mercredi 2 juin 2010

Squeletor Papa / self titled





Down Boy records (encore lui) est allé dénicher je ne sais où les seuls enregistrements d’un groupe qui n’a existé que de façon très éphémère et qui n’aurait même en son temps effectué qu’un seul et unique concert, concert m’a-t-on dit tellement mauvais et catastrophique, foi de membre honoraire de La Grande Triple Alliance Internationale De L’Est, que le groupe aurait immédiatement splitté après. De honte, de dépit ou de colère, je ne sais pas. Personne donc ne connait Squeletor Papa (le nom du groupe est singulièrement ridicule, j’en conviens) et pas grand monde non plus ne connait les groupes dans lesquels ont joué ses membres après le split suicidaire – mis à part en ce qui me concerne Le Chômage et The Normals (je crois). Un groupe inconnu, une descendance inconnue et, pour couronner le tout, un format de réédition qui ne se prête guère à la diffusion à grande échelle : la cassette, ce truc en plastoc avec une bande magnétique ultra fragile à l’intérieur.
Décrite comme ça, cette publication posthume (et non pas pro-thunes, si vous êtes intéressé cette cassette ne vous coutera que la très modique somme de trois brousoufs), donc cette publication posthume ressemblerait à un caprice, une blague, peut être à un pari. Ça, c’est sans avoir écouté les cinq titres et la vingtaine de minutes de cette intégrale d’un groupe qui désormais n’aura même pas droit à l’oubli.
Squeletor Papa c’est – en gros – un bassiste, un guitariste, un batteur, un chanteur et un saxophoniste. C’est aussi un long titre de plus de dix minutes et qui prend toute la deuxième face de la cassette – les quatre premiers se contentant de la face A –, un Papa Est En Haut qui se disperse un peu trop entre un synthé rachitique et tremblotant, des faux départs, des explosions soudaines, des atterrissages catastrophe de basse sur l’asphalte, des percussions tribales, un saxophone qui couine et le chant maladif. Ça se disperse un peu trop mais c’est diablement intéressant et finalement envoutant. Non seulement parce que Squeletor Papa savait vous tordre une ambiance noirâtre et suintante comme un cauchemar post punk sans fin mais aussi parce qu’on y sent le groupe sur la corde raide, donnant presque une idée de cet unique concert légendairement raté (oui j’invente mais non, peut être que je ne me trompe pas tant que ça). L’autre face, la première donc, est encore plus orienté free noise, avec trois premiers titres plus courts, plus balisés et plus directs (hum), plus efficaces (re-hum). C’est le côté le plus acceptablement audible de Squeletor Papa mais pas le moins perturbant, le groupe s’ingéniant à fracasser les murs et tout ce qui l’entoure avec furie et désordre. Cette face A se conclue presque génialement avec une reprise tout bonnement incroyable du Life Is Cheap de Flipper : tant de lourdeur, tant de vice et tant de crasse. Au passage, certainement l’une des meilleures reprises de Flipper jamais enregistrée… A l’époque, ces cinq titres avaient été mis en boite du côté de Strasbourg par Phil Scrotum.

[la jaquette noire a l'air très sobre comme ça mais je te jure qu'en plissant les yeux on arrive à y décerner une tête de mort : essaie, tu verras]