lundi 31 décembre 2012

Ahleuchatistas / Heads Full Of Poison




Ce Heads Full Of Poison est le deuxième album d’ALHEUCHATISTAS en version duo ; accessoirement il s’agit également du troisième album du groupe avec le batteur Ryan Oslance. Of The Body Prone (2009, Tzadik) était un album quelque peu bancal et ayant de moins en moins à voir avec le Ahleuchatistas revendicatif, acéré, presque violent et virtuosement énervé des quatre premiers albums/mitrailleuses à tir continu du groupe. Moins de deux ans après, Location Location marquait enfin l’avènement d’un Ahleuchatistas nouveau (et à deux). Affirmons tout de suite que son successeur Heads Full Of Poison a énormément de points en commun avec Location Location mais qu’il lui est surtout très nettement supérieur (ce qui au départ n’est déjà pas rien). Heads Full Of Poison confirme surtout un état de fait que rien ni personne ne pourra nier ou remettre en question : Ahleuchatistas n’est pas un groupe en pleine déroute artistique qui s’est cherché un second souffle ou de nouvelles sources d’inspiration le temps de deux albums à géométrie variable ; non, Ahleuchatistas est un groupe qui tout simplement se pose les bonnes questions et qui continue encore à le faire, plus que jamais – parce que les deux musiciens qui le composent désormais ne savent véritablement pas faire autrement. Alors pourvu que ça dure.
En attendant on ne peut que se délecter des figures imaginatives et parfois même très exotiques du duo Shane Perlowin/Ryan Oslance – ici un peu d’africanité percussive, là beaucoup de tonkinerie qui taquine, là encore des gammes accélérées de gamelan et puis aussi un peu de danse du ventre (et des épaules) au milieu d’une chaleur torride, etc. Ces deux là possèdent la faculté de remplir l’espace sans avoir recours aux subterfuges des musiciens en pilotage automatique (comme auto-suffisant) mais alors que l’ancien Ahleuchatistas à trois ébouriffait, ne laissait aucun répit à l’auditeur, tentait de l’épuiser et en tout le cas ne lui laissait aucune chance – c’était à prendre ou à laisser –, l’Ahleuchatistas nouveau convoque les grands espaces, des espaces balayés par des tornades géantes, des espaces traversés par des rivières aux cours faussement tranquilles et des montagnes désertiques dont les sommets s’éloignent au fur et à mesure qu’on les escalade. Au détour d’un chemin apparait un replat inattendu sur lequel pousse une forêt inextricable ; plus loin c’est un ravin par-dessus lequel il faut sauter (heureusement les deux Ahleuchatistas ont des ailes et non embarquent sans discuter avec eux) ; enfin c’est le soleil qui fait fondre la neige et provoque la crue des rivières.
Alors oui, Ahleuchatistas possède toujours cet art de la surprise, celui qui sur les premiers albums du groupe nous laissait sans voix ; mais désormais le duo l’utilise bien différemment : le groupe est toujours capable de nous emmener très très loin mais surtout de nous y emmener par des voies on ne peut plus détournées et parfois même mystérieuses. Le jeu polyrythmique et très dynamique de Ryan Oslance garde cette fraicheur intacte du gamin qui tape sur tout ce qui lui tombe sous la main pour découvrir quel son il va pouvoir en tirer ; le guitariste Shane Perlowin truffe son jeu de boucles – parfois jusqu’à deux ou trois en même temps – pourtant il en ressort quelque chose de si naturel et de si vivant qu’on imaginerait sans peine que ce garçon est physiologiquement capable de se dédoubler lui-même ; son jeu précédemment plus technique et infiniment plus virtuose était logiquement moins humanisé que ce qu’il fait désormais avec sa guitare, ses loop stations et ses entrelacs de cordes. La sensibilité.
Avec Ahleuchatistas il n’y a donc pas de calme avant (ou après) la tempête ; il n’y a que des contrastes, des éléments qui se complètent ou qui se déchainent – Shane Perlowin est l’un des rares guitaristes capables d’imiter une bourrasque de vent – puis qui se calment et on part volontiers pour un long voyage au cœur d’une musique que l’on ne cesse de (re)découvrir au fil des écoutes d'un album tout simplement passionnant.

[Heads Full Of Poison est publié en CD par Cuneiform records mais il existe une magnifique version double LP publiée elle par  Harvest records]

dimanche 30 décembre 2012

Comme à la télé : L'Enfance Rouge & Eugene Robinson





Puisque c’est bientôt la fin de l’année et que parait-il c’est l’heure de faire des bilans – par exemple en 2012 j’ai bu 577 litres de bières, je n’ai bu que 27 litres de vodka mais presque autant de bourbon, j’ai fumé 2684 cigarettes mais je n’ai crevé qu’une seule fois avec mon vélo – arrêtons-nous un peu ce qui fut le concert de l’année. Une année particulièrement riche en sueur déversée et en braillardises scéniques mais quand même : la venue au Sonic le 4 décembre 2012 de L’Enfance Rouge & Eugene Robinson restera dans les mémoires.

OK, ce qui va suivre n’est pas le concert du Sonic mais celui donné quelque jours après à Rennes, au Mondo Bizarro. Pour la peine je vous invite même à lire le report qu’en a fait monsieur PeF sur son site de première catégorie.





