mercredi 31 octobre 2012

Skoal Kodiak / Kryptonym Bodliak




Il a bien fallu revenir un nombre de fois assez incalculable sur ce Kryptonym Bodliak avant de commencer à l’apprécier un tant soit peu. Pour être complètement honnête, ce sont en fait les deux titres que SKOAL KODIAK – un trio de Minneapolis avec des anciens Seawhores et un ex Cows à bord – a placé sur la compilation A Butcher's Waltz (chez Learning Curve) qui ont été complètement déterminants dans cette affaire de goûts et de couleurs. Deux titres qui restent bien meilleurs que tout ce que peut proposer Kryptonym Bodliak mais qui éclairent ce deuxième album du groupe d’un jour nouveau et finalement bien différent.
Evidemment il faut gratter un peu parce que la production de Kryptonym Bodliak est vraiment en dessous de tout : on ne dit pas qu’un peu de lo-fi ça ne fait pas de mal de temps à autre mais, dans le cas de Skoal Kodiak, davantage de lisibilité et de clarté n’aurait pas nui à la musique du groupe parce que celle-ci le mérite amplement voire même l’exige. Il y a beaucoup d’électronique et de bidouille chez Skoal Kodiak, des sons bizarres semblant sortir de nulle part mais en partance directe pour vriller nos petits cerveaux ramollis et surtout il y a cette voix constamment trafiquée et saturée, quelque part entre Chrome et les Butthole Surfers. Or ces références ne signifient pas pour autant une autorisation sans conditions pour enregistrer des disques dans les chiottes au fond de la cour de grand-mère.
La recette corrosive de Skoal Kodiak est donc la suivante : une rythmique basse/batterie qui distille un funk mutant et déglingué parfait pour faire danser les trépanés, de multiples samples et sonorités d’un autre monde (de l’espace infini ?) pour faire peur aux terriens – modèle moyennement lambda et travailleur honnête – et cette voix, ce chant sous perfusion à l’ergot de seigle. Techniquement il y aurait beaucoup de similitudes entre Skoal Kodiak et les anglais de Castovalva (qui viennent de publier leur second album chez Brew records – on en reparle bientôt) mais les disques de ces deux groupes sont complètement différents : autant Castrovalva tire du côté d’un mélange assez improbable et anéantissant de noise mathématique et de hip-hop hardcore, autant Skoal Kodiak choisit la voie sale et bruyante de la dépravation et de la déchéance. Et c’est ça qui plait le plus avec les américains : cet acharnement dans le n’importe quoi, la délectation au premier degré de tous les vices et ces moments de folie (comme le final de A Astral Assassin) qui finissent le sale boulot. Le meilleur titre de Kryptonym Bodliak reste Tomah Triangle et son saxophone réverbéré ; c’est lorsque Skoal Koadiak étoffe son son de façon aussi imaginative que le groupe devient vraiment bon…




Amis lyonnais, le comité éthique musicale et divertissements pour tous de 666rpm espère que cette chronique tardive d’un disque publié en 2011 sur Load records vous aura donné envie de voir Skoal Kodiak en concert : aux dernières nouvelles le groupe est en effet programmé par Grrrnd Zero nouvelle formule le vendredi 2 novembre aux côtés de Father Murphy et de plein d’autres groupes encore.
Ce concert consacre même la réouverture officielle du lieu pour de nouvelles et passionnantes aventures ; plus d’infos (ou pas) en écrivant ici : grrrndzero[arobase]grrrnd zero[point]com ou en allant surfer par là : www.grrrndzero.org.

mardi 30 octobre 2012

Report : Sheik Anorak, Doomsday Student et Electric Electric au Clacson - 25/10/2012





Une fois n’est pas coutume, direction le Clacson à Oullins pour un concert dont l’affiche est pour le moins hétéroclite : Sheik Anorak, Electric Electric et surtout Doomsday Student. Une soirée coproduite – donc – par le Clacson, Grrrnd Zero hors les murs et l’Association Versaillaise des Nouveaux Maitres du Monde.
Après un périple cafardeux dans les bouchons lyonnais, je ne parle pas des restaurants à touristes mais des bouchons composés d’automobilistes qui préfèrent oublier que demain ils n’auront plus les moyens de mettre du carburant dans leur moteur, je me gare enfin – non sans avoir à faire quelques périlleuses manœuvres – pile devant la salle et en bon privilégié que je suis ce soir ; car je suis en plus chauffeur pour Sheik Anorak, ce qui aura pour moi le double avantage de ne pas payer ma place de concert (contre l’avis virulent et mercantile du plus jeune organisateur de la soirée) et de me bâfrer sans retenue au catering, goûtant une splendide tarte à l’aubergine pas loin de rivaliser avec les anciens exploits culinaires de Maquillage & Crustacés – lequel promet toujours de revenir sous peu à l’organisation de concerts.

Et puis assister même de loin aux balances des groupes est toujours un plaisir particulier.




Pendant que les musiciens, les techniciens, les organisateurs du concert, l’équipe pléthorique de bénévoles de la salle et les pique-assiettes dans mon genre se gavent au frais de la princesse, le Clacson se remplit doucement mais sûrement ; mais il n’y aura pas autant de monde qu’espéré au départ et on peut se demander où sont passés les lyonnais, d’autant plus que dans l’assistance on comptait nombre de stéphanois, des marseillais, des nîmois en transit et, pire encore, des parisiens en vacances.
SHEIK ANORAK joue malgré tout devant une audience confortable et surtout très attentive : beaucoup de personnes venues ici ce soir découvrent pour la première fois ce one man band particulièrement apprécié dans les colonnes de 666rpm et elles repartiront convaincues et avec le sourire du nouveau fan aux lèvres.
Le dispositif de Sheik Anorak – boucles de guitare superposées et batterie – ne change évidemment pas mais ce garçon cherche toujours de nouveaux moyens pour affiner et affirmer sa noise mélodique et racée ; aux côtés de ses compositions habituelles (un premier titre qu’il joue depuis ses tout débuts, un autre chanté, tubesque en diable et qui avait surpris tout le monde il y a quelques mois et, enfin, une composition plus atmosphérique en clôture de set), Sheik Anorak a présenté une vraie nouveauté..
Et quelle nouveauté. Jouée simultanément à la guitare et à la batterie – donc sans faire appel à la superposition de multiples boucles – cette nouvelle composition comporte elle aussi du chant et surtout allie deux parties distinctes ; une première très immédiate, avec voix et bien tournée ; une seconde instrumentale, plus rêche, plus abrupte et privilégiant la répétition et l’atonalité. Un effet deux en un qui laisse pantois parce qu’on ne peut pas choisir, l’articulation entre les deux parties se fait naturellement et le glissement de la mélodie vers le bruit et l’expérimental semble aller de lui-même. Un beau moment.




Contre toute attente les DOOMSDAY STUDENT jouent en deuxième. Ce sont les américains qui l’ont demandé et c’est plutôt une bonne idée. J’en connais quelques-uns qui se sont tapé quelques centaines de kilomètres pour assister au concert de ces ex Arab On Radar – uniquement trois dates française sur toute la tournée européenne : Paris, Lyon et Toulouse – et ils ne vont pas être déçus du voyage.
Précisons que la référence à l’ancien groupe formé par trois des quatre membres de Doomsday Student n’est absolument pas fortuite : tout comme l’album A Jumper’s Handbook réitérait les exploits d’antan, un set de Doomsday Student comporte la même dose de folie hystérique que ceux d’Arab On Radar il y a plus de dix ou quinze ans – à l’exception du Guitariste Paul Vieira (Chinese Stars) qui ne fait qu’assurer correctement avec ses belles guitares à manche en alu et ses tatouages. Les trois autres, le chanteur détraqué Eric Paul, le batteur maniaque Craig Kureck et surtout le guitariste loup-garou Stephen Mattos, passent pour de vrais psychopathes.




