mardi 31 mai 2011

Report : Burne, Pord et Quartier Rouge au Bar des Capucins





















A peine remis du concert d’Oxbow et de Chevignon de la veille à l’Epicerie Moderne et me voilà à nouveau en selle pour rejoindre le premier arrondissement de Lyon. Direction : le bar des Capucins dont la cave aussi voutée et minuscule que chaude et humide accueille une affiche plutôt alléchante avec – par ordre d’apparition – les lyonnais de Burne, les lozérois de Pord et les parisiens (?) de Quartier Rouge. Les deux premiers ont tourné très intensément en ce mois de mai et surtout ont fait un maximum de conneries ensemble pendant près de trois semaines et demie, apparemment parfaitement bien remplies (alors qu’à l’inverse les verres et les bouteilles se vidaient de plus belle). Quartier Rouge s’est – si on peut dire – contenté d’accompagner les deux autres sur les quatre dernières dates de leur tournée.
On peut tout de suite regretter qu’il n’y ait pas eu un peu plus de monde à ce concert – il restait de la place dans la cave des Capucins, un comble – malgré une promo semble t-il correctement assurée : Burne, les régionaux de l’étape, ont du être un peu déçus du manque d’affluence puisque c’est eux qui s’étaient plus particulièrement occupés de caler cette dernière date de leur tournée commune avec Pord. Tant pis pour les absents, etc, éternelle rengaine.















C’est précisément Burne qui joue en premier ce soir, juste à la bourre ce qu’il faut sur l’horaire prévu. Je n’ai pas toujours été très tendre avec le groupe que de fait je n’avais pas revu en concert depuis un bon petit paquet de temps. Etre méchant et descendre les groupes comme des merdes est pour certains chroniqueurs du dimanche et autres fanzinards frustrés ou rachitiques du bulbe un plaisir sans nom mais il semble bien que je ne le ferai plus jamais au sujet de Burne dont la prestation m’a pour la première fois plu pour ne pas dire bluffé.
Rien ne me prédisposait à ce changement de vue pas plus que Burne a réellement changé d’optique entre temps. Pourtant, à y regarder de plus près, le hard core/noise métallique et mathématique du duo (un batteur et un bassiste) a gagné en précision et surtout en fluidité, ne privilégiant pas seulement l’énergie, les postures et les effets – c’est également très sensible lorsque on écoute les enregistrements du groupe et constate l’écart entre la première démo et le premier CD. Sorte de Belly Button mutique, sous speed et en version métallurgiste extrémiste ou même grind, Burne compense l’absence d’un instrument plus mélodique – par exemple une guitare comme chez n’importe quel groupe de Lozère ou un synthétiseur comme chez tous les groupes de Montpellier – par des effets visuels déclenchés au pied par le bassiste. C’est plutôt basique (alternance de noir complet, de lumières aveuglantes et de lumières clignotantes) mais ça marche plutôt bien. Surtout le groupe est moins rigide, a insufflé plus de groove dans sa musique, ce qui la rend plus humaine et moins mécanique malgré la redondance parfois des compositions. Une bonne entrée en matière pour cette soirée, donc.















Les stars de la soirée, justement, c’est peut être eux : Pord. Plein d’impatience après le concert démentiel que le trio a donné lors du premier soir du Fuckfest #3 – et par conséquent meilleure prestation de ce jour là – je ne m’attendais pas non plus à revivre un tel moment d’anthologie et de délire collectif. Le concert a pourtant été excellent en tous points mais surtout il a permis de constater que les Pord jouent de la même façon et ce quelle que soient les conditions, dans une belle salle toute équipée confort et cosy comme celle de Mains d’Œuvres à Saint-Ouen ou dans une cave mal sonorisée (voire même pas du tout) et enterrée sous un bar des pentes de la Croix Rousse à Lyon.
Voir jouer ces trois là est donc toujours un réel plaisir. Et les Pord ont eu d’autant plus de mérite que, fidèle à ses sales habitudes de rantanplanteur, le public lyonnais, déjà pas bien nombreux, a encore une fois fait la démonstration de sa légendaire frigidité – pourtant il n’y avait pas que des lyonnais dans la salle : une représentante du noyau dur du fan club marvejolais du groupe était présente aux premiers rangs, juste derrière on remarquait des immigrés de Haute Saône et même un transfuge nîmois. Ambiance un peu tiède donc, alors que Pord redoublait encore plus d’efforts en assenant une version dantesque et accélérée de Brenda’s Sheets. Alors vraiment un grand merci pour tout les gars et bon retour chez vous, puisqu’il s’agissait de votre dernière date.















En remontant de la cave tout de suite après le concert de Quartier Rouge, j’ai croisé en haut des escaliers le chanteur qui avait laissé le reste du groupe terminer le concert à trois et je lui avais alors demandé d’où Quartier Rouge était originaire exactement. Si j’avais relu ma propre chronique de l’album Les Années Lumières je n’aurais pas eu à (me) poser cette question presque idiote – qui en soi n’a rien de fondamentalement intéressant non plus. Par contre rien n’aurait pu me prédisposer à un tel déferlement et à une telle concentration épileptique de la part d’un groupe dont finalement je ne savais presque rien, mis à part une comparaison assez imparfaite avec les affreux américains de Daughters – et on a déjà fait pire comme comparaison. La réécoute à posteriori de l’album du groupe ne rend également que très partiellement compte de tout le bordel qu’arrive à mettre Quartier Rouge en concert.
Première surprise, le groupe joue sans bassiste (il y en a pourtant un sur le disque) mais avec un synthé Moog manipulé par un garçon frisouillé, tatoué, en slip et bas résilles. Cela peut donner un tout petit aperçu de la débilité contagieuse – dans le bon sens du terme – et de l’état psychotique dans lequel joue Quartier Rouge. Ces quatre garçons méritent en effet tous les hommages pour leur musique de malades sachant s’amuser (bien en plus) à jouer les tarés irrécupérables avec un je-ne-sais-quoi de dilettantisme et d’arrogance décalée qui donne toute sa crédibilité au truc.
Le concert a eu certes un peu de mal à décoller, il a fallu s’échauffer un peu sur les premiers titres, de plus après Pord certains ne sont pas redescendus dans la cave du Bar des Capucins, mais Quartier Rouge a joué comme si de rien n’était, devant les autres musiciens des deux autres groupes plus deux ou trois personnes scotchées par le noise’n’roll (parfois franchement grind, parfois psyché, parfois tout ça à la fois) du groupe. Un bon concert, étonnant, drôle et assez incroyable. Et finalement la meilleure surprise du jour.

[les photos du concert sont ici]

