mercredi 4 mai 2011

Report : Fuckfest #3, premier jour






















Le Fuckfest vous connaissiez ? Vous en aviez déjà entendu parler ? Vous saviez ce que c’était exactement ? Et bien moi, non. Jusqu’il y a une dizaine de jours, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mis à part que j’allais me taper six groupes par soir dont quelques uns des plus beaux fleurons de la scène locale. Le principe de ce week end de folie est tout ce qu’il y a de plus simple : GTOK? GTKO! programme en toute partialité des groupes amis et/ou gravitant autour de la nébuleuse Nextclues, webzine bien connu des connaisseurs pour ses positions aussi réactionnaires que totalitaires en matière de choix musicaux extrèmes. On remarque toutefois que l’affiche reste assez variée (un seul clone d’Unsane à déplorer).

Mais, avant toute chose, il faut arriver jusqu’à la salle – Mains d’Œuvres à Saint-Ouen, juste au nord de Paris – et bien que sur une carte cela ne semble que très moyennement compliqué, je trouve le moyen de me perdre dans un dédale de rues qui se ressemblent toutes. Enfin arrivé à bon port, l’accueil est aussi chaleureux que possible (plus jamais je ne dirai de mal des parisiens, c’est presque promis) et le frigo du catering déborde de bières crust. Le bonheur.
En attendant le début des concerts, un petit tour dans la salle d’accueil où groupes, labels et distros sont en train d’installer leurs stands et j’en profite donc pour mettre quelques noms sur des têtes jusqu’ici inconnues. L’inverse étant également vrai – « ah ouais, tiens, c’est donc lui le mec qui écrit dans 666rpm » – je ne peux que craindre pour ma réputation de connard pas sympathique, prétentieux et autiste que j’ai mis tellement de temps à échafauder de toutes pièces et qui va sûrement en prendre un sacré coup pendant le week end. Mais tant pis. Je me dis aussi que quelques unes de ces nouvelles têtes et ces personnes que je rencontre pour la première fois vont d’ici une semaine faire le trajet inverse du mien pour venir sur Lyon assister à l’Africantape Festival, ce qui me réjouit déjà énormément.





















L’heure c’est l’heure et le timing est ultra serré aussi DesiCobra joue tôt et surtout devant une salle loin d’être encore remplie. Comme avec Live à Bombay, le premier disque du trio qui vient tout juste de paraitre, je bloque sur la basse et ce son que j’aime tant. Je reconnais certains titres, goûte avec plaisir à Chimie (dont l’écoute au casque pendant un trip de nuit à vélo devrait constituer une expérience plus qu’intéressante, ne me demandez surtout pas pourquoi) et même si le groupe parait un peu trop concentré pour se lâcher réellement, DesiCobra et sa noise moustachue et progressive à l’italienne font bien plus qu’assurer un tour de chauffe honorable pour cette troisième édition de la fête du slip et des noix.
DesiCobra est aussi et surtout un groupe instrumental, ce qui ne l’a pas empêché d’avoir inclus une lyrics shit dans son disque. De la même façon on pouvait remarquer sur le devant de la scène qu’un micro avait été installé, lequel micro sera brillamment utilisé en fin de set par un grand escogriffe allumé par le dieu lézard. On m’expliquera plus tard qu’il y aurait du effectivement y avoir du chant sur Live à Bombay mais que l’expérience ne s’était finalement pas révélée plus concluante que cela. Pourtant elle le fut lors de ce premier jour de Fuckfest.















Le début du set des Louise Mitchels est plutôt décevant. Le son manque particulièrement de patate, le groupe est un peu trop statique, surtout le guitariste – qui, si mes souvenirs sont bons, fut un temps batteur – et le groupe n’arrive pas à rendre réellement hommage à son album Es Hat Uns Spass Gemacht qui est pourtant l’un des meilleurs disques de rock instru et barré paru l’année dernière.
Entre deux titres les trois membres de Louise Mitchels réclament enfin à l’ingé son plus de retours, expliquent qu’ils ne s’entendent pas sur scène et une fois le problème dument réglé, les trois musiciens vont réellement pouvoir s’en donner à cœur joie et remonter doucement et sûrement la pente, faire rire les gamins en citant quelque riff ultra célèbre de Slayer ou répondre favorablement lorsqu’un agité du bocal même pas né à la parution de Reign In Blood réclamera en guise de dernier titre Tino Rossi. Ce sera finalement un bon concert.















