Le Sonic
un dimanche soir. C’est encore une fois la péniche lyonnaise qui tient le haut
du pavé et fait l’actualité* en programmant, presque trois ans après un premier passage remarqué à Grrrnd Zero, les new-yorkais de Zs, prononcez [ziz], l’un des groupes
d’avant-garde** les plus passionnants du moment. Aujourd’hui marque d’ailleurs la
fin d’une chouette petite tournée européenne pour le trio, avant on l’imagine un retour salvateur à
Brooklyn et un peu de repos mérité à la maison ; c’est sans doute pour
cela que les trois musiciens, bien loin de l’image austère et arty-prout dont
on les affuble volontiers, déconnent à plein sur le pont de la péniche tandis
que le groupe de première partie termine ses balances – allez, tout le monde se
détend.
Actuellement Zs est effectivement réduit à une
formation à trois puisqu’il ne reste plus que le saxophoniste et gourou Sam
Hillmer comme seul membre d’origine et qu’il est désormais accompagné de
Patrick Higgins (guitare et effets) ainsi que de Greg Fox (batterie, laptop et
bidouilles diverses). C’est ce line-up qui a publié Grain, un EP récemment paru chez Northern Spy*** et qui publiera
d’ici la fin de l’année un tout nouvel album (toujours chez Northern Spy). Par
contre, si le line-up de Zs a beaucoup changé au cours de la tumultueuse
histoire du groupe, sa musique a elle presque toujours tourné autour des mêmes
préoccupations, entre free jazz de chambre, avant rock minimaliste et musique contemporaine
répétitive.
Il en sera de même pour ce concert au Sonic, Zs essayant
de ne pas remettre en cause les fondamentaux de sa musique et de se montrer
toujours autant expert en glissements de terrain et en millimétrage tellurique.
Au rayon nouveautés – puisque nouveaux membres signifie quand même souvent
nouvelles façons de faire – on remarque ce batteur (Greg Fox) qui bidouille
allégrement et ne se contente donc pas d’assurer la cadence à l’aide de son jeu
spectaculaire sur les passages les plus enlevés. Autre chose, et c’est presque
un regret : Patrick Higgins qui impose sa couleur sur la tonalité générale
de Zs ; le son de sa guitare s’éloigne sensiblement de celui jadis mis en
place par un Charlie Looker, un Matthew Hough ou un Ben Greenberg et qui
propulsait la musique de Zs sur des territoires un peu plus bruyants.
Surtout, il est désormais tout seul au poste et le
jeu de complémentarité entre deux guitares n’est donc plus possible. Il fut un
temps où il y avait également deux saxophones et deux batteurs dans Zs : j’imagine
– quelques titres live disséminés sur l’anthologie Score**** permettent de s’en rendre compte – que le groupe jouait
alors énormément sur des effets de ricochets et de doublettes, chaque musicien
répondant et complétant l’autre, chacun prenant ainsi appui sur son alter ego.
Une façon de faire qui existait encore lorsque Zs avait joué au Grrrnd Zero en
2010, avec les deux guitaristes dialoguant sèchement par petites touches et comme
escaladant une montagne sonore jusqu’à son sommet paroxystique.
Au Sonic Zs a encore essayé de procéder ainsi, jouant sur une sorte de complémentarité à trois, tel un
trio d’escaladeurs pyromanes progressant centimètre par centimètre le long d’un
étroit boyau au sein d’un éboulement chaotique de pierres anguleuses et
semblant au gré de sa lente progression ne jamais pouvoir atteindre la lumière
aveuglante. Mais, malgré toute la puissance et toute l’habilité développées par
les trois musiciens de Zs lors de ce concert au Sonic, la complémentarité ne fonctionnait pas totalement, on a également très bien
senti que le groupe aurait pu aller encore plus loin dans cette mécanique
complexe d’avancées/glissades et de micro-glissements mais qu’il ne l’a pas
fait.
Pourquoi cette relative retenue ? Parce que
c’était (donc) la fin de la tournée et que le groupe était finalement un peu
fatigué ? Parce que la configuration actuelle du groupe ne le permet donc
plus tout à fait ? Parce que Sam Hillmer a décidé de finalement passer à
autre chose, de malgré tout faire évoluer un tant soit peu les processus musicaux
de Zs ? Je ne sais pas… Affirmons également qu’en dépit de ces quelques
réserves purement formelles Zs a délivré un bon concert*****, certes un poil décevant, et que l’on attend
donc le nouvel album des new-yorkais avec intérêt.
En première partie jouait ANIBAL & CÉLESTE, un
tout nouveau groupe de lyonnais avec des ex-membres des Bondette’s, Ludivine
Cypher ou actuels Happy Church, un groupe dont c’était là le premier concert et
qui se propose de jouer du hard rock voire du hard grunge (sic). De la musique
de jeunes mais moi je suis vieux et je déteste plus que jamais la jeunesse
(chouette gros son de basse, au passage).
* faire l’actualité lyonnaise mais dans le bon
sens du terme – le mauvais sens, rappelons-le, c’est par exemple l’expulsion et
la fermeture définitive de Grrrnd Zero
à Gerland
** tu détestes ce terme d’« avant-garde » ?
moi aussi mais cela me fait beaucoup rire de l’employer
*** un disque dont on reparlera peut-être, bien
qu’il ressemble à un chouette foutage de gueule, dans les règles de l’art…
**** un coffret de 4 CDs et intitulé Score documente parfaitement les débuts du groupe, alors que Zs
comprenait pas moins de six membres ; rappelons également l’existence de New Slaves, l’album que Zs a publié
en 2010
***** avec quelques photos
en guise de souvenirs