Lorsqu’on joue une musique aussi barrée et sale, le vrai talent consiste avant toutes choses à faire oublier au public que l’on est peut-être en train de jouer un rôle et à se lâcher complètement, loin de tout professionnalisme apparent. Les quatre Doomsday Student y arrivent très bien, misant sur des effets simples (les lumières aveuglantes qui poussent Kureck à porter ses lunettes noires sont toujours là) mais avec une véritable attitude scénique. En plus les quatre musiciens sont tous habillés à l’identique, chemises et pantalons noirs avec des baskets oranges, et cela suffit à donner l’impression qu’ils font corps tous ensemble.
La musique du groupe – chant de sirène asexuée, guitares tordues et dissonantes jusqu’à la douleur et batterie quasiment mono rythmique – n’aurait pas pu supporter autre chose que ce déversement hystérique et malade, parfois à la limite de l’obscène. Le public a apprécié même s’il a été loin d’atteindre le niveau d’explosion mérité. Une grosse demi-heure et un rappel plus tard (!), les quatre Doomsday Student étaient claqués, à genoux et c’était fini, sans la possibilité, on le savait pourtant, de revivre ça une seconde fois, tout de suite et maintenant. Il ne fallait surtout pas rater ça.




Les trois Electric Electric jouent donc en dernier. Le groupe est installé en ligne avec le batteur au milieu et devant ; les musiciens sont comme bloqués derrière une impressionnante quantité de matériel – percussions additionnelles, synthétiseurs, etc… – qui fait barrière entre eux et le public.
J’ai malheureusement toujours un problème avec Electric Electric en concert : autant j’apprécie beaucoup la musique du groupe sur disques – comme le deuxième et récent album Discipline mais je ne peux également que conseiller son prédécesseur Sad Cities Handclappers – autant celle-ci passe de moins en moins la barre sur scène. Un phénomène qui me laisse perplexe, mais il en est ainsi.
Fort heureusement pour les garçons d’Electric Electric, fort sympathiques au demeurant, tout le monde n’est pas de mon avis de ronchon acariâtre, le groupe trouve sans problème son public et captive nombre de personnes s’agitant frénétiquement devant la scène. Je concède malgré tout que l’écoute du désormais vieux hit The Left Side m’a à nouveau fait chavirer. Mais c’est bien tout.

Bon, après tout ça il n’y avait plus qu’à repartir en voiture et dans la direction opposée avec tout le matériel de Sheik Anorak, une nouvelle occasion  pour moi de prouver à la Terre entière que j’étais bien un conducteur de tout premier ordre.

[quelques photos du concert ici]

lundi 29 octobre 2012

Cortez - Plebeian Grandstand / split


Lorsque la nouvelle de la parution de ce split entre Cortez et Plebeian Grandstand est parvenue jusqu’à nos oreilles et – plus encore – lorsque ce disque a enfin atterri sur la platine, la première réaction a été de se dire : Enfin des nouvelles de CORTEZ ! Il est vrai qu’il s’en est passé du temps, depuis l’année 2005 et la publication d’Initial, premier et jusqu’ici unique album du groupe, chez Exutoire records/Radar Swarm… on pensait légitimement que Cortez avait disparu corps et bien et qu’Initial, superbe album de metal core s’il en est, serait à tout jamais un one shot de qualité supérieure.
Alors ne me demandez pas ce que ces trois là on fait pendant ces sept dernières années ; le fait est que CORTEZ est tout simplement et enfin de retour, avec un long titre de douze minutes partagés en quatre parties distinctes. La noirceur a toujours été l’apanage du groupe et il en est exactement de même sur cet A.F.D.N.T.E.D.E.V.L.S qui ne ménage pas l’auditeur. On ne dira pourtant pas que Cortez fait du surplace : le rythme général s’est peut-être ralenti mais l’atmosphère n’en est que plus lourde et claustrophobe. Cortez crache sa colère avec un mordant impérieux dont la seule concurrence possible est un sens de la densité à couper le souffle. C’est tout juste si deux passages presque atmosphériques ou plus orientés post hardcore  sont placés là comme pour nous rappeler qu’il est bon parfois de respirer une dernière fois avant d’étouffer définitivement. Voici ce que l’on appelle un retour gagnant – et apportez-moi un défibrillateur s’il vous plait.



Mais il y a une autre bonne nouvelle au sujet de ce split ; celle-ci n’est autre que I.W.W.O.Y.T.W.Y.W.O.M et ses douze minutes là aussi – il doit y avoir un concept là-dessous –, c'est-à-dire toute la face occupée par PLEBEIAN GRANDSTAND. Ici, sans être non plus totalement réfractaire, on n’avait guère été clément à l’égard de How Hate Is Hard To Define, un premier album sans grande originalité. Il va donc falloir remettre son carnet d’adresse à jour et reconsidérer Plebeian Grandstand autrement, c'est-à-dire avec moins de condescendance et un peu plus de clairvoyance. Il n’empêche qu’entre ce premier album rigoureux et scolaire et I.W.W.O.Y.T.W.Y.W.O.M il y a tout un monde.
Et Plebeian Grandstand a semble-t-il trouvé le moyen de canaliser ses émotions et de transformer ses démonstrations de force en quelque chose qui fait bien plus mal et qui surtout fait désormais sens. On pense même que le hardcore très lourd et torturé à l’extrême de Plebeian Grandstand est désormais ce qui ce fait de mieux dans le genre : écoutez un peu cette façon qu’à le groupe d’instiller le malaise et d’effondrer le sol derrière vos pas ; avec I.W.W.O.Y.T.W.Y.W.O.M il n’y a aucun retour en arrière possible, il n’y a aucune échappatoire et lorsque la musique explose vraiment, c’est un festival de terreur noire et incandescente. Du coup il va falloir aussi écouter les deux titres que Plebeian Grandstand a publiés en septembre 2011 sur un 12’ partagé avec Bone Dance et Divider – un disque à coté duquel je suis complètement passé…

Ce split incontournable – n’oubliez pas que c’est bientôt noël la fin du monde, faîtes donc des heureux autour de vous – est publié sous la forme d’un 10’/25 cm gravé dans du vinyle blanc ça et là légèrement marbré de noir ; trois labels se sont occupés de cette coproduction : Basement Apes Industries,  Get A Life ! Records et – last but not least –  Throatruiner records.

dimanche 28 octobre 2012

Grrrnd Zero, 40 rue Pré Gaudry





La nouvelle est tombée cette semaine : GRRRND ZERO rouvre enfin ses portes – légalement, après accord des diverses commissions techniques et de sécurité – et après des mois de travaux acharnés et difficiles.

La nouvelle salle se trouve juste à côté des locaux habituels du collectif, c'est-à-dire au 40 rue Pré Gaudry, Lyon 7ème.

On en profite malgré tout pour rappeler que l’avenir de Grrrnd Zero est plus qu’incertain, les hangars et bâtiments abritant la salle de concerts et les locaux du collectif étant voués à la démolition pure et simple à moyen terme.

