Charles Hayward… Charles Hayward… CHARLES HAYWARD ?
Et oui ! Je m’imaginais sans doute un peu trop naïvement que ce seul nom allait
rameuter une horde de mélomanes fanatiques et les gens du Sonic devaient également le penser,
puisqu’ils ont programmé un concert en solo de l’ancien batteur du génial et
séminal This Heat (et accessoirement batteur de la reformation de la fin des 90’s
de Massacre, aux côtés de Fred Frith et de Bill Laswell et en remplacement de
Fred Maher).
Mais autant je suis fan de This Heat – le mieux
pour se faire une opinion par soi-même c’est de se procurer le coffret Out Of Cold Storage, il y a tout This
Heat sur ces sept CDs* – autant je suis resté complètement ignorant de la musique
imaginée et jouée par Charles Hayward après, mis à part l’album Switch On War publié en 1991 par Sub
Rosa et que je n’ai pas beaucoup écouté ces vingt dernières années**.
Voilà, il s’agit sans doute de la plus mauvaise
raison de se rendre à un concert : aller voir un musicien qui représente
une musique, un esprit, toutes choses qu’il n’est peut-être plus tout à fait
voire plus du tout. Un mélange de désir d’entomologie musicale et de curiosité nostalgique
pour une musique que l’on n’a pourtant pas connue à l’époque parce que l’on
était trop jeune ou que l’on préférait écouter du heavy metal, de la ¡oï! ou du
gothique batcave. Le pire de la nostalgie et de la naïveté (donc).
Il a un vrai côté émouvant chez Charles Hayward.
Un véritable anglais avec ce je ne sais quoi de digne et de noble mais aussi,
on le pressent aisément, de fantaisiste et d’élégamment décalé. Et en même
temps on croise le regard d’un petit vieux qui parle peu et marche lentement,
comme une momie sortie par erreur de son sarcophage. On se demande ce qu’il va pouvoir
donner derrière sa batterie et derrière son micro – d’autant plus que les
balances ne sont guère convaincantes.
Résultat : un concert qui mélange le meilleur
et le pire. Le meilleur : des rythmes et des structures qui rappellent souvent
This Heat (indécrottable…), un batteur au jeu époustouflant et à l’énergie bien
loin de l’apathie d’une momie – maintenant je peux regretter d’avoir écrit ce
mot pas loin d’être insultant –, des idées vraiment réjouissantes comme ce
sample de cloches stridulantes qui donnaient le sentiment de tourner dans un
sens tandis que la batterie semblait tourner dans le sens inverse, donnant un
effet de vertige hypnotique assez saisissant.
Le pire : un chant souvent chevrotant, des
mélodies généralement niaises et une collection de samples d’un kitsch et d’une
ringardise électronique rédhibitoires. On cherche donc dans chaque titre joué
par Charles Hayward une petite chose à laquelle se raccrocher, un détail qui a
son importance parce qu’il séduirait en dépit de tout le reste et on y arrive
parfois, malgré des compositions très inégales. Seul le dernier et très long
titre joué en fin de set, avec une introduction au mélodica, me fait
définitivement déserter un concert qui n’aura donc pas répondu à toutes mes attentes.
SHEIK ANORAK
jouait en première partie et j’en ai été d’autant plus heureux que j’ai à
nouveau servi de chauffeur et de porteur de matériel pour ce garçon***. C’est
dire si tout ce qui va suivre comme commentaires et autres impressions va être
emprunt de ce sens aigu de la subjectivité qui fait tout le charme inaltérable
des live reports et des chroniques de disques publiés sur 666rpm.
Il n’empêche qu’il y a toujours du neuf lors d’un
concert de Sheik Anorak, comme cette boucle un peu plus bruitiste que
d’habitude rajoutée sur Day 01,
imparable et inaltérable titre d’introduction ; ou cette dernière composition
encore à l’état d’ébauche mais que Franck/Sheik Anorak a malgré tout décidé de
jouer – et en cela il aura bien eu raison car voilà une nouveauté pleine
d’élégance et de promesses.
Et puis il y a cette composition spectaculaire sur
laquelle il frappe sur sa batterie d’une main, joue en tapping sur sa guitare
de l’autre et se paie en plus le luxe de (bien) chanter : ce fut le vrai
grand moment fort de ce concert, avec un final explosif et enragé parfaitement
bien vu et très bien mis en place malgré son apparente débauche et son
déploiement de violence sonore.
quelques photos du concert ici]
quelques photos du concert ici]
* mais Out
Of Cold Storage est malheureusement une anthologie aussi indispensable que hors de prix (mais merci internet)
** je viens d’y rejeter une oreille attentive
: Switch On War est un disque sombre
et aride en référence à la première guerre du golfe et qui mérite d’être
réécouter beaucoup plus souvent qu’une fois par décennie – d’autant plus qu’il
me semble qu’en fait cette guerre n’est toujours pas terminée, elle s’est juste
déplacée ailleurs
*** peut-être que je vais finir par y prendre goût