lundi 30 mai 2011

Report : Oxbow et Chevignon à L'Epicerie Moderne






















Ce vendredi 27 mai l’Epicerie Moderne de Feyzin accueillait Oxbow, à nouveau de retour en Europe et en France pour une énième tournée triomphale… Enfin ça, c’est le résumé que l’on pourrait faire du discours officiel des promoteurs et des tourneurs mais aussi le résumé des attentes diverses qui subsistent toujours pour un groupe que l’on a passionnément aimé par ici et que l’on continue de suivre à la fois par fidélité mais aussi par nostalgie. Quel vilain mot, la nostalgie (fidélité également, d’ailleurs). Nostalgie pour des moments proprement fulgurants, des concerts hallucinants de tension et de violence – les deux passages d’Oxbow au Pezner de Villeurbanne (1996 et 1998) puis celui au Gourbi (un squat du côté du quartier Bellecombe à Lyon) en juillet 2002. Alors, Oxbow, c’était mieux avant ? Non, c’était juste différent.
Et donc cela ne sera jamais plus pareil ? Qu’importe… On a également appris à aimer ce « nouvel » Oxbow, moins rock et moins noise – comme au contraire il avait pu l’être sur l’album Serenade In red – ou moins torturé – à la différence des albums Let Me Be Your Woman et An Evil Heat, des modèles du genre – mais pas forcément moins extrême et certainement pas plus sage. Des échos du fracas et de la torture sonique originels subsistent cette âpreté et cette noirceur qui nous donnent toujours autant de frissons dans le dos.
Alors ne boudons pas notre plaisir. Même si, après l’enthousiasme épidermique post concert, la ferveur transie est quelque peu retombée. Puis elle est revenue. Rapidement. En fait, il ne faut pas confondre la musique et l’expérience que l’on a pu en avoir. A propos d’un tout autre groupe – en l’occurrence il s’agissait de The Ex – un gérant de salle de concerts (qui s’est aussi trouvé être l’organisateur des deux premiers passages d’Oxbow à Lyon) m’avait asséné cette vérité fondamentale, alors que je lui exprimais cette opinion assez lapidaire que, selon mes souvenirs, les hollandais avaient été bien meilleurs quelques années auparavant : « mais tu sais », m’avait il répondu assez sèchement, « ce ne sont précisément que des souvenirs ». J’ai compris depuis combien il avait raison, combien – pour en revenir à notre sujet – Oxbow en 1996 (la découverte en concert, enfin) et en 2002 (pour la tournée de ce qui allait devenir mon album préféré du groupe, An Evil Heat) n’était que des souvenirs appartenant au passé, des impressions issues d’expériences quasi charnelles n’appartenant qu’à moi. Peut-on trouver plus instantané que le plaisir éprouvé lors d’un concert ? Ce qui nous en reste, ce que nous prétendons être une vérité historique n’est qu’un ressenti et en tant que tel ne peut être que distordu. Tordons nous donc dans le plaisir.

















Aujourd’hui l’expérience Oxbow est presque devenue toute autre. Ou peut être que c’est le ressenti qui est différent (d’autant plus que nous aussi on a changé, avec le temps). On croit alors que cette autre façon, celle que nous a déjà partiellement montré l’album A Narcotic Story, est déjà un fait établi. Et pourtant, le doute est toujours permis. On ne peut être vraiment sûr de rien. A l’heure actuelle, peu de personnes doivent réellement connaitre le contenu exact du prochain album du groupe (The Thin White Duke, annoncé depuis des lustres, c’est presque devenu une coutume chez Oxbow) mais ce qu’il y avait de vraiment marquant dans le concert qu’a donné Oxbow ce vendredi 27 mai à l’Epicerie Moderne – en dehors du fait que le groupe a comme à son habitude pioché dans une bonne partie de son répertoire et a exhumé comme toujours quelques bonnes vieilleries – ce sont les concordances que l’on a pu retrouver entre ce concert et la réécoute du deuxième album d’Oxbow, King Of Jews (1990), qui vient tout juste et fort à propos (?) d’être réédité par Hydra Head records. La teneur et la couleur musicales de cet album magique semblaient tenir toutes entières dans ce concert. Avec des moyens différents Oxbow continue donc en réalité à creuser le même sillon et à perpétrer inlassablement son crime originel, celui de son premier disque, Fuckfest, et dont King Of Jews est le plus proche écho traumatique.
La connotation blues de cette musique ne fait ainsi vraiment plus aucun doute. On la retrouve donc dans deux albums vieux de plus de vingt années, on avait pu l’oublier entre temps mais elle revient plus que jamais et en force, maintenant. Au feeling et à l’émotion des débuts s’est ajoutée une incroyable maîtrise instrumentale : Niko Wenner est un guitariste de plus en plus fabuleux, plein d’inventivité, offrant le plus beau des hommages et exprimant le plus grand des respects possibles à une certaine tradition musicale : en la dynamitant, tout simplement. Dan Adams (il joue toujours sur une basse fretless cinq cordes) et Greg Davis (batterie) pourraient être la rythmique d’un groupe de free jazz.
























Quant à Eugene Robinson, il a un rôle à tenir et il le tient parfaitement : « we are Oxbow, we love luxury, we love hotels, we love showers, we love maids » ou bien « who among you thinks I’m gay ? come on, hands up ! who thinks I’m gay ? let me know your girlfriends and I’ll show you the truth ». A ce moment là Niko Wenner et Greg Davis levèrent la main, non sans humour. Même si cela me fait toujours rire je rêve aussi du jour où Eugene Robinson n’aura plus besoin de se déshabiller pour se mettre totalement à nu, où il ne sera pas que ce showman délirant mais également ce poète du chaos qu’il laisse de plus en plus transparaître avec toute la classe ultime dont il est vraiment capable.
Et ce qui est finalement vraiment troublant, c’est cette vérité si élémentaire et si simple qu’on se sent parfaitement idiot de ne pas y avoir cru, d’avoir douté, d’avoir été un pseudo historien nostalgique et obtus : avec Oxbow on est à la fois dans des repères connus – l’électricité – et à la fois dans le flou de la surprise – la réinvention permanente. Aucune déception à signaler à l’horizon, le groupe est toujours cette bête immonde et indomptable. Je garde donc profondément enfouis en moi mes souvenirs d’une autre époque, écoute les résonnances qu’ils m’offrent avec le moment présent et attend la suite avec toujours plus d’impatience. Gageons qu’Oxbow n’a toujours pas fini de muer, de se transformer et d’aller voir ailleurs.
















En première partie Chevignon – oui ce soir c’était la soirée des marques ou (si on préfère) un défilé de mode sportwear pour petits bourgeois – Chevignon donc avait la lourde tâche de servir de hors d’œuvre, ce que le groupe a su faire avec brio. J’étais bien content de cette séance de rattrapage puisque j’avais malheureusement raté ces quatre garçons lors du festival Africantape, fin avril.
Ce soir pas d’émeute, pas d’hystérie, pas de menaces et pas d’insultes pour le groupe sur scène, mis à part un « enculés ! » lâché par l’une des personnes de l’Epicerie Moderne donc ça ne comptait pas vraiment. Pas de tentative de sabotage de la sono non plus. Face à cette ambiance de boum pour adolescents sages se roulant des pelles en attendant que leurs rêves de merde deviennent enfin réalité et même si la provocation de Chevignon ne fonctionnait donc pas à plein régime, on a pu goûter à toute la finesse de la musique du groupe – ces deux guitaristes de malades et ce batteur impressionnant (également dans FAT32) – ce qui était pas mal non plus. Chevignon était en grande forme, son chanteur prenait ses airs de tapette homophobe qui me font hurler de rire et ce nouveau titre, pastiche décalé, sixties et surf est réellement excellent. Un titre fort heureusement filmé pour la postérité – au sens internet du terme, c'est-à-dire pas pour très longtemps – par notre ami et chauffeur officiel Lionel DarkGlobe (merci à lui).

Quelques photos du concert ici, y compris celles du mini set acoustique qu’Oxbow a donné devant la scène avec en guest la participation au violon d’Alice (habituellement clavier des Lunatic Toys).

