Déjà un nouvel album de Hey Colossus ? Pas exactement. Dominant Male est présenté par le label No Lite records comme le petit frère du monstrueux Eurogrumble vol 1, album que les anglais ont sorti un peu plus tôt dans l’année sur le label Riot Season et sous le nom quelque peu extravagant de Hey Colossus And The Van Halen Time Capsule. En fait Dominant Male a été publié une première fois en format cassette par Clan Destine Productions, un tout petit label spécialisé dans les supports obsolètes de losers et les objets fabriqués à la main pour les snobs. Et il semblerait même que Dominant Male ait effectivement été publié avant Eurogrumble vol 1… difficile de savoir dans ses conditions lequel des deux est le petit frère de l’autre mais une chose est sûre : alors qu’Eurogrumble vol 1 est un album incroyable et indispensable à tout amateur de musiques psychotiques et malsaines (ou prétendant l’être), Dominant Male est une collection d’expérimentations, de fonds de tiroirs, de titres inachevés, de démos, de foutages de gueule, de bizarreries, de branlettes malfaisantes, un peu dans la lignée du long titre qu’avait proposé fin 2009 Hey Colossus sur un split album partagé avec Dethscalator.
Cela ne signifie pas pour autant que Dominant Male est un mauvais disque. Passée une certaine déception de ne pas pouvoir se mettre entre les oreilles aussi rapidement que ça un nouvel album complet de Hey Colossus, une fois que l’on a fait abstraction de tous les titres assez courts et bidouillés qui servent d’interludes entre les vraies compositions (?), on s’aperçoit enfin que Dominant Male recèle d’excellentes choses et que Hey Colossus s’impose comme l’un des groupes les plus génialement malades et tordus à l’heure actuelle. Hood Up est un long instrumental – juste quelques grognements de bête égarée dans le lointain – d’un répétitif et d’un lourd à donner des complexes d’infériorité aux Swans. Avec Golden Eggs on croit tout d’abord que c’est la même chose mais on a plutôt affaire à des ambiances certes tribales mais lorgnant plus du côté d’une musique industrielle poisseuse et bruitiste. False Start est une trop courte déflagration d’à peine plus d’une minute et commençant effectivement par un faux départ, avec du vrai chant cette fois ci (plus exactement de la voix parce que je ne vois pas ce que pourraient raconter d’éventuelles paroles) et qui vous colle directement au plafond, la cervelle éclatée dans la boite crânienne par la force centrifuge. Eurogrumble Part 2 prend les chemins d’un krautrock sanguinolent, comme un Oh Yeah apocalyptique passé à l’envers sur l’autoradio d’un Interceptor conduit par un Mad Max sous speed. On espère vaguement pouvoir respirer avec Love Nuts dont les grésillements et murs de saturation intensive ne nous en laissent pas l’occasion mais malheureusement aussi ce titre fleure un peu trop le remplissage et tombe à plat alors qu’il est coupé par un fade out laissant à peine entrevoir un redémarrage des hostilités en bonne et due forme. On voit donc que si Dominant Male n’atteint pas les sommets horrifiques et barrés d’Eurogrumble vol 1, il s’en montre toutefois assez digne à plusieurs moments. Décidément il faut vraiment compter avec Hey Colossus, groupe un peu trop oublié à mon goût par les amateurs déclarés de noise/bruit/guitares en mode totale apocalypse.