Enjoy.

samedi 29 décembre 2012

Gallion / self titled




Il aurait été dommage de terminer cette magnifique année 2012 sans vous parler de GALLION. Gallion est un one man band basé à Lyon et dont l’acte de naissance remonte à 2009 ; auparavant ce garçon aurait eu moult expériences musicales – plein de groupes dont je n’ai jamais entendu parler, à croire que je n’étais alors même pas encore né – et ce sont les hasards de la vie qui l’ont poussé à remettre ça. Nous sommes donc en 2009 et Frank Fargo (c’est le vrai nom du garçon en question) se relance pour de bon dans la musique… d’une période intense de composition et d’expérimentation acharnées va naître suffisamment de matériel de base pour fournir à Gallion la possibilité d’enregistrer plusieurs albums. Le premier d’entre eux, sans titre, a paru au printemps 2012 après beaucoup de travail et en complète autoproduction.
Gallion est profondément ancré dans la noirceur mais cette noirceur est lumineuse, porteuse de cette étincelle capable de transformer toute construction musicale en organisme doté de sensibilité, de résonnances et de palpitations… pourtant, à en croire le principal intéressé, ce premier album de Gallion ne serait pas totalement exempt de défauts et c’est peut-être vrai or on s’en moque éperdument : l’électro pop, synthétique, froide et dark de Gallion fait l’effet d’un cœur qui bat, d’une pulsation entrainante et vitale.
Voilà un disque qui devrait donc réjouir les accrocs aux tourneries entêtantes et réfrigérées héritées des années 80 ainsi que les amateurs des relectures 90’s de tout le truc, plus electro/trip-hop, mais avec Gallion on atteint rapidement et durablement le niveau supérieur – si certains titres se détachent résolument des autres pour s’enraciner dans nos têtes comme autant de tubes signifiants et porteurs de songes animés, tout le disque se révèle incroyablement bon et définitivement accrocheur. Et on ne reviendra pas sur le chant, un chant à la fois aigu et vaporeux, qui confère à la musique de Gallion cette incarnation fantomatique qui plait tellement.
On remarquera également la présence sur le disque de quelques invités de classe über alles : ici Franck Laurino de Zëro à la batterie, là Cédric Béron de Spade & Archer à la production ou Damien Cluzel de Kouma/Ukandanz intervenant à la guitare sur deux titres ; le son étroitement velouté et chaudement resserré de l’album est également l’œuvre du mitonnage pointilleux de Christophe Chavanon des studios PWL – on ne change pas une équipe qui gagne…

… Et ce sont à peu près les mêmes musiciens (plus quelques autres) qui seront à l’œuvre sur le deuxième album de Gallion qui devrait paraitre au  courant de la nouvelle année 2013. En attendant il faut se jeter sur ce premier album sans titre, assez mal distribué il est vrai mais que l’on peut se procurer en écrivant à cpslrecords[arobase]gmail[point]com – soyez patients, insistez un peu et éventuellement dîtes que vous venez de ma part. Sinon quelques extraits et des inédits sont en écoute sur la page bandcamp de Gallion.

vendredi 28 décembre 2012

Trapist / The Golden Years




TRAPIST est un trio réunissant Martin Siewert (guitare/électronique), Joe Williamson (contrebasse) et Martin Brandlmayr (batterie, percussions et électronique). Le premier joue ou a joué avec Kammerflimmer Kollektief, Taku Sugimoto, Christian Fennesz et a définitivement intégré les rangs de Radian ; le second a joué entre beaucoup d’autres choses avec les superbes Kletka Red (en compagnie de Leonid Sobeylman, Andy Moor et Tony Buck) ; le dernier est l’une des têtes pensantes de Radian mais joue également dans Autistic Daughters (avec Dean Roberts et Werner Dafeldecker) et au sein des géniaux Polwechsel.
Cette joyeuse séance de name dropping n’est pas là pour faire joli mais pour donner quelques points de repères concernant une musique qui se plait à rester inclassable. En particulier la musique de Trapist n’est pas sans rapport avec celles de Radian et d’Autistic Daughters – appelons cela la touche Martin Brandlmayr – mais se démarque de la première en faisant l’éloge quasi permanent de la lenteur et de l’atmosphérique et de la seconde en limitant son caractère pop à quelques bribes mélodiques et surtout en restant purement instrumentale.
Les amateurs de raccourcis lapidaires vous diraient que Trapist c’est un peu du Radian en version post rock mais les choses sont bien plus compliquées – et belles – que cela. Chacun des musiciens joue par petites touches, mini phrases sonores et fragments interrompus qui trouvent des échos chez les deux autres. Cela n’empêche pas l’exposition de thèmes mélodiques (Martin Siewert développe un son vraiment magnifique) mais Trapist rappelle aussi parfois le travail de The Pitch – magnifique combo norvégien/berlinois avec l’ancien batteur de MoHa! – par cette volonté de jouer une musique de flux et de mouvements non prédéterminés par les règles habituelles de la composition occidentale (les similitudes entres les deux groupes sont assez flagrantes sur Walk These Hills Lightly). L’influence de Morton Feldman se fait donc également sentir chez Trapist mais de façon différente mais tout aussi tangible que chez The Pitch, notamment dans l’utilisation axiomatique des silences et des cassures. Les amateurs de raccourcis – oui, toujours les mêmes – vous diraient alors que Trapist est le versant « rock » d’une musique dont The Pitch représente le versant « ambient ».
Reste que Trapist peut être goûté et apprécié juste pour ce qu’il est c'est-à-dire la réunion de trois musiciens ultra-doués et ultra-sensibles. En particulier Joe Williamson dont la contrebasse, jouée à l’archet comme aux doigts, prend un peu plus les devants que précédemment et expose de belles sonorités acoustiques ; il s’agit du seul instrument au sein de Trapist dont le son n’est pas manipulé et la contrebasse constitue en quelque sorte le point de repère d’une musique flottante et délicatement envoutante.

