dimanche 30 septembre 2012

Bee And Flower + Joy As A Toy + Keiki = Cheap Satanism


Aujourd’hui c’est dimanche et pour une fois on va s’autoriser les facilités de la chronique multiple et lapidaire donc vaguement lâche – ça laissera encore un peu plus de temps pour faire la grasse matinée et/ou la sieste. Le point commun entre ces trois disques est qu’ils ont tous été publiés par Cheap Satanism records, maison de disques aussi respectable qu’insaisissable et basée du côté de Bruxelles.




Commençons par Bee And Flower et l’album Suspension. On avait pu écouter sur un split avec Keiki (et déjà chez Cheap Satanism records) ces américains emmenés par une chanteuse au classicisme aussi parfait que velouté. Si vous voulez du torride et de la braise ce n’est pas du côté de Bee And Flower qu’il faudra aller les chercher tant le groupe privilégie une variété de classe internationale pour gens biens et complètement étrangers à toutes formes d’extrémisme musical. Un disque que je mets uniquement quand ma mère ou ma grande sœur s’incrustent à la maison : Suspension c’est un peu le consensus mou et balladurien à la Bad Seeds en version ultra digestive. Parfait pour la sieste et le thé mais il est fort regrettable que les deux titres inclus sur le split le soient également ici, notamment Jackson qui pourrait parfaitement servir de bande-son à un film d’auteur du cinéma indépendant américain. Tout l’album est écoutable sur soundcloud.




Poursuivons avec Joy As A Toy. Là aussi on avait découvert le groupe grâce à un autre split sur le même label (partagé avec les épuisants Germanotta Youth). Joy As A Toy pose toujours un peu le même genre de problèmes : les influences très visibles du groupe sont plutôt appréciées mais leur somme, ce qu’arrive à en faire Joy As A Toy ne convainc guère sur la longueur d’un album. Les meilleurs moments sont inévitablement ceux sur lesquels cela s’énerve un peu et ils sont bien trop rares. Dead As A Dodo se veut librement inspiré par les films de Dario Argento – on se rappelle que Joy As A Toy avait repris Profondo Rosso sur le split déjà mentionné – mais, sans tomber dans l’excès inverse (c'est-à-dire la violence gratuite), on regrette que tout ça manque autant de cruauté et de carnation. Dernier sujet de défiance : le chant qui fait trop penser à la chiffe molle que sont devenus les Blond Redhead depuis qu’ils ont découvert l’existence de Serge Gainsbourg.




Enfin abordons le cas de Keiki. Assez inexplicablement le rock ultra minimal du duo (chant, guitare, boite-à-rythmes et un peu de bidouille, essentiellement du thérémine) possède véritablement une richesse intrinsèque et se révèle parfaitement capable d’occuper tout l’espace. Le principal argument de Keiki c’est cette chanteuse assez formidable et qui a besoin de personne pour émouvoir – surtout pas de Pete Simonelli d’Enablers qui apparait sur Full Body Wolf (un titre déjà présent sur le split avec Bee And Flower, décidemment) ni d’Eugene Robinson d’Oxbow qui se contente d’assurer le service minimum sur The Killing Cure. Popcorn From The Grave tire par contre parfaitement son épingle du jeu lorsque Keiki se contente de son minimalisme de base – un peu comme une sorte de Kas Product en mode indie rock et à guitares (donc).