samedi 28 mai 2011

Movie Star Junkies / A Poison Tree






















Ah… ! Les Movie Star Junkies ! Le groupe n’a peut être rien découvert de nouveau, ne fait que reprendre des vieilles recettes de distillation et n’a pas inventé la poudre qui fait rire mais ces italiens expansifs, débraillés, alcooliques et généreux ont par contre trouvé quelques bons moyens de s’en servir et de tout faire péter, ventrebleu ! Paru à la fin du printemps de l’année dernière, A Poison Tree est le deuxième album des Movie Star Junkies après un Melville conceptuel (leur meilleur disque à ce jour) mais aussi une collection sans fin de singles et autres joyeusetés à vous rouler par terre – certaines de ces petites pépites sont compilées sur l’excellentissime Junkyears – Rareties And Farm Recording 2005-2007 paru en 2009 chez Avant! records.
Avec A Poison Tree (chez Voodoo Rhythm) les Movie Star Junkies ne changent pas vraiment la donne même s’ils semblent donner l’impression d’avoir affiné un peu plus leur eau de vie dans des fûts en vieux chêne – en cela ils ont parfaitement raison : prenez la mirabelle de Vosges (au hasard et par exemple), plus elle attend, bien bouchée dans une cave, au frais et à l’ombre, et meilleure elle devient. Et bien c’est un peu pareil avec ce disque dont les premières écoutes ne vous disent déjà que du bon, vous font chavirer, tituber et dont les dégustations suivantes virent carrément à l’addiction.
Au programme de ce A Poison Tree long en bouche, on l’aura compris, essentiellement des chansons à boire ET des chansons à boire. En effet les Movie Stars Junkies oscillent principalement entre tangage maritime et entrainant (Almost A God ou A Poison Tree) et galopades en zigzag de cowboys poussiéreux mais toujours fringants (Under The Marble Faun, The Wallnut Tree et Hail). La seule différence entre ces deux pôles d’attraction consiste avant tout en une histoire de rythme – plus ou moins rapide – et éventuellement d’habillage – un peu de saxophone ou de trompette par ici, du vibraphone ou du piano par là. Sinon le style Movie Star Junkies se reconnait entre mille, mélange d’entrain poisseux et de joie boueuse d’où émerge un sentiment de saine euphorie et de déchéance qui requinque, ce que d’aucun appelle le vomi de la deuxième chance, celui qui te remet presque sur pied et te redonne le coup de fouet nécessaire pour attaquer la deuxième partie d’une nuit sans fin.
Seul bémol, le systématisme rigolard et presque outré de certaines lignes de chant, lequel atteint ses limites sur toute la première face du disque et particulièrement sur le trop caricatural et insistant A Poison Tree. De fait on préfèrera donc nettement lorsque les Movie Star Junkies mettent un peu plus de noirceur dans leur musique : Leyenda Negra ouvre ainsi la deuxième face d’excellente façon et offre un visage nettement plus tendu et sombre d’une musique qui regagne enfin ses gallons d’excellence. Exception faite de Hail, demi-trot countrisant et soutenu, cette deuxième partie de disque nous montre des cowboys nettement plus déprimés (Saddie Smile) alors que sur All Winter Long tout ce petit monde finit par déverser son chagrin et pleurer dans son verre (vide) à l’occasion d’un final à la mélancolie bourrée et malgré tout presque enjouée, du coup tout le monde est à nouveau d’équerre pour reprendre un gorgeon sur la tournée du patron. A la votre, camarades.















Certains esprits frappeurs à Lyon ou ailleurs n’hésitent pas à émettre allègrement des doutes sur la qualité de la programmation « indie » et « rock » des Nuits Sonores – groupes musicalement plastifiés et larvaires (Battles), vieilles gloires terroristes en plein retour d’acide (Young Gods), momies déterrées du caveau familial rock’n’roll (les Sonics quelques 46 années après, ça peut effectivement donner envie de rire), fantômes scandinaves (les Nomads) ou post rockeux attardés (Tortoise) – mais il faut reconnaitre que les Nuits Sonores c’est également cette nuit du jeudi 2 juin où des intervenants extérieurs investissent d’autres lieux et tiennent les rênes de la programmation qui du coup remonterait qualitativement en flèche. On a déjà parlé de la carte blanche à Gaffer records au Sonic, signalons également que le Clacson, Beastie Noise et SK records s’associeront le même jour pour proposer une soirée Bring Back The Sound ! avec précisément Movie Star Junkies, Pan Pan Pan, Nlf3, Chapel 59 mais également Réveille et Rature – en ce jeudi 2 juin, la seule solution sera de pouvoir pratiquer l’ubiquité pour se retrouver à la fois au Sonic et au Clacson…

vendredi 27 mai 2011

Scorn / Yozza




















Finalement ce qui est bien avec Mick Harris, c’est que c’est tout ou rien. Enfin… ce qui est vraiment bien c’est qu’en ce moment, ce serait plutôt TOUT. Notre homme a semble t-il définitivement décidé que la période de doutes, de dépression, de sécheresse, d’absence d’envies musicales est bien loin derrière lui. Car les années 2000 avaient failli être fatales à Scorn avec à la clef une baisse qualitative de ses enregistrements, d’abord le presque décevant Greetings From Birmingham puis Plan B et le Governer EP (tous ont été publiés chez Hymen records) ; puis est venu un long silence de presque six années uniquement interrompu par List Of Takers (Vivo records, en 2004), sorte de « live » en studio ou pour être plus exact Mick Harris enregistrant une setlist incluant vieux tubes dubindus et nouveautés en cours de développement, tout seul dans son coin, d’un seul tenant, comme lorsqu’il est sur une scène derrière ses machines et devant un public.
La fin des années 2000, c’est tout autre chose. Déjà ce Stealth quasi miraculeux en 2007 (chez Jarring Effects et Ohm Resistance) puis surtout le génial Refuse; Start Fires (Ohm Resistance) en 2010, disque sur lequel Mick Harris réutilisait pour la première fois des parties de batterie jouées par un vrai batteur, tournicotait du côté d’un dub tout aussi sombre et urbain mais lorgnant également du côté des racines du genre et surtout renouait avec l’inspiration et le succès de l’écriture. Est-ce parce qu’il a pris conscience de la réussite de Refuse; Start Fires que Mick Harris a voulu lui donner presque immédiatement une suite ? On peut le supposer.
On peut également penser que sur Yozza – nouvel EP 4 titres de Scorn, toujours publié chez Ohm Resistance – Mick Harris en fait presque un peu trop. Sa musique est toujours aussi lourde, terriblement sombre, terrifiante, malsaine, implacable et brutale et on y sent surtout ce renouveau qui avait tant plu sur Refuse; Start Fires. Or on y décèle également comme un foisonnement, presque une luxuriance : un mix très étonnant et contrasté, plus de sons, plus de détails mis en relief, plus d’enluminures, plus d’enthousiasme… C’est tout juste si on ne s’imagine pas Mick Harris devant nous, grimaçant, gesticulant, tournant ses boutons et s’arcboutant sur sa table de mixage. Shake Hands est impressionnant question rythme dynamisant et prolifération de points d’impact. Au contraire, Names Not Down Not Comin In renoue finalement avec un certain minimalisme qui du coup lui donne un air de déjà entendu (cela n’enlève rien à la qualité de la composition) alors que les trois autres titres du EP commençaient vraiment à nous convaincre que Scorn pouvait encore, en plus de nous contenter avec ses habituels assauts électrisants, nous surprendre et nous étonner à nouveau. Vivement la suite.

jeudi 26 mai 2011

Heliogabale / Mystery Trains b/w Xquisite



















 


Lorsque j’ai enfin revu Heliogabale en concert à l’automne dernier, un concert qui restera l’un de mes meilleurs souvenirs de l’année 2010, ce nouveau single d’Heliogabale était déjà disponible, figurant en bonne place au milieu de la table de marchandising du groupe. La chanteuse Sasha Andrès expliquait à toutes celles et tous ceux qui se montraient éventuellement intéressés que les deux titres figurant sur ce 7 pouces avaient été enregistrés pendant les mêmes sessions que Blood, magnifique album s’il en est. Ce jour là je suis reparti avec ce disque, merci pour le cadeau, mais je ne l’ai jamais réellement écouté. Une seule fois tout au plus, d’une oreille vraiment distraite.
Si j’avais su, ou plus exactement si j’avais eu un peu plus de jugeote, je me serai intéressé un peu plus tôt à un disque qui n’est ni la poubelle bonus de Blood ni un vague fond de tiroir – un disque pour arrondir les fins de mois alors ? même pas, lorsqu’on connait le prix quasi exorbitant que coûte désormais le pressage d’un single. Heliogabale n’a annoncé la sortie officielle de ce disque que très récemment, le 1er avril, comme une bonne blague, le remettant ainsi en avant et ce de manière tout à fait justifiée. Car les deux titres de ce disque le méritaient amplement.
La face A s’intitule Mystery Trains et présente une musique d’apparence légère mais aux implications profondes – exactement toutes les qualités que l’on pouvait trouver à Blood. Derrière la pop, les mélodies, les arrangements pointilleux et la voix mixée en avant : une certaine noirceur, une absence totale de complaisance et encore une calotte émotionnelle pour l’auditeur. Mais le véritable joyau de ce single c’est peut être sa face B, Xquisite, titre sur lequel Heliogabale semble – en apparence seulement – revenir sur les territoires plus proches de ses albums les plus noise (surtout du côté de Diving Room). Oui le son est plus épais (très belles parties de guitare), la rythmique plus massive (encore une sacrée ligne de basse) mais Heliogabale a surtout su garder toute sa grâce, mélange équilibriste entre une certaine fragilité et une rage sourde.
Ainsi Heliogabale démontre une nouvelle fois et en deux titres seulement son incomparable talent et sa persévérance à aller toujours plus loin. Car si la crudité et la violence initiales du groupe ont peu à peu mué vers quelque chose de plus maitrisé et finalement de plus profondément viscéral, Heliogabale continue bel et bien de nous embraser de toutes parts.
Ce Mystery Trains b/w Xquisite a été publié en totale autoproduction, c’est aussi le premier single d’Heliogabale – si on excepte le split en compagnie de The Crooner Of Doom – et il porte la référence HEL 004. La meilleure façon de se procurer ce disque c’est encore d’aller voir Heliogabale en concert et de les soutenir.

