mardi 31 mai 2011

Report : Burne, Pord et Quartier Rouge au Bar des Capucins





















A peine remis du concert d’Oxbow et de Chevignon de la veille à l’Epicerie Moderne et me voilà à nouveau en selle pour rejoindre le premier arrondissement de Lyon. Direction : le bar des Capucins dont la cave aussi voutée et minuscule que chaude et humide accueille une affiche plutôt alléchante avec – par ordre d’apparition – les lyonnais de Burne, les lozérois de Pord et les parisiens (?) de Quartier Rouge. Les deux premiers ont tourné très intensément en ce mois de mai et surtout ont fait un maximum de conneries ensemble pendant près de trois semaines et demie, apparemment parfaitement bien remplies (alors qu’à l’inverse les verres et les bouteilles se vidaient de plus belle). Quartier Rouge s’est – si on peut dire – contenté d’accompagner les deux autres sur les quatre dernières dates de leur tournée.
On peut tout de suite regretter qu’il n’y ait pas eu un peu plus de monde à ce concert – il restait de la place dans la cave des Capucins, un comble – malgré une promo semble t-il correctement assurée : Burne, les régionaux de l’étape, ont du être un peu déçus du manque d’affluence puisque c’est eux qui s’étaient plus particulièrement occupés de caler cette dernière date de leur tournée commune avec Pord. Tant pis pour les absents, etc, éternelle rengaine.















C’est précisément Burne qui joue en premier ce soir, juste à la bourre ce qu’il faut sur l’horaire prévu. Je n’ai pas toujours été très tendre avec le groupe que de fait je n’avais pas revu en concert depuis un bon petit paquet de temps. Etre méchant et descendre les groupes comme des merdes est pour certains chroniqueurs du dimanche et autres fanzinards frustrés ou rachitiques du bulbe un plaisir sans nom mais il semble bien que je ne le ferai plus jamais au sujet de Burne dont la prestation m’a pour la première fois plu pour ne pas dire bluffé.
Rien ne me prédisposait à ce changement de vue pas plus que Burne a réellement changé d’optique entre temps. Pourtant, à y regarder de plus près, le hard core/noise métallique et mathématique du duo (un batteur et un bassiste) a gagné en précision et surtout en fluidité, ne privilégiant pas seulement l’énergie, les postures et les effets – c’est également très sensible lorsque on écoute les enregistrements du groupe et constate l’écart entre la première démo et le premier CD. Sorte de Belly Button mutique, sous speed et en version métallurgiste extrémiste ou même grind, Burne compense l’absence d’un instrument plus mélodique – par exemple une guitare comme chez n’importe quel groupe de Lozère ou un synthétiseur comme chez tous les groupes de Montpellier – par des effets visuels déclenchés au pied par le bassiste. C’est plutôt basique (alternance de noir complet, de lumières aveuglantes et de lumières clignotantes) mais ça marche plutôt bien. Surtout le groupe est moins rigide, a insufflé plus de groove dans sa musique, ce qui la rend plus humaine et moins mécanique malgré la redondance parfois des compositions. Une bonne entrée en matière pour cette soirée, donc.















Les stars de la soirée, justement, c’est peut être eux : Pord. Plein d’impatience après le concert démentiel que le trio a donné lors du premier soir du Fuckfest #3 – et par conséquent meilleure prestation de ce jour là – je ne m’attendais pas non plus à revivre un tel moment d’anthologie et de délire collectif. Le concert a pourtant été excellent en tous points mais surtout il a permis de constater que les Pord jouent de la même façon et ce quelle que soient les conditions, dans une belle salle toute équipée confort et cosy comme celle de Mains d’Œuvres à Saint-Ouen ou dans une cave mal sonorisée (voire même pas du tout) et enterrée sous un bar des pentes de la Croix Rousse à Lyon.
Voir jouer ces trois là est donc toujours un réel plaisir. Et les Pord ont eu d’autant plus de mérite que, fidèle à ses sales habitudes de rantanplanteur, le public lyonnais, déjà pas bien nombreux, a encore une fois fait la démonstration de sa légendaire frigidité – pourtant il n’y avait pas que des lyonnais dans la salle : une représentante du noyau dur du fan club marvejolais du groupe était présente aux premiers rangs, juste derrière on remarquait des immigrés de Haute Saône et même un transfuge nîmois. Ambiance un peu tiède donc, alors que Pord redoublait encore plus d’efforts en assenant une version dantesque et accélérée de Brenda’s Sheets. Alors vraiment un grand merci pour tout les gars et bon retour chez vous, puisqu’il s’agissait de votre dernière date.















En remontant de la cave tout de suite après le concert de Quartier Rouge, j’ai croisé en haut des escaliers le chanteur qui avait laissé le reste du groupe terminer le concert à trois et je lui avais alors demandé d’où Quartier Rouge était originaire exactement. Si j’avais relu ma propre chronique de l’album Les Années Lumières je n’aurais pas eu à (me) poser cette question presque idiote – qui en soi n’a rien de fondamentalement intéressant non plus. Par contre rien n’aurait pu me prédisposer à un tel déferlement et à une telle concentration épileptique de la part d’un groupe dont finalement je ne savais presque rien, mis à part une comparaison assez imparfaite avec les affreux américains de Daughters – et on a déjà fait pire comme comparaison. La réécoute à posteriori de l’album du groupe ne rend également que très partiellement compte de tout le bordel qu’arrive à mettre Quartier Rouge en concert.
Première surprise, le groupe joue sans bassiste (il y en a pourtant un sur le disque) mais avec un synthé Moog manipulé par un garçon frisouillé, tatoué, en slip et bas résilles. Cela peut donner un tout petit aperçu de la débilité contagieuse – dans le bon sens du terme – et de l’état psychotique dans lequel joue Quartier Rouge. Ces quatre garçons méritent en effet tous les hommages pour leur musique de malades sachant s’amuser (bien en plus) à jouer les tarés irrécupérables avec un je-ne-sais-quoi de dilettantisme et d’arrogance décalée qui donne toute sa crédibilité au truc.
Le concert a eu certes un peu de mal à décoller, il a fallu s’échauffer un peu sur les premiers titres, de plus après Pord certains ne sont pas redescendus dans la cave du Bar des Capucins, mais Quartier Rouge a joué comme si de rien n’était, devant les autres musiciens des deux autres groupes plus deux ou trois personnes scotchées par le noise’n’roll (parfois franchement grind, parfois psyché, parfois tout ça à la fois) du groupe. Un bon concert, étonnant, drôle et assez incroyable. Et finalement la meilleure surprise du jour.

[les photos du concert sont ici]