Donc le meilleur moyen de soutenir Grrrnd Zero c’est avant toutes choses d’assister aux concerts qui y sont organisés, de montrer qu’il y a un public pour ce genre de programmation, que Grrrnd Zero répond réellement à une attente et à un besoin et qu’à Lyon il y a de la vraie vie en dehors des grosses manifestations culturelles surmédiatisées.

Ci-dessous quelques dates de la programmation à venir, il est toutefois conseillé de se rendre sur la page dédiée du site afin d’obtenir toutes les dernières infos et l’évolution de cette programmation qui s’annonce d'ores et déjà très chargée.

- jeudi 1er novembre : oraison funèbre de feu la librairie Grand Guignol avec Mesa Of The Lost Women et Micro_Penis – Attention cette date est organisée hors les murs, pour plus d’infos sur le lieu, une seule adresse : jecherchemonchemin[arobase]gmail[point]com  

[…]

- vendredi 2 : Skoal Kodiak et Father Murphy
- lundi 5 : Radikal Satan et France Sauvage
- samedi 10 : Taulard, Clara Clara et Alligator
- lundi 12 : Sole et Ed Schrader’s Music Beat
-  samedi 17 : Acid Mothers Temple
-  mardi 20 : Pord, Verdun, Veuve SS, Alabaster et Meurthe

[…]

samedi 27 octobre 2012

Ape Unit / Unforgivable Holidays





A peine le temps d’écouter le disque de Lamalora que débarque sur la platine un autre groupe comprenant dans son line-up le guitariste Alberto Cornero de The Glad Husbands : APE UNIT. OK, on ne va pas prendre beaucoup de risques en affirmant que ce guitariste doit souffrir de schizophrénie aigue. Car après l’excellent hardcore noise vicieux et vicié de The Glad Husbands et le post rock un rien scolaire de Lamalora, voilà qu’Alberto Cornero et ses autres petits camarades nous donnent à entendre avec Ape Unit du pur grindcore/powerviolence as fuck. Ne vous fiez donc pas au titre presque simplet de cet album – Unforgivable Holidays –, ne vous fiez pas à la photo de ce garnement-porcinet et dopé à la glace à la crème et ne vous fiez pas enfin au lettrage enfantin du livret : tout ceci n’est qu’un leurre, une mise en scène, une blague…
Par contre Ape Unit n’est pas là pour faire semblant et en quelques seize morceaux (et donc seize minutes et des poussières de musique) le groupe passe en revue de manière aussi spontanée que jubilatoire une bonne partie du catalogue de la haine musicale tendance grind, avec échantillon de vomi corrosif et éructations porcines à l’appui. L’ensemble a souvent un côté très crust voire d-beat, sans doute parce que le batteur n’utilise pas de double pédale trigguée et complétée par un ordi et qu’il blaste donc à l’ancienne, avec la seule force de ses petits muscles de furieux. De la même façon les riffs et le son de la guitare ont ce caractère artisanal (loin de tout effet surcompressé protoolien), une chose qui devient de plus en plus rare à notre époque chez les groupes de grind et de metal.
N’allez pas croire pourtant que le son de ce Unforgivable Holidays est limité ou dégueulasse, non, il est simplement extrêmement brut et sincère, loin de toute surgonflette stéroïdée et il se rapproche même dangereusement de l’idée que l’on pourrait se faire d’une séance de lutte gréco-romaine entre deux charcutières ultra cougars et total naturistes dans une piscine remplie de carpaccio avarié sauce nutella.
Enfin Ape Unit semble animé d’un humour et d’un sens de la dérision vraiment spéciaux : quelques interludes samplés sont là pour mettre de l’ambiance (et cette ambiance est complètement à contrario de la violence de la musique du groupe) ; le recto comme le verso de la pochette reprennent la présentation d’une carte postale de vacances (évidemment) ; les titres des compositions varient d’un Seena Is A Warrior Princess à From Ska To God en passant par La Chanson Du Petit Prince ou Motochrist Supercrust. Violemment débile ou débilement violent je n’en sais rien mais ce que je sais c’est que Ape Unit vaut son pesant de franche rigolade et de détente éjaculatoire. Alors faites-vous du bien, ça ne durera pas si longtemps.

[Unforgivable Holidays  est publié en CD digipak par Grind Promotion et Tanto Di Cappello records]

vendredi 26 octobre 2012

Blacklisters / self titled





Les Blacklisters ont vu rouge. Leur tout premier album, dont la parution était en théorie prévue pour le 24 avril 2012, a finalement vu le jour plus de cinq mois après, tout ça par la faute d’un presseur de disques menant en bateau le label du groupe, Brew (Kong, Castrovalva, etc.), lequel a du changer son fusil d’épaule, trouver un autre prestataire pour assurer la sortie du disque et la retarder ainsi d’autant. Monde de merde.
Je ne sais pas pourquoi les Blacklisters détestent aussi les voyelles – ils orthographient leur nom BLKLSTRS, reprenant à leur compte mais en moins drôle l’idée des américains de Stnnng – ni pourquoi ils font donc une telle fixette sur la couleur rouge : c’est la couleur qui domine l’artwork* du disque (recto, verso et insert) et c’est également la couleur de ce vinyle transparent. Y a t-il des daltoniens dans le groupe ? Ont-ils peur que l’on ne comprenne pas vraiment qu’ils veulent exprimer une forme plutôt aboutie de colère musicale connue des amateurs sous l’appellation de noise rock ? En tous les cas ils aiment les chiens qui ressemblent à rien (pas les chiens de race) et qui vous regardent d’un air interrogatif à la limite de l’attendrissement.
Pourtant, des questions les Blacklisters ne s’en posent pas plus que ça et d’attendrissement il n’en sera non plus jamais question ici puisque la musique de ce groupe originaire de Leeds – quand on vous dit qu’il y a un réel renouveau des groupes à guitares du côté de la Grande Bretagne – va droit au but et force aisément le passage grâce à une noise calibrée et efficace qui satisfera largement les fans de Jesus Lizard et du Chicago sound et fera hausser de dédain les épaules de tous les autres. De la rage saignante à souhaits (ROUGE, on vous a dit) et si Blacklisters a parfois un peu de mal à s’affranchir des schémas de la bande à Yow et Denison, on saluera la constante mise sous pression d’une musique jouée comme il se doit, avec fureur, conviction et un sens aiguisé de la découpe manuelle de sensations aussi enivrantes que l’amour de la transpiration collective et la défonce auditive par tous les trous. De bons artisans, de bons bouchers bien rougeauds et un humour à couper au couteau et qui fait souvent mouche (avec des titres aussi poétiques que Ask Yourself A Question If The Answer Is Go Fuck Yourself). Et encore un groupe que l’on aimerait bien découvrir en concert…