mercredi 25 mai 2011

Sister Iodine & Masaya Nakahara / Meth : Live In Tokyo






















La dernière fois que l’on avait eu des nouvelles de Sister Iodine, c’était à propos du quatrième album du groupe, Flame Desastre, un manifeste de no wave guerrière, tribale, jusqu’au-boutiste et meurtrière : un disque absolument parfait pour tenter une auto-liquéfaction de cervelle tout en vous incitant à vous rogner les articulations jusqu’à l’os. Comme une mort horrible et terrifiante mais d’une lenteur insoutenable et inévitable.
C’est précisément lors d’une tournée japonaise organisée pour la réédition en CD de Flame Desastre sur le label autrichien Mego que les Sister Iodine ont enregistré Meth : Live in Tokyo, nouvel EP capté à l’occasion d’un concert donné le 18 janvier 2010 en compagnie de Masaya Nakahara. Ce dernier est un harsheur émérite et reconnu, il a joué ou joue encore sous les alias de Hair Stylistics et Violent Onsen Geisha, de quoi vous situer le bonhomme et à priori le niveau de violence engendrée et libérée par Meth : Live in Tokyo.
Étrangement, ce nouvel enregistrement, bien que plus massif et bruitiste encore que Flame Desastre, passe mieux la rampe de l’acceptation masochiste et de l’automutilation. Pourtant les trois Sister Iodine accompagnés de Masaya Nakahara font vraiment tout ce qu’ils peuvent (ce concert avait vraiment l’air apocalyptique) pour faire le plus de dégâts possibles et irrémédiables. Or on finit par déceler, au-delà de la barbarie bruitiste – une barbarie non exempte d’angles et de contours : le mur du son révèle en effet de nombreuses prises parfaitement discernables, auxquelles on peut tenter de s’accrocher et qui rendent l’expérience tout à fait praticable – bref, au delà de la barbarie, on décèle ce flottement spectral qui dépasse toute notion de bruit, flottement qui vous donne des visions, vous foudroie d’éclairs aveuglants et vous soulève le corps. On finit même par s’habituer à toute cette folie ambiante et on apprend à déambuler ainsi au milieu des détails assourdissants de ce chaos sans nom.
Chaos qui sur la deuxième face du disque devient de plus en plus abstrait et abandonne petit à petit le langage de la brutalité pure pour s’épanouir dans quelques expériences sensorielles que les détracteurs du harsh noise et de toute musique bruitiste en général disent ne jamais entendre mais qu’au contraire les amateurs de sensations fortes recherchent toujours avec avidité. Ici les Sister Iodine et Masaya Nakahara atteignent une espèce de transe par le bruit, palpable même au travers d’un enregistrement à la qualité certes limitée. On aurait rêvé assister à ce concert de folie.












Ce n’est pas exactement Sister Iodine qui sera en concert le 2 juin au Sonic dans le cadre d’une carte blanche à Gaffer records sponsorisée par les Nuits Sonores mais Antilles, soit l’autre groupe des deux guitaristes de Sister Iodine mais avec un batteur différent (Jérôme Berg de The Berg Sans Nipple) – du coup la musique change elle aussi : Antilles offre un visage moins bruitiste et plus accessible de l’extrémisme musical. Pour cette soirée/nuit à la programmation assez fantastique on remarquera donc Meurthe, les Lunatic Toys, Kandinsky featuring Mario Rechtern, Heretic Chaos et (donc) Antilles, autrement dit un concert de qualité et d'un genre auquel on a rarement l’occasion d’assister, même si on a les oreilles averties.

mardi 24 mai 2011

Report : Barn Owl au Sonic






















 Troisième concert de la semaine parce que quand on aime, on ne compte pas. Et, en ce samedi soir, retour au Sonic qui pour une fois n’organise pas, avec l’esprit incroyablement mercantile que certains prétendent accorder à ses tauliers, une soirée pour faire danser frénétiquement la populace et vendre à un prix prohibitif des boissons alcoolisées – des fois on en entend de ces choses...
Bien au contraire Le Sonic accueille l’un des groupes les plus intéressants du moment (au moins en ce qui concerne ses disques) en matière de drone campagnard et de minimalisme guitaristique : Barn Owl. Un programme en douceur mais exigeant pour se fertiliser les oreilles – il faut savoir ce que l’on veut dans la vie.
Et donc, presque logiquement serait-on tenté de dire, malgré de bons échos et des bruits de couloir attrayants – le concert parisien donné la veille par Barn Owsl ayant parait-il été des plus réussis –, la soirée va techniquement se révéler être un échec retentissant : quelque chose comme vingt entrées payantes seulement, c'est-à-dire qu’il restait beaucoup trop de place sur le plancher du Sonic et donc suffisamment de mètres carrés inoccupés pour que chacun préserve son sacro-saint petit espace vital et bénéficie de toute l’aisance nécessaire pour s’allonger et fermer délicatement les yeux en écoutant la musique.





















Mais, pour l’instant, on va dire pour être totalement honnête que toutes celles et tous ceux qui ont préféré arriver en retard ont eu raison de rater ostensiblement la première partie du concert. En effet sévissait alors un garçon du nom de Jefre Cantu-Ledesma, plus connu de certaines et certains pour son groupe Tarentel. Jefre Cantu-Ledesma représente exactement ce qu’il peut y avoir de plus détestable dans toute cette scène de bidouilleurs qui ne sont que des imitateurs plus ou moins doués ou plus simplement des suiveurs sans imagination. Utilisant une guitare, une armada de pédales d’effet et un appareillage assez similaire à celui de Thomas Ankersmit (une drôle de mallette permettant de modifier les sons uniquement en changeant un ou plusieurs des innombrables branchements qui se trouvent à l’intérieur), Jefre Cantu-Ledesma est un clone quasiment parfait et très lisse de Christian Fennesz, sauf qu’il n’a ni le talent ni l’intérêt de l’autrichien.
Voilà un jugement bien trop sévère et trop définitif ? Peut être… Mais il y en a des fois plus qu’assez de ces musiciens qui exercent extrêmement sérieusement une musique aussi insipide et plate que celle-ci. Jefre Cantu-Ledesma ne nous présentait ainsi pas grand-chose de plus qu’une variante de musique de film aquatique, dans une débauche de drone lénifiant au possible. Désolé mais ça ne passait vraiment pas.















