mercredi 4 août 2010

Starkweather / This Sheltering Night























On ne compte pas les films qu’a inspirés Starkweather, charmant tueur en série américain des années 50 ayant dégommé avec la complicité de sa petit copine nombre de victimes lors d’une belle échappée mortifère : du plus pure étron cinématographique (Natural Born Killers d’Oliver Stone) au film grand public finalement gentillet (The Frighteners de Peter Jackson) en passant par l’épure distanciée (Badlands de Terrence Malick). On ne compte plus non plus les musiciens qui se sont inspirés du bonhomme ou de l’horreur qu'il a pu susciter – entre incrédulité et fascination. Si certains prétendent tirer des leçons de vie (?) de tels agissements, d’autres ont du mal à cacher leur admiration, prétendant au passage que cette admiration est comme un défouloir. La vérité est très certainement entre les deux, l’illusion de la mort donnée via un intérêt toujours grandissant pour la barbarie humaine s’accommodant fort bien avec les illusions perdues d’une vie réelle sans cesse malmenée – il n’y a pas que la virtualité née d’internet qui donne à notre petite vie le vernis d’une autre existence. Qu’un groupe tel que Starkweather ait précisément choisi ce nom là n’est pas la question : la violence sous-entendue par ce nom s’accorde parfaitement avec la violence naissant de la musique du groupe. C’est assez faible comme argument mais c’est le seul. Même lorsqu’on se fout complètement comme moi des tueurs en série.
Censément pionnier du metalcore, en tous les cas pilier d’une musique extrême bien trop riche pour être uniquement catégorisé quelque part entre metal et hardcore, le groupe de Todd Forkin (guitare) et Rennie Resmini (voix) revient enfin avec un nouvel album, This Sheltering Night, successeur d’un Croatoan (en 2005) qui avait plus que marqué les esprits. Mais rien n’est simple avec Starkweather : les enregistrements de This Sheltering Night datent déjà de 2007… Un délai tout aussi déconcertant que les plages ambient qui parcourent l’album et qui sont le fait de deux musiciens invités, Elizabeth Jacobs aka Sophia Perennis et Oktopus, l’homme machine de Dälek. Ces intermèdes, bien trop longs et bien trop nombreux (cinq sur un total de onze titres) plombent dangereusement un disque qui n’avait absolument pas besoin de ça. La musique de Starkweather est en effet plus violente, plus difficile, plus obtuse que jamais et, loin de permettre à l’auditeur de reprendre son souffle entre deux assauts furieux du groupe, ces plages atmosphériques et pas très intéressantes en tant que telles noient un peu plus l’amateur de Starkweather dans un disque prenant une apparence bien trop labyrinthique et compliquée via un flot de questions inutiles – oui, pourquoi faire ? pour rien…
Une bonne surprise c’est l’édition en vinyle de This Sheltering Night : tous les passages ambient en ont été éradiqués (starkweatherisés ?), ramenant le contenu de l’album aux seuls six morceaux composés par Starkweather et tenant désormais sur les deux faces d’un LP. Encore mieux, le tracklisting est même carrément chamboulé. This Sheltering Night en devient encore plus insoutenable de violence et de densité mais en même temps il en ressort bien plus empli de pureté et de clarté. Que ce remaniement soit l’unique fait du label Deathwish ou pas, que le groupe ait été au courant et d’accord ou non je n’en sais rien mais le résultat est là. Sur ce format d’un autre âge This Sheltering Night est bien ce monstre métallique que l’on vous vante de partout et dégueulant sans discontinuer des titres fleuves plus narratifs que classiquement composés, dominés par la versatilité quasi démoniaque du chant, les accords asymétriques de la guitare, les nombreux soli déconstruits et presque aigrelets, les mesures impaires, l’utilisation intensive de la double pédale… Sorte de Today Is The Day en encore plus malsain, plus lyrique, plus metal si possible et surtout en plus cérébral, Starkweather n’a jamais été aussi bon et surtout aussi violemment animal et cauchemardesque : derrière la complexité d’une musique allant toujours plus loin c’est bien la chair et le sang qui s’étalent sous nos yeux captivés.