jeudi 5 mai 2011

Report : Fuckfest #3, deuxième jour























Sans que je sache trop comment je me retrouve après la première soirée du Fuckfest à l’autre bout de Paris, tout au sud, du côté de Malakoff, à la soirée d’une jeune fille que je ne connais pas et qui fête ses vingt ans avec des amis que je ne connais pas non plus. La musique est atroce, l’alcool aussi mais j’en bois quand même et je somnole en attendant le premier métro qui me ramènera du côté de l’appartement que l’on m’a prêté pour le week-end. A mon réveil, après quelques heures seulement de sommeil et une bonne douche, ma logeuse du moment entreprend de me soigner à l’aide d’une vodka subtilement parfumée au caramel et dont depuis je n’arrête pas de rêver la nuit. Le début de l’après-midi se passe ainsi doucement, à rester avachi et à profiter de la chaleur du printemps, dans un appartement au sixième étage d’un immeuble de Ménilmontant.
Puis c’est l’heure du départ. Je retrouve mon chemin sans trop me perdre cette fois, j’évite soigneusement les puces de Clignancourt où j’allais acheter mes disques quand je n’étais qu’un gamin séchant le collège et le lycée et j’arrive à Mains d’Œuvres – ma tête de déterré va en faire rire plus d’un et plus d’une. Il ne me reste plus qu’à comater, tenir un stand de lunettes et boire du café pour éliminer toutes ces toxines et ce sentiment de gène qui m’empêchent de… de quoi au fait ? Rien, je n'ai rien à faire si ce n’est me taper une nouvelle soirée de concerts. Le bonheur continue.















Et le bonheur c’est déjà Ultracoït, quatre garçons plus ou moins beaux, forts, grands, musclés, tatoués mais tous en slip – avec la réserve de médiators planquée dans la poche kangourou, la grande classe, quoi – et masqués de latex façon catcheurs S/M. Ils arrivent sur scène enchainés par une maitresse de cérémonie qui pendant tout le concert présentera des panneaux avec les titres des morceaux écrits dessus tout en prenant des allures mi suggestives de grande prêtresse (dans le détail ça donne quelque chose comme Introduire, Good Girl, Le Notaire, Dickheads ou Do You Wanna ?).
La blague fonctionne d’autant mieux que par derrière – si je puis dire – Ultracoït maitrise parfaitement son sujet c'est-à-dire une bonne grosse noise épaisse et grasse devant beaucoup à Unsane (et vous me direz des nouvelles de cette basse). Mais il y a de la finesse sous cette avalanche de brutalité et de bestialité, le groupe devient vraiment bon sur les passages pendant lesquels les deux guitares se comptent mutuellement fleurette et baisouillent plus délicatement. Ultracoït vient tout juste de publier chez Rejuvenation The Sperm EP, un mini album de six titres et donc un disque dont nous reparlerons bientôt.






















La Race joue tout de suite après, un peu en avance même sur le timing de la soirée. Les trois musiciens (dont deux Headwar) se sont installés au sol, en triangle, et se regardent pendant que le public les entoure. Je suis assez surpris qu’il n’y ait qu’une seule guitare – celle de Pavel, auparavant dans Death To Pigs – et que Romain – qui joue de la guitare, de la basse ou du synthé dans Headwar – ne fasse que chanter. Mais je ne vais pas m’attarder très longtemps sur ce genre de détails car La Race en concert c’est un déluge de sons abrasifs et stridents sur un fond de rythmes tribaux et méchants tandis que la voix, quasiment tout le temps hurlée, plutôt rauque, invective et crache sans cesse.
Un moment vraiment fort et assez phénoménal de lumière blanche et aveuglante, de rage crue et de violence sonique – les deux titres du récent 12 pouces publié par le groupe ressortent magistralement en concert, surtout Stefan Eicher doit mourir. Je ne le sais pas encore mais La Race a assuré l’un des deux meilleurs concerts de cette deuxième soirée du Fuckfest.






















Place à Aerôflôt. Le contraste est saisissant avec La Race : deux synthés, une guitare, une batterie (tenue par un garçon qui désormais joue également dans Year Of No Light) et du chant. Musicalement aussi cela n’a rien à voir, Aerôflôt c’est même plutôt indéfinissable, mélange de post punk, de groove épileptique, de frénésie cavalière et de new wave sirupeuse. Tout ce qu’il faut pour faire danser et tendre les foules mais cela ne prend absolument pas. Le public reste d’une froideur inflexible et d’un stoïcisme distant qui plombe l’ambiance.
Et plus le groupe se démène, plus on pédale dans le vide, le gouffre s’ouvrant de plus en plus profondément entre la musique d’Aerôflôt et celles et ceux qui auraient du l’écouter et danser dessus. La prétention bordelaise versus la froideur parisienne ? Allons bon, c’est un lyonnais qui vous parle. Tout ceci me semble d’autant plus incompréhensible qu’Aerôflôt a été aussi bon voire même meilleur que les deux derniers groupes de la soirée qui eux ont récolté tous les lauriers.















