VUYVR : ce groupe suisse est une surprise.
Mais une vraie bonne surprise. Et, tout d’abord, laissez-moi faire un peu les
présentations : dans Vuyvr on retrouve Michael Schnidl (Impure Whilemina)
à la guitare et au chant, Diogo Almeida (Rorcal) à la guitare également, Julien
Diels (Elizabeth) à la basse et Roderic Mounir (ex Knut) à la batterie. Un tout
jeune groupe formé d’anciens et de vétérans puisque Vuyvr est un beau bébé âgé d’à
peine plus d’un an. Et que le groupe ait composé, enregistré et publié un
véritable premier album en si peu de temps confirme que ces gars là non
seulement savent ce qu’ils veulent mais qu’en plus ils ne sont pas n’importe
qui. Démonstration.
Le nom du groupe fait référence à la Vouivre – Vuyvren
pour les intimes –, une sorte de monstre ailé, comme un gros serpent mais avec
des ailes. C’est une Vouivre que St Georges terrasse au nom du Christ, c’est également
un emblème que l’on retrouve souvent en héraldique et une source de légendes
extrêmement variées du côté de la Franche-Comté, de l’ancienne Austrasie, du
Haut-Jura et donc de la Suisse (évidemment). Un monstre qui porte un trésor sur
son front, appelé Escarboucle ou œil unique et qui est en fait une énorme
pierre précieuse que la Vouivre abandonne au bord de l’eau lorsqu’elle se
baigne. Seuls les plus audacieux ont essayé de voler l’Escarboucle, sans jamais
y parvenir.
Ces vieilles histoires ne vous intéressent
pas ? Moi si, alors tant pis pour vous. Et revenons à Vuyvr et à son
premier album. La légende colle on ne peut mieux au groupe et à sa
musique : Vuyvr lorgne en effet du côté du black metal et ces récits un
peu opaques, lointains et chargés en superstition en sont l’écrin parfait.
J’imagine qu’il s’agit juste d’une excellente idée de « mise en scène »
de la part du groupe mais celle-ci reflète la volonté de noirceur et de
violence de la musique. Laquelle est plutôt à dégotter du côté primitif du
black metal (après tout, Hellhammer, futur Celtic Frost, est également un
groupe d’origine suisse) c'est-à-dire que Vuyvr ne s’embarrasse fort
heureusement jamais de délires épiques ou je ne sais quoi.
D’un autre point de vue on peut aussi affirmer que
Vuyvr joue son noir métal à la sauce hardcore, comme des punks métallurgistes.
La rapidité d’exécution est réellement impressionnante, le batteur n’est
vraiment pas un manchot, ça on le savait déjà (à la différence de la Vouivre
qui contrairement à n’importe quel dragon de base n’a pas de pattes avant) et
il insuffle ici une énergie primitive et animale. Mais lorsque Vuyvr ralentit
la cadence – comme sur le passage lent au milieu d’Idolatry –, les racines hardcore et surtout post hardcore des
quatre musiciens réapparaissent, et ce pour notre plus grand plaisir.
Plus on avance dans l’écoute de Eirskalt et plus les compositions
semblent se complexifier et s’allonger (la deuxième face ne comporte d’ailleurs
que trois titres alors que la première en inclut six) et une composition aussi
remarquable que Dead Trees Are Wandering
At Night est l’illustration exacte de la double identité sanguinaire de
Vuyvr… Jusqu’à ce que déboulent The Vuyvren
et sa ligne de basse lancinante en introduction, ultime offrande de neuf
minutes pour une véritable explosion au ralenti d’une terreur sourde et
inévitable. Comme si le monstre sortait enfin pour de vrai de sa tanière, était
remonté à la surface de la terre et que sa seule présence parmi nous, la seule
vision de cet être monstrueux, suffisait à nous anéantir, à la fois de douleur
et de tristesse.