The Golden Years est le troisième album de Trapist et il est publié en LP et CD par Staubgold. Les deux premiers albums du trio sont tout aussi recommandables : le premier, Highway My Friend en 2002, était publié chez hatOLOGY et est désormais difficile à se procurer en dur ; le deuxième, Ballroom en 2004, est lui toujours disponible – et écoutable – auprès de Thrill Jockey.

jeudi 27 décembre 2012

Volx / self titled EP




Dans notre grande série des groupes découverts au hasard d’un concert, voici VOLX, un duo fut un temps basé à Marseille, désormais partagé entre le Québec et la Belgique et originaire d’un bled perdu au fin fond du Lubéron, à quelques encablures seulement de la vallée de la Durance : des détails géographiques dont on se fout un peu (beaucoup) si ce n’est que Volx est précisément le nom du bled en question et que ce passage à Marseille aura également permis au groupe de faire la connaissance de l’un de ses futurs labels, j’ai nommé Katatak.
Plus important, Volx est composé de deux frères : Constant joue de la guitare (et de la basse) alors que Quentin joue de la batterie (et chante). Ces deux là on les avait donc déjà croisés lors d’un concert, en première partie de Poino et depuis on avait pu écouter un bon petit CDr regroupant divers enregistrements en concert d’origine douteuse. Avec ce premier véritable disque en dur – un 7’ qui tourne en 45 tours et avec quatre titres dessus – on retrouve le Volx qui avait séduit en live avec des compositions directes et franches, entre urgence punk déglinguée et dissonante (Petite Chiara) et noise ethnique (Crame a des accents de tournerie levantine/balkanique certains).
Mais c’est bien la deuxième face que l’on préfère à la première – ce qui bien sûr n’enlève rien à celle-ci – avec deux titres plus aboutis, plus froids, d’un post-punk viscéral voire mécanique (Maitre Chien) et sur lesquels la voix du chanteur/batteur raisonne d’échos encore plus inquiétants et réfrigérés. Volx s’éloigne ainsi de cette image foutraque et bordélique que le CDr live donnait encore à entendre, jouant de préférence sur le terrain de l’insidieux (Kodiak/Peut-être) et n’hésitant plus du tout à faire durer le temps de cuisson – trois minutes et demi c’est plutôt long pour une composition de Volx. Le duo confirme donc tout le bien que l’on pensait déjà de lui : Volx est un groupe à suivre de très près.

[ce très chouette EP de quatre titres est publié par Cabal, Katatak et L’Entorse – l’artwork est superbement incompréhensible et la pochette a été sérigraphiée par Cabal – oui, toujours les mêmes]

mercredi 26 décembre 2012

Marteau Rouge / Noir




Les enregistrements de MARTEAU ROUGE sont tellement rares que l’on ne devrait jamais hésiter une seule seconde et se jeter dessus ; à tout bien y réfléchir aussi, l’unique prédécesseur que l’on connait vraiment à ce Noir est un album en collaboration avec le saxophoniste anglais Evan Parker et publié en CD par le label In Situ en 2009 ; à tout bien y réfléchir (encore) on reconnaitra également que Marteau Rouge est avant tout un groupe à écouter et à voir en concert.
Sur une scène, c’est même là qu’on les avait découverts, ces trois musiciens iconoclastes et un rien dilettantes : en première partie de Sonic Youth plus précisément, à une époque où la bande à Thurston Moore et Kim Gordon n’avait déjà plus rien de bien reluisant (quelque part aux alentours de l’année 2002 et de l’album Murray Street des new-yorkais) – on se rappelle alors que les trois Marteau Rouge avaient commencé à jouer dès l’ouverture des portes de la salle de concert, devant une fosse presque vide et bien en peine de se remplir parce que le public arrivant avait tendance à fuir aussitôt ce qu’il entendait alors. Marteau Rouge, c’est donc ça, une idée certaine mais jamais définitive de l’intransigeance et une sacrée bande de sculpteurs de sons, des poètes à vrai dire, des poètes qui se foutent bien du reste.
Jean-Marc Foussat (synthèse analogique – il joue sur un EMS VCS3 – et voix), Jean-François Pauvros (guitare et voix) et Makoto Sato (batterie et percussions) me font toujours l’effet d’être une bande de vieux anars facétieux et irrévérencieux. Mais en fait, ils croient dur en ce qu’ils font ; ils y croient même tellement qu’ils sont au delà de tout schéma et de toute conception préétablie : Marteau Rouge c’est peut-être de l’improvisation libre en mode pur et dur mais c’est surtout de la vie. Une leçon de vie même, pour peu que l’on aime cette musique.
Ici, vous l’aurez compris, on aime énormément Marteau Rouge. Et on n’a pas vraiment d’autres arguments à vous soumettre pour vous inciter à écouter cette musique là. Une musique qui va entortille le bruit, le malaxe et l’élève presque jusqu’au sublime. Des murs de saturation et des monceaux de finesse à la fois. De la beauté et de la violence. De la frontalité et de la perspective. Des horizons et des parallèles. De la générosité et du nihilisme. Marteau Rouge c’est tout ça en même temps et toujours beaucoup plus. A chacun d’y trouver tout ce que ces trois musiciens ont à offrir et puis d’en faire ce qu’il veut (de toute façon, ils s’en foutent, on vous l’a déjà dit). Merci.

Noir est publié en vinyle uniquement par Gaffer records et est constitué d’enregistrements qui commençaient à sérieusement pourrir dans un coin en attendant une hypothétique parution ; on essaie d’imaginer la tête des trois musiciens lorsqu’ils ont été contactés par le label… et heureusement qu’ils ont accepté.

mardi 25 décembre 2012

Comme à la radio : Laddio Bolocko





Le comité rédactionnel de 666rpm a longtemps réfléchi à l’opportunité de poster en ce jour béni une chronique collant avec l’actualité de noël, quelque chose ayant à voir avec la haine, la destruction, la détestation et la violence ultime.

Et puis, non, ce serait trop facile. Aujourd’hui c’est le jour des enfants et le point culminant de la nostalgie des masses – celle qui pousse encore les plus vieux d’entre nous à croire que Gérard Majax était la réincarnation de l’enfant Jésus alors qu’elle incite malgré tout les (beaucoup) plus jeunes à tenter de se rappeler de ce qu’ils ont fait hier – mais heureusement quelqu’un a inventé l’iP**D et le journal f***b**k.

Séance nostalgie donc avec ce qui fut l’un des concerts les plus marquants jamais vus et entendus par ici : LADDIO BOLOCKO au Pezner de Villeurbanne au début de l’année 1999.

Bien sûr ce qui suit n’est pas le concert du Pezner – qui pourtant avait tendance à enregistrer et à filmer tous ceux qui jouaient là-bas, mais où sont donc passés tous ces documents ? – mais un concert donné par Laddio Bolocko dans un pub de Leeds deux ans plus tard en 2001.

