mercredi 11 août 2010

Eleh - Nana April Jun / Observations & Momentum























Encore un vinyle 12 pouces partagé entre Eleh et cette fois ci Nina April Jun. Ce disque est surtout la première référence de Eleh sur le label britannique Touch records, le groupe quitte donc momentanément Important records. Publié uniquement en vinyle et à mille exemplaires, Observations & Momentum propose aussi l’un des plus beaux titres d’Eleh à ce jour. La différence avec les travaux précédents du groupe ou même avec ses principales sources d’inspiration (La Monte Young, Eliane Radigues, etc) est toujours totalement minime et se poser la question de la pertinence de cette musique en 2010 peut sembler parfaitement légitime mais Eleh s’assume pleinement en tant que projet rendant hommage à ses grands anciens tout comme (par exemple) Sunn revendiquait au départ le fait de n’être qu’un groupe à la gloire de Earth.
Les vingt minutes de Slow Fade for Hard Sync propose toutefois une musique qui flirte un peu moins avec l’état gazeux que précédemment : on y entend clairement une pulsation quasiment rythmique dans les tons aigus à laquelle répond une seconde pulsation, elle quasiment subliminale, dans les graves cette fois-ci. Presque un beat. Plus important, ce canevas initial sert de base à l’adjonction de nouvelles sonorités qui apparaissent et disparaissent tout au long du déroulement de la musique. On n’est donc plus dans la dilatation sans préalables d’une forme non définie au départ mais bien dans l’idée de progression et de développement – on se retrouve alors dans un schéma electro somme toute très classique. N’allez pas imaginer non plus qu’il se passe un milliard de chose sur ce Slow Fade for Hard Sync, bien au contraire, car comme toujours c’est dans l’immersion provoquée par cette musique, dans l’interaction des sonorités, dans les illusions que l’auditeur se crée et dans celles qu’il ne découvre que bien plus tard que réside tout l’attrait d’Eleh. On note également un changement total de décor lorsque à la fin de Slow Fade for Hard Sync apparait ce qui pourrait être un gong : une façon comme une autre de mettre fin à l’enchevêtrement précédent de drones, cette nouvelle dynamique réussissant à tuer l’ancienne tout en la pérennisant. Paradoxalement cette façon de terminer le titre revient à lui nier une vraie fin en tant que telle.
On change de face pour se retrouver avec Nana April Jun, une illustre inconnue… Nana April Jun est en fait un alias pour Christofer Lämgren, électronicien suédois émérite (un garçon, donc). Son Sun Wind Darkness Eyes est étonnant avec son attaque cotonneuse du bruit, comme si Merzbow était diffusé sous l’eau : tout le début ressemble au bruit lointain que fait une énorme chute d’eau à des kilomètres de là et s’y ajoutent toujours plus de grésillements étouffés, comme la neige de la bande FM écoutée sur une radio planquée sous un oreiller ou au fond du lit. On croit également discerner le fracas de vagues qui s’aplatissent tout en bas d’une falaise. Véritable échantillon brut de bruits organiques, les deux premiers tiers de Sun Wind Darkness Eyes sont des plus intrigants. Ce qui l’est encore plus c’est l’arrivée d’une (vraie) rythmique, une rythmique limite aquatique et on pense alors immédiatement à Wolfgang Voigt/Gas et à sa techno minimale. La fin du sillon étant fermée, la rythmique désormais seule reine de Sun Wind Darkness Eyes se met en boucle toute seule, voilà encore un titre qui ne se termine pas réellement.
Il est à noter que Sun Wind Darkness Eyes n’est pas un réel inédit : il figure déjà sur The Ontology of Noise, premier album de Nana April Jun publié début 2009, toujours chez Touch, et qui serait inspiré par le Filosofem de Burzum… (?) Vu la teneur générale du disque on a du mal à trouver un rapport mais pourquoi pas.