samedi 14 août 2010

The Good Damn / I Can Walk With My Broken Leg






















Pour les amateurs de théories musicales à la con – sinon pourquoi perdre son temps à lire ceci ? – la parution de I Can Walk With My Broken Leg, tout premier album des excellents The Good Damn, en est fort justement l’occasion d’une bien bonne : vous avez remarqué comment un groupe sans bassiste arrive toujours à vous titiller l’intérêt puis les oreilles ? Des exemples ? Trop facile. Et bien les Cramps du début, les Arab On Radar (mais pas sur leurs deux premiers albums) et plus près de nous dans le temps Kourgane deuxième mouture, Skull Defekts ou Choochooshoeshoot. Tous ces groupes certes très différents les uns des autres n’ont pas de bassiste dans leur line-up et pourtant on ne leur en veut absolument pas, bien au contraire. Que ce soit le fruit du hasard et des rencontres, des aléas de la vie ou d’une action murement réfléchie, un groupe sans quatre cordes c’est l’anomalie génétique qui dans un monde musical tristement standardisé interpelle. Et on constate également qu’il y a de grandes chances pour que derrière se cache une musique à la forte personnalité. C’est précisément le cas de The Good Damn.
En ce qui concerne le choix opéré par ces trois garçons, je pencherais plutôt pour l’option réflexion : l’un des deux guitaristes du trio n’était il pas bassiste au sein de son précédent groupe (il s’agit de Mary Poppers, groupe dans lequel jouaient également ces deux petits camarades) ? La démarche est plutôt intéressante, en concert elle s’est très vite révélée séduisante et convaincante. The Good Damn a bâti sa musique sur une nouvelle alchimie, mettant en place de nouvelles façons de faire, se remettant en question et a profité du passage d’un groupe à un autre pour se lancer dans le pari d’un nouvel apprentissage. Ceci est vrai également pour le guitariste/chanteur qui auparavant ne chantait pas. Lorsque on se connait bien et que l’on joue ensemble depuis si longtemps c’était sûrement là la seule solution pour pouvoir continuer et se surprendre soi-même. Et vu le résultat obtenu on ne m’enlèvera pas non plus de la tête que The Good Damn avait finalement dès le départ une idée assez précise de la musique que le groupe voulait jouer. Un rock sombre et poisseux traversé par d’aveuglants éclairs de lumière, mâtiné de blues existentiel et de tempêtes noisy sans doute héritées des expériences précédentes.
Deux longs titres se taillent la part du lion sur I Can Walk With My Broken Leg, en l’occurrence le magnifique The Hill et Self Made Man, ce dernier étant peut être le titre du disque le plus chargé en tension et en électricité. The Good Damn y développe ce son de guitares si particulier, chaleureux, granuleux mais fluide et d’une grande beauté sur fond de constructions presque épiques. L’assise rythmique – tenue par le seul batteur, donc – est impeccable et permet au groupe de ne pas se perdre en route (la grosse caisse insistante sur le passage le plus furieux de Self Made Man). Bien que plus courts et plus directs, le bien nommé Anger et le plus rapide I Died 1000 Times confirment un sens du lyrisme aérien tendant vers le mystique. Mystique entre-aperçu sur l’introductif et très morriconien Redemption et qui hante la totalité de l’album jusqu’à son point final, It Will Never End, une ballade, malgré son titre, aux accents crépusculaires. B.L.U.E.S, Bankers et Cowards explorent quant à eux le côté le plus roots de la musique de The Good Damn, leur côté cowboys introspectifs.
I Can Walk With My Broken Leg a été enregistré à la maison par The Good Damn, à la maison c’est à dire aux studios PWL tenus par l’un d’entre eux (c’est là aussi qu’Agathe Max avait enregistré son magnifique This Silver String). Il s’agit d’un studio presque entièrement équipé de vieux matériel analogique, d’amplis à lampes et toutes autres choses essentielles qui rendraient jaloux même un ingénieur du son chicagoan. The Good Damn y a peaufiné le son de son album durant de longs mois. On sait désormais que le résultat obtenu en valait réellement la peine.

[qui dit nouvel album dit également release party. Celle de I Can Walk With My Broken Leg aura lieu le 24 septembre au Fox Trot (9 rue Renan, Lyon 7ème). The Good Damn jouera avec Blackthread et Mensch. On en reparlera bien sûr en temps voulu]