mardi 14 mai 2013

Lydia Lunch / Retrovirus


Voilà un disque bien embarrassant. Un disque dont on ne sait pas trop quoi dire, finalement. Derrière ce nom de Retrovirus se cache l’un des derniers projets en date de LYDIA LUNCH. La dame est ici accompagnée par rien de moins que Weasel Walter (Flying Luttenbachers, etc.) à la guitare, d’Algis Kizys (des géniaux Of Cabbages And Kings et des Swans) à la basse et de Bob Bert (Sonic Youth, Pussy Galore, Chrome Cranks, Knoxville Girls et autre Five Dollar Priest – je dois en oublier quelques uns au passage) à la batterie. Et comme on pouvait s’en douter Retrovirus revisite le vieux répertoire de Lydia Lunch, son meilleur ou presque pour tout dire, et plus précisément celui de quelques uns de ses anciens projets et autres groupes à guitare, de ses débuts no-wave jusqu’à son aboutissement swamp goth.
Ainsi, presque chacun des groupes qu’elle a montés entre 1978 et 1991 est honoré par la reprise de deux titres. Dans le détail cela donne : Teenage Jesus & The Jerks avec Red Alert et I Woke Up Dreaming ; 8 Eyed Spy avec Love Split With Blood et Ran Away Dark ; 13: 13 avec 3x3 et Afraid Of Your Company ; l’album Shotgun Wedding en compagnie de Rowland S. Howard avec Burning Skull et l’immense Black Juju.
Par contre l’album Queen Of Siam qui n’est pas vraiment un album très électrique de Lydia Lunch n’est représenté que par Mechanical Flattery. De son côté The Gospel Singer nous remet en mémoire Naked In Garden Hills, l’unique album d’Harry Crews (groupe de Lydia Lunch avec Kim Gordon et Sadie Mae) et on trouve également ici deux curiosités : une reprise de No Excuse qui était sorti en single (avec Lee Ranaldo à la guitare) et Meltdown Oratorio à l’origine extrait de l’excellent maxi Stinkfist (1987) enregistré avec Clint Ruin aka Mr Foetus.




Mais il est fort dommage qu’il n’y est rien ici du génial Honeymoon In Red – un album enregistré en 1982 avec les membres de Birthday Party mais sorti seulement en 1987 et principalement sous le seul nom de Lydia Lunch (certains membres de Birthday Party, mécontents de l’enregistrement, auraient parait-il refusé que leurs noms apparaissent clairement au recto de la pochette) – ni du EP In Limbo (1982, avec Thurston Moore et Richard Edson de Sonic Youth mais aussi Pat Place des Contorsions de James Chance). En particulier, Honeymoon In Red est l’un des deux meilleurs albums de Lydia Lunch – l’autre étant sans contestation possible le génial 13 : 13 – et je ne m’explique toujours pas cette absence impardonnable.
Pour en revenir à Retrovirus, cet album est en fait un live enregistré à la Knitting Factory de New-York en novembre 2012. Musicalement c’est impeccable : Walter s’en sort vraiment très bien (il tenait déjà la guitare dans Lake Of Dracula, son side-project comme par hasard très typé no wave) et surtout Algis Kizys démontre une nouvelle fois qu’il reste un musicien bien trop sous-estimé de nos jours, le son de sa basse est ici vraiment énorme. Ce qui est moins évident c’est Lydia Lunch elle-même : sa voix a trop changé depuis vingt, trente ans et ne ressemble plus à rien, en tous les cas ne peut plus nous écorcher et nous électrifier de la même façon qu’avant, surtout lorsqu’on prend comme points de comparaison les versions originales des compositions choisies pour Retrovirus, anciennes versions qui dans tous les cas restent bien meilleures en ce qui concerne le chant.
C’est un peu triste à dire mais à l’écoute de Retrovirus on entend essentiellement une chanteuse qui n’est plus que la représentation d’elle-même, apparemment en manque de charisme, peut-être en rupture de passion – mais ça je ne veux pas le croire – et, pire encore, sans ce côté dangereux dont elle a si longtemps fait preuve (et balancer un fuck ! de temps à autre ne suffit pas). Peut-être qu’assister à ce concert pour de vrai aurait été une autre paire de manche, peut-être que de voir ces quatre musiciens sur scène aurait pu convaincre davantage voire définitivement mais avec cet enregistrement, malheureusement, on reste sur sa faim avec la désagréable impression de visiter un musée de statues de cire et érigé à la gloire nostalgique d’une chanteuse/performeuse/activiste qui n’est plus vraiment ce qu’elle était. Un disque dont finalement on aime beaucoup plus l’idée que le résultat. Tant pis.

[Retrovirus est publié en CD par ugEXPLODE, le propre label de Weasel Walter]