samedi 29 septembre 2012

Oren Ambarchi / Sagittarian Domain



Sagittarian Domain a été publié par les Editions Mego coup sur coup après un Audience Of One (chez Touch records) plutôt décevant bien que démontrant de la part d’OREN AMBARCHI une volonté certaine de continuer à aller de l’avant et de changer une nouvelle fois d’horizon. Comme pour son précédent disque l’australien n’a pas enregistré tout seul Sagittarian Domain, se faisant ici très discrètement accompagner d’une petite section de cordes : Elizabeth Welsh au violon, James Rushford à l’alto et Judith Hamann au violoncelle. Lui-même a à nouveau multiplié les instruments (guitare, Moog et batterie), s’octroyant même un peu de chant dans un registre très fantomatique.
Sagittarian Domain étonnera peut-être celles et ceux qui connaissent déjà les albums solo les plus fameux d’Oren Ambarchi (pour information citons les magnifiques et inévitables Suspension en 2001, Grapes From The Estate en 2004, In The Pendulum’s Embrace en 2007 ou la compilation Intermission 2000 - 2008 – tous ces disques ont été publiés par Touch et sont encore disponibles). Tout comme celles et ceux qui préfèrent plutôt ses multiples collaborations en matière de musiques improvisées et/ou bruitistes seront également déroutés. Mais Sagittarian Domain ne surprendra pas ceux qui ont déjà compris qu’Ambarchi est finalement un musicien aussi curieux que divers : qu’il soit capable de jouer avec les microtonalités d’un Keith Rowe comme avec les déferlements sonores d’un Keiji Haino en dit long sur sa versatilité supposée, une versatilité telle un camaïeu déclinant subtilement toutes les nuances d’une même couleur. Cette versatilité en forme de puzzle en trompe l’œil reste d’autant plus remarquable qu’elle contribue totalement à l’identité d’un musicien passionnant et reconnaissable entre mille.
Il n’y a pas sur Sagittarian Domain de fourmillements virant au tremblement de terre ni de crépitements analogiques en mode piqures électriques mais une longue et unique pièce (trente-six minutes) parait-il enregistrée sous le coup d’une inspiration soudaine. Basé sur une rythmique aussi insistante qu’inamovible, Sagittarian Domain explore volontairement les effets de l’hypnose et de la transe en matière de répétitivité et d’empilement/succession de couches sonores. Oui on peut penser à certains groupes allemands de la fin des années 60 et début 70 et qui déjà maniaient le chamanisme psychédélique et les rythmiques à la rigidité élastique comme personne. La vision qu’offre Oren Ambarchi de cette musique est pourtant singulière et électrisante car elle s’appuie sur ses propres explorations sonores à la guitare, explorations dont il sort des sons uniques et qui n’appartiennent qu’à lui.
Sagittarian vire ainsi peu à peu au voyage cosmique, le pattern rythmique entêtant propulsant les expérimentations sonores du musicien toujours plus loin. Les apparitions d’abord fugaces des cordes ressemblent à une pluie d’étoiles filantes et ce sont ces mêmes cordes qui auront le dernier mot pour un final d’allure très classique et emprunt d’une mélancolie apaisante : le voyage est terminé mais il fut aussi beau qu’hypnotique.



[cette chronique aussi élogieuse qu’assumée, vous pouvez la retrouver à quelques nuances près dans les pages du #12 de new NOISE qui vient de paraitre en kiosque – buy or die]

