vendredi 5 octobre 2007

La rêverie selon Andrew Pekler

.

Ce que je sais ou pense d’Andrew Pekler est à l’image de son site officiel où il n’y a rien d’autre qu’une adresse mail pour le contacter. Si j’ai écouté les premiers albums de ce gars là c’est uniquement parce qu’ils avaient été publiés par ~scape, en gros le réflexe de n’importe quel crétin qui veut connaître tous les disques parus sur le label dont il aime beaucoup certaines signature (ici Burnt Friedman, Kit Clayton et Jan Jelinek). Je les ai écoutés ces premiers albums -un, deux- et je n’ai jamais été réellement séduit bien que les attirances organiques du bonhomme correspondent plutôt à mes goûts : Andrew Pekler sait faire sonner sa musique électronique autrement que comme la manipulation pleine de dextérité mais pénible d’une armada de presets digitaux. Depuis ses deux premiers disques il a publié un album chez Staubgold (Strings + Feedback) où il revisite la musique de Morton Feldman -je ne l’ai jamais écouté mais je sens que je le devrais- ainsi qu’un quatrième enregistrement chez Kranky, Cue.






















C’est très facile de jouer au dithyrambique lorsqu’on prétend ne s’attendre à rien (en général je sais très bien faire ça) mais si je n’avais pas trouvé ce disque au fond d’une poubelle -ou presque- d’un magasin pourri de disques d’occasions dont personne habituellement ne veut, je n’y aurait certainement jamais prêté attention et c’est bien dommage.
Tout ceci n’est que de la moulinette digitale, de l’assemblage numérique mais ma première réaction a été de me demander si Andrew Pekler n’avait pas engagé deux ou trois instrumentistes pour l’occasion (pourquoi pas ?) afin de pouvoir étoffer le son tel qu’il est arrivé à le faire sur Cue. Et bien non. C’est du pur solo d’un esprit vissé sur son laptop qui sait associer percussions, piano avec grésillements, clics et neige sonore. Et plein d’autres choses aussi que finalement je me refuse à vouloir identifier, par goût du mystère (un peu) et fainéantise (beaucoup).
Fainéantise parce que la musique d’Andrew Pekler inspire une douce rêverie qui échappe aux conventions du genre (mélancolie, nostalgie… enfin, bref) pour installer son petit monde dans l’instant présent et seulement celui-ci. Il parait que la grosse faiblesse de la musique électronique c’est de ne pas pouvoir moduler -une boucle c’est rigide, etc, (ce n’est pas moi qui le dis)- et bien Pekler écarte ce genre de critiques en délivrant une musique littéralement atemporelle : il n’en ressort que de l’instantané, de l’éphémère mais qui persiste. Oui tout ça n’est qu’empilement de boucles sonores -à ce sujet une écoute du disque se révèle réellement impressionnante, quel fourmillement de détails microscopiques !- mais si avec Cue Pekler ne peut pas (ou ne sait pas) jouer avec la modulation, ce qui reste tout de même à démontrer, son album accommode très bien la distorsion temporelle en une sorte de mille-feuilles numérique pourtant très sobre jouant sur la simultanéité et l’immédiateté de toutes ses couches. J’ai rarement entendu une musique d’apparence aussi simple proposer une telle luxuriance. Rarement aussi on avait à ce point réussi à toucher à l’intrinsèque de la rêverie sonore grâce à un ordinateur sans avoir bêtement recours aux mélodies futiles ni aux enduits digitaux.