Heureusement que Barn Owl rassure son petit monde tout de suite après. Déjà, le duo joue sur fond de projections de films complètement abstraits et pour la plupart en noir et blanc ce qui, loin de détourner l’attention, incite au contraire à la rêverie, ce genre de rêverie au cours de laquelle la musique résonne encore plus fort. C’est donc parti pour une heure de déambulations, essentiellement à la guitare (juste un tout petit peu de voix de temps à autre mais c’est tout).
Lorsque les deux musiciens de Barn Owl attaquent les cordes de leurs instruments pour en extraire des riffs tournoyants et répétitifs, passent le cap de l’hypnose et revisitent le blues américain dans une débauche de saturation abstraite, tout reste pour le mieux. Ces passages là vous accrochent durablement et ne vous font pas regretter le voyage. Par contre, lorsque les deux guitaristes s’essaient à plus de douceur et activent leurs ebows (ou archets électroniques pour les anglophobes) afin de chatouiller leurs cordes de guitare dans le même sens que les apprentis expérimentateurs qui pensent que tous leurs rêves les plus fous vont enfin être exaucés grâce aux derniers progrès ahurissants de la technologie musicale – des fois ce sont les mêmes qui tentent d’utiliser plus de pédales d’effet qu’ils ont d’orteils pour pouvoir les actionner – Barn Owl devient aussi passionnant et méchant qu’une séance de sophrologie appliquée ou de spiritisme tendanciel avec le fantôme de Steve Hillage.





















Le concert se passe ainsi, moyennement, alternant purs moments cathartiques de grésillements graisseux et échappées malencontreuses vers l’ennui. Dommage. Malheureusement Jefre Cantu-Ledesma retrouvera ensuite Barn Owl pour interpréter avec le groupe deux derniers titres et, sans que l’on puisse affirmer qu’il apportait réellement quelque chose au duo, on constatera par contre comme un certain effet de contagion, la fin du concert sombrant définitivement dans la liquéfaction et l’anodin d’une musique zen de pacotille, tournant purement et simplement à la réunion de hippies. Il ne manquait que les brins d’encens et les tapis. Barn Owl rejoint donc (temporairement ?) la cohorte des groupes actuels de musique expérimentale bien plus intéressants sur disque qu’en concert.

[quelques photos floues et sombres de la soirée ici]

lundi 23 mai 2011

Report : Silent Front et Torticoli à Grrrnd Zero























Et voilà. Cela ne fait même pas quinze jours que j’ai décidé de prendre des bonnes résolutions que la première entorse au règlement pointe le bout de son nez – car ce soir c’est déjà le deuxième concert de la semaine auquel je me rends… Mais j’ai de très bons arguments en ma faveur : 1- le concert de mardi (Chris Brokaw et Boy And The Echo Choir) frisait le lamentable ; 2- ce même concert était gratuit donc il ne peut pas compter dans mes statistiques familiales ; 3- j’ai envie de boire quelques bières ; 4- mon vélo risque de rouiller si je ne m’en sers pas un peu de temps en temps.
Et puis il m’était tout simplement impossible de rater Silent Front une nouvelle fois, il y avait bien trop longtemps maintenant que je n’avais pas revu ces trois anglais énervés et ils commençaient sérieusement à me manquer. Par contre, l’organisation de la soirée étant collective, l’affiche l’était tout autant. Statistiquement parlant, je me suis rapidement aperçu que sur quatre groupes, seuls deux m’intéressaient : Torticoli et Silent Front. En ce qui concerne Sport et Forgetters, je sentais bien que cela risquait de ne pas se passer très bien entre nous. J’aurais aimé être un petit peu surpris voire même charmé mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Voici donc un (demi) report de concert.





















J’arrive exprès à l’heure indiquée sur le flyer, tout en sachant pertinemment qu’il est rigoureusement impossible que le concert commence à l’heure dite et effectivement j’entends Torticoli qui finit tout juste ses balances et en profite même pour jouer un titre ou deux supplémentaires dans la foulée – à croire que ces mecs ne doivent pas répéter assez souvent et que ça leur manque. J’en profite moi pour papoter et récupérer un exemplaire du fanzine Freak Out que m’offre l’un de ses auteurs parce que je lui ai fourni il y a longtemps des photos de Shellshag – groupe dont il a l’air très fan. Je me promets de lire tout ça très rapidement : un vrai fanzine sur papier ça fait toujours plaisir et je remarque au sommaire la présence des incroyables et géniaux Harry Pussy.
La soirée démarre donc avec Torticoli, soit deux guitaristes et un batteur qui jouent du rock instru et déjanté, ce que certains intellectuels appellent précisément du « free form freak out » (rien à voir avec le fanzine mentionné ci-dessus), quelque part entre noise rock à la skingraft, déconstruction des origines façon capitaine cœur de bœuf et free jazz de drogués – pour reprendre uniquement des références qui ont le vent en poupe ces derniers temps dans les milieux autorisés. L’un des deux guitaristes s’occupe également de la « basse » (il jouait sur une guitare baryton ? il avait un deuxième ampli ? désolé, je n’en sais rien, je n’y connais rien en technique, d’ailleurs je m’en fous un peu et j’avais oublié mes lunettes) mais bien souvent les deux guitaristes partent dans des dialogues de sourds-dingues à base de tricotages chargés de faux malentendus assez jouissifs. Le résultat est très intéressant pour ne pas dire impressionnant même si la formule de Torticoli prend un peu l’eau sur la longueur et que le groupe aurait gagné à raccourcir son set d’une dizaine de minutes ou alors aurait pu/du nous gratifier à la fin d’une bonne grosse surprise, de celles qui font que l’on se fait dessus et qu’on en garde un excellent souvenir à jamais. C’était le tout premier concert de Torticoli, je vais donc essayer de ne pas rater les suivants.

Place à Sport. Je reconnais le batteur des Veuve SS mais musicalement Sport n’a rien à voir avec ce groupe que j’apprécie : Sport c’est plutôt de l’emopunk acnéique et un tantinet braillard. Je n’ai jamais – mais alors là vraiment jamais – été fan du genre, même lorsque j’étais encore très jeune et que j’éjaculais vert toutes les nuits dans le beau pyjama que Mémé m’avait offert pour Noël. Je passe mon tour, sors pour aller boire des bières et fumer des clopes. Il en faut pour tous les goûts et je préfère laisser la place aux amateurs.















Le groupe que j’attendais monte enfin sur scène : Silent Front. Ces anglais ont une certaine tendance à tourner tout le temps et de partout en Europe – ils aiment tellement la scène qu’ils ont eu la très mauvaise idée de bâcler l’enregistrement de leur seul et unique album à ce jour, Dead Lake – et je garde un souvenir ému de mes deux premières fois avec eux. Entretemps le disque est sorti et je n’ai jamais revu Silent Front en concert depuis.
Je pourrais dire tout ce que je veux sur le manque d’originalité et la non capacité de Silent Front à renouveler en profondeur l’alpha et l’oméga des Tables de la Loi du Noise Rock – dont d’ailleurs tout le monde se fout complètement – mais personne ne saurait mettre en doute l’enthousiasme, la vivacité, le talent pour le rendre-dedans, l’implication et la hargne du groupe. Voilà bien des jeunes gens qui savent ce que « se dépenser sans compter » signifie réellement et qui compensent ainsi très largement les éventuelles faiblesses de leur album. Prenez-en de la graine, bande de jeunes, la noise typée 90’s, même celle de Silent Front qui possède quelques relents plaintifs, a encore de beaux jours devant elle.
Mais ce soir il y a mieux : alors que Silent Front égraine tous les titres de son album, je reconnais les compositions, vibre au son de tel riff, frissonne lors de tel break ou pleurniche de bonheur lorsque arrivent les passages plus calmes – ceux là même qui m’avaient refroidi à l’écoute de Dead Lake. Le principal bienfait de ce concert, en plus de la torgnole reçue et dûment méritée, c’est d’éclairer Dead Lake d’un jour nouveau et si à la réécoute le disque comporte toujours beaucoup trop de défauts, c’est avec un plaisir renouvelé que j’y suis revenu depuis et que j’y reviendrai encore sûrement un jour prochain. Comme quoi, tout arrive. Merci l’Angleterre.

Dernier groupe de la soirée, Forgetters et son mélopounque lourdingue et mal torché me donne rapidement mal à la tête. Je m’en fous un peu que Forgetters soit dans la même lignée que Jawbreaker, je n’ai jamais aimé ça non plus. Mais alors pas du tout. Il est donc temps de rentrer à la maison après avoir avaler la dernière goutte d’une dernière bière.

