Se débarrasser des Melvins est vraiment une chose trop difficile à réussir. Ils font partie de cette classe privilégiée de groupes que l’on aime détester – sur le même banc d’école il y a d’autres (mauvais) élèves tels que Sonic Youth, Jesu, ou pourquoi pas Mike Patton ainsi que quelques labels notoires comme Hydra Head et Skingraft. Mais les Melvins remportent le premier prix car ils possèdent ce petit quelque chose en plus : les Melvins sont profondément agaçants. La bonne affaire me direz-vous, des groupes d’apprentis prétentieux pétomanes ce n’est pas ce qui manque. Certes. Mais eux ont une classe certaine – appréciation fort douteuse et éminemment personnelle (dont l’échelle de valeur varie qui plus est selon le sujet dont on parle) – qui fait toute la différence. On résume : les Melvins sont agaçants, arrogants, magnifiques et ont enregistré dans le passé quelques disques essentiels si tant est que l’on s’intéresse aux guitares plombées, aux voix de pachydermes émasculés et aux supercheries arty.
Les choses ne sont plus vraiment les mêmes depuis que les Melvins ont ingéré le duo basse/batterie Big Business*, mettant fin à des années de line-up en trio et renouvelant de manière alors inédite le poste de bassiste/souffre douleur régulièrement laissé vacant pour cause de harcèlement psychologique permanent de la part du couple dominateur King Buzzo/Dale Crover. L’arrivée des deux pouilleux de Big Business (Coady Willis à batterie et Jared Warren, basse et chant) c’est comme si les Melvins avaient mis un nez rouge et avaient décidé d’être drôle pour de vrai, basiquement. On les préférait décalés (Ozma), stupides (Bullhead), pachydermiques (Lysol), pourris par l’argent (Houdini, Stoner Witch) et même enregistrant un album de reprises fort dispensables avec des guests différents au chant (The Crybaby) ou carrément escrocs (Prick, Colossus Of Destiny).
(A) Senile Animal, le premier disque (en 2006) des Melvins enregistré à quatre était décevant mais ce n’était rien comparé à Nude with Boots (2008), un album que les plus aimables qualifieraient aisément d’étron. The Bride Screamed Murder est le troisième épisode des aventures du Melvins quartet et, après quelques hésitations dues à trop peu d’écoutes et donc une déception supplémentaire mais finalement passagère, il s’avère que ce vingtième (?) album des Melvins est bien meilleur que ses deux prédécesseurs. On n’échappe toujours pas au nez rouge – My Generation dans une version digne des Ludwig Von 88 s’ils avaient eu les capacités techniques de jouer du stoner, les chœurs imbéciles sur fond de batucada de The Water Glass ou PG X 3, dernier titre aussi incompréhensible qu’inutile, comme si Johnny Clegg se prenait pour un cowboy – mais ailleurs la science du riff est largement à la hauteur (Evil New War God, Inhumanity And Death) et le songwriting dans la bonne moyenne (I’ll Finish You Off ). Par contre la double batterie apparait toujours comme un gimmick sans fondements et le doublement de la voix de King Buzzo par celle de Jared Warren n’échappe que de justesse à l’impardonnable. Autant ce dernier chantait foutrement bien lorsqu’il faisait encore partie de Karp**, autant il s’adonne depuis à une science du bêlement tout simplement insupportable.
The Bride Screamed Murder se contente donc d’être un album moyen mais c’est déjà mieux que rien. Les Melvins ont clairement fini par atteindre leurs limites qu’ils avaient sans cesse réussi à repousser jusqu’à l’excellent Hostile Ambient Takeover. Désormais il ne reste que deux solutions à Dale Crover et King Buzzo : le suicide collectif sur scène – Mike Patton pourrait le filmer en vue d’un future DVD à succès pour Ipecac – ou bien virer Willis et Warren et rebondir une énième fois en espérant qu’ils réussiront à atterrir correctement, quelque part. Pas si sûr…
* Big Business est désormais un trio puisque le groupe a intégré un guitariste à plein temps mais on s’en fout
** son groupe avant Big Business
** son groupe avant Big Business