyatso) mais ne saurait en aucun cas être limitative : Black Engine ne joue pas à fond la carte du martèlement et du répétitif, varie ses motifs, passe du groove arachnéen au blast thermonucléaire, allume les guitares pour enflammer le sax baryton, change la déco régulièrement en remplaçant le fil barbelé par des lames de rasoir et ça repart aussitôt comme si de rien n’était, à grand coup de machette sonique pour se tailler un chemin dans un paysage sombre et aride.
Black Engine fait donc partie de ces rares groupes à avoir trouvé la recette, hasardeuse mais efficace lorsqu’elle réussit, d’un rock ouvertement agressif (mais ni hard core ni metal), d’un jazz free mais jamais gratuit ou facile, d’une oppression digne des musiques industrielles les plus dures et d’un cri primal qui flirte avec la démence d’un prophète annonçant une catastrophe imminente -les Swans et Naked City sont dans un bateau, etc. J’exagère ? Bon, allez, le huitième titre se voudrait presque reposant avec ce côté ambiance de souterrain ou de parking de centre commercial désaffecté, de quoi effectivement avoir un tout petit peu moins peur.

jeudi 30 août 2007

Kammerflimmer Kollektief


Je ne sais pas quand va sortir l’album de Strings Of Consciousness mais depuis la parution du 45 tours à poils ils ont eu la bonne idée de récidiver avec un 25 cm chez Karl records, visiblement un tout jeune label dont ce n’est que la deuxième référence. Ce disque est limité à 500 exemplaires, j’aime beaucoup l’illustration de la pochette et de toutes façons le 25 cm est le plus beau format vinyle que je connaisse. Le garçon qui s’occupe de Karl records m’a gentiment demandé si j’avais une préférence pour le numéro que je désirais avoir, oui c’est un tirage limité et numéroté alors j’ai tout de suite pensé à réclamer l’exemplaire 666 ce qui est parfaitement idiot puisqu’il n’y en a que 500 -finalement j’ai opté pour le 444, j’ai trouvé ça joli et assez ressemblant.

Le grand mérite de Strings Of Consciousness c’est d’arriver à concilier la musique électronique et l’instrumentation organique, le digital et l’humain. Je déteste la plupart de ces exercices de style -les jazzmen qui se sont mis à l’electro me sortent par les yeux, les DJs qui mixent et samplent le catalogue Blue Note me donnent la nausée- mais ce collectif à géométrie variable conduit par Philippe Petit et Hervé Vincenti arrive à me convaincre sans problème. Avant eux il n’y avait guère que Tied + Tickled Trio pour me réjouir de la sorte. Strings Of Consciousness propose sur ce disque trois titres promis à l’exclusivité, peut être que comme pour le 45 tours ceux-ci sont un poil trop court pour vraiment laisser l’ambiance s’installer définitivement : sans doute qu’avec des titres chantés par quelques invités (sur l’album à venir…) ce phénomène diminuera. La seule chose qui me gêne réellement c’est le son du saxophone qui n’est pas très à mon goût mais ce n’est justement qu’une question de goût -et ça c’est sûrement à force de trop écouter Peter Brötzmann.

Ce disque est en fait un split et lorsque on le retourne il y a un autre groupe à découvrir : Kammerflimmer Kollektief. En ce qui me concerne c’est vraiment une découverte et qui plus s’en est une très bonne. Les titres de cette face B ne sont apparemment pas des inédits mais des versions différentes d’enregistrements déjà publiés sur les albums du groupe qui en a pas mal à son actif, six peut être (?), les premiers étaient sur Payola (amusant : il s’agit justement de l’un des anciens labels de Tied + Tickled Trio) et les plus récents sont chez Staubgold, un label pour lequel je développe déjà une certaine affection. Je ne sais pas si tous les titres de Kammerflimmer Kollektief sont de la même veine intimiste et profonde, comme un paysage secret que l’on découvre tout doucement et qui d’élargit au fur et à mesure, mais j’ai vraiment hâte de découvrir leurs autres disques.

mercredi 29 août 2007

Who Is Who

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Ne jamais dire jamais, fontaine je ne boirais plus de ton eau polluée et il n’y a que les imbéciles qui : à la fin de Jesus Lizard c’est un David Yow presque soulagé qui affirmait qu’on ne l’y reprendrait plus, que le rock’n’roll pour lui c’était fini, qu’il en avait marre du cirque des concerts et des tournées, marre de se bourrer la gueule comme un porc pour arriver à monter sur scène, qu’il avait une femme et deux gosses, qu’il avait déjà beaucoup plus de trente ans. Le bonhomme s’est depuis un peu contredit en chantant lors de la reformation de Scratch Acid pour le 25ème anniversaire du label Touch And Go, contredit n’est pas vraiment le mot juste, peut être que c’est juste que ses enfants ont grandi. L’annonce fin 2006 de la participation de David Yow a un nouveau groupe du nom de Qui est passée comme une lettre à la poste, tout le monde y croyait et était content de le retrouver, seul désagrément : l’album Love’s Miracle qui devait sortir sur Touch And Go le sera finalement (très bientôt) sur Ipecac.























C’était quand même intrigant toute cette histoire parce qu’en fait Yow a intégré un groupe déjà existant, ayant sorti un premier album en 2003, Qui était un duo guitare/batterie + chant comme il en existe tant. Pas si sûr pourtant, parce que ce premier album je ne l’ai jamais écouté, ne l’écouterai sans doute jamais et je ne vois pas se profiler à l’horizon la moindre trace d’une réédition de derrière les fagots. Impossible de savoir qui est Qui avant David Yow. Donc il va falloir faire avec ce que l’on a c'est-à-dire Love’s Miracle et ses 39 minutes pour neuf titres dont deux reprises. D’autant plus qu’avec un nom de groupe pareil et un nom d’album qui ne vaut guère mieux trouver des informations un peu inédites et complémentaires est quasiment impossible : le moindre moteur de recherche sur internet ne cesse de renvoyer sur des sites à bondieuseries -fuck me Jesus.De bondieuseries il n’en est aucunement question avec cet album (dont la pochette ne laisse aucune équivoque) mais il n’y a pas de miracle non plus. Apartement démarre avec ce son de guitare -épais mais sec- et ces riffs décharnés qui font tant plaisir aux binoclards mais malheureusement la voix paraît bien faible. Le batteur se sort bien de cet exercice de noise minimalisme et répétitive. Today, Gestation est encore moins convaincant, disons que l’ennui n’est pas loin malgré une fin plus resserrée. Gash continue dans le dépouillement, la voix ou plus exactement les voix sont plus ouvertement déviées et Love’s Miracle se présente alors de plus en plus comme un album jouant sur la distance, ah bon. Freeze c’est Gash en plus fort et c’est le premier titre que j’apprécie réellement sur ce disque, David Yow y retrouve ses accents légendaires, c’est sale et ça pue enfin pour de vrai. New Orleans joue les faux départs mais le chant (peut être) ironiquement angélique incite à attendre le morceau d’après. Mais le morceau d’après, A #1, m’échappe également complètement. Suit la première reprise du disque, Willie The Pimp, un titre que l’insupportable Zappa a enregistré en compagnie de Captain Beefheart pour son album Hot Rats en 1969 et je retiens un peu plus mon souffle, c’est du bon. Belt est également convaincant, le guitariste chercherait vaguement à faire des plans à la Duane Denison que cela ne m’étonnerait pas et tout le monde dans ce groupe a enfin l’air content d’être là, en tout cas moi je le suis. Le dernier titre est la grosse catastrophe du disque, en l’occurrence une reprise de Pink Floyd ce qui en soi n’augure déjà rien de très bon mais ce Echoes est tout simplement à hurler avec sa mélodie idiote et prétentieuse, un solo de guitare à faire passer Reynald et Roquelaure pour de grands artistes, son chant traînant et sucré… il n’y a que le final répétitif (deux notes sur un rythme primaire ad nauseam) qui permet de dire que c’est enfin fini.

