vendredi 31 mai 2013

Sofy Major / Idolize


Cette histoire, beaucoup de gens la connaissent déjà mais je ne peux pas m’empêcher de la raconter à nouveau : victimes du rêve américain, les trois Sofy Major débarquent de Clermont-Ferrand pour Brooklyn, New-York, à l’automne 2012. Le 29 octobre l’ouragan tropical Sandy débarque à son tour, s’attaque à la côte Est des Etats-Unis et dévaste une bonne partie de la Grosse Pomme, provoquant d’innombrables dégâts, quelques morts et entrainant des coupures d’électricité totales qui dureront pendant des semaines.
Sofy Major avait prévu d’enregistrer son nouvel album, Idolize, au Translator Audio Studio en compagnie d’Andrew Schneider – il a déjà mis en boite des disques de Keelhaul et d’Unsane – mais Sandy a complètement détruit le studio* et endommagé tout le matériel et instruments de Sofy Major. Grâce au soutien de Dave Curran (Unsane/Pigs) et ce sens de la solidarité qui existe aussi chez les musiciens tatoués et les aficionados des musiques hardcore et noise, Sofy Major a finalement pu enregistrer son deuxième album et enchainer avec la tournée de trois semaines initialement prévue.
Pour un groupe européen comme Sofy Major, qui plus est un groupe qui ne dispose que de très peu de moyens, traverser l’Atlantique pour y enregistrer un disque et y donner des concerts avec certains de ses héros musicaux tenait non seulement du rêve mais aussi de l’aboutissement, au prix de mille sacrifices : comme les trois Sofy Major aiment à le rappeler, ce disque devait être la conclusion de deux années de travail, de compositions et de tournées incessantes – on ne peut pas renoncer à un tel objectif. Ils ont tenu bon, ils l’ont fait, tout simplement bravo.




Idolize est donc arrivé. Et on peut affirmer que SOFY MAJOR n’a pas renoncé à ses rêves : on aurait pu craindre que le groupe, au vu des circonstances, se soit laissé emporter par la colère ou l’amertume et enregistre un disque gorgé d’une furie revancharde et sans discernement. Au contraire Idolize est un album avec de nombreuses avancées, qui ouvre la musique de Sofy Major à de nouvelles perspectives et qui comporte son lot de nouveautés et de nuances. Finalement, Sofy Major la tient bien sa revanche, mais de la façon la plus noble et la plus profitable qui soit, en ne perdant pas de vue ce que le groupe voulait faire au départ, voulait construire et voulait partager, utilisant les difficultés d’une réalité merdique comme catalyseur et non pas comme écran de fumée.
Il est bluffant cet Idolize. Beaucoup plus direct et presque punk, si on le compare au premier album du groupe, le très tourmenté Permission To Engage. Sofy Major y conserve toute sa force, toute sa puissance de feu, toute sa lourdeur et son gras mais se paie donc le luxe d’ajouter un effort d’accroche certain dans des compositions qui ne faiblissent jamais. En particulier les lignes de chant – et par extension la façon de chanter – font de plus en plus appel au souci de faire entendre des vraies mélodies, parfois appuyées par des chœurs bien maîtrisés, sans pour autant renoncer à la rage (un peu à la façon d'un Portobello Bones ou même d’un Torche, mais sans le côté emo-niais de ces derniers et il ne serait pas étonnant d’apprendre que les Sofy Major sont fans – un tout petit peu mais pas trop, restons polis – du groupe de Steve Brooks). Pour le reste on retrouve ces riffs qui saignent à blanc et ces rythmiques sans faille, toujours avec un bon gros son de basse.
Sofy Major réhausse donc son hardcore noise (teinté d’un peu de stoner doom) d’idées et d’arrangements qui rendent Idolize encore pire qu’une usine à tubes supersoniques : ce disque est réellement addicitif, enfile les moments forts sans relâche, vous attrapant à la gorge sans provoquer ce rejet compréhensible qui parfois vous prend avec les disques de hardcore noise qui veulent trop en faire. Oui Sofy Major en fait effectivement beaucoup mais le fait extrêmement bien et Idolize est suffisamment et intelligemment varié – et donc aéré – pour remporter tous les suffrages du début à la fin. Un disque balisé mais personnel avec deux (bonnes) exceptions : le tripant Steven The Slow avec en guest Dave Curran au chant et aux paroles, un titre qui inévitablement fait beaucoup penser à Unsane ; l’excellent Power Of Violence en fin de disque et qui est une reprise, tiens tiens, de Portobello Bones**.




Idolize est publié en vinyle et en CD par Solar Flare records et No List records et sort officiellement aujourd’hui, vendredi 31 mai 2013. Pour fêter ça les Sofy Major entament une tournée avec leurs copains de Pord, cela s’appelle le Central + Massive Tour – la première date, faisant office de release party officielle d’Idolize c’est également pour aujourd’hui à Clermont Ferrand, au Raymond Bar***.

* pour s’en sortir, le Translater Audio Studio n’a eu que la solution de faire appel à la générosité de tous, faire un don est encore possible
** de l’album Eden On Earth (2000), un disque que je connais mal, à ce moment là j’avais lâché l’affaire en ce qui concerne les Portobello Bones
*** on y sera, on vous racontera