Kimmo n’était initialement pas prévu à l’affiche de ce troisième Fuckfest mais, pour une raison que j’ignore, Basement a annulé quelques jours seulement avant le début du festival. J’aurais adoré revoir Basement mais j’étais tout aussi content d’enfin découvrir Kimmo sur scène car, encore une fois, pour une raison ou pour une autre (surtout l’autre), j’ai toujours réussi à manquer les parisiens.
Ils sont jeunes, beaux et élégants, il y a une fille à la guitare et au chant – ce qui nous change des potiches reléguées à la basse ou, bien pire, au synthétiseur – et la musique de Kimmo entre noise mélodique et pop tendue fonctionne bien malgré un problème technique qui coupera le concert en deux. On peut juste regretter que le bassiste ne se mette pas plus en avant : premièrement les couples de guitaristes/chanteurs qui monopolisent l’attention ça finit toujours par être lassant, deuxièmement le bassiste de Kimmo se démène comme un furieux et il est dommage de ne pas en profiter davantage et, troisièmement, il est également plutôt mignon donc retour à la conclusion n° 2. A noter aussi que le groupe a joué deux nouvelles compositions très réussies.















Ce soir c’est la release party de Valparaiso, le tout premier album de Pord. Et je suis presque jaloux de celles et ceux qui vont voir le groupe en concert pour la première fois de leur vie. Mais de jalousie, il ne va pas en être question très longtemps : même si j’aurais préféré un son un peu plus abrasif (et une chouille plus de basse), Pord va laminer et broyer le public avec toutes les compositions de son album – j’en connais au moins un qui est sorti de la salle parce qu’il n’en pouvait plus de toute cette violence. Ce fut tout simplement magistral.
La chaleur à Mains d’Œuvres devient absolument insupportable, je justifie allègrement mon surnom de Sweat Man et alors que beaucoup dans le public en redemandent encore, jouer les prolongations ne se révèlera pas possible : le timing est toujours aussi serré et le groupe a déjà tout donné. Mais rendez-vous est pris pour la tournée de Pord au mois de mai et qui démarre ces jours-ci. Ne les ratez surtout pas !





















Comme d’habitude les deux Chevreuil (vous pouvez toujours essayez de visiter le monospace du groupe mais il reste désespérément vide) s’installent non pas sur la scène mais au milieu de la salle et non sans avoir branché leur ghettoblaster diffusant les pires daubes 80’s que l’on puisse imaginer et que l’on aurait préféré oublier depuis tout ce temps – mais heureusement que Tony et Julien sont toujours là pour nous rappeler que le mauvais goût c’est une notion tout aussi subjective que le bon.
Les deux musiciens sont en forme et semblent regretter la froideur (relative) du public. Il faut dire que passer après Pord n’est pas chose très facile mais les Chevreuil arrivent à faire leur trou, avec cette polyrythmie démoniaque et ce système son inimitable qui utilise une sorte de quadriphonie bancale. Souvent décrié, finalement imité mais jamais égalé, le duo a toujours une tête d’avance sur tout le monde en matière de rock instrumental et trigonométrique.















Fin de la soirée avec Kourgane, de retour avec un mini album six titres (une grosse demi-heure de musique tout de même), tout nouveau et tout beau : Corps de Chasse. Le groupe désormais partagé entre Pau et Paris va largement puiser dans ses nouvelles compositions, encore plus longues, plus répétitives, plus insistantes, toutes en tension qui monte sans fléchir mais des compositions qui réussissent souvent à nous épargner l’explosion finale – la fameuse – sans nous frustrer pour autant. Kourgane c’est l’art et la manière de créer un mur du son que l’on effleure à une vitesse effarante : ce mur ne nous fracasse pas, son contact ne nous broie pas les os mais nous brûle par fines tranches.
On l’aura compris, Kourgane en 2011 c’est le même groupe que celui que l’on avait (re)découvert en 2008 ou 2009 mais Kourgane a encore peaufiné son art. Pendant le concert on retrouve évidemment certaines compositions de Heavy, plutôt jouées en fin de set, dont Morning Pentimento toujours dans cette version ralentie et densifiée par rapport à celle de l’album (d’ailleurs je croyais que Kourgane avait réenregistré ce titre mais cette nouvelle version n’a semble t-il jamais été publiée) ou l’incroyable Chevreuil A. Pour ce premier jour du troisième Fuckfest, Kourgane rejoint ainsi in extremis Pord sur la première marche des meilleurs groupes de la soirée.

[les photos du concert ici]