Voilà un disque bien embarrassant. Un disque dont
on ne sait pas trop quoi dire, finalement. Derrière ce nom de Retrovirus se cache l’un des derniers
projets en date de LYDIA LUNCH. La
dame est ici accompagnée par rien de moins que Weasel Walter (Flying
Luttenbachers, etc.) à la guitare, d’Algis Kizys (des géniaux Of Cabbages And
Kings et des Swans) à la basse et de Bob Bert (Sonic Youth, Pussy Galore,
Chrome Cranks, Knoxville Girls et autre Five Dollar Priest – je dois en oublier
quelques uns au passage) à la batterie. Et comme on pouvait s’en douter Retrovirus revisite le vieux répertoire
de Lydia Lunch, son meilleur ou presque pour tout dire, et plus précisément
celui de quelques uns de ses anciens projets et autres groupes à guitare, de
ses débuts no-wave jusqu’à son aboutissement swamp goth.
Ainsi, presque chacun des groupes qu’elle a montés
entre 1978 et 1991 est honoré par la reprise de deux titres. Dans le détail cela donne : Teenage Jesus &
The Jerks avec Red Alert et I Woke Up Dreaming ; 8 Eyed Spy
avec Love Split With Blood et Ran Away Dark ; 13: 13 avec 3x3 et Afraid Of Your Company ; l’album Shotgun Wedding en compagnie de Rowland S. Howard avec Burning Skull et l’immense Black Juju.
Par contre l’album Queen Of Siam qui n’est pas vraiment un album très électrique de
Lydia Lunch n’est représenté que par Mechanical
Flattery. De son côté The Gospel
Singer nous remet en mémoire Naked In
Garden Hills, l’unique album d’Harry Crews (groupe de Lydia Lunch avec Kim
Gordon et Sadie Mae) et on trouve également ici deux curiosités : une
reprise de No Excuse qui était sorti
en single (avec Lee Ranaldo à la guitare) et Meltdown Oratorio à l’origine extrait de l’excellent maxi Stinkfist (1987) enregistré avec Clint
Ruin aka Mr Foetus.
Mais il est fort dommage qu’il n’y est rien ici du
génial Honeymoon In Red – un album
enregistré en 1982 avec les membres de Birthday Party mais sorti seulement en
1987 et principalement sous le seul nom de Lydia Lunch (certains membres de
Birthday Party, mécontents de l’enregistrement, auraient parait-il refusé que leurs
noms apparaissent clairement au recto de la pochette) – ni du EP In Limbo (1982, avec Thurston Moore et Richard
Edson de Sonic Youth mais aussi Pat Place des Contorsions de James Chance). En
particulier, Honeymoon In Red
est l’un des deux meilleurs albums de Lydia Lunch – l’autre étant sans
contestation possible le génial 13 : 13 –
et je ne m’explique toujours pas cette absence impardonnable.
Pour en revenir à Retrovirus, cet album est en fait un live enregistré à la Knitting
Factory de New-York en novembre 2012. Musicalement c’est impeccable :
Walter s’en sort vraiment très bien (il tenait déjà la guitare dans Lake Of
Dracula, son side-project comme par hasard très typé no wave) et surtout Algis
Kizys démontre une nouvelle fois qu’il reste un musicien bien trop sous-estimé
de nos jours, le son de sa basse est ici vraiment énorme. Ce qui est moins
évident c’est Lydia Lunch elle-même : sa voix a trop changé depuis vingt, trente
ans et ne ressemble plus à rien, en tous les cas ne peut plus nous écorcher et
nous électrifier de la même façon qu’avant, surtout lorsqu’on prend comme
points de comparaison les versions originales des compositions choisies pour Retrovirus, anciennes versions qui dans
tous les cas restent bien meilleures en ce qui concerne le chant.
C’est un peu triste à dire mais à l’écoute de Retrovirus on entend essentiellement une
chanteuse qui n’est plus que la représentation d’elle-même, apparemment en
manque de charisme, peut-être en rupture de passion – mais ça je ne veux pas le
croire – et, pire encore, sans ce côté dangereux dont elle a si longtemps fait
preuve (et balancer un fuck ! de temps à autre ne suffit pas). Peut-être
qu’assister à ce concert pour de vrai aurait été une autre paire de manche, peut-être que
de voir ces quatre musiciens sur scène aurait pu convaincre davantage voire
définitivement mais avec cet enregistrement, malheureusement, on reste sur sa
faim avec la désagréable impression de visiter un musée de statues de cire et
érigé à la gloire nostalgique d’une chanteuse/performeuse/activiste qui n’est
plus vraiment ce qu’elle était. Un disque dont finalement on aime beaucoup plus
l’idée que le résultat. Tant pis.
[Retrovirus
est publié en CD par ugEXPLODE,
le propre label de Weasel Walter]