Qui va enchaîner les tournées, d’abord pour un petit tour du monde américain puis en visitant cette vieille pute d’Europe et donc notre beau pays. Par ici (à Lyon) c’est prévu pour le 7 décembre -peut être l’occasion d’une séance de rattrapage parce que, décidément, Love’s A Miracle me laisse à moitié endormi ou définitivement tiède, je ne sais pas ce qui est pire. Finalement être père de famille ce n’était pas forcément une si mauvaise idée.

mardi 28 août 2007

Du côté des chiens qui fument



Le gros problème avec Plastic People, le single du Peuple De L'Herbe paru au début de l’été -l’album est prévu pour ces jours-ci, peut être même pour hier- c’est que ce petit 45 tours vinyle est noir, haha ha (pardon). Passée cette cruelle déception pour les geeks, il faut bien avouer que le morceau titre est réellement étonnant avec son côté chaud et humain, ce qui d’ailleurs a plus ou moins toujours été le credo de ce groupe qui cette fois ci semble bien décidé à vouloir aller encore plus loin dans l’organique : de Duke Ellington à Foetus en passant par les Redskins je n’ai jamais su résister à une section de cuivres et de hanches bien enlevée et dans le cas de Plastic People ces arrangements dynamiques confère à l’ensemble un côté faussement popisant particulièrement réussi. La face AA (parce que ce single est un double hit) présente elle avec The Fall un aspect plus froid et mécanique de la musique du Peuple De L’Herbe. L’album s’annonce donc comme une petite fourmilière d’inventivité, ping pong sonore et narco-épilepsie des rythmes, yes.

[Le single en question est en écoute sur le site du groupe, de même que tous les albums passés, disponibles en streaming. Et puis aussi j’adore la video, qui vaut bien toutes les rondelles en plastique de couleur du monde]

lundi 27 août 2007

Machine Gun



Avec sa série Unheard Music Series le label Atavistic a toujours fait du bon travail en rééditant de belle manière quelques trésors oubliés du free jazz et de la musique improvisée : redécouvrir les tous premiers enregistrements de Joe McPhee, déterrer ceux d’Andy Gühl et de Norbert Moslang (avant qu’ils ne prennent le nom de Voice Crack), remettre au goût du jour le seul et unique album de Mount Everest Trio, redonner leurs places aux disques de Haazz & Company, d’Alexander Von Schlippenbach ou de Manfred Schoof, etc. Et bien sûr rendre à nouveau disponible tout le back catalogue de Peter Brötzmann.
C’est avec ce dernier qu’il y a le plus de références : le bonhomme a toujours été très prolifique, ses disques sont souvent parus sur des labels à la durée de vie incertaine ou carrément en autoproduction et aussi mais surtout Brötzmann occupe le devant de la scène depuis quarante années, il est la figure emblématique du free jazz européen, une personnalité marquante, un musicien au parcours sans fautes et à l’apport tellement colossal qu’il en devient difficile à mesurer -qu’en plus il ne soit qu’un gauchiste de merde n’est pas non plus pour me déplaire.


















Le 21 août Atavistic a donc réédité l’un des piliers de l’oeuvre de Peter Brotzmann, à savoir Machine Gun, première parution en 1968. Le titre guerrier est très fonctionnel : ce jazz là ne peut que s’écouter très fort, c’est une façon de nous dire play loud ! Il y a bien évidemment aussi une dimension politique à ce titre mais surtout il s’agissait de l’un des surnoms de Peter Brötzmann, surnom qui lui avait été donné par le trompettiste Don Cherry, ce qui en dit long sur la nature du jeu de saxophone de l’allemand.
La formation qui joue sur Machine Gun est en fait la réunion de deux autres groupes de Brötzmann (son trio et son quartet habituels) augmentée de la venue de l’anglais Evan Parker et de celle de Willem Breuker. En plus de ces deux terroristes nous pouvons donc retrouver sur ces enregistrements aux côtés de Brötzmann : Fred Van Hove (piano), Peter Kowald et Buschi Niebergall (contrebasse), Han Bennink et Sven-Åke Johansson (batterie) -ce qui fait qu’il pourrait s’agir là d’une formation en double quartet telle que l’avait initiée Ornette Coleman dès 1959.
Machine Gun
est à l’origine paru à 300 exemplaires seulement sur le propre label de Peter Brötzmann mais a été maintes fois réédité dès 1972 grâce aux bons soins du label FMP et est toujours resté disponible depuis. La dernière version CD en date était déjà très complète avec quelques alternate takes, inévitables dans le (free) jazz, et la nouvelle publication chez Atavistic n'en diffère que par l’adjonction d’une version en concert du morceau titre, version enregistrée aux alentours de mars 1968. Le problème est que ce live est déjà disponible sur la réédition d’un autre (et excellent) disque de Peter Brötzmann, Fuck De Boere -autrement dit Atavistic réédite un disque toujours disponible et sans aucun inédit.
Cette déception mise à part -et en faisant abstraction du nouvel artwork qui n’apporte rien- cette publication 2007 de Machine Gun peut être l’occasion de se replonger dans le maelström de ce que l’on a plus tard appelé european free improvisation. Si ce disque n’en est pas sa première manifestation à proprement parlé, il en est très certainement la pierre angulaire, le manifeste indémodable. La violence incroyable des saxophones, la frénésie des rythmiques, le tintement martelé du piano, tous ces éléments ont contribué à délimiter une nouvelle friche musicale qui ne demandait plus alors qu’à être explorée. Vraiment incontournable.

dimanche 19 août 2007

samedi 18 août 2007

N.W.O.B.H.M.















