mardi 3 novembre 2009

Un roi sans divertissement























Changement de décor et d’humeur. Après le disco au Sonic, le caveau du Grrrnd Zero. Après la folie noisy groove d’Electric Electric, la lourdeur pesante et cérémoniale de Monarch!. Deux concerts de suite est ce que c’est bien raisonnable ? Absolument pas, mais c’est encore meilleur. Et tant pis pour Carla Bozulich/Evangelista et les punks festifs d’Action Beat (qui finalement ne joueront pas, remplacés à la dernière minute par le héro local Sheik Anorak), une belle affiche prévue pour le lendemain au même endroit à laquelle je n’assisterai donc pas. Pour savoir ce qui s’est réellement passé au Grrrnd Zero de Gerland en ce samedi 31 octobre, il n’y a qu’une seule solution.
C’est dans une salle encore déserte et froide que j’entre. Dans un coin quelques distros se battent en duel et je m’affale sur l’un des canapés défoncés pour attendre que cela veuille bien commencer. Energie et volonté de bulot. Je sens que je vais garder mon écharpe toute la soirée et que boire une seule bière tiendra de l’exploit définitif. En attendant je compte les trous dans les vieilles dalles pourries du plafond et je ne suis pas loin de me demander ce que je fous là. Je voudrais me mettre en condition pour assister à un concert made in Golgothie que je ne m’y prendrais pas autrement. Quelques affiches avec pentagramme ou crucifix à l’envers et slogan affirmant Satan Ne Veut Pas Que Tu Fumes me font sourire.























Lorsque Carne s’installe je m’approche enfin de la scène… enfin de la scène c’est vite dit, ce soir tous les groupes vont jouer au sol (comme souvent au Grrrnd), que l’on aime ou que l’on aime pas, c’est comme ça, trip hippie-punk et ambiance de squat pour porteurs d’anoraks. Carne, donc. C’est peut être la quatrième fois que je vois ces deux garçons en concert et à chaque fois les progrès ont été patents. Le set de ce soir n’échappera pas à la règle. Je reconnais sans peine quelques compositions déjà entendues précédemment, je dodeline mollement de la tête au son des intros servies par des gros riffs sludge bien gras (avec quelques réminiscences black metal) et une batterie qui joue la plupart du temps du côté du mid tempo.
Rien de particulièrement nouveau dans le réfrigérateur, Carne s’éloigne définitivement de la daube et s’y prend de mieux en mieux pour réchauffer la viande d’un public qui malheureusement restera maigrichon. Que le groupe se soit acharné à répéter et à peaufiner ses compositions cela ne fait aucun doute. Le principal progrès réside dans le son de la guitare, doublé comme s’il y avait une basse ou plutôt une deuxième guitare derrière la première. L’effet est immédiat et garanti, Carne suinte, Carne déchire, Carne pue de la gueule et c’est bon. Seule la voix parait encore un peu faiblarde mais rien de grave (ou plutôt si, mais dans le bon sens), encore quelques kilos de weed en mode inhalatoire spontané et on n'en parle plus.

















L’installation de Gallagher a au moins le mérite de faire rigoler : trois vieux amplis (type la chaîne Pioneer ou Technics couleur gris métal de ton père) empilés et posés sur un skateboard, deux sources sonores permettant de croiser les sons, quelques pédales ou je ne sais quoi et l’habituel micro. Notre terroriste s’apprête à jouer dans le noir ou presque - seule une loupiote rouge placée sous le skateboard l’éclaire à peine - et en chaussettes.
Gallagher
c’est le nom sous lequel officie en ce moment I’m A Grizzly, adepte d’un harsh noise lorgnant sans originalité spéciale du côté des grands noms du genre, Merzbow, etc. Le principal vu le genre pratiqué n’est pas de s’essayer à être différent des autres mais plutôt de produire un maximum d’effets et c’est précisément le problème du concert de Gallagher de ce soir, concert qui peine à décoller, à donner à entendre autre chose que des grésillements plus ou moins forts mais n’allant nulle part. Seul le final se révèle convaincant avec ses sons plus tenus et nerveux, désépaissis et lointains, entrelacs sonores jouant avec quelques illusions auditives. Une conclusion qui sauvera donc le concert et à la fin duquel il me semble entendre Gallagher grommeler à un de ses petits camarades qu’il n’est pas très content de ce qu’il a joué aujourd’hui… dont acte.






















Je rigole à nouveau lorsque je vois arriver les musiciens de Monarch! : guitariste, bassiste et batteur exhibent de magnifiques moustaches, un détail qui comme chacun sait vous change un homme. La palme du retrofuturisme capillaire et vestimentaire revient à Shiran (guitare) qui porte également un pantalon doté de pattes d’éléphant, avec ses cheveux toujours aussi longs et grâce à une faille spacio temporelle on le jurerait échappé d’une vieille photo de Black Sabbath, célèbre groupe de moustachus seventies s’il en est.
J’avais vaguement espéré que Monarch! jouerait ce soir avec une formation à cinq comprenant un deuxième batteur - puisque Robert MacManus des Grey Daturas a semble t-il rejoint les bayonnais bien qu’il n’ait pas encore quitté son Australie natale - mais les empereurs du doom cathartique ne sont que quatre… dommage. Vu le concert époustouflant donné par les australiens en mai dernier au Sonic, le résultat aurait promis d’être bien plus qu’intéressant grâce à l’adjonction de cet éminent invité de marque.
Guitariste et bassiste de Monarch! tardent un peu à s’accorder, s’excusent (alors qu’il n’y a vraiment pas de quoi) et le groupe démarre lentement un long titre gorgé de riffs pachydermiques et de feedback vicieux.






















L’allure générale du groupe semble plus vive que d’habitude, sans se départir de sa légendaire pesanteur Monarch! joue légèrement en accéléré, un comble, mais ça leur va bien, moins de théâtralité et de pauses, plus de nervosité et de contorsions, surtout du côté du bassiste, à la limite du moshing paraplégique.
Alors que le groupe a atteint sa vitesse de croisière (un coup de caisse claire en dessous de toutes les trente secondes) il apparaît clairement que la chanteuse a de sérieux problèmes de son : sa voix ne passe pas dans la sono du Grrrnd Zero. Je ne sais pas si ce problème technique était du à une déficience notable du matériel local ou si les branchements micro/effets/sampler sur la petite table n’avaient pas été suffisamment checkés avant le concert mais le résultat est le même : pendant la moitié du set il a été impossible d’entendre la chanteuse de Monarch!, phénomène d’autant plus irritant que les trois autres derrière s’en donnaient à cœur joie.
Finalement, alors que tout question son est bon gré mal gré revenu dans l’ordre (magie de l’électricité) et alors que le chant est enfin rendu à peu près audible, le concert se termine déjà, laissant une impression désagréable d’inachevé. Même pas le temps de rentrer dans le trip et de secouer plus de deux ou trois fois la tête comme un pantin désarticulé. Le public réclame malgré tout un rappel, une reprise de Discharge par exemple, mais c’est définitivement fini. Très frustrant et décevant. L’impression d’avoir assisté à un demi concert. Sûrement que les membres du groupe devaient eux aussi se sentir déçus.

[En partant je remarque sur le stand de Monarch! que le groupe propose une version CDr de son dernier album, Mer Morte, emballé dans une jolie pochette noire toute simple avec mini insert comprenant les paroles et un sceau à la cire rouge du meilleur effet pour maintenir le tout. Prix de vente fixé à 6.66 euros… j’imagine que la version LP chez Throne records est épuisée depuis longtemps et que le groupe fait ça parce que la version CD chez Crucial Blast tarde à venir.]