Oui, désolé, il n’y a que le son et pas d’images mais ça on s’en fout, fermez donc les yeux et écoutez ces quelques quarante sept minutes de bonheur.

lundi 24 décembre 2012

Talk Normal / Sunshine




La rumeur (le lieu commun) veut qu’il est toujours très difficile pour un groupe de sortir un deuxième bon album lorsque son petit premier a déjà fait naitre enthousiasme et fanatisme de la part de fans aveuglés par autant de réussite. Les exemples ne manqueraient pas et certains seraient même devenus des cas d’école*… Mais tout ça ce ne sont que des billevesées, de viles préoccupations d’obscurs gribouilleurs de chroniques de disques qui s’emmerdent (et pas que le dimanche) et de la branlette de critiques d’art à la con ; je peux vous trouver au moins autant d’exemples de groupes dont le deuxième album est le meilleur qu’ils aient jamais enregistré que d’exemples de groupes qui se sont royalement plantés à leur deuxième essai – allez, tiens, parfaitement au hasard : Fun House est le chef-d’œuvre monumental et insurpassable des Stooges (sans compter qu’il s’agit également du plus grand disque de tous les temps).
Aujourd’hui, sur la table d’auscultation/équarrissage de 666rpm : le post punk noisy de TALK NORMAL. C’est peu dire que le premier véritable album** du duo new-yorkais aura marqué les esprits : deux ans après, Sugarland reste toujours l’un des disques importants de la musique actuelle. Rien que ça. Et il y a des choses qui ne changent pas avec son successeur : sur Sunshine Talk Normal utilise toujours un minimum d’instrumentation mais va au fond des choses, en fait ressortir des compositions originales qui derrière l’aridité apparente se révèlent être des petits joyaux. Souvent cela tient à vraiment pas grand-chose – un rythme répétitif et tribal, une ligne de guitare dissonante, un ajout de saxophone…– mais Talk Normal a conservé cet art équilibriste qui touche au plus juste.
Mais il y a également des choses qui changent avec Sunshine. La teneur générale de l’album est moins sombre que précédemment ou, plus exactement, Sunshine porte très bien son nom : bien que tout aussi tendu et sec, ce deuxième album est avant toute chose éclairé, lumineux et presque chaud. Et la raison en est très simple ; déjà importantes sur Sugarland, les voix de Andrya Ambro et Sarah Register dominent largement sur Sunshine, lui servent de fil rouge et, finalement, de clef de voute céleste. Beaucoup plus de voix, donc, et surtout des voix davantage en avant, des voix presque systématiquement omniprésentes autour desquelles tout le reste a été construit. En particulier Andrya Ambro prend de plus en plus d’importance et chante de plus en plus sur un pied d’égalité avec Sarah Register ; l’effet de complémentarité des voix que l’on avait déjà remarqué auparavant gagne ainsi encore plus en signification et en pertinence. Et Sugarland en profite pour gagner ses galons de (très) beau disque.

[Sunshine est publié en CD digipak et en vinyle – bicolore, moitié rose et moitié rouge – numéroté et limité à 500 exemplaires par Joyful Noise recordings ; Lone General et Hurricane précédemment publiés en single ont été réenregistrés pour l’occasion]

* le premier exemple de grosse plantade MK II qui me vient à l’esprit concerne le deuxième album sans titre de Van Halen mais je ne sais absolument pas pourquoi
** on ne compte pas le déjà très bon Secret Cog (2009) qui en fait est un mini album de cinq titres

dimanche 23 décembre 2012

Comme à la télé : The Residents' Ultimate Box Set





Voilà c’est bientôt Noël, ce moment irremplaçable où l’hypocrisie convenue et ambiante tente de nous faire oublier que notre patron est un gros radin tout le restant de l’année – c’est vrai quoi, 100€ de prime ça c’est de la générosité vraie – et que notre voisine du cinquième étage est une vraie emmerdeuse ; un moment qui nous fait également oublier que tonton Gérard aimait bien il y a quelques années nous mettre la main dans la culotte, alors quelle joie de le revoir enfin. Aimons-nous les uns les autres et suivons à la lettre les lois édictées par le consumérisme galopant de fin d’année.

Fidèles à leurs (mauvaises) habitudes les RESIDENTS se sont eux fendus d’une nouvelle annonce : comment faut-il le prendre ? A la rigolade bien entendu mais toujours avec ce doute – jusqu’à quel point le groupe est-il sérieux ? jusqu’à quel point se fout-il de notre gueule ?





[à demain quand même]

samedi 22 décembre 2012

AmenRa / Live




Comme chacun le sait peut-être, AMENRA possède cette réputation d’être avant tout très impressionnant sur scène ; et, comme son nom l’indique, Live regroupe des enregistrements en concert d’AmenRa. On sait également que rien ne pourra jamais remplacer l’expérience d’un groupe vu en pleine action mais il n’est pas inintéressant non plus d’écouter ce Live qui entérine quelques conclusions déjà tirées avec Mass V – les deux disques ont été publiés à quelques semaines d’intervalle seulement. Et ce n’est pas parce que l’on a déjà taillé un short à Mass V, le dernier album studio en date du groupe, que l’on va se montrer beaucoup plus compréhensif avec Live.
En premier lieu AmenRa possède indéniablement un son dantesque voire démoniaque en concert : les trois premiers titres enregistrés à Courtrai/Kortrijk en Belgique en octobre 2009 sont presque les meilleurs du lot, à peine devancés par un autre enregistrement à Namur datant lui de décembre 2007 – ce dernier, bien que donnant à entendre un AmenRa encore un poil maladroit, dégage quelque chose de vraiment très spécial, comme une sorte de hargne primale, quelque chose en tous les cas que le groupe semble avoir malheureusement perdue depuis, au fil des années et de sa « progression » musicale.
Ensuite Live démontre qu’AmenRa c’est à peu près toujours la même chose. Seulement, lorsque on joue une musique aussi lente et aussi lourde il faut compenser au risque sinon de tomber dans la monotonie ; question puissance, rien à redire, ça compense effectivement et AmenRa a le feu aux fesses et le diable au corps ; question niveau des compositions et surtout à propos de ces petits plus qui font toute la différence (des exemples vraiment à la con et expressément tarte à la crème : un son de guitare que l’on n’entend vraiment pas ailleurs, une façon de torcher de la mélodie ou du riff dont même Steve Kelly (pardon) Scott Von Till – enfin vous voyez bien de qui je veux parler – n’a jamais eu l’idée, etc), bref, question niveau des compositions, on n’est pas très loin de la pauvreté et du vide abyssal, sauf bien sûr en ce qui concerne la profusion de poncifs et de clichés. Il n’y a que les vieux singes qui ont le droit de faire la grimace et lorsqu’on prétend être un bon imitateur on a plutôt intérêt à bien assurer ses arrières. Au contraire AmenRa fonce tête baissée, (r)assuré par toute sa fougue, et échoue par trop de précipitation aveugle et obtusément maniaque – un comble pour un groupe aussi down-tempo. Dommage.