* il y a quand même un mug Simply Red planqué sur cette photo de couverture… il y a aussi un exemplaire d’une bédé de Charles Burns et un cendrier contenant un bout de barbaque d’origine douteuse

jeudi 25 octobre 2012

Jessica 93 / self titled




JESSICA 93 est un one man band tout seul : Geoffroy chante, il utilise de la guitare, de la basse, des boucles et des boîtes-à-rythmes (au nombre de deux). On peut dire aussi que ce garçon est le guitariste des Louise Mitchels et qu’il joue également dans Besoin Dead et Missfist* mais honnêtement cela ne servira pas à grand-chose : le propre d’un projet en solo c’est d’inventer et de faire sa musique à soi, tout seul dans sa chambre devant sa glace ou dans sa cave au milieu de poubelles et de se foutre presque complètement de tout le reste.
La musique de Jessica 93 est particulièrement touchante. Sombre, triste, glauque, moite, souvent lourde, résolument mélodique et charpentée elle ne tient pas du bricolage hasardeux ou de la petite expérimentation de garage en guise de sauf-conduit contre l’ennui. Les compositions se tiennent, solides – belle utilisation des boites-à-ryhtmes – et s’avèrent d’une puissance insoupçonnée et radicale.
Jessica 93 tire sans doute toute une partie de son inspiration du côté des brumes des 80’s : par exemple Seul Contre Tous** est un excellent titre de post punk gothique et tribal dominé par des guitares gazogènes et un chant insaisissable de méduse urticante – surtout Geoffroy/Jessica 93 y multiplie les pistes et les boucles de guitare et de basse vraiment pour le meilleur, Seul Contre Tous étant un titre d’une rare densité mais aussi d’une fluidité pas loin du magique.
Cette densité presque agressive mêlé à cette fluidité plus que bienvenue on les retrouve sur tous les titres du disque. Si comme son nom l’indique Nepal est une composition plus ethnique (quel vilain mot, vraiment), elle reste dominée par une basse tellurique et vrombissante qui appuie toujours et encore dans le sens de l’émergence dantesque de blocs de pierres vers le ciel. Dragon est déjà plus dans la lignée de Seul Contre Tous et conserve cette habilité à inventer et croiser des motifs tout simples de guitare sur fond de lignes de basse imposantes – le long tunnel chargé en brumes grésillantes et qui coupe Dragon en deux ne fait qu’ajouter à l’impact mélodique et immédiat d’un titre à la limite de l’invitation à bouger son corps. Enfin l’intro d’Omar Little** semble sortir tout droit du Reptile House EP des Sisters Of Mercy (avec quelques kilotonnes de reverb en moins) puis, avec sa lenteur aussi lancinante qu’implacable, ce dernier titre totalement instrumental vous entraine vers de nouvelles hauteurs lysergiques et déraisonnées. Vraiment très beau.

Ce disque – d’autant trop court qu’il est vraiment réussi – est publié par pas moins de sept labels, il y en a forcément un pas très loin de chez vous et auprès de qui vous pouvez vous approvisionner : Attila Tralala, Corn Dog records, Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, Gateau Blaster, Label Brique, Tandori records et Wee Wee records***.

* les Louise Mitchels c’est par ici, Besoin Dead c’est de ce côté et Missfist c’est par là – les premiers seront en concert lyonnais le jeudi 15 novembre au Marché Gare en compagnie de Fordamage et de Binaire
** à noter que sur Seul Contre Tous et Omar Little un batteur est venu prêter main forte à Jessica 93 ; et on me souffle à l’oreille que ce garçon n’est autre que le batteur de Grand Prédateur
*** pour se faire une idée de la chose on peut également s’adonner au téléchargement libre et gratuit de ce disque

mercredi 24 octobre 2012

IRèNE / Nek





Si l’inventivité était une condition sine qua non et suffisante de la beauté, on pourrait affirmer que Nek, le premier véritable album d’IRèNE, est un petit chef d’œuvre de distinction et de grandeur. Seulement voilà, les quatre musiciens d’IRèNE ne se contentent pas de mettre leur imagination débordante et leur virtuosité certaine au service d’une musique aussi palpitante que saisissante ; ils utilisent également et à bon escient ces quelques armes dont beaucoup de musiciens de jazz ont trop souvent dédaigné l’usage et nié la pertinence tandis que les postulants au rock de stade tentent eux mais en vain d’en estomper les effets au profit d’une supposée rigueur, source de reconnaissance: l’énergie, la puissance, l’électricité… Ainsi Nek n’est pas qu’un disque qui puise une partie non négligeable de son inspiration ou tire ses racines dans le (free) jazz, l’improvisation, la freeture – appelez cela comme vous le voulez – et même parfois dans la musique contemporaine, Nek est surtout et avant tout un disque d’une vivacité et d’une générosité folle. La beauté sans condition, donc.
Car voilà également un disque finalement extrêmement varié, démarrant comme une tornade avec Bien Sûr, poursuivant sa lancée avec Sextet, un titre vraiment formidable avec son caractère de vieille horloge cliquetant au clair de lune ; un disque flirtant régulièrement avec le chaos, l’arythmie, le fracas de la guitare, les manipulations sonores (qui ne sont pas là que pour faire joli ou pour faire genre), la puissance mélodique mais aussi avec l’émotion (S et Choral, réellement poignants et définitivement superbes), la finesse, l’humour voire la drôlerie et qui, tout au long de ses onze compositions, arrive toujours à viser juste et surtout à nous toucher. On pourrait ainsi parler de pertinence musicale seulement voilà – encore une fois ! – IRèNE joue au contraire une musique impertinente, presque irrévérencieuse à certains moments, mais une musique qui également sait toujours retrouver la voie qui mène de la tradition (ce qui a pu être fait avant) vers ce que le groupe souhaite réellement, sa musique à lui, celle qui lui vient du ventre et qui, magiquement, s’accorde avec sa tête.
Nek est alors la démonstration, pleine d’humilité mais sûre d’elle-même, que l’on peut jouer une musique aussi magnifiquement imagée et très exigeante au niveau de l’écoute que totalement immédiate et inconditionnelle. Le secret de la spontanéité de Nek réside aussi sûrement dans la prise de son de Lucas Garnier, un garçon dont on a déjà pu apprécier la qualité du travail sur les récents albums de Lunatics Toys ou de Kouma ; un sens de l’ampleur électrique certain mais jamais au détriment des détails les plus insignifiants au départ mais finalement d’importance. Là aussi, tout est question d’équilibre et donc de clairvoyance.

IRèNe c’est, par ordre alphabétique : Sébastien Brun à la batterie, Julien Desprez à la guitare, Yoann Durant aux saxophones alto et soprano et Clément Edouard au sax alto et à l’électronique. Nek est publié en CD digipak par Carton records et le Collectif Coax.

Enfin, pour les lyonnais, sachez qu’IRèNE fêtera la sortie de Nek au Périscope ce jeudi 25 octobre.