vendredi 28 septembre 2012

Tonnerre Mécanique / self titled




Quand j’étais gamin voire un peu plus je suis allé voir Tonnerre de Feu au cinéma, un film particulièrement mauvais mais grand public jouant sur la paranoïa américaine au sujet du terrorisme international et du communisme rampant (on était alors en plein dans l’aire Ronald Reagan et l’année précédant les jeux olympiques de Los Angeles : 1983) tout en profitant de l’engouement supposé du public pour les technologies guerrières (le Tonnerre De Feu en question était un hélicoptère truffé de gadgets électroniques à la Pacman et d’armes de précision pour éliminer tous les vilains méchants tordus du monde). Tonnerre De Feu est en quelque sorte l’ancêtre de Supercopter.
Puis il y a eu Tonnerre Mécanique, une série tv du nom d’une moto suréquipée elle-aussi et servant à lutter efficacement contre le crime organisé ce qui, par rapport à un hélicoptère high-tech, constituait un recul technologique considérable mais légitime en période de crise économique et de restrictions budgétaires (et qui aujourd’hui permet un glissement sémantique assez lamentable de cette chronique de disque vers le sujet qui nous occupe réellement). Les fans de séries tv se rappellent en tous les cas que Tonnerre Mécanique était d’un niveau à rendre jaloux les producteurs de K2000  mais malheureusement mes parents, encore légèrement trotskistes sur les bords, avaient évité de réitérer l’erreur de Tonnerre De Feu et m’avaient donc formellement interdit de regarder ce programme à la gloire de l’ordre capitaliste établi.
Aujourd’hui je peux enfin évacuer toute cette frustration préadolescente et idéologique et prendre une belle revanche sur la vie avec ce 12’ sans titre de TONNERRE MECANIQUE, un groupe de Marseille qui s’auto-définit lui-même comme un trio noise rock. Si on ajoute à cela que Tonnerre Mécanique est un groupe purement instrumental je crois que tout est dit. Pas la peine de leur coller des étiquettes supplémentaires ou de leur lécher les dessous de bras pour en tirer des conclusions fumeuses et des définitions/classifications définitives : Tonnerre Mécanique c’est effectivement du rock, c’est précisément de la noise et le groupe semble bien n’avoir que faire de tout le reste.
L’énergie et la spontanéité développée ici sont tellement folles que l’on pardonnera presque au groupe ne n’avoir pas pu (ou pas su) inclure un peu de chant ou à défaut un peu de voix/braillements/etc. dans ce joyeux bordel anti arithmétique et éjaculatoire. De la sincérité et de l’aisance poilue c’est tout ce que propose en fait Tonnerre Mécanique mais c’est largement suffisant à mon bonheur de vieux qui se croit toujours jeune – mais ça devrait également convenir aux petits jeunes prétentieux qui persistent à penser qu’écouter du noise rock en 2012 cela fait plus vieux que leur âge – d’autant plus que la guitare dissone et se tord comme je l’aime tandis que la rythmique serpente autant qu’elle martèle. Les petits plaisirs simples font les bonheurs durables.

Ce premier jet de Tonnerre Mécanique a été pressé uniquement en vinyle et à 200 exemplaires numérotés par deux labels : le marseillais Katatak et le stéphanois  Boom Boom Rikordz – comme j’ai le #000, sans aucune doute ultra collector, j’en déduis qu’il y en a un peu plus que ça. La pochette est une sérigraphie du Dernier Cri.


Tonnerre Mécanique sera également au programme du prochain festival Riddim Collision dans le cadre de la soirée Barbars le 8 novembre prochain : le groupe jouera au Trokson en compagnie de Joy As A Toy et de Jack and the Bearded Fishermen.

jeudi 27 septembre 2012

Report : Sathönay et OM au Sonic - 23/09/2012





Un dimanche à marquer d’une pierre blanche : le SONIC a pu rouvrir juste quelques jours auparavant, après plusieurs semaines de travaux intenses et un nombre incalculable de points de soudure et de canettes de bières vidées – tout le monde aura bien sûr remarqué cette magnifique cage à poulet entourant désormais la console de mix – et c’est vraiment un plaisir que de pouvoir enfin retourner dans cette salle.
OM y joue ce soir et c’est également un évènement : l’album Advaitic Songs aura marqué les esprits au moins pour cette volonté du duo d’élargir ses horizons tout en ne reniant pas complètement son passé. Un disque qui se prête très bien à la glandouille apathique et masturbatoire – celle qui consiste à fixer son plafond pour tenter d’y découvrir les mystères de l’univers enfin dévoilés par les vapeurs bleutées de la tisane de 17 heures. De la bonne musique de hippies, somme toute (même si associer le terme de « bon » et celui de « hippie » me donne vraiment la nausée).
On annonce également, date unique en France oblige, que le concert risque d’être complet (ce fut bien le cas : 180 personnes se sont entassées au Sonic) et que des billets en prévente sont disponibles. C’est en découvrant que ceux-ci donnaient le droit d’acquérir une jolie place de concert tout comme celles qui se faisaient avant – avant c’est ce temps plus ou moins lointain quand tout était beaucoup mieux que maintenant et surtout que demain – que j’ai cédé à la tentation. De quoi me permettre d'oublier l’annulation du concert de Buildings qui devait avoir lieu le même jour à Buffet Froid mais en fin d’après-midi. Deux concerts si différents dans la même journée, cela aurait été si délicieusement déraisonnable…