Avec Darkthrone l’auto-célébration est un art et en plus ils n’ont jamais tort : c’est ça ou rien. Ça c’est leur nouveau disque (le vocable de single est à proscrire, trop commercial) vendu sous la forme d’un 45 tours ou d’un CD quatre titres (deux de plus que sur le vinyle…) et il y a même une offre spéciale permettant aux fans die-hard d’acheter les deux. L’objet s’intitule N.W.O.B.H.M. c'est-à-dire New Wave Of Black Heavy Metal et ce titre permet à Darkthrone deux choses, d’abord de revendiquer une place incontestée dans la mouvance du black metal norvégien et surtout de justifier le virage rock-garage-poubelle opéré depuis deux albums. Qu’importe la mauvaise foi, qu’importe les arguments, Darkthrone compte bien une fois de plus assurer le spectacle (au figuré puisque pour des raisons éthiques ces deux gaillards refusent de donner des concerts, trop commercial, encore) et annonce un nouvel LP pour septembre -intitulé F.O.A.D., Fuck Off And Die pour les non-initiés.
J’ai remarqué que l’un d’eux s’était rasé la tête, ce qui ne va manquer d’alimenter les conversations (déjà qu’ils ont abandonné les paint corpses, c’est dire) mais surtout cela fait deux fois de suite qu’ils font une reprise d’un obscur groupe de punk américain, cette fois ci The Testors, non sans avoir auparavant repris Siouxsie & The Banshees. Ces maîtres de la provocation, le black metal aryen c’était eux, ne peuvent plus rien faire de nouveau pour choquer le quidam -brûler des églises, bouffer de la cervelle humaine, assassiner des homosexuels c’est dépassé et beaucoup trop dangereux- alors autant s’ériger en forteresse imprenable du metal norvégien traditionaliste. Avec une bonne dose de rock’n’roll dedans.
Justement, l’écoute de ce New Wave Of Black Heavy Metal n’apporte rien de nouveau par rapport à l’album précédent, même rythmique basique, même chant guttural, même guitare qui tronçonne, même, même, même. Je ne serai donc pas désappointé par tant de haine et de misanthropie. Après tout Darkthrone est retourné aux racines d’une musique dont le groupe a été le champion d’un temps (entre 1992 et 1994) mais il va encore plus loin : c’est en fait carrément dans les deux premiers albums de Bathory que pillent allégrement les membres de Darkthrone pour ce côté à la fois primaire et sombre de leur métal mais ce n’est pas sûr qu’ils l’admettent un jour, puisqu’ils n'ont jamais tort.

vendredi 17 août 2007

Asmodeus/Marc Ribot


Quelques années en arrière, dix ans peut être, le festival de Rive de Giers -qui défendait encore une programmation couillue et parfois décalée en invitant des gens comme Elliot Sharp ou Peter Brötzmann- avait fait venir Marc Ribot pour un concert solo. La mode étant aux lieux mutiples, Ribot avait été programmé dans l’amphithéâtre de l’opéra de la ville de Lyon et un journal local avait sournoisement titré en une : Marc Ribot à l’opéra ! Je me rappelle surtout que ce soir là les organisateurs du concert étaient bloqués dans des embouteillages sur l’autoroute et que les personnes de l’accueil à l’opéra ne savaient pas quoi faire, chaque nouveau venu pouvait prétendre être sur la liste des invités mais la fameuse liste étant encore dans une voiture il était facile de rentrer gratuitement, une hôtesse notait simplement les noms des soi-disant invités, grandiose.
Ce soir là Marc Ribot avait interprété quelques extraits du Book Of Heads de John Zorn (initialement composé pour Eugene Chadbourne), des morceaux de ses groupes Shrek ou Rootless Cosmopolitans (dont je n’ai jamais écouté les disques) et des reprises figurant sur son merveilleux album solo Don’t Blame Me. Tout d’un coup Ribot devenait pour moi autre chose qu’un musicien de sessions de luxe pour Alain Bashung et Tom Waits ou un guignolo de la six cordes pour le compte de Zorn. J’avais devant moi un type qui racontait les histoires de la musique qu’il interprétait tout de suite après, possédait un son incroyablement pur (pas forcément très électrique) et dont la sensibilité submergeait tout l’auditoire.
Surtout, pour moi qui venais de passer les dernières années à me persuader qu’un guitariste faisant autre chose que de la rythmique (même un peu élaborée) n’était rien d’autre qu’un poseur exhibitionniste, je découvrais justement un guitariste hors paire qui pouvait m’émouvoir autant qu’un Coltrane ou qu’un Glenn Gould, je ratisse large avec les noms exprès. Après, avec Marc on s’est un peu perdu de vue -je n’ai jamais osé écouter ses disques avec sa formation cubaine dont j’ai tout fait pour oublier le nom et pour cause, je suis allergique aux Caraïbes- mais j’écoute toujours le même disque de lui, le déjà nommé Don’t Blame Me.
De temps à autres il fait une réapparition chez Zorn, via le catalogue de son label Tzadik, genre hey Marc we need a guitarist for a new project and it’s a goog job et hop je peux réentendre Ribot dans le rôle de l’invité de luxe. Des projets, Zorn en a justement toujours plein et l’un des derniers est le Book Of Angels, c'est-à-dire tout un cahier de compositions inédites de Masada qu’il fait interpréter par d’autres. Après Jamie Saft, Marc Feldman, Erik Friedlander, Greg Cohen, Sylvie Courvoisier, Koby Israelite, le Cracow Klezmer Band et Uri Caine c’est donc au tour de Marc Ribot, accompagné d’une section rythmique qui balaie tout sur son passage, à savoir Trevor Dunn et G. Calvin Weston.
Malgré sa courte durée ce disque est le plus souvent laborieux même si Marc Ribot développe des trésors d’ingéniosité pendant que derrière ses petits camarades ramassent à la pelle. Seulement il y a aussi du bavardage inutile sur ce disque et les thèmes composés par Zorn sont ici de très moyenne facture, je veux bien admettre que peut être est-ce parce que Klezmer rime très très mal avec guitare électrique : auparavant Koby Israelite a failli s’y casser les dents et surtout il y a Rashanim qui n’y est pas arrivé du tout non plus. Il y a de ci de là quelques moment en suspension où je retrouve le son du guitariste, celui qui m’avait fait chavirer, mais j’ai surtout l’impression de manger du pudding (sans fruits dedans) -en dépit de l’excellence de la rythmique, un enregistrement en solo et avec moins de pétarades aurait été sans aucun doute plus approprié. Là, ça sent le bâclé, le non concerté et peut être était-ce le but de ce disque que de faire dans le 1, 2, 3, 4 mais vraiment, vraiment, l’urgence ultra électrique n’est pas appropriée à cette musique.

jeudi 16 août 2007

R.I.P.