mardi 23 octobre 2012

Guimo / Lotophage





Le Guimo est un petit animal à poils doux et soyeux qui se shoote allègrement à la fleur de lotus. Un peu comme le koala austral qui se gave lui de feuilles d’eucalyptus et en profite pour dormir des heures durant et laisse filer des journées entières dans l’indolence la plus complète et surtout la plus confortable. GUIMO c’est aussi et surtout un groupe de Bordeaux démarré il y a des années, ayant connu des incarnations assez diverses pour finalement se retrouver réduit à sa plus simple expression : Guillaume Hermon à la voix, aux textes et à l’harmonica et Philippe Rey – ancien guitariste des défunts Sincabeza – à la guitare et à plein d’autres choses encore.
L’évocation de Sincabeza ne doit cependant pas vous mettre sur la mauvaise voie : autant le regretté trio de math rock bordelais était expert en double croches, en syncopes, en mesures bancales ou en contretemps, autant Guimo fait l’éloge d’une lenteur lumineuse, crépusculaire et poétique, à mille lieues de toute frénésie, de tout vandalisme auditif et de tout passage en force. La seule constante entre les deux projets c’est l’élégance. Et la beauté. Si on insiste quelque peu sur les parallèles (humains) entre les deux groupes c’est tout simplement parce que Guimo et Sincabeza ont une longue histoire commune, au moins depuis 2003 et que cette histoire a abouti à cet album, Lotophage, publié au début de l’été 2012 en complète autoproduction.
Lotophage tourne donc autour des textes, textes à côté desquels il serait extrêmement difficile de passer puisqu’ils sont en français. Il n’en a pas toujours été ainsi car fut un temps Guimo s’exprimait dans la langue maternelle du rock’n’roll mais voilà, on l’a déjà expliqué un peu plus haut, Guimo n’est pas intéressé par le côté tranchant et/ou abrupt dans la musique mais privilégie une forme de tension toute autre, contemplative certes, extrêmement prenante, envoutante parfois (le sublime La Chose Petite) mais qui ne laisse jamais le sens des mots prendre totalement le dessus.
Souvent les textes s’avèrent peu intelligibles ou même sujet à interprétation car cette voix/chant parlé louvoie entre murmures distillés entre chien et loup, marmonnements intimistes et berceuses enfumées, sorte de confidences que l’on comprend justement à demi-mot : l’important ce n’est pas uniquement ce qui doit être dit mais la façon dont tout est dit ; comme lorsqu’on vous vous retrouvez serré entre des bras et que l’émotion passe également au travers de ce contact physique aussi simple qu’universel. Cela ne signifie pas que les textes de Lotophage ne sont qu’une suite de mots ou de phrases en forme de formules magiques servant à ouvrir des boites à secrets ; les textes sont bel et bien là mais on apprécie plus que tout cette façon sublimement délicate et raffinée de les lâcher dans la nature sans en faire des panneaux publicitaires à émotions.
La musique est à l’unisson de cette voix – fine, évanescente, minimaliste – et s’encombre de peu d’effets voire de peu de notes. Tout juste note-t-on sur Arbore la présence d’une contrebasse et d’une batterie jouées elles aussi par d’autres anciens membres de Sincabeza. Lotophage est ainsi d’une beauté simple et intime qui vous prend doucement mais fermement par surprise. Merci…

lundi 22 octobre 2012

Swans / The Seer




The Seer est déjà le deuxième album des SWANS post reformation. Mais que l’on ne se méprenne pas : les Swans c’est avant toute chose le groupe de Michael Gira accompagné d’une poignée de musiciens, un Michael Gira ayant composé l’écrasante majorité des titres de The Seer et produisant l’album de A à Z. Les autres ne font que lui obéir au doigt et à l’œil. On se rappelle ici d’un concert fin novembre/début décembre 2010 pendant lequel Gira dirigeait son petit monde avec toute la rigidité plénipotentiaire d’un dictateur éclairé et à la limite du ridicule, suscitant alors comme un vague mais légitime sentiment de rejet. Mais si ce spectacle décourageant avait pu être parfois gênant en concert, on ne retrouve pas tout à fait cet impact désagréable sur les  nouveaux enregistrements studio bien que l’on reste persuadé que si Michael Gira avait laissé un peu plus de latitude à ses musiciens The Seer aurait pu être nettement meilleur. On pense évidemment au guitariste Norman Westberg – membre historique des Swans et cofondateur du groupe – mais aussi à Phil Puleo, ex-batteur percussionniste des géniaux Cop Shoot Cop. Sur The Seer chacun est à sa place, une place assignée par Gira, mais en même temps tout le monde semble sous-exploité. Ce qui est valable pour Westberg et Puleo l’est aussi pour Christopher Pravdica (excellent bassiste), Thor Harris (pecussions en tous genres) et Christoph Hahn (lapsteel).
La direction artistique empruntée par The Seer est donc la suivante : longueur, longueur, longueur. The Seer est ainsi un triple album vinyle, un double CD et il culmine à plus de deux heures pour onze titres seulement. L’album est irrémédiablement difficile parce qu’indigeste. Il n’est alors pas interdit de l’écouter dans l’ordre que l’on souhaite ou par petits bouts – à noter que les tracklistings de la version CD et de la version LP diffèrent sensiblement, modifiant la perception que l’on peut avoir du disque. Quoi qu’il en soit The Seer reste et restera un disque difficile à s’approprier. Une masse grouillante et extrêmement dense d’où émergent les obsessions musicales habituelles de Gira. Seule l’affligeante (et pour une fois très courte) balade folk Song For A Warrior avec Karen Lee Orzolek des Yeah Yeah Yeahs invitée au chant fait complètement tâche au milieu d’un disque qui synthétise tout ou partie de l’histoire musicale des Swans.
On sent même que les Swans version 2012 ont mis un point d’honneur à en rajouter toujours tant et plus ; toujours plus de sauvagerie dark, toujours plus de grandiloquence, toujours plus de lourdeur, toujours plus de lyrisme, toujours plus de complaisance messianique. Les Swans restent donc les Swans et c’est la seule bonne et unique nouvelle d’un disque qui comblera les fans indéboulonnables du groupe et toujours persuadés que Michael Gira est un génie (et assurément il lui arrive d’en être un). Mais The Seer est un disque tellement obscurantiste (et non pas obscur) qu’il en devient laborieux. Parfois très beau, parfois très fort et souvent très émotionnellement violent mais aussi pénible à la longue et vraiment trop nombriliste. Le nombrilisme : le propre des dictateurs comme des génies…

The Seer est publié en version triple 12’ et double CD par Young God records. Une version CD limitée et autographiée par Michael Gira inclut un DVD de concerts filmés pendant la tournée 2010 du groupe – mais si on veut avoir un véritable souvenir de cette tournée on préférera et de loin l’excellent double CD live We Rose From Your Bed With The Sun In OurHead

dimanche 21 octobre 2012

Lamalora / self titled




En ce dimanche d’automne un brin tristoune et pluvieux tentons donc un peu de dérouler la pelote de fils emmêlés par les excellents Glad Husbands, groupe encore tout récemment évoqué avec son premier album God Bless The Stormy Weather publié il y a quelques semaines seulement par Whosbrain : on retrouve effectivement le guitariste Alberto Cornero au sein de LAMALORA, groupe que musicalement on pourrait qualifier de complètement opposé voire de radicalement antinomique à The Glad Husbands. Lamalora – qui compte également dans ses rangs un ancien batteur des non moins excellents Dead Elephant (il a joué sur l’album Lower Shared Descent) – se définit lui-même comme un groupe instrumental et progressif, ce que les entomologistes experts en tiroirs à petits casiers et en nomenclatures pour analphabètes appellent très volontiers et vulgairement du post rock.
Les amateurs du genre vont être ravis : Lamalora remplit toutes les conditions et tous les points du contrat confiance et préservation de la franchise post rock – et seuls les grincheux métallurgistes et autres révolutionnaires du bruit à tout prix trouveront que cet album sans titre n’a vraiment que peu d’intérêt. On peut certes concevoir que question originalité Lamalora ne brille pas exactement de mille feux mais on ne doute pas non plus que telles n’étaient pas les intentions de départ d’un groupe d’artisans orfèvres, des garçons qui par contre savent pertinemment ce qu’ils font et qui surtout savent là où ils veulent aller.
La musique de Lamalora est ainsi extrêmement imagée et expressive et surtout pas aussi arrondie et lisse qu’on pourrait le croire ou le penser au départ. Ça et là transpercent des breaks ou des parenthèses qui mettent gentiment le feu aux poudres et font de cet album sans titre un disque très agréable et plein de vie. Un disque à l’exact opposé de toute prise de tête et de toute agressivité mais qui lorgne largement du côté des meilleurs représentants du genre instrumental et cinématographique (Microfilm pour ne pas les nommer). Evidemment – redisons-le encore une fois – si le genre ne vous intéresse pas, passez votre chemin. Sinon, laissez-vous tenter par un disque soigné et élégant, discret mais efficace, sobre mais subtilement coloré. Pour contacter Lamalora et pour éventuellement vous procurer ce disque : lamaloraband[arobase]gmail[point]com.