SATHÖNAY joue en première partie dans un Sonic déjà plus que bien rempli. Sathönay c’est le projet solo de Nico Poisson (Ned, Rubiks, Chapel 59, Total Eclipse, etc.) quoiqu’il me semble qu’au tout début il s’agissait d’un duo. On a donc droit à un bonhomme planté sur un tabouret devant un parterre de pédales et de machines – une boite-à-rythmes particulièrement récalcitrante –, chantant et jouant du saz électrique.
Je n’avais jusqu’ici guère prêté attention à Sathönay et j’avais tort. Puisant son inspiration dans des musiques que j’imagine moyen-orientales, balkanique ou ottomanes (mais je n’y connais rien…), Sathönay c’est avant tout des compositions abouties reposant aussi bien sur des mélodies inhabituelles pour des oreilles occidentales surgavées, un chant étrangement touffu et une utilisation du saz qui laisse pantois. Quel bel instrument.
Un peu plus tard dans la soirée j’ai appris que l’avant-dernier titre joué par Sathönay était en fait une chanson folklorique grecque : ce fut assurément l’un des plus beaux moments de ce concert avec cette insistance litanique et presque magique proche des illuminations d’un Daniel Higgs… Sachez également que Sathönay annonce la parution de son tout premier album pour très bientôt et qu’en attendant on peut en écouter quelques extraits sur sa page bandcamp.



Le Sonic ne désemplit pas pendant le changement de plateau entre Sathönay et OM et on ressent très nettement l’impatience grandissante du public. On remarque également en inspectant la scène que OM va présenter un line-up à trois : en plus de Al Cisneros (basse/chant) et Amil Amos (batterie) un troisième membre va s’occuper de percussions, de samples, de synthés, d’un peu de guitare (mais oui !) et de chant. Et je vais passer une bonne partie du concert de OM à me demander où j’avais déjà pu voir cette tête là… – puisque après le concert j’ai demandé confirmation à l’intéressé je peux vous affirmer que oui, il s’agissait bien de Robert Lowe, ancien membre des 90 Day Men, un groupe d’indie rock US dont je ne saurais trop vous conseiller l’album (It (Is) It) Critical Band paru chez Southern records en 2000.
Mais je m’égare. Il n’empêche que sans Robert Lowe OM serait complètement incapable de redonner les couleurs plus ethniques et contemplatives que possède désormais sa musique. Ce troisième membre est quasiment responsable de tout le rendu mélodique et ornemental de compositions qui sinon tiennent presque du dub minimal et s’éloignent définitivement du doom, même si on peut parler à propos de OM de doom shamanique et mystique.
Mais c’est là que le bas blesse : laissons de côté le jeu de batterie assez insupportable d’Emil Amos (tout est question de goût), par contre on trouve malheureusement qu’Al Cisneros n’arrive que fort peu à faire passer ne serait-ce qu’une toute petite partie de l’électricité transcendantale qui semble le traverser de part en part. Si les gimmicks de OM fonctionnent très bien sur disques, le cul bien calé sur le tapis du salon en fausse laine de mouton, en concert la litanie devient rapidement pénible et désespérément longuette. On rajoutera que les moments de bravoure étaient bien trop rares pour relever l’intérêt d’un concert qui a tourné à la messe idolâtre pure et simple. Déception et ennui.

