mercredi 11 mai 2011

Berline0.33 / Planned Obsolescence























On avait déjà parlé de Berline0.33 à propos de Flying Above Scarecrows, un EP de trois titres que le groupe a publié fin 2010. Planned Obsolescence, le premier album de Berline0.33, vient tout juste de sortir sur le label Katatak (qui décidemment poursuit sur une bien belle lancée) et confirme tout le bien que l’on pensait du post punk/noise wave d’un groupe à découvrir sans plus attendre.
Mais, pour être totalement honnête, si on était vraiment ravi et enthousiaste au sujet de Flying Above Scarecrows, on avait également un peu peur de sa suite éventuelle : les trois titres du EP fonctionnaient un peu tous de la même façon, par accentuation, accumulation de tension, répétition implacable, et grâce à un courant ascensionnel que rien ne semblait pouvoir arrêter. Une façon de faire terriblement efficace et convenant parfaitement à un enregistrement de trois titres. Au-delà, le risque aurait sûrement été de provoquer la lassitude, le train-train et tout ce qui fait qu’un disque ne survit pas à quelques écoutes d’abord enthousiastes puis simplement polies, avant de se retrouver remisé dans un coin.
Avec Planned Obsolescence, Berline0.33 démontre que dans le groupe, on ne sait absolument pas ce que signifie les termes d’habitude et de petites manies : on oublie presque l’insistance et le vitriol sous haute pression de Flying Above Scarecrows – qui a posteriori y gagne comme un côté exutoire voire expiatoire – et le groupe se tourne vers une musique encore plus orientée post punk (Guardian Of Trash, Checkpoint ou Anesthesia) et à la froideur accentuée. Berline0.33 reste un groupe implacable et glacé (Swedish Kids ou Company) mais il sait surtout nous surprendre par un côté plus mélodique et accrocheur tout en variant les rythmiques (bon travail du batteur) : le disque est truffé de lignes de basse et de riffs aussi simplement mémorisables que brillamment acérés et les compositions incluent breaks tombant à pic et chorus moulés à la louche. Le côté plus avenant et immédiat de certaines compositions de Planned Obsolescence n’est pourtant qu’un leurre : Berline0.33 ne rigole jamais et termine ça et là son travail de séduction et de capture mort ou vif par des hurlements de colère qui font froid dans le dos (Painkillers And Neonlightings).
Le disque découvre ainsi peu à peu des nouvelles richesses et des jeux d’ombres assez subtils entre la rage et la froideur que l’on ressent toujours en arrière plan et une tournure plus séduisante certes mais surtout vénéneuse, comme un piège trop étroit pour en sortir. Le venin de Planned Obsolescence c’est essentiellement le chant d’Emilie Ik qui, sans vouloir faire de mauvais jeu de mot, a trouvé sa voie entre corrosion caressante et brulure enjôleuse – évidemment on pense parfois et des fois même beaucoup à Lydia Lunch dont elle a repris le côté trainant de vamp destroy et de meurtrière à sang froid.
Planned Obsolescence décèle plein d’autres surprises telles que le synthétiseur faussement guilleret et réellement acide de Untouchable, le gros son de basse granuleux de Socialite et les multiples effets sur la guitare – guitare qui n’est pas pour rien dans la tournure plus post punk d’un disque qui au fil des écoutes s’impose toujours davantage. Titre le plus long, le plus lent et le plus douloureux, Angst est également la meilleure composition d’un disque brillant et terriblement obsédant, composition lors de laquelle toute la colère noire et la rage statuaire et pesante du groupe éclatent au grand jour.