Bon, et maintenant, puisque c’est dimanche et qu’on s’emmerde, vous pouvez toujours retourner faire la sieste.

samedi 20 octobre 2012

Klaus Legal / Klaus Is A Mensch !




KLAUS LEGAL est un nouveau projet monté par Pavel – ex guitariste de Death To Pigs, ex Hallux Valgus, actuel La Race et Judas Donneger* – et surtout il s’agit d’un projet entièrement solo. Ce jeune homme avait déjà surpris son monde avec Judas Donneger (un CDr sans titre et un split avec les Suce Pendus) qui ronge une sorte de cold wave synthétique et minimale par là où ça fait le plus mal.
Les choses ne s’arrangent guère avec Klaus Is A Mensch !, première demo/CDr de Klaus Legal sur laquelle le principal intéressé ne s’occupe que de bidouillages et de sonorités électroniques, allant même jusqu’à rendre toute tentative de chant complètement méconnaissable sous une tonne d’effets ultra cheap. On se croirait à la toute fin des années 70 ou au tout début des années 80 lorsque certains allumés du ciboulot avaient décidé que les synthétiseurs et autres vocoders popularisés par les garçons coiffeurs de chez Kraftwerk pouvaient également servir à traduire leurs angoisses maladives et leur terreur d’un quotidien morne et gris.
Alors, rien de nouveau sous notre petit soleil glauque et urbain ? Je ne sais pas. Même si elle fait penser à des choses enregistrées il y a plus de trente années maintenant – certains des enregistrements primitifs d’Esplendor Geometrico par exemple –, la musique de Klaus Legal possède quelque chose de terrifiant parce que collant parfaitement avec la merde ambiante qui constitue notre prétendue modernité. Et on a du mal à déceler ici une quelconque distanciation, un semblant d’ironie et surtout rien de ce second degré post moderne qui amuse tant les groupes s’inspirant de la Bippp génération si parisienne et si mondaine. Au contraire Klaus Is A Mensch ! et sa musique aussi rudimentaire que sale vous collent un certain malaise qui est ni vain ni artificiel.
A noter en ghost track une reprise/bidouille du Blue Moon d’Elvis Presley. On trouve également en septième position une reprise (méconnaissable) de Café Flesh, un titre des défunts Suce Pendus**, et si on met ce CDr dans un ordinateur on aura le plaisir de découvrir le video clip très low tech de Scorpion Town, assurément le hit single de Klaus Is A Mensch !.

Klaus Is A Mensch ! est disponible uniquement auprès de Klaus Legal, à prix libre et à l’adresse suivante : klauslegal[arobase]gmail[point]com.

* lesquels Judas Donneger annoncent la sortie de Otages, un nouveau CDr uniquement composé de reprises – de Burzum à Jacques Brel
** et il faudra bien qu’un jour je me décide à parler de l’album posthume des Suce Pendus…

vendredi 19 octobre 2012

Report : Gaffer Fest 2012, troisième jour





Samedi soir… Après deux jours déjà bien chargés la fatigue commence à se faire sentir mais on y retourne. L’affiche de cette dernière soirée du Gaffer Fest propose en effet Marteau Rouge et pour rien au monde – même un concert-souvenir des Wedding Present à quelques centaines de mètres du Périscope – je ne raterais ça.
J’ai pourtant bien l’intention de me coucher de bonne heure, c'est-à-dire un peu avant deux heures du matin et surtout avec moins de deux litres de bière dans les veines, persuadé que ce soir je vais pouvoir apprécier en mode pépère un concert de free jazz et de musique expérimentale pour intellectuels du week-end. Mais la musique restera à jamais l’une des plus belles expériences de ma pauvre et misérable existence terrienne, tout simplement parce qu’elle me réserve toujours tellement de surprises. Commençons donc par boire une première bière.



Le fait que je connaisse assez bien le timonier amiral et le moussaillon/souffre douleur de MEURTHE ne va avoir strictement aucune influence sur ce qui va suivre. Mais d’abord un peu d’histoire : anciennement baptisé Ulrike Meinhof, Meurthe aime jouer dans le noir, a longtemps été un projet solo, a publié un titre de huit secondes sur une disquette informatique, utilise des pédales d’effets organiques qui oublient de répondre aux ordres, joue de la guitare sommaire et est devenu depuis quelques semaines un duo avec l’arrivée d’un jeune batteur versaillais inexpérimenté et au sex-appeal incertain – un changement drastique de line-up en forme d’opération séduction/marketing plus connue sous le nom de produit d’appel placé en tête de gondole.
Meurthe c’est donc des textures sombres, bruitistes mais pas assourdissantes, sur lesquelles viennent désormais se greffer des rythmes tribaux et cycliques qui donnent du volume supplémentaire à l’ensemble. C’est bien foutu, prenant, ça a de plus en plus tendance à gagner en originalité – ce qui n’était pas gagné d’avance parce qu’en matière de drone/indus ambient la messe est dite depuis longtemps – et ça m’a redonné soif. Que demander de plus ?




Le fait que je connaisse également plus ou moins bien les deux musiciens dont il va maintenant être question n’aura non plus aucune influence sur ce qui suit. KANINE est un duo de free jazz – une musique vieille de plus de cinquante ans maintenant – et dont le but avoué est de marcher sur les pas de quelques grands anciens (les deux musiciens citent Rashied Ali, Sunny Murray, Peter Brötzmann, Evan Parker… mais on pourrait rajouter Coltrane à la liste). La tâche est incommensurable et donc la seule façon de s’y atteler et de réussir réside dans l’honnêteté de la démarche, une certaine humilité et tout le mordant que le duo déploie sur ses improvisations.
Bien sûr Kanine n’a peut être pas encore toute l’envergure ni surtout toute la technique pour s’immerger jusqu’au cou et s’oublier complètement dans un bain de freeture absolue mais les deux musiciens ont cet atout que personne ne peut leur enlever : la puissance et l’électricité qui parcourent une prestation qui tient de la générosité et de l’énergie. Plus le duo jouait et plus il devenait meilleur, développant une rudesse certaine. Voilà, il faut un peu de temps – et de confiance en soi – à Kanine pour que le groupe s’élève dans les airs mais il sait comment y parvenir.