Retour au centre de la salle de Mains d’Œuvres avec Headwar qui joue au sol. On retrouve donc les deux Romains vus il y a trois quarts d’heure à peine avec La Race et on s’inquiète (pas très longtemps) pour celui des deux qui joue de la batterie et des percussions – ce garçon a un jeu terriblement physique et impressionnant, il ne doit pas être humain, en tous les cas il arbore sur la tête une cagoule en forme de lapin. La bassiste/guitariste/chanteuse préfère elle porter perruque blonde et robe blanche, vague référence aux bimbos 50’s j’imagine. En tous les cas tout ceci est très drôle et notre batteur (donc) va assurer plus que ça.
Comme La Race, Headwar joue en cercle, les quatre musiciens se faisant plus ou moins face et incitant le public à les serrer au plus près. Même celles et ceux qui resteront un peu à l’écart vont être écrasés par la folie et la noirceur d’Headwar. Je dis « noirceur » faute de mieux car j’y entends certes du désespoir, du bruit, du chaos mais aussi un humour grinçant et à côté. La musique d’Headwar – en tous les cas lors de ce concert – devient de plus en plus folle, malade, bruyante et en même temps de plus en plus resserrée, aigue, tranchante. Contre toute attente, ça tourne au délire complet dans le public de Mains d’Oeuvres. Et on peut affirmer qu’Headwar a été le meilleur groupe de cette deuxième soirée, ex-æquo avec La Race. A bientôt j’espère.















Reste les deux groupes stars de la soirée. D’abord Shub puis Marvin. Les deux avaient déjà joué lors de la précédente édition du Fuckfest il y a deux ans. Shub a son public conquis d’avance et même si le trio n’est pas au top de la forme car il commence à faire vraiment très chaud dans la salle, l’ambiance tourne à la fête sans retour. Je suis moins convaincu que lorsque j’ai vu le groupe dans la cave du Tostaki à Lyon en novembre dernier mais le groupe interprète dignement quelques uns des meilleurs titres de ses deux derniers albums (Prok’o’Fiev forever et Snob Song, « une chanson qui parle de la Bretagne », hahaha). Le groupe a vraiment très chaud, le public aussi mais l’ambiance est là donc ça continue et de manière assez amusante : Ben Shub fait des breaks et des roulements ouvertement pourris à la batterie pour ménager sa peine et cela fait rire tout le monde. Cerise sur le gâteau, Bil Nextclues monte sur scène pour interpréter avec ses vieux amis une reprise de… de Wire, non ? Vous rectifierez de vous-mêmes si vous avez le courage de regarder la vidéo du concert qui a été filmé en intégralité, courage que je n’ai pas eu.






















Ce sera à peu près le même constat pour Marvin : le groupe va assurer malgré la chaleur. Car ils sont jeunes, ils sont beaux, ils jouent au moins quatre fois par an à moins de vingt kilomètres de ta résidence principale mais à chaque fois c’est toujours aussi bien, comme la fête du slip permanente et pour tous. Rien à redire sur ce concert au Fuckfest, si ce n’est que cela donne déjà envie de revoir Marvin dès la semaine d’après – ce qui sera le cas puisque le groupe était également programmé à l’Africantape Festival. A noter un titre inédit (et annoncé comme tel) vraiment bien et un final avec à nouveau Bil Nextclues au chant mais aussi Greg Reju à la guitare et Françoise Massacre à la basse pour une reprise de Goofy’s Concern des Butthole Surfers.

Et maintenant ? Maintenant c’est bel et bien terminé, malgré un after sympathique dans un rade situé du côté de République et ouvert toute la nuit. Evidemment les débats d’alcooliques font rage, comme l’étude comparative des 257 derniers concerts de Marvin (« je te dis que le meilleur c’était celui à Pompignaguet en septembre 2009 ») ou cette question cruciale qui consiste à se demander si tout ça (comprenez la musique, les groupes, les concerts, etc) ce n’était pas mieux avant (i.e. dans les années 90). J’en profite pour vous donner un florilège de toutes les gentilles vacheries que j’ai récoltées pendant cette fin de soirée ainsi que pendant les deux jours du Fuckfest : « comment tu vas faire pour parler de ton vélo dans ton report puisque t’es venu en train ? », « et ben mec tu t’es pris des coups, tu bougeais pas, t’étais trop drôle à regarder et faut dire que tu n’es plus tout jeune », « ton blog c’est nul, j’aime pas le principe parce qu’on ne peut pas retrouver une vieille chronique facilement » ou « t’as que ça à foutre de prendre des photos qui vont intéresser personne ? ». A ce propos les photos sont ici et . Et puis merci pour tout, merci aux GTOK? GTKO! (sans oublier la lettre A) et même à Nextclues – c’est (presque) promis, je reviendrai dans deux ans…