[Live est publié en CD (dans un joli emballage cartonné) par Consouling Sounds]

vendredi 21 décembre 2012

La Pince / La Simple




Après une bonne démo CDr et surtout après un excellent concert en mars 2012 aux Capucins de Lyon, un concert chaud et humide comme on les aime ici, on peut enfin écouter le premier véritable album de LA PINCE ; bien sûr on mentirait effrontément en affirmant que La Simple était extrêmement attendu par toute l’équipe rédactionnelle de 666rpm mais ce disque il faut bien admettre qu’il fait un bien fou et qu’il provoque chez l’auditeur (très) moyen moult palpitations incontrôlables et largement autant de sueurs acides qui vous retournent les tripes et vous portent les synapses en ébullition en un rien de temps.
La Pince c’est avant toutes choses un (post) punk direct et frontal, tendu et sec, aiguisé et hargneux, dansant et jouissif. Punk as fuck comme le disent les esthètes urinophiles et autres amateurs de sensations fortes. La Pince s’embarrasse de pas grand-chose et sûrement pas de ce maniérisme qui pourrit trop souvent les groupes qui veulent jouer de la musique à la manière de ; on ne dit pas que La Pince c’est de l’originalité à tous les étages ni la révolution mais c’est quand même la secousse permanente dans cette façon qu’à le groupe de te balancer son noise punk dans le lard – pas de tergiversations ou d’hésitations, pas de compromis et surtout pas d’embellissements inutiles : il faut que ça (se) sente, il faut que ça sue et que ça pue un minimum sinon ce n’est assurément pas de la musique.
On retrouve tous les titres de la démo précitée sur La Simple mais ce que l’on remarque plus que tout c’est que La Pince a mis les bouchées doubles, a du bouffer du speed avant d’enregistrer ce premier album et que le groupe a su trouver ces quelques trucs tout simples qui sur bandes rendent sa musique encore plus âpre et plus nerveuse. Le chant suit parfaitement ce mouvement et sort du terrain de jeu balisé d’un côté par Rotten/Lydon et de l’autre par Biafra, il gagne en hargne, les glaviots pleuvent toujours autant mais désormais ils ont une couleur encore plus dégueulasse. On apprendrait aussi que La Simple a été enregistré au milieu de nulle part et surtout au milieu d’une pièce avec un musicien du groupe dans chaque coin et un micro au milieu que l’on n’en serait pas plus étonné que cela tellement ce disque, encore une fois, transpire.
Enfin, et tout cela aurait sinon servi à rien, La Pince sait foutrement bien bazarder ses compositions ; quatorze titres qui torpillent dru et lardent sèchement, des mélodies simples mais à se damner, avec des lignes de basse tentaculaires et une guitare en mode limaille de fer incandescente, comme si elle nous infligeait une multitude de petites brûlures, bien profondes et bien nettes. On pense également avoir décelé une petite coquetterie et pas des moindres : sur Môa Je Pêche Là (tous les titres des compositions sont en franzouziche vosgien mais tous les textes eux parlent langliche bruxellois), le guitariste tombe en partie son instrument pour se concentrer sur une drôle de petite meuchine qui tiendrait presque du chargeur de batteries de voiture si elle ne générait pas des stridences et autres bourdonnements délicieusement brulants eux aussi. Une gégène pour danser, quoi.

[La Simple est publié en vinyle (accompagné d’un CDr et d’un insert avec les paroles) par Attila Tralala, Boom Boom Rikordz et Katatak records]