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J’ignore tout du pourquoi et du comment mais il s’avère que Sun God Motel s’est séparé, après une poignée seulement de (bons) concerts dont un en première partie d’Overmars et un autre en première partie d’Oxbow.
Vraiment dommage, j’aimais bien cette idée de ne faire que des reprises de vieux rock’n’roll à la sauce AmRep/bikers.

mercredi 15 août 2007

One Second Riot/Neptune

Après d’autres bons disques le label Distile records continue sur sa lancée en publiant un split album (vinyl only) avec les bostoniens de Neptune et les lyonnais de One Second Riot : l’illustration de la pochette plutôt réussie montre quelques buildings bientôt entièrement engloutis par un océan déchaîné, après moi le déluge ? Il est clair que l’univers musical de ces deux formations n’a strictement rien à voir avec la gaudriole estivale et le milk-shake à la fraise, même si aucun discours n’est ici tenu, tout passe par la musique.














La première face est celle consacrée à Neptune pour quatre titres qui ne sont rien d’autre qu’un catalogue en bonne et due forme de ce dont le groupe nous a déjà habitué : du Neptune saccadé et saturé, du Neptune lent et insidieux, du Neptune limite industriel et du Neptune ambiant, voilà. Le problème est que comme souvent les enregistrements de ce groupe ne sont pas toujours à la hauteur de leurs prestations scéniques -instruments bricolés, guitares forgées dans je ne sais quel métal (littéralement, elles doivent peser des tonnes), synthés analogiques soudés au chewing-gum, percussions avec tout et n’importe quoi, attitudes théâtrales, distanciation, etc. Ces quatre titres sont bons, excellents même mis à part la dernière partie atmosphérique qui fait un peu facile mais ils font regretter de ne pas avoir Neptune là, devant soi, en train de transpirer.

La scène, c’est justement là que j’ai vu jouer One Second Riot un certain nombre de fois cette année (notamment avec Neptune, ils ont même fait un titre en commun) et je suis toujours resté un peu à l’écart, leur noise au départ séduisante ne tenant pas toujours toutes ses promesses en concert. Les trois titres de ce split sont donc une excellente surprise car passé le stade du je connais déjà il est évidant que ce duo basse/batterie avec chant et samples devient beaucoup plus attachant dès qu’il laisse tomber l’énergie pure (qui ne fait que ressortir en live) pour s’intéresser aux ambiances. Le chant n’est pas envahissant, il y a un réel travail sur le son et les samples que d’habitude je trouve un peu trop faciles chez d’autres ont une bonne tenue et un certain effet dramatique : One Second Riot démarre donc très bien son histoire discographique et je comprends mieux maintenant les quelques influences que ces deux garçons avouent partager ensemble.

[One Second Riot fera la première partie d’Unsane au Nouveau Casino le 26 septembre 2007 -ce qui est une excellente nouvelle pour eux- mais n’assurerons pas toute la tournée française des new-yorkais : par exemple à Lyon c’est Duracell le terrible qui s’y collera.]

mardi 14 août 2007

Down Below It's Chaos























A l’époque de l’album Alpine Static je n’avais encore jamais entendu parler de Kinski. C’est un peu le hasard qui m’a fait les écouter la première fois chez un disquaire et je me rappelle m’être précipité auprès du vendeur pour lui demander de qui il s’agissait. Depuis j’ai cherché tous les disques de ce groupe de Seatle.
Kinski fait une musique quasiment entièrement instrumentale sans pour autant verser dans le post rock, le math rock, le post math rock, le grind cinématographique, l’electro documentaire ou le drone intempestif (liste non exhaustive, bien sûr) : Kinski est plutôt une sorte de Sonic Youth sans le chant de Thurston Moore et de Kim Gordon, surtout c’est du Sonic Youth époque Daydream Nation. En d’autres termes les morceaux partent en torche à un moment où à un autre, à croire même que l’intro, l’exposition des plans guitares, les breaks, tout ça, ne sont que des prétextes à la débauche sonique que finit toujours par péter. Je ne sais pas dans quelle mesure ces passages bruitistes sont improvisés mais parfois Kinski donne des concerts à trois guitares et sans batteur, des concerts où là tout est laissé au hasard de l’inspiration du moment -ces concerts ils les donnent sous le nom de Herzog, voilà des petits rigolos qui ont appris l’humour avec Pierre Tchernia.
Le nouvel album, Down Below It's Chaos, suit la même direction que son illustre prédécesseur (Alpine Static) et même l’amplifie : depuis deux disques Kinski a découvert les joies du psychédélisme et use voire abuse de la fuzz, tourner en compagnie de Acid Mothers Temple (ils ont même enregistré un album en commun) et de Comets On Fire n’a pas du arranger les choses. Là, c’est carrément le grand jeu puisque la production est assuré par un type barbu et à lunettes (du moins je le suppose) qui de Boris à Earth en passant pas Sunn O))) a déjà provoqué quelques dégâts de bon aloi, alors, si vous aimez le lourd, Randall Dunn est l’homme qui vous faut pour produire votre prochain disque.
Le problème justement c’est que jusqu’ici la musique de Kinski était plutôt du genre à tutoyer la vivacité et à tenir ses riffs acérés par la barbichette : c’était même la très grande qualité de Alpine Static, ce mélange hérité à la fois de la jeunesse sonique et de Jimi Hendrix (pour faire vite), ces guitares ultra noisy et ultra folles soudain débordées par un solo bien chargé en patchouli métallique. Le titre Down Below It’s Chaos est à prendre au pied de la lettre : la fulgurance et le chaos il faut aller les chercher bien loin et bien bas sous terre, et encore les résultats sont maigres, le premier titre (Crybaby Blowout) qui rassure, la deuxième partie de Boy, I Was Mad !, le final de Passwords & Alcohol et quelques autres petits passages. Non, cet album est lent mais surtout il est mou, un peu englué.
Pour une fois il y a un certain nombre de titres chantés (trois exactement) mais ils manquent sérieusement d’âme -le guitariste qui s’y colle s’appelle Chris Martin, ce ne doit pas être facile tous les jours d’avoir le même nom que le chanteur de Coldplay mais ce n’est pas une raison suffisante pour faire comme si tu n’étais pas là, mec. Il y a aussi l’instrumentation parfois gênante, un orgue qui apparaît dès le troisième titre et fait régulièrement irruption jusqu’à la fin du disque. Que dire aussi de cette flûte ? Abominable. Plus loin, le summum de la platitude et de l’ennui est atteint par Child Had To Catch A Train et sa guitare plan-plan doublée à l’orgue (encore) : quel intérêt ?
Je ne peux pas dire pour autant que je déteste cet album, je suis d’autant plus déçu que l’annonce de sa sortie imminente m’avait mis en joie mais comme je ne suis qu’une vieille pute assoiffée de sensations fortes et de plaisirs innommables ma désillusion est cruelle et me rend peut être trop méchamment sévère : la prochaine fois il faudra juste veiller à satisfaire tous mes caprices bourgeois.

