mercredi 9 décembre 2009

Grind Madness At The BBC – The Earache Peel Sessions


Bel et gros objet (3 CDs bourrés jusqu’à la gueule quand même), un titre qui dit tout et la crème des groupes Earache records. Nous sommes dans la deuxième moitié des années 80/au tout début des années 90 et John Peel se prend d’un amour immodéré pour ce que l’on appellera bientôt le grind core (terme selon la légende inventé par Mick Harris lui-même). Peel enregistre donc quelques uns de ces groupes britanniques de jeunes chevelus – beaucoup sont originaires de Birmingham – et les diffuse à une heure de grande écoute lors de son émission sur Radio 1. Effet garanti. Ce type était grand, curieux, visionnaire, généreux et déconneur, dommage que le label ait inclus dans le packaging une trop célèbre photo de lui en version romantique ténébreux et sarcastique, on n’avait pas besoin de ça pour se rappeler qu’il est désormais mort.
Avec Napalm Death, Extreme Noise Terror ou Carcass en tête de gondole, Grind Madness At The BBC – The Earache Peel Sessions ressuscite l’effet électrochoc de l’époque. Mais commençons par le moins bon, c'est-à-dire le troisième CD. Celui-ci démarre avec une réelle curiosité : Godflesh (bientôt sur la voie de le réformation eux aussi…). Le duo a été enregistré pendant l’été 1989 c'est-à-dire à l’époque de l’album Streetcleaner dont cette Peel Session nous propose deux titres – les deux autres figuraient à l’origine sur le Tiny Tears EP. C’est donc du Godflesh primitif auquel nous avons affaire, la sophistication de Pure est loin d’être d’actualité et le son ultra massif de Streetcleaner n’est pas non plus égalé. Un témoignage qui prend toute son ampleur sur Pulp : Kevin Martin et son saxophone dément y rejoignent Godflesh, préfigurant les futurs travaux de God/Ice. Unseen Terror poursuit le programme avec huit titres enregistrés début 88. Le premier groupe de Shane Embury (alors à la batterie) a un peu vieilli et Mick Harris (ici au chant) ne fait pas des merveilles. Heresy – groupe que le guitariste Mitch Dickinson rejoindra après le split d’Unseen Terror – est encore plus bancal, le chant nasal fait sur la première session (1987) penser à celui de Mike Muir, Flowers (In Concrete) ressemble même carrément à du très vieux Suicidal Tendencies, curieux raccourci. Les changements de voix et de line-up pour les titres des deux autres sessions (1988 et 1989) n’apportent pas beaucoup plus d’intérêt à un groupe hard core de second plan qui n’hésite pas à citer Exploited à la fin de Network Ends, la grosse poilade. Avec Intense Degree on arrive à la fin de ce troisième disque et le niveau remonte très nettement. Grâce à un line-up fourni – deux guitares, un vrai chanteur bien qu’évidemment limité – Intense Degree jouait technique, rapide (batteur bien barré) pour des titres courts et efficaces. On n’en demandait pas plus.


















Le deuxième CD est celui consacré à Carcass et Bolt Thrower. On ne présente plus les premiers avec Jeff Walker des excellents Electro Hippies et Bill Steer de Napalm Death, les inventeurs du gore grind avec textes et imagerie tous plus sanguinolents et gerbex les uns que les autres. Les deux Peel Sessions (décembre 1988 et décembre 1990) proposées ici datent des deux premiers albums, Reek of Putrefaction (1988) et Symphonies Of Sickness (1989) et sont totalement dans l’esprit de ceux-ci. Personnellement c’est la période de Carcass que je préfère, le virage plus heavy du groupe à l’occasion de Heartwork m’ennuyant prodigieusement. A noter que la session 90 – moins bonne que la première il est vrai, la faute à un son beaucoup trop faiblard – n’était jusqu’ici légalement disponible que sur la compilation Choice Cuts dont c’était là l’unique intérêt. Une compilation désormais bonne pour la poubelle ou les bacs à soldes.
On ne présente pas non plus Bolt Thrower qui occupe toute la fin de ce deuxième disque avec trois sessions distinctes enregistrées entre 1988 et 1990. Encore un groupe originaire de Birmingham mais qui n’a rien à voir de près ou de loin avec le grind core ou le hard core/metal de ses petits camarades. Signé sur Earache comme Napalm Death ou Extreme Noise Terror (toutefois le premier album In Battle There Is No Law était sur Vinyl Solution), Bolt Thrower se démarquait très nettement de ses collègues avec un death metal puissant et lourd agrémenté d’un chant qui est allé en s’étoffant au fil des enregistrements, tout comme la musique du groupe. La dernière session est la plus représentative d’une formation qui a enfin trouvé ses marques, celles d’un son épais avec accélérations épiques et structures en étages, c’est le Bolt Thrower que tout le monde connaît.























On termine avec le premier CD, celui avec Extreme Noise terror et surtout celui sur lequel Napalm Death se taille la part du lion. Inutile de dire que c’est le disque que j’écoute le plus souvent, et de loin. Toutes les Peel sessions de Napalm Death ont régulièrement été éditées – d’abord en vinyle avec ce visuel si caractéristique – puis systématiquement réédités pour en arriver à plusieurs versions CD toutes plus laides les unes que les autres. Grind Madness At The BBC – The Earache Peel Sessions est donc le meilleur moyen actuel de se procurer l’intégralité des enregistrements de Napalm Death pour John Peel (trois sessions de 1987 à 1990) dans un emballage CD enfin honorable – et à prix réduit, merci Earache – sachant que l’on tient là la substantifique moelle des débuts du groupe (deuxième line up, celui avec Lee Dorian, Bill Steer, Shane Embury et Mick Harris) ainsi que les prémices de son évolution (troisième line up avec l’arrivée de Barney, de Mitch Harris et de Jesse Pintado) pour devenir ce que l’on sait – et ce que le groupe est toujours. Un must have comme on dit.
Mais un must have parfaitement complété par les sessions d’Extreme Noise Terror avec encore une fois Mick Harris à la batterie et la particularité du double chant. Pas de présentations inutiles non plus, Extreme Noise Terror était/est bien plus hard core que Napalm Death mais – à la différence d’Heresy – réussissait parfaitement son coup : ultraviolence, âpreté (voire méchanceté) et positionnement politique tendance anarcho-punk. Le quintet d’Ipswich n’en démordait pas, quitte à flirter avec la punkerie la plus houblonnée possible pour hooligans nihilistes (I Am A Bloody Fool, une reprise de Cockney Rejects) avant de vomir un restant de bière tiédasse et de se rouler dedans pour s’assurer que, quitte à puer un bon coup, on ne puera pas cette sale odeur de fascisme post thatcherien.