Six mois de préparation intense, de propagande élitiste et de lobbying effronté : les organisateurs (dont je faisais partie) avaient prévu que le Festival Africantape frappe très fort. De nombreuses nuits blanches, quelques hectolitres de houblon macéré mais aussi quelques crises de nerfs – sans compter les péripéties liées à l’annulation des concerts au Rail Théâtre, annulation sur laquelle on ne reviendra pas dans les détails – auront donc été nécessaires à la mise en place d’un évènement à propos duquel on peut déjà dire que toutes celles et tous ceux qui ont eu la chance d’y assister en sont repartis avec un sourire persistant sur les lèvres et quelques étoiles supplémentaires au fond des yeux (on compte également de nombreuses gueules de bois, quelques bleus et bosses bien placées mais tout ça c’est une autre histoire).
Merci donc aux bénévoles du Clacson et à ceux de Grrrnd Zero qui nous ont aidés. Et donc un grand merci à ces deux salles d’avoir accueilli le festival et en particulier à Marion et au Clacson de nous avoir littéralement porté secours une semaine avant le début des concerts, alors que la location du Rail Théâtre était soudainement annulée, sans cela la première édition du Festival Africantape aurait purement et simplement du être annulée elle aussi.
Faire un report complet et exhaustif ne servirait à rien. Il est peut être très facile de chroniquer des disques sans les avoir écoutés plus d’une demi fois (voire même pas du tout) mais il est au dessus de mes forces de parler réellement d’un festival auquel j’ai mis un peu du mien. Et puis je n’ai pas pu voir tous les groupes jouer, ce que je regrette pour certains d’entre eux. Mais ce n’est rien par rapport au regret qui restera toujours pour nous d’avoir été contraints et forcés de migrer du Rail Théâtre au Clacson, passant d’une jauge de 600 personnes à une jauge de 350, privant ainsi de trop nombreux amateurs de musique de la possibilité d’assister à cet évènement. Que le festival se soit extrêmement bien passé, tant au niveau des groupes, du public, de l’ambiance, de la qualité des concerts et de la surconsommation d’eau de feu n’y changera rien : il restera toujours cette frustration d’avoir échoué à quelque chose de mieux encore. Ci-dessous quelques impressions plus ou moins diffuses et ignoblement subjectives de ces trois jours de folie.
Vendredi 29 avril. Les portes du Clacson ouvrent à 17h30 et le fastidieux travail de pointage des listings de préventes et de réservations commence. Le festival est d’ores et déjà sold out. La journée débute mal parce que Chevignon fait partie des groupes que j’aurais bien aimé voir quoi qu’il arrive. Malgré l’heure du goûter les fans du groupe sont venus en nombre, les vibrations qui remontent de la salle située au sous-sol ne me disent que du bon et je me console en me disant qu’heureusement je pourrai (re)voir Chevignon en première partie d’Oxbow le 27 mai prochain à l’Epicerie Moderne (Chevignon + Oxbow cela ne s’invente pas). Je n’aurai pas plus de chance avec Ventura (que je vais juste entr’apercevoir) et Honey For Petzi que j’aurais aimé enfin découvrir sur scène – la venue du groupe avait suscité de telles réactions de joie que cela avait fini par éveiller toute ma curiosité.
Par contre je vais assister à un petit quart d’heure du concert de Chevreuil Sakit (c'est-à-dire le duo que tout le monde connait en compagnie de Mitch Cheney de Rumah Sakit et de Hey! Tonal) et ce fut suffisant pour me rendre compte que la présence de ce guitariste de génie booste littéralement un groupe déjà très bon au départ. J’assiste également à la totalité du concert de Ned. Les lyonnais auraient du ce soir fêter la release party de leur nouveau et excellent album, Bon Sauvage. Mais, avec le changement de salle in extremis, beaucoup de leurs amis n’ont pas pu assister au concert. Sur scène la prestation du groupe est correcte même si on sent les Ned malgré tout quelque peu tendus. Cela n’empêche pas les tubes du groupe de passer comme une lettre à la poste (le génial Wanna Be Beta City) et je suis sûr que tout fonctionnera beaucoup mieux la prochaine fois.
Je fais volontairement l’impasse sur les Marvin que j’ai vus la semaine précédente lors du deuxième soir du Fuckfest et qui repasseront à Lyon le 8 juillet au Périscope ainsi que sur Aucan dont je déteste le dernier disque en date (les premiers également, je vous dirais) et je ne vois vraiment pas l’intérêt de me les taper une fois de plus en concert.
Samedi 30 avril. Ouverture des portes encore plus tôt que la veille, à 16h30. Encore un regret avec Io Monade Stanca que je ne pourrai pas voir. Je suis par contre très impressionné par ce que je vois et entends du metal progressif et mathématique – presque à la façon d’un Keelhaul – de Tormenta qui ce soir joue en formation à quatre. Le disque a été enregistré à trois, le noyau dur du groupe est constitué de deux personnes et après le concert le guitariste barbichu m’expliquera que Tormenta est un projet évolutif en fonction de leurs envies et possibilités.