lundi 13 août 2007

Hrsta [prononcez her-shta]

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Cela fait plusieurs jours que j’écoute Ghots Will Come And Kiss Your Eyes, le troisième album de Hrsta, le deuxième pour Constellation. Comme pour le précédent Stem Stem In Electro je me suis tout d’abord emballé, complètement débordé par le lyrisme lugubre de cette musique intimiste et puissante -le tour de force d’une telle alchimie étant la résultante d’éléments aussi variés que fédérateurs : le son de guitare de Mike Moya peut prendre des tournants vertigineux (il est, rappelons-le, l’un des principaux fondateurs de Godspeed You! Black Emperor), son timbre de voix laisse couler un chant parfaitement androgyne (par moment ce serait même Bowie et Marc Bolan réunis, l’étrangeté du premier et la beauté du second en moins mais le cérémonial de la dernière chance en plus, façon Nico époque June 1, 1974), les musiciens ont l’air plus que compétents (sur le premier album, des membres de Molasses, sur le deuxième d’autres de Hanged Up ou de Silver Mount Zion et sur le nouveau Brooke Crouser, organiste de Jackie-O Motherfucker), les idées de chansons sont répétées telles des mantras cathartiques. Que du beau. Mais qui finit par laisser une impression vitreuse, à l’image du chant de Mike Moya -un chant peut être androgyne mais maîtrisé et curieusement calé à la perfection : Hrsta est la contemplation de la flamme d’une bougie mais cette flamme ne vacille pas, la bougie est protégée dans un lumignon.






















Sur Ghots Will Come And Kiss Your Eyes l’alternance de chansons et d’instrumentaux est la règle. Aux complaintes d’un Moya plus tristement lyrique que jamais succèdent des paysages parfois soulignés d’un accordéon profond (on entend très bien le claquement des touches, ce matérialisme du son est l’une des grandes réussites de cet enregistrement) dont la tristesse un peu forcée ne dépareillerait pas dans la bande originale d’un film français nostalgique tourné à Montmartre mais à vocation universelle, sacrés français. Que du beau là aussi qui ne touche et ne convainc que par intermittence, voire installe un certain confort.
A l’automne dernier je n’avais pas assisté au concert d’Hrsta pour me rendre compte par moi-même de la petite flamme et je ne sais pas si j’irai ou non lors du prochain passage du groupe : sans la barrière du disque, sans la paroi de verre d’un bougeoir !k#@ cette musique peut elle vaciller comme le laisserait supposer Hechicero del Bosque et sa magnifique déambulation de fin de parcours, dominée par un chant d’exorciste ? Un titre comme Tomorrow Winter Comes, manteau neigeux fait de guitares fantômes à peine dérangées par un orgue cristallin, peut il être aussi apaisant ? Pour l'instant le folk noir du groupe de Mike Moya garde pour moi ce mystère insoluble.

samedi 11 août 2007

Navigating The Bronze
























J’étais un peu méfiant à l’égard du nouvel album d’Akimbo, leur cinquième, la faute sûrement aux deux titres présentés depuis quelques semaines déjà pour donner envie, avec moi cela ne fonctionnait pas, de la musique molle et adipeuse, attention à la bière et aux cacahouètes les garçons. Le nouveau guitariste aussi semblait en faire un peu trop (dans ce genre de musique les solos de guitares sont dangereusement ennuyeux), le chanteur me semblait un peu trop appliqué dans sa façon d’hurler, la rythmique avait comme l’air ralentie.
Rien ne vaut d’écouter un disque pour de vrai et avec Navigating The Bronze la surprise est de taille, elle est bonne même : il faut oublier tout ce qui a été dit au dessus. Certes le dernier titre Stjerneborg s’étire bizarrement sur près de huit minutes pour finir comme en queue de poisson mais au final c’est une très bonne façon de terminer un album. Certes la rythmique privilégie un peu la lourdeur au rentre-dedans mais l’effet est là, certes le guitariste se touche beaucoup mais OUI c’est de l’humour (l’intro de Wizard Van Wizard avec ces petits solos débraillés me fait à chaque fois hurler de rire), certes, certes, certes. Il y a bien aussi cette performance du batteur qui joue tout seul pendant deux minutes et demi sur je ne sais plus quel titre -en fait je le soupçonne de faire n’importe quoi, dommage il n’y a pas l’image puisque c’est un disque- un solo de batterie sur un disque de hard core je crois que c’est du jamais entendu et il dure suffisamment peu de temps pour là aussi avoir envie de rire. Les choses sérieuses façon Akimbo reprennent aussitôt, c'est-à-dire l’humour gras et con, les riffs basiques envoyés au quart de tour, la basse vrrrrroouuuuuuuuuuum et la batterie qui pousse derrière, tout le monde saute en l’air.
Donc moi je l’aime bien ce Navigating The Bronze (toujours des titres incompréhensibles et des pochettes de disques curieuses) même avec cette petite touche heavy metal seventies qui est nouvelle chez Akimbo et à vrai dire je l’aime particulièrement pour cette raison là, c’est mon côté vieux con. L’annonce de la tournée européenne est la bonne nouvelle supplémentaire, on attend que tout soit confirmé mais pour l’instant j’ai bloqué ma soirée à la date du 30 octobre.

vendredi 10 août 2007

jeudi 9 août 2007

Scorn Scorn Scorn

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Pendant longtemps le site officiel de Mick Harris semblait à l’abandon : une magnifique photo de pêche et ces quelques mots, gone fishing for good ? Depuis l’année 2002 et l’album Plan B de Scorn, notre homme n’a en fait rien publié ou presque. Juste la réédition de l’intégrale des Hednod Sessions chez Hidden Art recordings (à l’origine une série de titres publiés sur quatre vinyles) ainsi que l’excellent List Of Takers en 2005 sur le label polonais Vivo records, une session de soixante-dix minutes en studio comprenant des nouvelles versions d’anciens titres ainsi que quelques inédits de Scorn, un mix ininterrompu de basses fréquences et de samples crispants, la définition du dub industriel selon Mick Harris. Alors, parti à la pêche avec le fiston ? Pouvoir écouter un jour un nouvel enregistrement de Scorn semblait bel et bien compromis, le revoir en concert encore plus.
