[des photos moites et transpirantes du concert ici]

mercredi 26 septembre 2012

Report : Linandy, Das Simple et Chaos E.T. Sexual à La Triperie - 22/09/2012




C’est la rentrée pour Active Disorder qui reprend enfin du service à la Triperie avec une affiche aussi éclectique qu’intéressante et qui pour l’occasion a embauché le staff complet de Torticoli – groupe d’intellectuels bien connus du public lyonnais – comme petites mains afin d’assurer les basses besognes et l’intendance de base : à 20h30 la bière coulait déjà à flots.
Plus sérieusement, je ne résiste pas non plus à déjà annoncer les prochaines dates organisées par Active Disorder qui est, rappelons-le, une association à but non lucratif et jubilatoire peuplée d’idéalistes forcenés et d’inconscients notoires. Attention car ça risque de faire mal aux yeux et surtout aux oreilles…

- dimanche 28 octobre : Møller Plesset et ChoochooShoeShot (au Sonic et co-organisé avec les affreux de Bigoût records)
- jeudi 15 novembre : Fordamage, Les Louise Mitchels et Binaire (au Marché Gare)
- le lendemain vendredi 16 novembre : Marvin et The Electric Roberts (au Sonic)
- mardi 4 décembre : L’Enfance Rouge featuring Eugene Robinson (au Sonic)

Que du beau monde.




Premier groupe à jouer : LINANDY. Un duo alliant synthèse digitale, batterie (live drums comme le disent les experts) et chant. Et quelle surprise de découvrir que le préposé à la voix est le chanteur qui parfois mettait son grain de sel dans Torticoli, transformant ce trio instrumental de chiens fous en quelque chose de plus post hardcore et conventionnel. Deuxième surprise : Damien – c’est son nom – ne force pas vraiment sa voix avec Linandy, il possède même un timbre assez proche de celui de Robert Smith et que je ne lui connaissais pas. Enfin ça c'est quand il n’y pas trop d’effets rajoutés sur le chant, ce qui ne sera pas toujours le cas pendant le concert.
Un concert ultra dynamique et pas seulement parce qu’il y a un batteur sur scène. On pourrait parler d’electro punk tellement Linandy aime envoyer du gros et du lourd sur des rythmiques généralement soutenues et presque martiales (dans le sens EBM du terme). Personnellement j’ai préféré lorsqu’il n’y avait vraiment aucune mélodie, que des nappes bruitistes donc, ou lorsque le tempo retombait franchement – par exemple l’avant-dernier titre que le groupe a joué – privilégiant ainsi le côté glauque et anti jovial au côté va-comme-je-te-pousse et dansable. Dernière restriction : les sons qui tiennent plus de l’utilisation de presets que de la bidouille personnelle… l’énergie et le tempérament c’est bien mais ils fonctionnent encore mieux lorsque ils sont au service d’un peu plus d’originalité.




Les DAS SIMPLE prennent la suite alors que je pensais naïvement qu’ils allaient jouer en dernier, comme les stars qu’ils mériteraient d’être enfin. Ce groupe de Marseille est trop injustement méconnu voire largement sous-estimé alors qu’il est l’un des tout meilleurs dans sa catégorie. Sa catégorie ? OK, j’arrête tout de suite les frais parce que la musique de Das Simple ne ressemble à rien d’autre si ce n’est à du Das Simple et ça c’est déjà un énorme compliment.
Noise tribale, metal fulgurant, math core déviant, prog psychotique… on ne viendra jamais à bout de tous les qualificatifs imaginables pour décrire une musique dont la seule constante est d’aller vraiment loin dans le délire sismique et le paroxysme sidéral tout en affichant une maîtrise parfaite et imparable. Peut être que ces quatre garçons sont des grands malades sans pitié mais ils sont surtout dotés d’une clairvoyance d’un niveau supérieur que, si j’étais un brin superstitieux et obscurantiste, je qualifierais volontiers de démoniaque. La grande classe, vraiment.
Au passage, Das Simple est en train d’accoucher de son deuxième album dans la douleur – on peut espérer une sortie pour début 2013 – et les nouveaux titres que le groupe a joués ce soir ne laissent présager que du meilleur… C’est que le premier disque, un album sans titre et uniquement publié en CD, tout aussi excellent qu’il soit, commence à dater et ne suffit plus à étancher ma soif de dérèglements musicaux.



