Je me souviens de Tenaille, le précédent album de
Brame, un disque qui m’avait pris par surprise comme un chien enragé et un peu
débile vous saute à la gorge ou vous attrape par les couilles pour ne plus
lâcher prise. Et ça fait mal. Les deux BRAME (José à la guitare baryton
et aux grésillements divers et Serge à la voix, au mégaphone et préposé à la
marmite à chaux vive) sont de retour avec La
Nuit, Les Charrues…, un nouvel album tout aussi auto-produit et encore une
fois doté d’une illustration superbe
et emballé avec un luxe artisanal qui rendrait presque à l’objet CD tous ses
titres de noblesse.
La musique de Brame n’a pas réellement changé
depuis Tenaille, on y retrouve
toujours ces bidouilles faites mains, ces percussions pédestres et minimales,
ces fields recordings parasitaires, cette guitare qui cisaille allègrement les
oreilles, cet harmonica maléfique et ce chant de forçat qui vous hurle sa
douleur dans la tête et tant pis si vous êtes déjà sourd, Brame hurlera
toujours plus fort. Ce qui a changé c’est le resserrement, l’épaississement de
la sauce si on veut : Brame, tout en prenant son temps, le temps imposé
par une moiteur intolérable, semble se disperser un peu moins, ne plus jouer
autant qu’auparavant sur les longues distances… Mais ce n’est qu’une illusion, assurément
encore un mirage provoqué par la chaleur et la soif ; car on a bien sûr vérifié
et les sept titres de La Nuit, Les
Charrues… ne sont pas moins longs que ceux de Tenaille. Ce qui change, c’est la façon de remplir ces espaces
implacables, d’y coller toute la dureté et toute l’âpreté dont on est capable pour
faire exploser la viande de l’intérieur, comme une charogne gonfle du bide sous
le soleil avant de faire gicler tout son pus dans les airs et d’infester les
alentours d’une odeur aussi pestilentielle que persistante.
Brame ne laisse donc pas trop le choix et ne fait
pas de cadeau, quitte à prendre le risque de devenir épuisant et la musique de
ce duo a beau être d’un minimalisme aride à faire pleurer et remuer les
cadavres enterrés depuis des années, elle prend également énormément de place,
bouffe le peu d’air respirable qui reste encore, étouffe toute résistance et
dessine sur nos peaux craquelées des signes annonciateurs d’une mort certaine. Dead Man c’était vraiment de la rigolade
pour enfants.
[La Nuit, Les Charrues… est
disponible uniquement auprès du groupe – le mieux c’est de contacter celui-ci
directement, comme d’habitude c’est Maurice qui répondra à toutes les demandes
et questions, mailto: maurice.brame@gmail.com*]
* j’en ai d’ailleurs une de question : il y
aurait un lien entre Brame et Guimo – une chronique de l’album Lotophage à lire ici –
mais je n’ai toujours pas compris lequel…