 

Le duo composé de COLIN WEBSTER et MARK HOLUB s’adonne également au free jazz mais nous raconte une toute autre histoire. On avait déjà pu entendre Colin Webster il y a quelques mois dans la cave de Buffet Froid en guest sur un concert de Loup mais on avait un peu regretté que la configuration du lieu ne convienne pas tout à fait au jeu plein de subtilités de ce saxophoniste anglais passionnant et très imaginatif. Le batteur Mark Holub est son accompagnateur habituel, son vieux complice et pouvoir enfin entendre les deux musiciens ensemble sur une scène était  déjà en soi une excellente nouvelle.
Et c’est peu dire que ces deux là s’entendent à merveille. Une connivence qui fait des étincelles tout en laissant à chacun toute la latitude nécessaire pour assurer son propre numéro de funambule. Une idée très précise et très juste de l’improvisation libre dans le cadre du free jazz : chacun y va de son entrain, de ses fulgurances et de ses sauts périlleux mais l’ensemble est cohérent et homogène ; Colin Webster et Mark Hobub jouent ensemble et ils aiment ça. Moi aussi.




Et maintenant que dire ? MARTEAU ROUGE est un groupe composé de Jean-François Pauvros (guitare, distorsion et voix), Jean-Marc Foussat (synthèse analogique, bruits de bouche, voix et chapeau) et de Makoto Sato (batterie et poésie muette). Des vieux amis, des vieux grincheux parfois et des vieux musiciens encore terriblement jeunes. Un concert fulgurant – mêlant du vieux blues bien crade, de la noise bien brute, du free bien libre, des expérimentations sonores bien spatiales, du chant bien caverneux, de l’humour parfaitement irrésistible – et une décontraction dans l’acharnement à faire exploser les barrières et les préjugés (et les tympans aussi) qui laisse pantois.
On ne dira jamais assez de bien de Jean-François Pauvros, mélange improbable mais très réussi de Jimmy Page et de Joey Ramone, un type qui a donné la fessée à Thurston Moore, un esthète qui évidemment porte des chaussettes rouges, un musicien capable de jouer de manière génialement sale en finger picking puis d’ériger des murs du son d’un bruitisme presque effroyable. Il râle pendant le concert, donne des ordres que les deux autres font semblant de ne pas entendre (« non mais tu ne balances pas tes sons maintenant avant le concert ») et réclame avant un éventuel rappel – parce que le public est furieux de désirs – le droit de faire une longue pause, de fumer une clope, de boire un coup et de prendre son temps. N’empêche que Marteau Rouge remontera effectivement sur scène et en fait de rappel donnera un deuxième set encore plus démentiel et orgasmique que le premier. Et moi qui voulais me coucher de bonne heure.

[les photos de ce troisième soir du Gaffer Fest sont ici – le comité rédactionnel de 666rpm tient à l’unanimité à remercier l’ensemble des groupes participants et surtout Franck Gaffer pour son abnégation et sa vision des choses]

jeudi 18 octobre 2012

Report : Gaffer Fest 2012, deuxième jour




Vendredi 12 octobre : retour au Périscope pour le deuxième soir du Gaffer Fest. Un soir dont la programmation était sur le papier légèrement en deçà de celles des autres jours, disons moins intéressante. Pourtant, découvrir sur scène des groupes que l’on ne connait pas ou dont on n’a jamais entendu vraiment parler fait parti des grands plaisirs de la vie mais cela ne fonctionne pas non plus à tous les coups.
Et visiblement, pour ce deuxième jour de concerts un peu plus en demi-teinte, il n’y aura pas de miracle. Les deux découvertes potentielles du jour se sont révélées décevantes. Mais rien de grave non plus…




Premier groupe de la soirée, BOLIDE est un quintet pratiquant l’improvisation bricolée pure et dure et dans le plus complet respect de la tradition britannique du genre. Ces anglais – donc – sont volontairement exubérants et loufoques, doivent bien aimer l’alcool de thym nîmois, la tisane de psylos, les formules magiques de la maison Sandoz et ils lorgnent du côté d’un AMM (les maîtres anglais et même mondiaux du genre impro libre et totale) qui aurait engagé John Cleese pour faire la pom-pom girl en bas résilles et escarpins vernis sur le devant de la scène.
Bon. L’impro à la va comme je te pousse ça fonctionne très bien ou alors ça ne fonctionne pas du tout… Dans le cas de ce concert de Bolide ce fut assez exceptionnellement un entre-deux : le groupe n’a pas joué assez longtemps pour éreinter les foules mais il n’a pas non plus provoqué l’hilarité générale. J’étais pourtant plein de bonnes dispositions à l’égard de cette bande d’olibrius que je reverrais toutefois avec plaisir parce que je suis sûr que Bolide peut faire des merveilles dans le domaine du dérapage incontrôlé.




WILL GUTHRIE installe ensuite sa batterie au sol, juste devant la scène. Pour celles et ceux qui douteraient de l’intérêt des solos de batterie en concert (ou ailleurs) je les renvoie directement à l’écouter intensive et obligatoire de l’album Sticks, Stones and Breaking Bones paru cette année chez Gaffer records (entre autres). Tous les autres, y compris ceux qui ont déjà eu la chance de voir Will Guthrie en concert, que ce soit en solo ou bien en compagnie du génial trio The Ames Room, ils savent déjà depuis longtemps.
Car nul besoin d’effet de surprise pour apprécier la performance/prestation du batteur, tout simplement parce qu’il ne nous en laisse pas le temps. OK, vous trouverez toujours dans le public un musicien averti ou un exégète ronchon pour vous décortiquer la nature profonde des rythmes enchainés par Will Guthrie mais à quoi bon ? Procédant par glissement et micro-cassures ce batteur insuffle une ronde infernale aboutissant, effort répétitif aidant, à un sentiment d’abstraction éliminant tout effet pervers de virtuosité pour s’élever du côté de l’irréalité. De la poésie qui cogne et qui frappe.




Autre découverte possible de la soirée aux côtés de Bolide, LA PIRAMIDE DI SANGUE est un groupe italien de six personnes jouant un rock très psychédélique mais – hélas ! – également très grandiloquent. On aurait pu passer un bon moment mais le fait est que toutes les compositions du groupe se ressemblent, suivent le même schéma et aboutissent au même résultat, celui d’un ennui poli mais définitif.
Tous les efforts des musiciens n’y feront rien, La Piramide Di Sangue s’effondre invariablement dans un fracas de plastique extrudé et aux milieux des ruines encore fumantes il restera ce son de clarinette difficilement supportable et responsable pour une grande part de ce désamour profond.




De la clarinette il y en a également dans la musique de THE PITCH. J’avais malencontreusement raté la précédente venue de ce groupe comprenant dans ces rangs l’ex batteur des éternellement regrettés MoHa!... Pourtant l’album Transposition Zero qui date déjà de 2010 est une petite merveille de musique mouvante et idéalement contemplative. Le concert donné au Gaffer Fest a totalement été dans la continuité de ce disque (lui aussi enregistré en live).
Difficile à décrire, on pense pourtant souvent à Morton Feldman à propos de The Pitch mais un Morton Feldman sans l’importance prépondérante des silences ni le recours à l’aléatoire, un Feldman coulant voire liquide et qui aurait imaginé une musique de flux et de reflux. Les musiciens tiennent les notes mais ne semblent pourtant jamais s’éterniser. Souvent on a même l’impression qu’un mouvement musical débuté par l’un des quatre musiciens se poursuit avec l’intervention d’un deuxième et que c’est un troisième qui termine le cycle avant de le relancer.
La musique de The Pitch évoque ainsi une partie de ricochets de galets dont les ronds concentriques dans l’eau finissent par se croiser, s’influencer et se métamorphoser en un incessant recommencement. Dommage seulement que ce concert ne fut pas un peu plus long, il faut dire également que The Pitch a cette étrange faculté de distordre le temps et de le compresser en un instant de grâce fulgurante et intemporelle.