C’est donc CHAOS E.T. SEXUAL qui termine la soirée. Ce sera sans aucune surprise mais plutôt efficace. Les trois parisiens ont trouvé un truc qu’ils entendent pousser jusqu’au bout et ils le font dans les règles bien que sans finesse aucune. Dans la continuité du premier album Ov Chaos E.T. Sexual s’est donc acharné à faire danser les foules – on a même vu le big boss de Jarring Effects sautiller devant la scène comme un cabri sous ecsta – et apporter sa contribution à une vie plus saine et enfin heureuse en permettant à plein de braves gens d’éliminer provisoirement les toxines ingurgitées durant les quinze derniers jours. Et mention spéciale au type hyper enthousiaste voulant acheter le CD du groupe après le concert : il n’en croyait pas ces oreilles lorsqu’on lui a annoncé qu’il ne coutait que 5 €uros – et oui il y a une vie en dehors des supermarchés culturels et de la marchandisation outrancière de la musique…

[quelques photos du concert à voir ici]

mardi 25 septembre 2012

The Glad Husbands / God Bless The Stormy Weather




Whosbrain records possède décidemment un don magique pour dégotter les perles au fin fond des gisements mondiaux de la médiocrité musicale ambiante. La dernière découverte en date du label s’appelle THE GLAD HUSBANDS et est un trio italien. God Bless The Stormy Weather est le tout premier album de ce groupe qui se définit lui-même comme jouant du math-core… Levée de bouclier immédiate parce que les groupes de math-core, c’est un peu comme les groupes de screamo il y a quinze ans ou les groupes de post hardcore il y a quelques années seulement : pour un maximum de 1 % de formations originales ou ayant pour le moins une façon un tant soit peu personnelle de revisiter le truc de base, vous devez invariablement vous taper 78 % de suiveurs, 67 % de copieurs, 45 % de falsificateurs, 98 % de branleurs, 56 % d’arrogants obsessionnels et 84 % d’abrutis sourds et aphasiques – et ce n’est pas de ma faute si alors on dépasse plus qu’allègrement les 100 % parce que, comme son nom l’indique, le math coreux moyen est aussi laborieux que cumulard.
The Glad Husbands c’est à peu près tout le contraire de ce portrait hâtivement brossé mais pourtant complètement fidèle à la réalité de l’engeance math-core. Déjà vous remplacez cette terminologie « hardcore » par le terme tout aussi général mais bien plus transpirant et sale de punk. Ces garçons savent jouer, ils en foutent même de partout (le batteur aime double-pédaler sévère comme un vacancier en goguette sur le lac d’Annecy) mais ils n’ont pas cette prétention trompeuse de l’étalage des bijoux de famille ou de la démonstration sportive à heure de grande écoute et ils privilégient une énergie aussi dense que vivifiante, brute que maîtrisée. La jeunesse et la fougue du jeune chien fou alliée à la sagesse malicieuse du vieux singe.
The Glad Husbands ça envoie donc méchamment et savamment mais le groupe sait également calmer le jeu, prendre le temps de ramper par terre, de détourner l’attention vers une tension malsaine mais contenue, au bord de l’explosion, un peu à la façon d’un Dazzling Killmen – par exemple, la partie finale de Her First Big Machete avant ce formidable enchainement avec Falling Ventilators – et ce n’est pas le moindre des compliments que l’on peut faire au groupe. C’est dans ces moments là et au milieu d’incessantes explosions (God Bless The Stormy Weather en est littéralement truffé) que l’on devine qu’avec The Glad Husbands on tient un groupe précieux, qu’on ne va pas le lâcher de sitôt et dont on espère pouvoir le découvrir un jour en concert. Vendez-moi du rêve.

