lundi 2 avril 2012

The Cramps / File Under Sacred Music (Early Singles 1978 - 1981)


The Cramps : voilà un groupe auquel je peux raisonnablement vouer un culte complètement déraisonnable. Le label espagnol Munster records qui n’a plus rien à prouver à personne dès qu’il s’agit de musique de vieux a publié File Under Sacred Music – Early Singles 1978 - 1981 qui comme son nom l’indique se veut être une rétrospective des premiers 7’ des Cramps. Tout depuis Human Fly/Domino en 1978 jusqu’à The Crusher/Save It/New Kind Of Kicks en 1981. Très bien. On sait que Lux Interior et Poison Ivy avaient eux-mêmes une passion pour les singles et autres 7’ et qu’ils en possédaient littéralement des milliers.
Le label a admirablement fait les choses : File Under Sacred Music – Early Singles 1978 - 1981 se présente sous la forme d’un coffret contenant pas moins de dix singles, une enveloppe avec reproductions de cartes postales et des facsimilés de cartes de visite de Poison Ivy et de Lux Interior. La grande classe. Pour les pauvres il existe une version CD emballée dans un digisleave (c’est comme ça que l’on dit maintenant, ce n’est ni plus ni moins qu’une pochette entièrement cartonnée) et dont le livret reprend les visuels des dix singles. Ça peut le faire également.
On remarquera tout de même plusieurs choses à propos de File Under Sacred Music – Early Singles 1978 - 1981. Tout d’abord sont présentés ici les débuts « officiels » sur disques des Cramps : pour les versions primitives du groupe (avec Pam Balam ou Miriam Linna) il faut se reporter à la compilation posthume How To Make A Monster (Vengeance records, 2004). Les seuls line-up concernés ici sont logiquement ceux avec Nick Knox et Brian Gregory puis Kid Congo Powers.
Ensuite et surtout les Cramps n’ont pas publié dix singles entre 1978 et 1981 mais seulement six. Quatre des disques proposés dans ce coffret sont en fait des créations purement et simplement sortis de l’esprit d’experts chevronnés en marketing nostalgique. Les quatre « faux » singles en question sont : Lonesome Town/Mystery Plane, TV Set/The Mad Daddy, Twist And Shout/Uranium Rock et Rockin’Bones/Voodoo Idols. Les fanatiques objecteront que Lonesome Town apparaissait pourtant sur Gravest Hits qui à la base réunissait les deux premiers singles des Cramps (Human Fly/Domino et Surfin’ Bird/The Way I Walk). On peut également noter que le single Garbageman/Drug Train ne figure pas dans le coffret File Under Sacred Music car ses deux faces se retrouvent ailleurs, respectivement sur Fever/Garbageman et Drug Train/Love Me/I Can’t Hardly Stand It. Chipotage de geeks que tout ceci.



Ce qui nous amène au point suivant. File Under Sacred Music – Early Singles 1978 - 1981 n’est pas la première compilation de singles des Cramps. Il suffit de citer …Off The Bone avec sa géniale et célèbre pochette en 3D, publié en 1983 et qui fait presque le même usage. Les accrocs au CD (oui ça existe encore) remarqueront même que la dernière édition CD en date de …Off The Bone (parue en 1998 chez Zonophone et toujours disponible à ce jour) a un tracklisting quasiment identique. File Under Sacred Music a pourtant l’avantage certain de proposer six titres en plus qui sont Mystery Train, TV Set, The Mad Daddy, Twist And Shoot, Rockin’ Bones et Voodoo Idol. Les trois premiers sont des titres du tout premier album des Cramps, Songs The Lord Taught Us (1980). Les deux derniers sont extraits du deuxième album des Cramps, Psychedelic Jungle (1981). Pour les inédits et les raretés on repassera donc. Ce qui nous permet de conclure que File Under Sacred Music – Early Singles 1978 - 1981 est vraiment un produit : le coffret pour les collectionneurs psychopathes (et c’est vrai qu’il est très beau, il y a pleins de photos pas forcément inédites mais réellement superbes) et le CD pour celles et ceux qui voudraient s’offrir une chouette compilation des premiers titres des Cramps. Un produit c’est de toute façon ce que sous-entendait le titre même du disque et surtout son sous-titre. On racole comme on peut.
Et c’est là qu’on va se mettre à parler un petit peu de musique – mais pas trop, je vous rassure tout de suite. En 22 titres File Under Sacred Music démontre que les Cramps, même et surtout en 2012, défonce 99 % des pseudo-groupes garage actuels. Je ne parle pas spécifiquement de psycho mais bien de garage au sens large. Les merdeux en slim, en converse et à mèche peuvent vite fait bien fait ranger les guitares et retourner à l’école pour faire des études avec le vain espoir d’avoir un jour un vrai travail aliénant. Ils ne feront jamais le poids. On ira même jusqu’à affirmer que pour la plupart ils sont ridicules.
Pourquoi ? Premièrement parce que les Cramps avaient un vrai chanteur. C'est-à-dire un type qui savait réellement bien chanter. Une voix pour ainsi dire. Deuxièmement les Cramps avaient compris avant tout le monde comment piller le passé et toute la musique qui avait déjà été enregistrée – ici, spécifiquement : le rock’n’roll, le rockab et ce genre de saloperies 50’s – sans avoir l’air ridicule, en rendant un hommage appuyé mais juste car sincère et passionnel. Ceci s’appelle littéralement avoir de la classe. Et les Cramps ne sont pas qu’un groupe étendard : les Cramps sont l’une des définitions possibles du rock’n’roll. Cela reste indiscutable après l’écoute de File Under Sacred Music et finalement de (presque) n’importe quel album studio du groupe. Ainsi c’est le seul avantage de ce coffret aussi luxueux qu’inutile – ce qui le rend logiquement indispensable – et la seule grande leçon à retirer de tout ceci : avoir toujours envie d’écouter les Cramps, éternellement.

[et en parlant de fausse nostalgie et de bizness du passé les Cramps ont encore autre chose de plus que tout le monde : avec la mort de Lux Interior le 4 février 2009 on sait que le groupe ne se reformera pas et c’est vraiment très bien comme ça]