jeudi 20 décembre 2012

Nadja / Dagdrøm




Il y a bien longtemps que le nom de NADJA a été évoqué ici… Dagdrøm est le premier album du duo depuis plus de deux ans – son prédécesseur, le longuet Autopergamene paru en 2010 chez Essence Music, n’a même pas eu l’honneur d’une chronique – mais cela ne signifie pas pour autant que Nadja n’a rien fait pendant tout ce temps : au contraire le groupe a intensifié son activité favorite, débutée aux alentours de 2006 en compagnie de Fear Falls Burning, c'est-à-dire que Aidan Baker et Leah Buckareff ont multiplié les collaborations, tentant de trouver un second souffle auprès d’autres groupes et musiciens pourtant bien en peine de leur venir en aide. Ainsi Troum, Picastro, OvO, Year Of No Light, Black Boned Angel, A Storm Of Light, etc. ce sont succédés au chevet de Nadja depuis les années 2008/2009, mais en vain.
Il est indiscutable que Nadja, le groupe qui a sorti tant de bons disques entre 2003 et 2007, n’existe plus vraiment. Après l’explosion, la profusion et un aboutissement certain de sa musique, le duo s’est fait un devoir de se réinventer. D’où ces collaborations, d’où ces enregistrements avec des musiciens invités et d’où également certaines expériences (Under The Jaguar Sun, un double CD publié en 2009 et dont les deux disques doivent être écoutés en même temps ; un album complet de reprises, When I See The Sun Always Shine On TV, toujours en 2009 ; ou le caractère plus acoustique du EP Clinging To The Edge Of The Sky, encore la même année).
Ironiquement le groupe qui arrivait mieux que quiconque a alourdir ses guitares gazeuses au possible (autre version : le groupe qui arrivait mieux que quiconque à noyer dans l’éther son metal caverneux) a ainsi connu une très longue période de flou artistique. Les disques de Nadja sont devenus inégaux, certains étant même définitivement dispensables.
Dagdrøm est loin d’être un mauvais disque ; il s’agit même du disque de Nadja le plus intéressant et surtout le plus écoutable depuis de trop nombreuses années. On y retrouve le côté lourd et massif des débuts du groupe ; on retrouve également l’éternel côté shoegaze ; enfin la simplicité plus acoustique que le groupe a développée ces dernières années (et dont Aidan Baker use beaucoup sur ses enregistrements en solo) a également cours. Alors qu’est ce qui fait que l’alchimie fonctionne à nouveau sur Dagdrøm ? D’abord ce disque a un son incroyable, bien plus chaud que d’habitude. Ensuite il renoue avec une certaine véhémence et on surprend même le groupe à élever le rythme sur un Falling Out Of Your Head qui au bout de quelques minutes enquille sur un groove inattendu et sonne bien plus rock que tout ce à quoi Nadja nous avait jusqu’ici habitués.
Pour enregistrer Dagdrøm le duo s’est fait aider d’un batteur et celui-ci n’est autre que Mac McNeilly, l’ex cogneur psycho-thermique de feu Jesus Lizard. Certains vous diraient que McNeilly cachetonnant pour Nadja c’est comme de donner de la confiture aux cochons – par exemple le début très pop psychédélique de Space Time And Absence cède malheureusement la place à un final qui traine en longueur et qui donc laisse le temps à monsieur McNeilly de placer quelques roulements paresseux – mais le fait est là, évident et incontournable : le duo n’avait encore jamais sonné aussi franc du collier.
Les gimmicks de la musique de Nadja sont pourtant toujours bien présents – à commencer par le chant sous assistance respiratoire d’Aidan Baker et de Leah Buckareff, semblables à deux gastéropodes en pleine séance de lévitation participative – mais ces gimmicks n’agacent pas plus… disons qu’ils prennent d’autres couleurs, sous l’effet une nouvelle impulsion. Si on est loin de retrouver l’épilepsie névrosée du jeu de batterie de McNeilly (Nadja et Jesus Lizard sont deux groupes réellement antinomiques) on admettra qu’un bon batteur, ça change tout ; ça permet surtout de caler des breaks efficaces. Nadja ne s’en prive donc pas, éliminant – provisoirement ? – toutes traces de drone-doom de sa musique et se concentrant sur la tenue de route de ses compositions, des compositions toujours aussi longues mais résolument plus concrètes, voire terre à terre. En résumé : retour (presque) gagnant.

Les collectionneurs seront en outre ravis d’apprendre que Dagdrøm existe en vinyle avec une pochette en pvc et sérigraphiée (100 copies en vert et numérotées et 350 copies en noir) mais aussi en version double CD (chez les japonais de Daymare et sûrement hors de prix pour un petit européen, le deuxième disque comporte onze titres inédits et exclusifs que l’on peut tout aussi bien aller voler sur internet) et en version CD simple, dans un tout petit emballage cartonné écolo-résistant chez Broken Spine, le propre label d’Aidan Baker et de Leah Buckareff.

mercredi 19 décembre 2012

mim / As Far As I Compute




Apparemment MIM est un one man band, un garçon qui enregistre tout seul dans son coin ; j’écris « apparemment » parce que des informations sur mim, on n’en a pas vraiment non plus. Alors on est forcés d’imaginer un peu*. Là c’est beaucoup plus facile, on peut se faire des gros films en noir et blanc en écoutant  As Far As I Compute parce que mim semble venir de nulle part. Un premier album – également toute première sortie du label L’Amour Aux Milles Parfums – qui vous prend par surprise, comme un coup de rasoir en travers de la gorge et le sang qui s’écoule, étrangement froid et visqueux.
mim joue une sorte de musique électronique glaciale qui tire vers l’indus, non seulement en utilisant des sonorités malsaines et dévoyées mais en ayant également recours à un certain tribalisme (sur certains titres c’est un vrai batteur qui joue, ce qui apporte une touche sale supplémentaire). Un son travaillé, ciselé et mortellement froid. Et puis des détails qui surgissent – comme ces deux notes de piano sur Intriqués, l’effet de fanfare synthétique et tonitruante façon Foetus/Cop Shoot Cop puis une guitare très no wave sur As Far As I Know, la basse swanesque et en contrepoint cette ligne de synthétiseur d’une légèreté inquiétante sur Head Full Of Shit, Red Concrete et ses roulements de batterie, etc. –, des détails qui virent à l’obsession. Mais les compositions de mim sont plutôt courtes, ou alors elles se terminent de manière abrupte, dans la frustration et l’attente, à l’exception notoire du lancinant La Mer Néant ; on en revient alors à cette impression de blessure : ce n’est que lorsqu’on regarde enfin sa plaie que l’on prend conscience que l’on a mal.
Là-dessus viennent se greffer des textes, en français ou/et en anglais, des textes qui racontent des histoires que l’on ne comprend pas vraiment, si ce  n’est qu’ils vous donnent également ce sentiment d’égratignures constantes. As Far As I Compute est un album de blessures, d’enfermements et de mondes inanimés. Un disque captivant malgré son aridité synthétique et passionnant malgré sa courte durée… Des échos qui claquent, des grésillements qui perdurent et des bourdonnements labyrinthiques pour sortir de là. Rien n’est moins sûr.

As Far As I Compute est publié en CD par L’Amour Aux Milles Parfums mais il est également entièrement téléchargeable sur le site du label et il bénéficie d’une licence Creative Commons (la même que celle de ce blog inutile).  