Et puis voilà que Mick Harris a refait son apparition en tant que batteur -il s’enorgueillit régulièrement d’avoir inventé (pendant ses jeunes années au sein de Napalm Death) le grind core et cette merveilleuse technique percussive communément appelée blast beat, en gros l’application de la fréquence d’impact d’un marteau-piqueur à une pauvre batterie qui pourtant n’en avait pas demandé autant, cela ce traduit par une foule de doubles croches sur la partition mais on s’en fout : les vrais métallurgistes ne savent pas lire la musique. Mick Harris vient donc de réaliser quelques dates en compagnie de Black Engine, notamment au festival de Dour. Black Engine c’est en fait Zu au grand complet accompagné du guitariste/bidouilleur Eraldo Bernocchi (lequel a dans le passé enregistré deux albums avec Mick Harris pour le label Sub Rosa) alors autant dire que ça dépote grave. Surtout avec Mick Harris comme second batteur.
Evidemment, que celui-ci semble désormais préférer taper le plus vite possible sur une caisse claire comme un sourd-débile à une bonne partie de pêche au bord d’un étang boueux et qui pue l’engrais chimique drainé des champs environnants est déjà en soi une bonne nouvelle. Mais l’annonce d’un nouvel album de Scorn pour le mois d’octobre c’est encore mieux, surtout lorsque on sait que la sortie française de ce Stealth (la traduction donne quelque chose entre célérité et furtivité) sera assurée par le label lyonnais Jarring Effects. Aux dernières nouvelles, la présence de Scorn au festival Riddim Collision organisé tous les ans par ce même label (déjà la neuvième édition…) semble elle aussi confirmée, le 3 novembre (?). Inutile de dire que je suis dans tous mes états et tout mouillé de partout.

[Allez, pour la peine, un extrait du prochain album de Scorn.]

mercredi 8 août 2007

Sur la photo : Tod Dockstader

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Qu’est ce que la musique électronique ? Je n’en sais rien. De la musique à base de sons générés artificiellement ? Sans recours à l’instrumentation classique ? Avec de l’électricité déformée ? Sans la gestuelle ? Sans même peut être de lien direct entre le son et sa source ? Là, on se rapproche dangereusement de la définition de la musique concrète, acousmatique, que sais-je encore. De la musique pour danser alors ?
J’ai encore failli m’étrangler en écoutant une interview de Pierre Henry : il laissait sans broncher l’intervieweur le glorifier comme le père de la musique électro-acoustique -l’autre Pierre, Schaeffer, devant sûrement compter pour du beurre. En fond sonore l’éternel Psyché Rock composé pour un ballet de Maurice Béjard au siècle dernier rappelait ce qui doit être le moment de gloire de Pierre Henry et lorsque on lui demandait s’il apprécie les musiciens qui l’admirent lui (vous connaissez Daft Punk ?) il répondait toujours à côté. Cet homme est une institution et il sait très bien le faire : sa vision dominante et sûre d’elle-même de la musique, son opposition catégorique aux techniques digitales (quoique sur le sujet je le trouve moins intransigeant que Michel Chion, un vrai poète celui-là), son recul de vieux sage, oh vous savez on exagère toujours, l’assurance d’une postérité bien méritée et garantie au patrimoine national. Tout ça parce qu’une de ses oeuvres allait être diffusée le soir même sous la grande arche de la Défense à l’aide de 76 haut-parleurs, un concert gratuit.
Pourtant, en inventant dans les années 1920 les ondes qui portent son nom Maurice Martenot est peut être le vrai père de l’électro. A moins que ce ne soit Lev Sergeyevich Termen et son Theremin datant seulement de 1905 et produit à grande échelle dans les années 60 par le visionnaire Robert Moog. Et que dire alors de Max Brand ? De Halim el-Dabh qui dès 1944 bidouillait dans les studios de la radio du Caire ? Moi je crois qu’en fait le type qui a le plus influencé la techno c’est Jean-Michel Jarre, c’est bien tout ce qu’il mérite, ha ha.















Pour son nouvel album Lusine icl (alias Jeff McIlwain) a choisi d’explorer le côté ambiant et atmosphérique de sa musique, genre difficile s’il en est et malheureusement je n’ai pas vraiment été convaincu par Language Barrier qui ne porte que trop bien son nom. Je lui préfère très nettement Condensed paru quatre années plus tôt et qui en fait est une compilation de singles et EPs, bien plus riche, les rythmes, les clicks et les cuts vont assurément beaucoup mieux à Lusine icl.
La vraie surprise c’est le quatrième album de Deadbeat, Journeyman’s Annual, publié comme d’habitude chez ~scape. Deadbeat (encore le groupe d’un seul homme, le canadien Scott Montheit) a toujours été la formation la plus conservatrice du label, reproduisant de manière hypnotique le dub à l’ancienne avec ses samplers et ses synthés un peu froids. Curieux mélange d’une musique originellement chaleureuse (et qu’en général je n’aime pas) avec la déshumanisation des machines. Les deux premiers albums de Deadbeat se ressemblent jusqu’à se confondre, l’ennui n’est pas très loin et il est vrai que le troisième New World Observer marquait enfin une petite progression musicale en accélérant légèrement les rythmes et surtout en les multipliant, en les superposant.
Si Journeyman’s Annual joue l’apaisement dès le premier titre (Lost Luggage, un titre pour annoncer la suite ?) en proposant du pur Deadbeat lancinant et surgelé avec une tonne d’écho, les changements arrivent dès Night Train To Paris avec une ébauche de rythme raggamuffin. Le quatrième titre est encore plus caribéen et qui plus est chanté, rapé plutôt. Il y a plein de surprises dans ce genre là sur ce disque : les sons sont toujours aussi désincarnés et tranchants, quoique parfois un peu plus colorés comme sur Deep In Country, mais les nombreux intervenants (dont Saul Williams sur le magnifique Black Stacey) ainsi que les riddims plus charpentés donnent une saveur inédite à la musique de Deadbeat, j’ai même noté quelques cordes utilisées de manière intelligentes et sobres. Au départ j’ai un peu été décontenancé car si le dub m’est plutôt étranger, le ragga est carrément un extra-terrestre mais tout cela passe très bien, formidablement bien même, sauf peut être Gimme A Little Slack beaucoup trop verbeux -je crois que je tiens enfin mon disque de l’été 2008 (l’été où il y aura du soleil).