J’enchaine avec un petit peu de Papaye. Le disque est déjà bon mais en concert ces trois garçons pètent carrément un câble, tout particulièrement ce guitariste échappé de Komandant Cobra qui fait des petits miracles avec le bout de ses doigts. Et puis JB de Pneu dans en registre moins frénétique mais tout aussi puissant à la batterie ce n’est pas mal non plus. Je lâche l’affaire avec Three Second Kiss que j’aurais pourtant revu non sans curiosité, après une expérience désastreuse il y a quelques années au Sonic. Mais je ne fais que passer dans la salle et ne peux voir ni écouter grand-chose. Je peux m’attarder un peu plus sur The Cesarians, séduit par le groupe mais déçu par le son qui manque de luxuriance et ayant tendance à trouver que ce chanteur en fait un peu trop malgré un charisme évident. Je quitte la salle dès que le groupe a interprété I’m With God, d’ores et déjà élue plus belle chanson de l’année 2011.
En fait je voulais me réserver pour Big’n et j’ai eu raison. Le groupe va jouer la plupart de ses tubes avec une rage incandescente qui va consumer le public de passion et de folie. Certains, en ressortant de la salle, iront même jusqu’à dire que ce fut l’un des 10 meilleurs concerts de leur vie, chose que j’ai aussi surement pensée et dite sur le coup, dans un de ces moments de plénitude bordélique et confuse qui donne envie que cela ne s’arrête jamais. Pourtant Big’n prétend que ce fut là son ultime concert, le groupe avait déjà annoncé la couleur lors de sa première date française à Rennes et le bassiste ne s’est pas privé de tout foutre en l’air, dans un geste irrémédiable, touchant mais complètement flippant. Après la dévastation selon Big’n, les pitreries de Oxes paraissent forcément bien fades, surtout que les trois de Baltimore n’ont rien changé depuis 10 ans, sauf qu’ils ont maintenant l’air d’être de vrais clowns sans conviction et ce ne sont pas quelques Big’n revenus en guest sur scène qui ont relevé le niveau. Tant pis.
Un after impromptu se déroulera ensuite à Grrrnd Zero (si mes informations sont bonnes il y a Pneu et Burne qui ont alors joué), after qui du point de vue de l’organisation n’était sans doute pas des plus pertinents – autant vous dire qu’il y a eu et qu’il y a encore débat – et auquel je n’ai pas assisté, bloqué que j’étais au Clacson en compagnie de quelques autres membres éminents de l’équipe, puisqu’il fallait rendre la salle en bon état.
Dimanche 1er mai. Suite au changement de salle cette dernière soirée est devenue payante. Tout se passe à Grrrnd Zero et c’est le retour de la fastidieuse litanie des entrées, à partir de 16 heures. Par contre c’est le jour où labels et distros viennent s’installer – certains ne sont finalement pas venus, c’est dommage – et on peut également admirer les premiers clichés pris par Romain Item lors des deux premiers soirs du festival. C’est pendant cet après-midi là que l’on va le plus pouvoir papoter et raconter n’importe quoi avec des personnes que finalement on connait assez mal. Quelques chouettes rencontres…
Les concerts débutent à 19 heures avec Sheik Anorak. Franck aime faire évoluer son set selon les occasions qui se présentent et pour cette date Africantape il a particulièrement travaillé sur un troisième titre, sous haute influence Mike Barr/Orthrelm. Comme d’habitude (pourrait-on dire) tout ça est vraiment excellent et Sheik Anorak convainc allègrement un public qui ne s’était pas spécialement déplacé pour lui. Alexis Gideon se taille également un bon petit succès. Passe Montagne me passe (sic) au dessus la tête, je suis à nouveau trop loin, trop au fond et pas assez souvent dans la salle pour gouter à la musique satanique du trio.
Par contre je suis devant pour Extra Life. Ma déception est énorme. Le groupe a perdu son bassiste, le violoniste s’est mis à la guitare et avec le chanteur/claviers/guitariste ils tentent de pallier à l’absence de la basse à l’aide d’octavers. Mais surtout les nouvelles compositions du EP Ripped Heart, très orientées synth pop 80’s, ont vraiment du mal à passer en concert (j’ai depuis écouté le disque et je le trouve presque merveilleux…). Le chant me parait également nettement moins aventureux, moins médiéval en fait, et Extra Life s’est transformé en groupe de pop presque gentillet et propre, nettement moins bon et charismatique que lors de sa précédente venue au Sonic. Espérons qu’un futur concert me refera changer d’avis.
Qui a déjà vu The Conformists en concert (ou plus simplement sur une video) peut rapidement se rendre compte que le chanteur taré et tatoué du groupe n’est pas sur scène. C’est un autre type qui tient le micro et là, ça fait un peu peur… Pour des raisons aussi personnelles que familiales Mickael est resté à la maison dans le Missouri et a été remplacé par un vieux copain du groupe qui mettra un peu de temps avant de trouver ses marques (ce soir c’est la première date de The Conformists en Europe avec ce line-up de secours) tout comme le groupe mettra un peu de temps à faire décoller sa noise dadaïste et foutraque. Puis ce fut tout simplement excellent et on a même finit par oublier le changement de chanteur. Allez voir ce putain de groupe qui manie l’absurdité avec art, lorsqu’il passera vers chez vous.
Et après ? Après un joyeux tandem de DJs a fait danser les foules jusqu’à point d’heure. Puis le lendemain il a fallu ranger, nettoyer et toutes ces choses qui déjà nous emmerdent lorsque on doit les faire à la maison. Merci à tous les groupes, merci aux gens – même à ceux à qui j’ai à peine eu le temps de parler – et surtout merci aux forces obscures et laborieuses du festival (elles se reconnaitront). Thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, thank you, THANK YOU.