Il y a des concerts comme ça auxquels il est tout
simplement impossible de résister et cette affiche réunissant Deborah Kant et
One Lick Less en fait incontestablement partie. Deux des groupes actuels
préférés du chroniqueur mondain de 666rpm et qui entament une petite tournée commune de quelques jours par une date lyonnaise au Sonic, c’est ce que l’on appelle une
aubaine voire la promesse indiscutable d’un grand moment de bonheur annoncé.
Alors le live report qui va suivre risque fort de
déborder quelque peu de subjectivité (comme d’habitude) mais aussi de
complaisance (ben voyons). Pourtant on ne saurait ici faire autrement. Précisons
également pour les amateurs de vérité chirurgicale et autres spécialistes en
systèmes de notation à trois lettres que les deux groupes ont récolté des
applaudissements enthousiastes de la part d’un public certes un peu maigre
(entre 50 et 60 personnes se sont déplacées malgré des pluies torrentielles).
Pas de démagogie ni d’angélisme mais, lorsqu’on partage après le concert
quelques points de vue convergents avec d’autres fanatiques, on ne peut qu'estimer que
l’on a vraiment passé une très bonne soirée.
Laquelle soirée démarre avec les DEBORAH KANT. Je n’ai pas revu le groupe
en concert depuis trop longtemps, en fait depuis presque trois années – c’était en
première partie de Psychic Paramount en mai 2010 – et surtout je n’ai pas revu
ces quatre garçons sur une scène depuis la parution de leur deuxième album Terminal Rail/Route. Je ne vais pas
non plus affirmer qu’ils commençaient à sérieusement me manquer mais j’avais
presque mauvaise conscience d’aimer autant un disque sans pouvoir revérifier en
live l’indéfectibilité de cet amour.
Je les connais pourtant presque par cœur les
Deborah Kant en concert – tiens :
ils se mettent toujours à la même place avec le guitariste/chanteur à gauche,
le bassiste au centre et le second guitariste sur la droite – or le plaisir de
revoir le groupe est immédiat. Un peu de rigidité et de nervosité peut-être en
début de set mais Deborah Kant aligne sans broncher les tubes noisy de son
dernier album (plus une ou deux vieilleries) et là c’est un vrai feu
d’artifice. La référence au Sonic Youth de la fin des années 80/début des
années 90 reste évidente, surtout en ce qui concerne les rapports
mélodies/bruit pour lesquels les Deborah Kant sont devenus experts, ce qui
n’enlève rien à la pertinence d’un groupe dont la musique est plus que jamais
basée sur l’hypnose de tourbillons soniques.
J’ai juste remarqué quelque chose (me semble-t-il)
de nouveau : l’un des guitaristes, celui qui ne chante pas, délaissant sa
guitare pour prendre une deuxième basse, ce qui donnait un côté encore plus
choucrouteux à la musique de Deborah Kant. J’espère ne pas avoir à attendre
encore trois ans pour les revoir.
C’est peut dire que & We Could Be Quiet, le tout premier
album de ONE LICK LESS, aura profondément marqué l’année 2011. Des effets
tellement durables et bienfaisants que la splendide réédition en vinyle de ce
disque magique figure également dans le peloton de tête du Top Of The Dope 2012 de 666rpm, réélu à l’unanimité du jury. Un bel exploit. L’actualité de
One Lick Less en 2013 c’est un deuxième album – intitulé Spirits Of Marine Terrace, on en reparle un de ces jours – et,
donc, une nouvelle série de concerts.
Le premier passage de One Lick Less à la Triperie avait également marqué les esprits. C’était
l’occasion de découvrir enfin un groupe dans toute sa singularité et toute son
étrangeté. Quoi que le terme d’« étrangeté » est mal plutôt
choisi pour un groupe et une musique qui vous attrapent pour ne plus vous
lâcher, débordant de fulgurances aussi irréelles qu’évidentes, un paquet
d’émotions pour se remplir le cœur.
One Lick Less est toujours ce duo de funambules et
de poètes et ce concert au Sonic aura été supérieur à celui donné à la Triperie
tout simplement pour deux raisons : premièrement il donnait à entendre quelques
titres – mais pas assez ! – du nouvel album, avec une utilisation
plus intensive de la guitare ; deuxièmement – comme presque toujours au Sonic –
le son était de qualité et permettait de saisir toutes les nuances et finesses
d’une musique qui n’en manque pas. Il n’y a peut-être que le chant dont on
pense qu’il reste réellement perfectible. Pour le reste les deux One Lick Less sont
de fins orfèvres en matière de blues dentelier et de sophistication noisy,
personne ne peut lutter. A très bientôt, j’espère.
[on ne remerciera donc jamais assez les gens d’Active Disorder qui ont organisé ce
concert – parmi leurs prévisions signalons le retour de Marvin au Périscope le
14 juin ; quelques
photos du concert de Deborah Kant et One Lick Less par ici]