lundi 24 septembre 2012

Three Second Kiss / Tastyville





En 2008 le label Africantape signait son acte de naissance en publiant – conjointement avec Sickroom records – Long Distance, le cinquième album de THREE SECOND KISS. Il aura donc fallu attendre quatre années pour en écouter et découvrir la suite et Tastyville marque une rupture certaine dans l’histoire musicale du groupe italien. C’est le batteur Sacha Tilotta (également responsable de l’enregistrement et du mixage du disque) qui joue les quelques notes d’orgue égrenées en introduction puis en conclusion de Caterpillar Tracks Haircut : un orgue placé là comme un avertissement tranquille – attention ça va être un peu différent de ce que vous connaissez déjà de nous – mais aussi comme une invitation – êtes-vous prêts à nous suivre là nous voulons aller, maintenant ?
La réponse est indéniablement oui. Sans radicalement jouer la carte révolutionnaire ou celle de l’apaisement (bien que le chant soit plus coulant et parfois légèrement distant – le merveilleux Maya – et bien que les guitares fassent le dos rond) Three Second Kiss a beaucoup changé. Ni en bien et ni en mal, juste changé. L’évolution est palpable, elle est belle et intrigante, il y a même un parfum de psychédélisme pop et nonchalant qui parcourt Tastyville de part en part mais la tension y est toujours présente, dans la complexité des lignes entremêlées de la guitare qui tricote la tête en bas alors que tant d’autres s’échinent en vain à faire du point de croix avec trop d’application, dans les parties de basse qui déploie des trésors de contrechamps et de déviations et avec cette batterie à la fois aérienne et précise.
Tastyville est un album lumineux et éclairé, habité et volontaire, d’une finesse qui ne tourne jamais à l’obsession du détail ni à la démonstration forcée d’un savoir-faire exemplaire. Un disque d’une lucidité crue et épicurienne – le bonheur, simple, qui descend du ciel vers la mer* nous confie une voix amie au début de Vampirized et c’est exactement de cela dont il s’agit. Three Second Kiss pourra un jour se vanter d’avoir enregistré un album de noise rock funambule et poétique jouant sur la finesse des émotions et la justesse d’une sérénité partagée et surtout évitant toute forme de pathos vicelard et de frontalité belliqueuse. La sueur et les larmes sèchent doucement sous les assauts d’un vent subrepticement chaud et enveloppant et Tastyville inscrit une nouvelle marque indélébile et franche dans le paysage musical actuel, comme avaient pu le faire en leur temps des groupes aussi justement décalés mais finalement totalement à propos que Red Krayola, US Maple ou Storm And Stress.

Tastyville est publié en vinyle et CD à pochette cartonnée par Africantape – seuls les geeks et les furieux seront intéressés par le fait de savoir que le mastering de ce disque a été assuré par Bob Weston.  

* on dirait du Jean-Claude Izzo, non ?