[quelques photos du concert sont donc visibles ici]

vendredi 20 mai 2011

Extra Life / Ripped Heart


Après la déconvenue en concert du Extra Life nouvelle formule – comprenez avec le line-up remanié à trois –, il est enfin temps de panser ses plaies et de se demander si ce jour là ce n’est pas moi qui étais 1- de mauvaise humeur, 2- de mauvaise foi, 3- un peu trop fatigué, 4- mal embouché, 5- complètement insensible. On s’en remettra mais force est d’admettre que les nouveaux titres d’Extra Life, alors découverts sur scène durant le festival Africantape sans la moindre écoute préalable du disque, avaient semblé bien ternes et décevants, à l’image d’une prestation live manquant singulièrement de relief et d’intérêt – mais qui a pourtant soulevé un enthousiasme infaillible chez une grosse partie de public. Ces nouveaux titres, les voilà, ils forment le nouvel EP du groupe, du nom de Ripped Heart. A noter que le disque est publié comme ses prédécesseurs par Loaf recordings mais qu’il s’agit d’une coproduction avec Last Things, le tout nouveau label de Charlie Looker, ci devant chanteur, clavier, guitariste, compositeur et tête pensante d’Extra Life.























Quatre titres, c’est l’échantillon que nous propose Ripped Heart. On préfère s’arrêter à l’idée qu’un EP n’est qu’une étape, une transition ou une récréation entre deux enregistrements plus conséquents et aboutis : Ripped Heart séduit peut être aux toutes premières écoutes mais le disque s’essouffle très rapidement. On pensait n’avoir que des choses très gentilles à dire sur un disque tout de même attendu avec une certaine appréhension mais finalement on s’en abstiendra – on ne dira pas de choses réellement méchantes pour autant.
Extra Life poursuit ainsi son mouvement de balancier : Secular works (le premier album) exposait une certaine rage et une certaine sévérité, Ripped Heart est au contraire le disque le plus clair et le plus lumineux du groupe ; entre les deux Made Flesh fait plus que jamais figure d’équilibre parfait et de chef d’œuvre. Tout ce que l’on peut reprocher à Ripped Heart n’est après tout qu’une question de goût et de couleurs : plus pop que jamais, Extra Life plonge trop franchement dans les 80’s et ne maîtrise plus vraiment le kitsch de ses postures musicales ni n’arrive à les contrebalancer par la dureté qui réapparaissait toujours au bon moment sur Made Flesh. Les deux titres de la première face finissent par franchement horripiler (surtout Run Cold) mais on y croit pourtant un temps avec Ripped Heart qui ouvre la seconde partie du disque, grâce à ce break pointilliste et cette fin sur lesquels la tension fait enfin un peu le ménage. Plus que jamais on regrette le départ du bassiste, d’autant plus qu’il faisait avec le batteur une paire rythmique vraiment incomparable – d’ailleurs à quoi cela sert-il d’avoir un aussi bon batteur lorsqu’on le fait jouer aussi mécaniquement et qu’on le mixe comme une vulgaire boite à rythmes (encore les deux chansons de cette maudite première face) ?
Malgré toutes ces réticences, on sent pourtant que Charlie Looker a sûrement raison d’emmener Extra Life vers ces nouveaux horizons : fragile, aérien, élégant, funambule et délicat, Elegy (Cartoon Piano) – en fin de face B – est le titre qui redonne in extremis confiance en Extra Life et les visions oniriques de son leader. Et puis c’est aussi le titre sur lequel le chant retrouve enfin toute sa splendeur. Il était temps.

jeudi 19 mai 2011

Report : Chris Brokaw et Boy & The Echo Choir au Sonic






















Et voilà. Je ne voulais pas y aller mais j’y suis quand même. Où ça ? Au Sonic, pour le concert de Chris Brokaw. Qui ça ? Et bien… Chris Brokaw, quoi, légende de l’indie US des 90’s. Une légende ? Oui, enfin… Il a joué dans Codeine – personnellement c’est mille fois non –, groupe qu’il a eu la bonne idée d’abandonner en cours de route pour rejoindre Come, en compagnie de Thalia Zedek – et là c’est plutôt mille fois oui.
Subissant les pressions à peine croyables de l’un des organisateurs de la soirée – je résume : concert gratuit suite à une honteuse magouille à base de subventions estudiantines, distribution illimitée de parts de tarte aux pralines à l’entrée de la salle, cacahouètes et saladier de bonbons en libre service sur le bar, une somptueuse sérigraphie de l’affiche du jour offerte pour chacun et la promesse d’une soirée conviviale se déroulant dans la bonne humeur et un entrain sans cesse renouvelé – je me retrouve donc une fois de plus sur la péniche rouge, à attendre que ça se passe, à fumer des cigarettes (beaucoup) et boire quelques bières (pas assez, malheureusement).
Voici donc le norme déroulement d’une soirée historique pendant laquelle j’ai passé plus de temps à pavaner dehors plutôt qu’à nourrir mon spleen naturel à l’intérieur. Une soirée joie de vivre et nouilles en salade comme dirait l’autre.















Ça commence avec Boy & The Echo Choir, un nom un peu compliqué pour un duo de filles qui jouent une pop sépulcrale et pas rigolote du tout. L’une d’elle explique que normalement il y a également un batteur dans le groupe et qu’en plus son acolyte aux claviers utilise aussi un accordéon, chose qu’elle ne fera donc pas ce soir. Elle explique enfin que c’est la première fois qu’elles jouent ainsi avec cette formule réduite et inédite. D’ailleurs on sent un certain stress traverser continuellement la scène du Sonic. Je frissonne immédiatement.
Si j’avais écouté l’album de Boy & The Echo Choir avant le concert, je ne serais sûrement pas venu. Mais voilà, je ne connaissais pas, je n’ai rien écouté avant et me voilà à assister à un concert que je n’apprécie absolument pas (hop : je sors l’argument imparable et malfaisant dit « des goûts et des couleurs ») mais c’est aussi un concert auquel je reconnais certaines qualités : compositions en place, arrangements subtils, belles voix et harmonisations vocales impeccables. J’attends impatiemment que la claviériste joue de sa scie pour quitter la salle en compagnie du réconfort houblonné qui s’impose obligatoirement dans ce genre de circonstances. Et en passant devant la table de marchandising je m’aperçois que l’album de Boy & The echo Choir a été publié par deux labels dont on parle de temps à autres par ici, à savoir : Le Son Du Maquis (qui a publié 202project, Alan Vega & Marc Hurtado ou réédité le 13 13 de Lydia Lunch) et Humpty-Dumpty records (qui a publié les deux albums de K-Branding) – ce monde est aussi petit que merveilleux.





















Place à Chris Brokaw, le héro de la soirée. En un seul et premier titre je pense que l’affaire va être rapidement emballée : morceau énergique, présence minimale mais suffisante, chant volontaire et surtout songwriting de qualité supérieure. Or, dès le deuxième titre, tout se casse la gueule : Chris Brokaw retombe tout de suite dans les travers et défauts du chanteur misérabiliste avec des airs de Droopy à vous donner envie de plastiquer sur le champ la fourrière locale. J’espérais pourtant qu’il allait au contraire réussir à nous éviter tout ça. Et bien c’est raté. Prenez la deuxième phrase du présent paragraphe, inversez-en totalement le sens et vous aurez une toute petite idée du désarroi dans lequel ce concert m’a rapidement plongé. Désolé, Chris, tu as l’air vraiment sympa, ton air de chien mouillé est absolument attendrissant, tu as sorti de très grands disques avec Come, ta Fender Jaguar était absolument magnifique mais, non, je ne pouvais vraiment pas.