* en fouillant bien, la seule chose que j’ai trouvée est cette vidéo d’Intriqués extraite d’un concert donné sous le nom de mim88 – c'est-à-dire mim & Les Vosgiens : mim aurait-il un rapport, même lointain, avec La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est ?

mardi 18 décembre 2012

Report : Totale Eclipse, House Of John Player, Maman Brigitte et Die Grosse Stille à Grrrnd Zero - 14/12/2012




Retour à Grrrnd Zero = braver le froid hivernal du nouveau hangar + éviter les pincements au cœur... car on se rapproche dangereusement de la date « officielle » de fermeture  du lieu – au 1er janvier 2013 les bâtiments changent de propriétaire et le nouveau landlord, une méga société d’investissement urbain, est censé récupérer un endroit vidé et déserté. Autant dire que personne, les groupes qui y répètent et tous les autres, n’a envie de partir de Grrrnd Zero ; personne ne se résigne non plus à s’y préparer réellement mais tout le monde y pense quand même très fort.
Et puisque aucun ange-gardien, et surtout pas les responsables locaux, ne semble pouvoir assurer le relogement du collectif et la poursuite de ses activités dans un futur proche, il va sûrement y avoir un grand trou d’air dans le paysage lyonnais, sans compter les perturbations qui vont avec, comme un vide qu’il va falloir absolument remplir. Encore une fois, pour se tenir au courant de l’évolution de la situation de Grrrnd Zero, le plus simple c’est de s’abonner à la newsletter du collectif – on vous tiendra aussi au courant des bonnes comme des mauvaises nouvelles…




Le concert de ce vendredi 14 décembre donne à revoir TOTALE ECLIPSE – Nico Poisson de Ned/Satönay à la guitare et au chant ; Seb Radix de feu Kabu Ki Buddah et de lui-même à la basse et au chant également ; Franck Gaffer aka Sheik Anorak à la batterie et au chant, toujours. Il est assez curieux de penser que Totale Eclipse est à la fois un vieux et un jeune groupe : le trio reprend les choses là où The Rubiks les avaient laissées mais ce n’est pas tout à fait non plus la même chose.
Disons que l’esprit est le même – du punk progressif, on vous dit – et que de surprendre les sourires parfois hilares des trois musiciens en dit long sur leurs motivations. Et voir et entendre un groupe qui passe son temps à piocher ici et là, à voler des plans éculés pour les remettre à neuf, à rendre hommage sans se prosterner stupidement, tout ça sans adopter d’attitude préfabriquée, est un vrai plaisir ; ça change des groupes de hardcore qui doivent forcément avoir l’air méchant pour prouver qu’ils ont des grosses couilles ou des groupes de noise qui doivent forcément être bordéliques pour faire arty.
Malheureusement et alors que le concert était bien parti pour exploser les compteurs de l’hilarité crétine, le matériel du guitariste a commencé à donner de sérieux signes de faiblesse voire à tomber en lambeaux : un jack qui déconne puis un ampli qui grésille puis une pédale de distro qui devient muette… Au début c’était plutôt amusant de voir monsieur Nico Poisson rattraper le coup pendant que ses deux petits camarades rallongeaient la sauce pour faire patienter tout le monde ; puis, les ennuis techniques recommençant et perdurant, cela a littéralement plombé un concert qui s’annonçait excellent – ce fut une fin de queue de poisson m’a alors soufflé à l’oreille un mauvais plaisantin dont je préfère taire l’identité (et je décline par la même toute responsabilité sur ce qui vient d’être dit). A la prochaine.




Suit HOUSE OF JOHN PLAYER, le projet solo d’un membre d’Action Beat (?) réfugié politique à Grrrnd Zero depuis cet été et qui en a profité pour composer quelques chansons/morceaux avant de partir en tournée avec les Ned (tournée dont il est fort heureusement revenu sain et sauf). House Of John Player c’est un truc très pop, c’est chanté avec une voix  très aigue et donc je souffre beaucoup. Ouais, OK, je suis un indécrottable rabat-joie.




Arrive MAMAN BRIGITTE. Maman Brigitte c’est assurément le nom le plus nul/pourri de toute la scène lyonnaise depuis l’apparition de Totale Eclipse (c’est dire). Madame Brigitte c’est aussi un vieux et un nouveau groupe à la fois car il s’agit des anciens Pan Pan Pan avec un membre en moins : l’un des deux guitaristes est parti voir ailleurs et Thibaut/Raymond IV reste seul maitre à bord question six-cordes.
Mais Maman Brigitte n’est pas qu’un groupe à guitare, pas plus que Pan Pan Pan n’en était un d’ailleurs : le batteur joue sur le devant de la scène, encadré par le bassiste et le guitariste – formation resserrée, tout le monde peut se regarder et sentir les autres transpirer et tout le monde se tient chaud. Le froid persistant c’est pourtant le principal problème à ce moment là de la soirée, le hangar de Grrrnd Zero se transformant peu à peu en bac à légumes de réfrigérateur et le bassiste de Maman Brigitte n’enlèvera pas sa grosse doudoune de tout le concert… le grand retour des anoraks ?
Non, vraiment pas. Maman Brigitte ça ne change pas fondamentalement par rapport à Pan Pan Pan et le trio joue un kraut hyper hypnotique et tribal (le batteur est ingénieur diplômé en mouvements circulaires) traversé de nappes de guitare célestes (le guitariste est expert en manipulation de pédales d’effets psychotropes) et de lignes de basses météorites (le bassiste n’a que deux points communs avec Steve Harris d’Iron Maiden, mais pas n'importe lesquels : il joue sur une Fender bleue et il joue avec ses petits bouts de doigts à lui, sans médiator).
Maman Brigitte c’est donc le changement dans la continuité. Et j’ai beau détester le nom du groupe, j’aime déjà sa musique.