mardi 7 août 2007

Atom Egoyan, Mia Kirshner et Leonard Cohen

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Mon premier contact physique avec Léonard Cohen a été par l’intermédiaire d’une jeune fille très belle et habillée en collégienne : elle se dandinait et exécutait un strip-tease sur une chanson aux paroles plutôt ironiques, prononcées d’une voix traînante et grave par un homme invisible, dans mon souvenir il s’agissait de I'm Your Man. Tout ça c’était la scène d’ouverture (ou presque) d’Exotica, un film d’Atom Egoyan dont l’entrée en matière, pour un film traitant -entre autres- de pédophilie et d’inceste, pouvait fortement passer pour du sadisme de la part de son réalisateur. Depuis j’ai un peu oublié Atom Egoyan, ses films suivants ne m’ont guère passionné (alors que je reverrais bien les plus anciens comme Family Viewing ou The Adjuster) et j’ai pensé également oublier le type qui chantait I’m Your Man dans le noir.
Il se trouve que la chanson du strip-tease d’Exotica était en fait Everybody Knows, extrait de l’album I'm Your Man (quand même) de Leonard Cohen et en découvrant la pochette de cet album au détour d’un vide grenier je n’ai pas pu retenir un éclat de rire. J’ai certes un peu moins rigolé en reconnaissant les autres disques qui traînaient aussi dans le bac à soldes, avec toujours la même tête de Droopy neurasthénique : c’était donc lui le coupable, en vérité encore un souvenir de jeunesse sur lequel j’avais volontairement fait une croix. J’ai moins aimé aussi lorsque à une soirée conviviale entre amis qui s’ennuyaient poliment entre eux (il était tard, ambiance fatiguée et volonté délibérée de vouloir faire fuir tous les derniers invités, dont moi) la chaîne hi-fi s’est soudain mise à cracher cette chanson, Avalanche, mais interprétée par un chanteur français d’origine auvergnate que je déteste tout particulièrement et qui aime bien prendre l’ascenseur avec des rouquines crypto-libertines. Mais c’est une reprise de… De dégoût j’allais me mettre à hurler Nick Cave ! lorsque le propriétaire des lieux plus que jamais désireux de me mettre à la porte m’a coupé la parole -oui, c’est une reprise de Leonard Cohen.



















Leonard Cohen ? J’avais une bonne raison de rentrer fissa à la maison : y retrouver le LP des Bad Seeds s’intitulant From Her To Eternity et dont la première face démarre justement par cette chanson, Avalanche -sur le rond central du disque était bien imprimé L. Cohen. Lorsque Melt Banana fait une reprise de Surfin’ USA je sais bien que c’est juste pour rire, mais là ? Cette chanson collait si bien à Nick Cave, je l’écoutais depuis si longtemps, que jamais je n’aurais imaginé qu’elle ne puisse pas être de lui. Il me fallait étudier la situation avec soin. J’ai donc depuis chez moi un exemplaire de Songs Of Love And Hate (il y a un album de Godflesh qui porte le même titre mais je ne pense pas que ce soit fait exprès), un vieux vinyle acheté dans un autre vide grenier où j’ai également trouvé Songs From A Room, l’album d’avant. Ironiquement, des années après, un rouquin que je croisais régulièrement dans des bars enfumés a décidé de reprendre entièrement Songs From A Room, pochette comprise. Une belle réussite. Columbia (enfin, plutôt Sony Music) a dernièrement réédité correctement ces deux disques ainsi que le tout premier, Songs Of Leonard Cohen. C’est ceux que je préfère : les arrangements parfois un peu kitsch (les chœurs féminins), le dépouillement lugubre, le manque total d’humour apparent, presque du Dylan gothique. Historique, encore.

lundi 6 août 2007

Zimmerman/L’effet Godard

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Air conditionné. Comme il a fait beaucoup trop chaud pour moi je suis resté enfermé tout l’après midi, à l’abri du soleil, pour écouter des disques de Bob Dylan. Le matin j’avais essayé New Order mais les anglais ne m’ont pas convaincu plus que ça : ce n’était pas le bon moment, cette musique a beaucoup trop vieilli pour être écoutée n’importe quand, Bernard Sumner chante comme une casserole et les sons de synthétiseur Roland (quoi d’autre ?) me transforment trop violemment en casoar irascible.
Si je compte bien il y a six albums studio enregistrés par Bob Dylan entre 1964 et 1967 : de The Time They Are A-Changin’ à John Wesley Harding, de la période petit révolutionnaire sexy à l’accident de moto. Ce sont les seuls albums que j’ai de lui et je les ai tous réécoutés. Je n’ai pas The Freewheelin' Bob Dylan (1963) parce que dessus il y a cette très belle chanson que je déteste tant -Blowin' In The Wind, étudiée en cinquième au collège à une époque où les réponses mon ami ne m’intéressaient vraiment pas plus que ça, c’est personnel.























Je n’ai jamais aimé Bob Dylan jusqu’à ce que je regarde de plus près les pochettes de ses disques, celle de Another Side Of Bob Dylan par exemple, et que je me rende compte combien jeune il était incroyablement beau. Malgré une conversation orageuse qui m’avait fait affirmer il y a très longtemps que jamais je n’écouterais un disque de ce gars là, un hippie en plus, et même sous prétexte qu’il en avait influencé tant d’autres que pourtant j’appréciais, la curiosité a comme à son habitude été la plus forte : à quoi pouvaient bien ressembler les versions originales de All Along The Watchtower, She Belongs To Me et de The Ballad Of Hollis Brown ? Voilà, je possède maintenant six albums ou presque d’un type soi-disant influant mais qui surtout est pétri par la musique populaire de son pays -de l’histoire si on veut.
Par contre je ne peux pas encore dire que j’aime Bob Dylan mais lorsque je l’écoute il se produit toujours cette chose extraordinaire : une voix souvent uniquement accompagnée d’une simple guitare et des mots qui me touchent directement alors que je n’y comprends pas grand chose, habituellement j’ai plutôt besoin d’un gros Harrap’s pour ça, un souvenir de cinquième. Les films de Godard me font le même effet, ses films les plus récents, ceux où les dialogues sont des citations et extraits de textes philosophiques, littéraires et poétiques -sur l’instant, la beauté des mots y est absolument transcendante et leur permet de prendre tout leur sens mais, sitôt le film terminé, il ne reste plus que l’ombre de ces mots derrière laquelle j’essaie pourtant de courir, et il est impossible de rattraper une ombre, même en courant.
Si la clarté n’est qu’un instant de vérité alors le cinéma a déjà prouvé que la vérité a toujours lieu d’être puisque dans le cinéma tout n’est que tricherie dans le seul but de montrer des faux semblants, la création comme mensonge en forme de vie : c’est le plus bel hommage en forme de déni que je connaisse. Avec Bob Dylan l’effet d’immédiateté et de simultanéité est le même -tout est soudain limpide mais déjà loin- et ce bien que les raisons à cela soient peut être différentes (l’écouter dans le noir n’y changerait pas grand chose) et la conclusion opposée : sa musique est une forme de vérité qui pourrait bien réussir à nous faire croire qu’elle existe réellement.