[encore des photos-souvenirs]

mercredi 17 octobre 2012

Report : Gaffer Fest 2012, premier jour




Gaffer records a souvent été évoqué ici, aussi bien au sujet de ses nombreuses productions discographiques* qu’au sujet de son activité d’organisation de concerts. Gaffer est ainsi un « label » dans tous les sens du terme, c'est-à-dire : édition de disques de musiques expérimentales, improvisées ou noise mais aussi l’assurance d’un niveau certain ou tout du moins la garantie d’un intérêt toujours renouvelé et répondant à notre soif inextinguible de découvrir de nouvelles musiques, de nouveaux groupes**. Un label qualité, donc, et la preuve est définitivement faite qu’il peut parfois y avoir quelques avantages à habiter du côté de Lyon.
Et bien recommençons encore une fois avec les éloges dégoulinantes puisque la troisième édition du désormais incontournable Gaffer Fest s’est déroulée du 11 au 13 octobre dernier (et pour la deuxième année consécutive au Périscope). Une édition aussi riche que variée avec en prime quelques concerts réellement spectaculaires et inoubliables.




La première soirée de cette troisième édition du Gaffer Fest est placée sous le signe des guitares. Groupe de revenants ayant décidé qu’il était peut-être dommage de splitter après l’enregistrement de Nursery Rhymes For Old Men, un très bon album posthume publié en guise de souvenir et laissé à l’errance pour l’éternité, les SCHOOLBISDRIVER ont malgré tout remis ça une dernière fois. Une dernière tournée pour se faire plaisir, pour rejouer ces fameux titres, pour faire le tour de tous les relais et châteaux et autres étapes gastronomiques qu’ils rencontreront sur leur chemin.
Mais la programmation est serrée : quatre groupes de prévus par soir cela implique que les premiers à jouer commencent à l’heure et cette heure là (21 heures pétantes) est précisément celle à laquelle le lyonnais moyen en est encore à roter sa soupe ou son apéritif du soir tout en se demandant s’il va sortir ou non. C’est donc devant une salle clairsemée que Schoolbusdriver enchaine les titres de son album cénotaphe, jouant tout en bloc avec une conviction qui fait plaisir à voir et à entendre.
Le chanteur se place souvent derrière un pupitre, on croit deviner que sur celui-ci il y a les textes de ses chansons et qu’il a consciencieusement mis deux ans à oublier mais cela ne l’empêche pas d’avoir de la présence ; il y a indéniablement du bonhomme, et, lorsqu’il se libère pour gambader sur la scène, le noise rock brut de Schoolbusdriver devient explosif. Les gars vous revenez quand vous voulez, même si vous devez vous séparer une seconde fois, je vous assure qu’il y a plein de trucs hyper gras et hyper caloriques à bâfrer par ici.




Le Périscope est désormais un peu plus rempli. Le lyonnais moyen – toujours lui – est venu assister au premier concert (officiel) de TOTALE ECLIPSE, un all-star band typiquement local comprenant dans ses rangs Nico Poisson (Ned, Chapel 59, Sathönay) à la guitare et au chant viril, Seb Radix (Kabu Ki Buddah, lui-même et sûrement quelques autres trucs encore) à la basse et au chant aigu ainsi que Franck Gaffer/Sheik Anorak (le héro du festival) à la batterie et aux chœurs.
Totale Eclipse reprend les choses là où The Rubiks, précédent groupe de Nico et Seb, les avaient laissées avant de splitter ; c’est-à-dire qu’on retrouve ces jeunes gens confortablement installés en compagnie de Fugazi, des Chinese Stars et de The Descendents – par exemple – sur les transats de La Croisière S’Amuse et en train de siroter goulument un cocktail au litchi et à la banane.
On ne doute pas un seul instant que Totale Eclipse est le meilleur groupe de punk progressif du monde mais il faut bien dire aussi que c’est sûrement le seul dans sa catégorie. L’alliance entre dextérité technique des instrumentistes, sens de la mélodie parfait, jeu de scène irréprochable, harmonies vocales aux petits oignons, humour de collégiens boutonneux, prestance physique de première ordre et compositions über kalität fait des miracles. Bravo messieurs, vous êtes tout simplement en route vers la gloire.




En ce qui me concerne, STAER était le groupe le plus attendu de la soirée. Le trio norvégien avait fait très forte impression lors de son premier passage lyonnais en avril dernier dans la cave de Buffet Froid et, qui plus est, son premier album sans titre est l’une des meilleures découvertes de l’année en cours. Staer ne va pas démériter et malgré un set un peu court – toujours ces foutus impératifs d’horaires à respecter – le groupe va assener au public qui aura su résister (!) des assauts sans concession, entre imposants mouvements de blocs bruitistes et déflagrations post industrielles. La beauté absolue dans le chaos.
Une conversation post concert très intéressante avec un alien débridé et un esthète musical me rappellera à propos de Staer le bon souvenir de Skullflower, celui d’après l’album Third Gatekeeper ; lorsque le groupe de Matthew Bower continuait à marteler sa noise industrielle tout en libérant des radiations psychédéliquement anxiogènes de plus en plus poussées. Staer est effectivement dans cette filiation là, avec en plus ce côté norvégien à la Noxagt, celui qui ne fait pas de quartier.




Après le chaos et la dévastation de Staer je ne donnais pas cher de la peau de YOWIE. Un groupe de résilients à bout de nerds et issus de l’écurie Skingraft, ayant publié un  premier album il y a huit ans déjà et revenant cette année par surprise avec un nouveau disque, Damning With Faint Praise, toujours chez Skingraft. Après avoir vu Yowie sur scène j’ai enfin compris pourquoi j’avais eu tant de mal il y a des années à avaler les couleuvres de Cryptology (en dehors du fait que ce premier album est loin d’avoir un son fantastique) : il me manquait l’image.
Yowie c’est donc un guitariste qui joue sur un instrument avec des cordes rajoutées et surtout placées là où elles ne devraient pas l’être, un autre guitariste (également membre de Grand Ulena) jouant lui sur une guitare faite maison et dont le bois a parait-il été récupéré d’une table manufacturée à échelle industrielle par un célèbre marchand suédois de meubles en kit pratiquant l’espionnage de son petit personnel mais aussi de sa clientèle et, enfin, un batteur en chaussettes et au sourire ravageur.
Chacun est branché directement sur son ampli, pas de rack incommensurable de pédales d’effets ; donc Yowie ne développe qu’un seul et unique son mais quel son ! Sur scène les trois musiciens donnent au public une grande leçon de dextérité décontractée, de pataphysique musicale, de déconnade permanente, de débilité furieuse… impossible de résister, impossible de ne pas sourire voire même de rire aux éclats pendant ce concert, assurément la plus grosse poilade de l’année. Que du bonheur – you can’t understand us ! – et la démonstration qu’il se passe à nouveau des choses bien intéressantes pour les amateurs de cartoonoise skingraftienne sous amphètes.

[quelques photos du concert]

* parmi les plus récentes : Akode - Sa(n)dnes(s) ; Loup - The Opening ; Marteau Rouge - Noir ; Colin Webster, Mark Holub & Sheik Anorak Trio - Langages – Live At Vortex (on reparle de tous ces disques dès que possible)
** dernière découverte en date et pas des moindres : le premier album sans titre de Staer