Au lieu de basculer dans la plus totale confusion, cette soirée a donc viré à la mollesse la plus incroyable. Tout le monde a pu facilement attraper son dernier métro ou son dernier tramway pour rentrer pas trop tard à la maison et se coucher dans un lit douillet afin de bénéficier d’une bonne grosse nuit de sommeil.
Une soirée en forme de parenthèse, donc, avec tout de même un point très positif : depuis la fermeture de sa libraire et avant l’ouverture de son site internet, Loïc de Grand Guignol tient régulièrement aux concerts du Sonic ou de Grrrnd Zero un stand de livres tous plus intéressants les une que les autres – livres qui parlent de musique mais pas seulement. Par exemple mardi soir j’y ai trouvé celui-ci, ce qui me réjouit fortement puisque je n’ai encore jamais lu I.G.H. de Ballard et que je vais avoir grand plaisir à relire L’Ile de Béton des années après l’avoir découvert pour la première fois. Merci.
[quelques piètres photos de la soirée]

mercredi 18 mai 2011

Barn Owl / Ancestral Star























Un peu trop rapidement et facilement catalogués dans la mouvance Earth, Sunn O))), Locrian, Nadja, Horseback et consorts*, les américains de Barn Owl ont publié l’été dernier un troisième et magnifique album chez Thrill Jockey : Ancestral Star. Le duo, basé à San Francisco, s’apprête d’ores et déjà à sortir une suite à cet album, sous la forme d’un EP du nom de Shadow Land, toujours chez Thrill Jockey, non sans avoir entretemps publié – l’hiver dernier – un album chez Important records (Barn Owl & The Infinite String Ensemble : The Headlands), une collaboration incluant les violonades de Ellen Fullman et Theresa Wong – pour un résultat très moyennement probant.
Barn Owl devrait honnêtement avoir le vent en poupe et soulever un minimum d’enthousiasme et de considération or jusqu’ici c’est plutôt le calme plat… une injustice réellement flagrante – une de plus en ce bas monde de volatilité et stupidité musicales – qui se doit donc d’être réparée au plus vite. Evan Carminiti et Jon Porras (guitares, piano, orgue, harmonium, percussions, trompette et voix) développent en effet une vision très poussiéreuse pour ne pas dire western de leur musique à base de répétitions et de drones. En cela on admettra donc qu’ils sont en effet quelque part redevables au Dylan Carlson ressuscité des années 2000 (l’album Hex : Or Printing In The Infernal Method de Earth) mais on pourrait également leur trouver quelques correspondances avec Loren Mazzacane Connors et tous ces guitaristes qui depuis quelques années se sont lancés à sa suite dans la relecture du blues et du folk américains, en France il y a Michel Henritzi par exemple.
L’onirisme, l’hallucination, la profondeur, la gravité sont donc les sensations et impressions qui vous submergent d’abord puis de manière durable à l’écoute de Ancestral Star, album relativement court – quarante minutes : c’est plutôt rare dans le genre et de fait c’est aussi l’une des grandes qualités d’un disque et de compositions qui ne s’éternisent jamais plus que nécessaire –, un album dense qui vous invite à la rêverie à travers un parcours solitaire au milieu de vastes étendues désertiques, entre ciel et terre, rêve et réalité, chaud et froid, minéralité et vapeur. Ancestral Star pourrait se traduire par quelques visions de cow-boy en train de pourrir sur place et se déliter doucement dans les airs, fumet de cadavre pas encore tout à fait mort mais plus vraiment vivant non plus et s’élevant dans l’atmosphère pour y rejoindre quelques milliers d’autres, dans un appel du vide et un effacement généralisé qui vaut bien pour toute libération charnelle et sentiment d’universalité.













Véritable expérience sur disque, la musique de Barn Owl devrait également avoir des choses à nous dire en concert. Ainsi le groupe est actuellement en tournée, par exemple ce soir mercredi 18 mai à Mains d’œuvres (Saint-Ouen) en compagnie de Stefan O’Malley et samedi prochain 21 mai au Sonic de Lyon.

* mouvance qui à dire vrai n’existe pas, en tous les cas pas plus que dans l’imagination des tenanciers et autres scribouillards de gazettes, qu’ils sévissent sur papier ou sur internet : trouvez-moi donc un rapport quelconque entre tous ces groupes

mardi 17 mai 2011

Vitas Guerulaïtis / self titled


Cheap Satanism record est un label (belge) bien étonnant, avec peu de références – le disque dont nous allons parler ici n’est que le septième de cette petite maison – mais avec semble t-il une volonté farouche de publier des disques sortant des sentiers battus. Un label de musique expérimentale ? Oui, si on veut… Mais pas vraiment non plus : disons surtout qu’en plus d’un humour apparemment assez féroce, les gens de Cheap Satanism records aiment surprendre. Après, on aime ou on n’aime pas, on accroche ou non à l’orientation d’un label dont les mots d’ordre seraient à trouver du coté de l’absurdité assumée mais aussi d’une certaine exigence stylistique.
Ce disque sans titre de Vitas Guerulaïtis – le premier du groupe – est en outre publié en coproduction avec Tandori records, label (Lillois) dont on a déjà parlé en bien ici à propos de Drive With A Dead Girl ou de Maria Goretti Quartet. Cet album est surtout le premier disque estampillé Cheap Satanism record qui nous accroche sincèrement et définitivement l’oreille.





















Derrière le nom de Vitas Guerulaïtis se cache en fait une poignée de musiciens expatriés mais dont certains sont originaires de Lyon et qui, pour être plus précis, ont fait leurs débuts au sein de Miss Goulash et de toute cette clique de joyeux allumés gravitant autour de l’ENM de Villeurbanne… Ah oui ça commence à remonter à vraiment loin tout ça mais pas besoin de se braquer autant sur le passé : on se rappelle très bien avoir vu Vitas Guerulaïtis en concert au Sonic il y a quelques mois ou peut être une paire d’années, un concert certes non exempt de défauts et incertitudes mais qui globalement avait finalement plutôt séduit.
On renoue donc à l’occasion de ce premier album avec le groupe et sa musique bourrée d'humour, expérimentale et déviante à mi chemin entre rock, prog, free, chanson, poésie sonore et autres joyeusetés. On reconnait tout de suite le timbre de voix assez particulier mais on admet en même temps adhérer à cette exubérance vocale composée de cris, de hoquets, de râles, de mélopées décalées et de vrais mots. L’outrance du chant est vraiment ce qui surprend de prime abord – que la voix soit masculine ou féminine – à tel point que tout semble construit autour de ces débordements entre yodelings expérimentaux et castafiorades alambiquées qui feraient passer Mike Patton pour un braillard de classe maternelle pleurant parce qu’il a fait pipi dans sa culotte (de fait avec Vitas Guerulaïtis on se situerait plutôt entre Phil Minton et Catherine Jauniaux). Si on est résolument du côté de l’effet voire de la théâtralité, on apprécie finalement la tenue et la pertinence des voix : le premier contact (en concert) avec Vitas Guerulaïtis avait risqué le crash à force de trop de préciosité et de logorrhée, sur disque le côté chien fou semble avoir été maîtrisé mais sans avoir été pour autant gommé.
Ce que l’on apprécie aussi ce sont les nombreuse cassures, les virages brutaux, ces structures à tiroirs pleines de passages secrets dans les murs et de faux plafonds qui s’écroulent (un peu justement à l’image du chant) et qui nous emmènent quasiment systématiquement là où on s’y attend le moins. On remarque également cette guitare mettant à l’occasion des sons presque surf en avant, les nombreux samples, bidouilles et que sais-je encore ainsi que ce batteur à la frappe impeccable et franche. Ce disque semble être d’une richesse et d’une luxuriance infinies, avoir des possibilités sans fin, receler des trouvailles à l’envie – seuls les ronchons à lunettes et les punks à roulettes trouveront qu’il y a ici trop de choses – et ainsi on n’en a jamais fait réellement le tour. On ne saurait assurer qu’il s’agit là d’un disque que l’on pourrait écouter en toutes circonstances et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit mais ce premier album de Vitas Guerulaïtis s’impose déjà comme un bon cru de musique difficile pour public exigeant. Si déjà ça, ça vous fait peur, alors laissez tomber. Sinon, foncez !