dimanche 5 août 2007

Year Of No Light/Au bord de l'océan


Je pensais que la récente réédition de l’album Nord de Year Of No Light chez Crucial Blast était une bonne raison pour parler un peu de ce disque mais non. Non, car je n’ai rien à ajouter, il n’y a pas de différence fondamentale avec la première version publiée par Radar Swarm et quitte à choisir autant trouver un magnifique exemplaire du double LP chez Atropine records. Trois labels pour un disque sorti il y a un tout petit plus d’une année.
Je me suis donc replongé dedans, c’est assez tentant parce que le premier titre (Sélénite) a la grandiloquence certes facile mais complètement attachante. Et puis ça continue : L’Angoisse Du veilleur De Nuit D’Autoroute Les Soirs D’Alarme A Accident, plus vindicatif, hard core, mais toujours avec ces guitares qui montent et qui descendent sans cesse, n’a pas mal au cœur qui veut. La suite repart dans l’aérien déployé, du riff hi-fi à faire pleurer. S’il n’y avait pas ce chant guttural apparaissant de temps à autres tous les fans de Mogwai/Godspeed y trouveraient sûrement leur compte eux aussi et Year Of No Light enterre très largement Isis et compagnie : c’est du lourd qui fait mal, c’est de la musique de corbeaux frustrés (vous savez bien : les filles et les garçons nés un tout petit peu trop tard pour avoir assisté à l’effondrement du punk et à la naissance du cynisme new wave), du metal pour regarder ses chaussures (Shoegaze comme l’affirme le NME), de l’adolescence pas tranquille, du qui ne veut pas grandir mais est déjà grand.
Un autre jour le ciel était étonnement couvert de gros nuages orangés de blanc, ils ne semblaient pas menaçants pour autant et le vent qui soufflait très fort les balayait toujours plus vite, je sentais ce vent qui apportait une fraîcheur inhabituelle pour la saison et je m’imaginais à la mer, au bord de l’océan plutôt, celui avec des falaises qui éloignent les foules de vacanciers, celui avec des plages de galets qui font mal aux pieds et émettent ces sons monotones mais apaisants lorsque on marche dessus, moi aussi je me serais cru au bord de l’eau à regarder les nuages défilant beaucoup trop vite et je n’avais pas de musique dans la tête, pour une fois.

jeudi 2 août 2007

Plus c'est long plus c'est Kongh

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Un disque (forcément) que j’ai eu du mal à écouter, je crois même que je vais avoir du mal à en parler aussi, après tout ceci n’est qu’un prétexte de plus. Donc, un trio qui vient de publier un premier album sur un label dont le nom me laisse rêveur, tant de lucidité, mais pas autant que l’ambivalence que cette musique fait naître chez moi : les Kongh sont suédois (et non pas marseillais), ils pratiquent le gros metal bien lourd, bien sludge et bien doom aussi bien que Black Cobra mais, mais, à la différence des charmeurs de serpents venimeux, ils savent étirer tout ça sur la longueur un peu comme ce chewing-gum fondu dégueulassement gris rose sur lequel j’ai par inadvertance marché hier après midi et qui nous retenait moi et mes baskets collés à l’asphalte par un long mais invulnérable filament de gomme synthétique et baveuse, encore une (bonne) raison supplémentaire de haïr l’été.
De ce disque je n’avais retenu que ça, la durée des titres (il y en a cinq sur Counting Heartbeats et en tout ça dure presque 65 minutes) et les passages lents. En ce moment j’ai du mal avec le lent qui poisse et qui braille -j’ai du mal avec beaucoup de choses mais cela n’a rien à voir : ce n’est qu’un exemple mais je n’ai réussi à supporter en intégralité le nouvel album de Neurosis qu’une seule fois, je ne peux vraiment pas. Bref, une écoute laxiste et relâchée des mp3 du disque de Kongh avait donc réussi à me convaincre de pas grand-chose et lorsque le hasard a voulu qu’une version non virtuelle passe entre mes mains mon avis a radicalement changé, du pas grand-chose je suis passé au tout ou rien.























Car sur ce disque il n’y a pas que de la langue de bœuf grillée et autres gourmandises pour amateurs de post core acnéique : j’y trouve aussi du diablement sale et du curieusement ralenti, ralenti pas dans le sens habituel du terme (un coup de caisse claire toutes les trois minutes et on recommence) mais plutôt à prendre comme un abri temporaire -séquence émotion, une porte refermée sur la tempête, soudain le calme mais dehors le vent continue à se déchaîner, une présence invisible et menaçante, ce n’est qu’une image bien sûr et je rappelle que Kongh est un groupe suédois, voilà, j’ai donné dans la couleur locale.
Il n’y a qu’un seul guitariste dans Kongh et je me demande bien où il est allé chercher le son qu’il utilise pendant ces passages là. Je me demande aussi où il trouve ses riffs d’enclume pour les passages qui défouraillent. Il sait parfaitement compter, en fait il sait exactement quand le plan qu’il est en train de jouer peut commencer à ruiner sa musique, lasser le type qui écoute (moi) et tout foutre en l’air. Merveilleux équilibre, tout ou rien : c’est cette impression de rampant et de pesant transformée in extremis en inévitable attraction, désastre chéri et remontée d’adrénaline en direct. Il y a aussi le dernier titre (Zihuatanejo ? Je n’ai jamais su lire les caractères gothiques imprimés en marron presque clair sur fond marron pas tout à fait foncé) dans lequel je crois déceler de la double pédale, tout ça pour dire que dans la musique de Kongh la rythmique n’est absolument pas en reste, et cela fait quand même beaucoup de qualités tout ça : du long qui n’emmerde pas, du lourd qui ne pèse pas, des structures compliquées qui ne lassent pas. Le seul point négatif est la voix, au mieux elle gargouille dans un style par très loin d’un King Buzzo burné à la Philip Anselmo, au pire elle racle les parois intérieures de la caverne perdue dans la falaise les nuits de pleine lune de manière presque insupportable mais heureusement les parties chantées sont tellement minoritaires ici qu’on les en oublierait presque.