mercredi 17 octobre 2007

Jesu revient

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Mais qu’est il donc arrivé à Justin Broadrick ? C’est la question que se posent beaucoup de fans perplexes de Godflesh -qu’ils aiment ou qu’ils détestent les dernières orientations musicales prises par l’anglais avec son projet Jesu. En publiant une compilation de titres inédits et écartés, pour des raisons que lui seul connaît, des précédentes parutions officielles de son groupe, Broadrick tente un début d’explication. Tout au moins donne t-il du grain à moudre à toutes celles et ceux qui n’ont que ça à faire, youpi. Intitulé Pale Sketches, ce CD (dispo en double vinyle à partir de janvier 2008) regroupe des pièces enregistrées entre 2000 et 2007, donc certaines sont contemporaines de la fin de Godflesh (puisque le précédent groupe de Broadrick a débandé en 2002) et on comprend bien en constatant le gouffre qui séparent ces deux formations à quel point Broadrick devait être arrivé au bout d’une certaine logique et qu’il devait en avoir plus qu’assez.
En bon faux-cul que je suis je me situe pile-poil à mi chemin entre déception et intérêt pour cette curieuse renaissance : si Jesu ne fait pas toujours des miracles, il n’y a pas non plus de quoi convoquer les sept cercles de l’enfer et d’hurler à la trahison (et de toutes façons hurler sur de la musique c’est beaucoup utile en concert). En 1992 Godflesh avait publié ce qui est peut être son meilleur album de tous les temps, Pure. Le titre était à prendre dans le sens de total, intégral -rien à voir avec une quelconque idée de pureté au sens angélique du terme. Si Pure était un monstre de metal industriel, Pale Sketches le bien nommé est un écrin gazeux pour une musique diaphane : cette fois ci c’est donc bien au tour des anges de la ramener même si je ne peux que penser que Pale Sketches commence mal. Le premier titre Don’t Dream It attaque curieusement avec des voix très en avant, si j’étais méchant et si j’avais le sens de l’exagération, je parlerais d’une abominable chanson de Coldplay (pléonasme) passée au ralenti. L’arrivée d’une couche de guitare arrange un peu le tout. On retrouve ces caractéristiques énervantes et dignes d’un groupe stadier (mélodies putassièrement accrocheuses) tout au long des quarante six minutes que dure le disque. La réalisation est majoritairement électronique, il manque toutes les surcouches que Broadrick ajoute d’ordinaire à ses enregistrements studio, et on est bien forcé de constater que sans tous ses effets multiplicateurs la musique de Jesu a encore plus de mal à rester séduisante. Je reconnais là dedans quelques caractéristiques piochées chez des musiciens publiant leurs disques sur des labels tels que Hymen ou Ad Noiseam et même M-Tronic (côté atmosphérique : Larvae, Dither, Lusine icl…) donc je peux aussi y retrouver mon compte mais ce n’est pas non plus ce que j’en attendais.






















Comme Justin Broadrick est du genre prolifique, il n’arrête pas -en plus de ses albums- de publier toute une flopée de maxis dont le dernier en date (pour l’instant) est un quatre titre, Life Line. Dessus il y a cette fameuse collaboration avec Jarboe qui aurait du figurer sur le précédent album puis a finalement été écartée car ne possédant pas la tonalité générale requise pour Conqueror. En effet. Je n’ai jamais été un admirateur de la dame, je dois même dire que ses interventions vocales étaient le moment de torture des concerts des Swans. Son chant s’est toutefois grandement amélioré depuis l’époque de Greed/Holy Money et Children Of God et sur ce Storm Comin’ On plutôt folk et asséché elle ne réveille pas l’inquisiteur qui sommeille en moi : pour une fois je ne jetterai pas cette vieille sorcière au feu. Les trois autres titres sont plus que jamais teintés par les habituelles influences heavenly et shoegaze mais il y a certainement beaucoup plus de Cocteau Twins que de Ride dans la musique de Jesu et tout le monde sait le rôle primordial qu’a joué Robin Guthrie dans le parcours musical de Broadrick. Mon ambivalence décrite un peu plus haut se réveille gentiment à l’écoute de ce Life Line -en fait j’ai toujours cette impression que Justin Broadrick pourrait faire beaucoup mieux s’il était un peu moins obsédé par le côté sophistiqué de ses créations, Jesu est un pur groupe de studio mais sa musique n’est pas assez abstraite à mon goût pour acquérir complètement la dimension irréelle nécessaire à ce genre de projet. Le pire c’est que plusieurs personnes m’ont déjà raconté que le dispositif du concert ne va pas non plus à Jesu... Alors ?

[Pale Sketches est limité à 2000 exemplaires et est disponible uniquement sur le site internet de Broadrick, Avalanche. Life Line est à nouveau une production Hydra Head.]