lundi 16 mai 2011

The Feeling Of Love / Dissolve Me























Il ne faut surtout pas se laisser aller à la paresse avec Dissolve Me, le troisième album de The Feeling Of Love – le tout premier pour Born Bad records – et se dire tout de suite, après une poignée d’écoutes tout juste à moitié attentives du fond de la cuisine tout en lavant la vaisselle accumulée depuis deux jours, que voilà bien un disque supplémentaire de The Feeling Of Love, sans grande surprise ni trépidations inattendues, hop emballez c’est pesé et combien je vous dois ma bonne dame. C’est pourtant exactement le sort que j’ai d’abord réservé à Dissolve Me, d’une moue boudeuse et caractérielle.
Erreur. Très grosse erreur. Le précédent disque du trio, OK Judge Revival, aura toujours une petite place à part dans mon cœur d’artichaut, peut être même que je l’emporterai sur une île déserte avec ma vieille platine, mon vélo et une dynamo pour produire l’électricité nécessaire à une énième écoute euphorique, mais Dissolve Me mérite également toute notre attention et toute notre admiration.
Finissons-en tout de suite avec un quelconque sentiment de bienveillance : le principal problème de Dissolve Me c’est presque uniquement celui de paraitre après OK Judge Revival. Le deuxième problème – et finalement second, seulement deux problèmes pour un disque ça ne fait vraiment pas beaucoup – de Dissolve Me c’est d’être plus que jamais orienté pop sixties et paradoxalement d’avoir l’air de comptabiliser bien moins de tubes que son illustre prédécesseur, la faute à un son moins rentre dedans et une chouille trop aplani. Mais ce n’est vraiment qu’un faux air et le « problème » se révèle d’autant plus mineur et l’appréciation inutilement tatillonne qu’on est rapidement obligé de se rendre compte que rien que sur la première face de Dissolve Me on dénombre, question chansons au futur incontournable : Cellephane Face, Dissolve Me ainsi que We Are Out Of Tune et c’est sans compter sur la reprise de Là Bas C’est Naturel de Serge Gainsbourg qui figurait déjà sur l’excellent EP School Yeah et que le groupe a eu la très bonne idée de réintégrer ici.
En face B, le déluge sixties se poursuit et l’avalanche de tubes continue également – « garageu sixtise roquaineurole » chante non sans humour et avec un accent français à couper au couteau Guillaume Marietta sur le presque génial Empty Trash Bag. Cette face B, c’est elle qui élève vraiment Dissolve Me au même niveau que les autres disques de The Feeling Of Love, c’est elle qui nous fait aimer ce disque avec la belle assurance qu’il va nous accompagner pendant un bon petit bout de temps, à chaque fois justement que l’on aura besoin (le cas échéant, rayez les mentions inutiles) de garage sixties, de rock’n’roll acidifié, de velours en sous-sol, de triolisme de l’espace ou de soleil amphétaminé.

dimanche 15 mai 2011

Faust / Something Dirty






















Faust est éternel. Never ending story. En 2010 Hans-Joachim Irmler pensait avoir mis fin à la carrière du monstre avec un Faust Is last aussi complétiste que définitif. En 2011 Jean-Hervé Péron et Werner Zappi Diermaier lui répondent avec un nouvel album de leur Faust à eux et le premier disque incluant James Johnston (Gallon Drunk, Big Sexy Noise) ainsi que Geraldine Swayne (Bender) dans le line-up – l’album C’est Com… Com… Compliqué de 2009 ne regroupait de fait que des bandes enregistrées en 2006 avec Amaury Cambuzat d’Ulan Bator. C’est l’une des histoires les plus drôles du petit monde musical : oui il existe bien deux Faust ou plutôt il existait deux Faust, Irmler ayant semble-t-il jeté l’éponge après un ultime baroud d’honneur qui laissait la concurrence loin derrière lui.
Avec Something Dirty, la riposte des frères ennemis Péron et Diermaier est saignante. Curieuse mais saignante. La touche apportée par James Johnson et son orgue maléfique se fait sentir dès le premier titre, un Tell The Bitch To Go Home presque garage et spectral. Celle de Geraldine Swayne est inévitable sur un Lost The Signal à la configuration très Bad Seeds avec un chant lascif et trainant de la part de la dame, chose qu’elle recommence sur Invisible Mending. Alors Faust s’est-il fait vampirisé par ses membres nouveaux venus ? Pas tout à fait : sur Je Bouffe Jean-Hervé Péron dynamite joyeusement Tous Les Garçons Et Les Filles avec tout le plaisir sadique et toute l’absurdité qu’on lui connait. Something Dirty oscille ainsi constamment entre vieux relents de blues décadent et choucroute à l’ancienne, flirtant parfois avec l’indus, le bruitisme dans le rock, bref toutes ses choses que Faust a contribué à inventer il y a quelques décennies. Album patchwork, Something Dirty se révèle finalement très court et presque ludique. A de rares exceptions près, aucun titre ne s’éternise et surtout on en prend plein les oreilles, et ce à plusieurs occasions (Pythagoras et sa guitare méga saturée sur fond de tribalisme robotique). Il y a de la vie là dedans, beaucoup même. On en conclut avec bonheur que Péron et Irmler peuvent bien continuer à faire leur guéguerre tant qu’ils continueront tous les deux à publier des albums d’aussi bonne tenue.













[cette chronique est également lisible dans une version légèrement différente mais tout aussi expéditive dans le n° 4 de (new) Noise – avec les affreux Battles en couverture – qui vient tout juste de paraitre et est disponible chez tous les marchands de journaux]

vendredi 13 mai 2011

One Lick Less / & We Could Be Quiet




















Autant le dire tout de suite, ce disque est une petite merveille. On n’en attendait pas autant de One Lick Less et de son & We Could Be Quiet, premier enregistrement délicatement nerveux et subtilement aiguisé. La magie et l’émotion – puisque c’est bien à cela que l’on pense dès les premiers instants de Alameda, le titre placé en ouverture du disque – sont d’autant plus fortes que la surprise est totale et miraculeusement durable. One Lick Less s’inscrit dans un ailleurs, quelque part entre blues intimiste, freeture électrique et math rock spectral, un tout nouveau petit bout de territoire de découvert.
One Lick Less c’est surtout la réunion de deux musiciens : Basile Ferriot à la batterie et que l’on connait déjà pour sa participation à Xnoybis (et quelques autres projets relevant de la sphère des musiques improvisées/expérimentales) et Julien Bancilhon à la guitare (on connait également son travail au sein des Red Horn Cannibals, vus par exemple en première partie de Psychic Paramount il y a un an au Sonic). Seulement les deux hommes utilisent chacun leur instrument de manière assez inusitée par rapport aux « conventions » habituelles : le batteur met l’accent sur un tom basse vibratoire – et, si j’ai bien compris, actionné par un système de pédale – qui ponctue d’une élégance troublante chacune de ses envolées sur caisse claire et cymbales. Le guitariste joue lui en slide de bien belle façon, concise et alerte (les passages instrumentaux du plutôt nerveux mais enroué Mecanic Fever en étant un exemple parmi tant d’autres).
& We Could Be Quiet ne comprend que six compositions parsemées d’éclairs de grâce et de simplicité enivrante sous couvert de sophistication et de technicité mais on saura donc se contenter de cette portion congrue : Alameda et le merveilleux Jail Unite Love sont des instrumentaux funambules, tricoteurs et aériens ; avec Fuzzy Rats, One Lick Less introduit du chant, faisant de ce titre une complainte bluesy poignante et sincère, accents que l’on retrouve sur un Wee Nasty pourtant à nouveau complètement instrumental mais gavé de slide et surtout sur Vastly Phial, composition finale du disque délivrant les frissons d’une berceuse mélancolique et noisy. Mecanic Fever enfin pourrait faire œuvre de synthèse entre le côté dentelier/instrumental et le côté chanté/bluesy de One Lick Less : sur ce titre le groupe parvient à atteindre un certain lyrisme – dans la ligne de chant et la guitare slide qui étincèle – tout en conservant une émotion et une immédiateté basées sur une singularité dont le duo ne peut être que fier. Il me tarde vraiment de découvrir One Lick Less en concert, d’autant plus que les échos d’une récente prestation parisienne s’étant déroulé au début du mois d’avril sont bien plus qu’enthousiastes…