Petit retour en arrière… nous sommes en 2010 et le guitariste/chanteur Justin
Broadrick vient de se rabibocher durablement avec son vieux complice le
bassiste GC Green : GODFLESH reprend
du service sur scène* ; la bonne nouvelle aujourd’hui c’est que le groupe a
récemment confirmé qu’il avait finalisé un nouvel enregistrement, son premier
depuis l’album Hymns en 2001, un disque
pour de vrai s’intitulant officiellement A
World Lit Only By Fire et prévu si tout va bien pour novembre 2013, c’est-à-dire
si Broadrick ne privilégie pas à nouveau ses activités avec Jesu.
Entretemps les rééditions de la discographie
complète de Godflesh continuent et, après avoir évoqué celle de l’album Hymns, attachons-nous à celle, sous
la forme d’un triple CD, du premier mini album sans titre (1988), de Selfless (1994) et de Us And Them (1999). Le problème de ce
type de packaging c’est qu’il ne permet pas le luxe d’un deuxième CD comprenant
démos, inédits ou titres live (comme c’était le cas pour le génial Streetcleaner). L’impératif
économique se comprend parfaitement – il s’agit de remettre sur le marché des
disques épuisés depuis belle lurette et faisant toujours l’objet d’une demande,
en dépit de la circulation généralisée de versions mp3 sur le net – et il est
vrai que, même en 2013, se procurer trois CDs pour le prix d’un seul peut être
une aubaine.
Mais on regrette que Selfless n’ait pas à nouveau été couplé avec l’excellent EP Merciless initialement paru en 1994
également ; on ne nous fera pas croire non plus qu’il n’existe pas de
versions primitives et autres démos qui auraient pu documenter la génèse du
passionnant Us And Them, dernier
grand album de Godflesh ; quant au premier mini album, s’il est à nouveau
agrémenté des deux mêmes titres que sur les précédentes éditions CD, y rajouter
le génial Love Is A Dog From Hell et
le plus anecdotique My Own Light,
tous deux parus en 1989 sur la mythique compilation Pathological (aux côtés de
Napalm Death, Terminal Cheesecake, Coil, Silverfish ou God) aurait constitué
une excellente initiative.
Mais on peut toujours rêver… Contentons-nous de
cette tripe réédition qui contrairement aux précédentes (le pack Songs Of Love And Hate/Songs Of Love And Hate In Dub et le pack
Pure/Cold World/Slave State)
n’a aucune thématique ou unité stylistique : du premier mini LP à Us And Them en passant par Selfless on touche à trois aspects très
différents et importants de Godflesh – une sorte de résumé du parcours musical
du duo.
Lorsque Swordfish, un microlabel basé à
Birmingham, a publié le premier disque de Godflesh – réédité par Earache
records après Streetcleaner, en 1990 – personne n’avait encore jamais entendu
un tel mélange de guitare plombée et à la fois ultra acide, de basse
monolithique et de boite-à-rythmes martiale. Une nouvelle musique était née et
Godflesh n’a depuis lors presque jamais cessé de développer ses idées, prenant
parfois le contrepied des attentes de ses fans et ouvrant un nombre incroyable
de nouvelles portes.
L’album Selfless
possède de nombreux adeptes. Successeur du génial Pure (1992), Selfless est le
premier (et seul) album véritablement hypnotique de Godflesh, c’est aussi un
disque du duo qui possède un son parfait tout en ne rééditant ni la brutalité
de Streetcleaner ni la froideur
malsaine de Pure. Selfless est un disque presque
minimaliste, tirant in fine vers l’atmosphérique oppressant et donnant un autre
visage à la terreur industriel de Godflesh, celui d’une banquise sculptée par
des vents glacials. Sûrement le disque le plus beau du groupe si tant est que
le terme de « beau » puisse réellement signifier quelque chose dans
ce cas là.
Us And Them
laisse lui éclater les influences d’alors d’un Justin Broadrick qui a déjà
laissé libre cours à toute son imagination avec des projets parallèles tels que
Techno Animal et Ice. Us And Them est
ainsi un album dominé par des machines au service de rythmes hip-hop et jungle
qui transforment une nouvelle fois Godflesh en bête immonde mais irrésistible.
Un disque très accrocheur – mais pas aussi ouvert que son prédécesseur Songs Of Love And Hate et pas aussi
commercial que le suivant, le décevant Hymns
– et qui avec le temps n’a rien perdu de son côté violemment incisif et
pertinent**.
* et le groupe tourne à nouveau en ce
printemps 2013 : le 15 mai à Tourcoing, le 16 à Rouen, le 17 à Strasbourg puis
– bande de lyonnais – le 18 à l’Epicerie Moderne de Feyzin et enfin le 19 à Luynes ou le 20 à Toulouse…
**
self titled/Selfless/Us And Them est une réédition Earache records