Le dernier groupe qui joue ce soir s’appelle DIE GROSSE STILLE – « le grand silence » dans la langue de Gérard Depardieu – et regroupe quelques membres du collectif H.A.K. et un autre de Ned. Je résiste encore un peu malgré l’heure tardive parce que les invectives de Tristan (habituellement bassiste de Ned) me font bien rigoler et contrastent salement avec le côté indus/cold/robotique/glacial des trois autres qui bidouillent et tapotent derrière lui. Et puis j’abandonne, vaincu par le froid du hangar… à revoir dans de bien meilleures conditions. A bientôt aussi.

[les habituelles photos pourries du concert]

lundi 17 décembre 2012

Fight Amp / Birth Control




C’est enfin le grand retour de FIGHT AMP. Après des années de silence le trio nous a déjà gratifiés en 2012 d’un excellent titre via la série de splits Hell Comes Home dont il occupe le sixième volume en compagnie de Burning Love… or ce Shallow Grave, bien que fort recommandable dans le registre du pousse au vice hardcore noise, est pourtant trompeur sur l’état général de Fight Amp : plus proche des deux premiers albums du groupe (Hungry For Nothing en 2008 ; Manners And Praise en 2009) que de ce que l’on peut entendre sur le petit nouveau, Birth Control. Mais que l’on se rassure tout de suite parce que l’on n’y perd rien au change, bien au contraire.
Il y a pourtant des choses qui ne bougent pas avec Fight Amp à commencer par cette basse monstrueuse toujours aussi impressionnante de lourdeur – on peut même affirmer que sur Birth Control on l’entend plus que jamais. Non, là où le groupe surprend c’est en délaissant quelque peu le hardcore bruyant de ses débuts pour se repositionner davantage sur le noise-rock et, qui plus est, pas n’importe quel noise-rock mais celui – massif mais toujours mélodique par derrière – que l’on pouvait entendre dans les 90’s du côté d’Amphetamine Reptile records ; certains titres (les géniaux Fly Trap, I’m Out et I Am The Corpse) évoquent même carrément le meilleur d’Hammerhead, y compris dans la volonté de torcher du titre instrumental (l’inquiétant Goner).
Moins rapide mais toujours aussi bouillonnante, plus vicieuse et finalement plus lourde, la musique de Fight Amp n’en est devenue que meilleure. On ne regrette pas très longtemps – même si on les apprécie toujours autant – les déflagrations plus burnées et métallisées aux entournures des deux premiers albums et on apprécie plus que tout cette façon qu’a désormais le trio d’insuffler une bonne dose de crasse et de graisse dans son bordel généralisé. Le résultat est méchant, crapuleux et graveleux tout en gardant le côté carré et efficace des racines hardcore.
Même lorsque le groupe décide d’accélérer la cadence (Shallow Grave, ici dans une version très différente – donc – de celle proposée sur le split Hell Comes Home qui a été enregistrée avec un autre batteur que celui de l’album), on retrouve sans peine cet esprit échappé des 90’s sans que l’on ait rien à se demander et surtout rien à regretter... ainsi Fight Amp tord aisément le cou à toute récupération nostalgique de sa musique. Les changements de line-up depuis les débuts du groupe et en particulier l’arrivée d’un nouveau batteur sur Birth Control sont sûrement pour quelque chose dans cette lente maturation de Fight Amp mais après tout ce genre d’explications n’a que peu d’intérêt face à la réussite d’un album que l’on n'attendait plus de la part d’un groupe que l’on croyait disparu à jamais.

Birth Control est publié en CD digipak et en vinyle pochette gatefold par Translation Loss, tout comme l’avaient déjà été les deux premiers albums de Fight Amp ; on peut d’ailleurs (ré)écouter ceux-ci sur la page bandcamp du groupe et on peut également y découvrir les tout premiers enregistrements de Fight Amp, ceux effectués à l’époque où le groupe était encore composé de quatre musiciens dont deux guitaristes et alors qu’il s’appelait encore Fight Amputation.

dimanche 16 décembre 2012

Magneto / Fragment




Too much too soon. C’est la première impression que j’ai eue en écoutant Fragment, le premier (mini) album de MAGNETO. Une impression qui est restée. C’est beau la jeunesse et surtout ça permet l’impunité et l’inconscience de faire n’importe quoi. En ce sens les trois garçons de Magneto ont parfaitement et vraiment eu raison d’enregistrer Fragment et de trouver des labels pour le faire publier. C’est la musique qu’ils jouent, c’est la musique qu’ils aiment et d’un certain point de vue c’est largement suffisant.
Vu d’ici, par le petit bout de la lorgnette du type confortablement installé dans son salon et qui découvre un groupe qu’il ne connait pas, on affirmera cependant que suffisant, tout ceci ne l’est pas forcément ; on partage une partie de l’enthousiasme qui se dégage de ces six compositions bien que l’on regrette toujours le côté un peu scolaire et appliqué de l’ensemble ; on sent le boulot effectué et l’effort mais on cherche la petite étincelle qui fait toute la différence ; on reconnait et apprécie les (éventuelles ou supposées) références musicales de Magneto mais on peine aussi à trouver ce qui de nos jours donne l’illusion d’un semblant de commencement d’originalité.
Alors ne soyons pas trop dur ; si ce groupe de Périgueux répétait en bas dans la cave de mon immeuble, s’il s’agissait d’un bon petit groupe de potes et si je les avais déjà vus au moins vingt-cinq fois en concert chez Martine, le bar au coin de la rue, je serais sûrement très fan de Magneto – non pas par pure complaisance mais parce que j’aurais vu le groupe évoluer depuis ses débuts, faire des progrès, donner de bons concerts devant des pochtrons qui n’en avaient rien à foutre d’eux et parce que je croirais alors sincèrement au devenir du groupe.
Voilà ce qu’est Magneto : un groupe dont la musique nous marquera peut-être un jour de façon plus tangible – sous cette forme précise ou peut-être que chacun de ses membres ira voir ailleurs et montera un autre projet plus excitant –, mais en tous les cas un groupe qui aura marqué ceux qui y ont participé. De la musique. Et que Magneto semble encore trop jeune et trop vert sur Fragment est uniquement un risque que le groupe a choisi de prendre en son âme et conscience.