dimanche 23 septembre 2012

Sourvein / Black Fangs




Les albums de SOURVEIN sont suffisamment rares pour que l’on ne s’abstienne pas d’en parler. D’autant plus que ce Black Fangs est le premier long format de Sourvein depuis Will To mangle (en 2002 et chez Southern Lord) et après une longue suite ininterrompue de singles, splits et autres mini-albums de qualités très diverses. En fait cet album on l’attendait plus ou moins depuis 2009 et l’annonce de la signature de Sourvein chez Candlelight records… il sera finalement publié à l’été 2011. Il a donc été difficile à enregistrer, le line-up du groupe étant des plus instables – seul le chanteur Troy Medlin (T-Roy pour les intimes) étant un membre permanent – et variant y compris au cours de l’enregistrement de Black Fangs.
Qu’il y ait eu plusieurs sessions d’enregistrement distinctes, ça on veut bien le croire car à l’écoute de Black Fangs les différences de qualité sonore et de production sont parfois flagrantes d’un titre à l’autre. Ce qui par contre ne varie par beaucoup c’est l’originalité de la musique de Sourvein : du sludge avec quelques relents stoner (Fangs) – dans le meilleur des cas on écoute un ersatz de EyeHateGod, pour le pire c’est à vous de voir... Car côté inspiration ce n’est pas non plus la folie hystérique. Le pas très bon (Gemini) peut précéder le moins mauvais voire le presque bon (Bleeding Charm) et on se perd un peu à tenter de trouver dans les dix titres de Black Fangs l’étincelle qui nous fera enfin palpiter du cortex.
La seule façon d’apprécier un tant soit peu Black Fangs c’est donc de l’écouter très fort, un peu comme cette mauvaise gnôle dont il faut boire beaucoup pour oublier avec le reste qu’elle a également un goût vraiment dégueulasse. Certains vous diraient que Sourvein souffre d’avoir enregistré l’album Will To Mangle (à cette époque Liz Buckingham, ex 13 et future Electric Wizard était encore dans le groupe mais plus pour très longtemps) et que ce deuxième album représente une barrière que T-Roy et sa bande sont depuis incapables de franchir. Il y a du vrai là dedans.
En tous les cas vérifier la bonne santé ou le délitement définitif de Sourvein sera bientôt possible puisque le groupe annonce qu’il a dores et déjà enregistré son quatrième album, qui plus est avec un line-up stable (enfin… avec tout de même un nouveau batteur). Pour celles et ceux qui préfèrent se demander si Sourvein ce n’était pas mieux avant sachez que le tout premier album sans titre du groupe (originellement publié en 2000)  vient d’être réédité en vinyle phosphorescent (!) par Hydro-Phonic records.

La version CD de Black Fangs a été publiée par Candlelight records. La version LP, d’un vinyle aux couleurs très incertaines et dotée en bonus du 7’ quatre titres Imperial Bastard, est elle disponible chez Emetic records.

samedi 22 septembre 2012

eaRLy W / Five : Grauzeit




Il semblerait que ce disque publié en 2011 soit presque complètement épuisé* ou pas très loin de l’être mais parlons-en malgré tout parce qu’il est d’un intérêt musical et historique certain voire primordial : comme le suggère les jeux de lettres entre minuscules et majuscules de eaRLy W, Five : Grauzeit documente les premiers enregistrements du premier groupe de RLW/Ralf Wehowsky.
Voilà qui éclaire sous un jour singulièrement nouveau le travail de cet expérimentateur/compositeur allemand qui a marqué les années 80 avec son groupe post industriel/expérimental P16.D4** et les années 90 avec ses enregistrements en solo plus proches de la musique acousmatique. Sur Grauzeit figure un line-up qui donnera bientôt naissance à P16.D4 et les deux derniers titres du disque ont même servi de base à la toute première cassette de ce groupe en 1981***.
Grauzeit n’est absolument pas un disque estampillé années 80 mais au contraire reste résolument tourné vers les 70’s et un peu plus précisément vers l’école de Canterbury. Un mélange de rock incandescent et spatial et de free jazz cérébral. Mais ce qui différencie Grauzeit ce sont ces interventions bidouillées/électroacoustiques qui frisent l’international cosmique – à égalité avec les rares interventions de voix sous forme de slogans balancés en l’air ou de certains raclements de guitare qui eux rappellent par contre le meilleur du post punk tendance no wave qui tente d’imiter Sonny Sharrock. Alors il ne faut pas trop se fier à la basse souvent bien mise en avant et dont les lignes tendraient à nous faire croire que l’on est en train d’écouter un disque de rock progressif du genre virulent et sous speed.
Au contraire, plus on avance dans l’écoute de Grauzeit et plus l’étrange et le bizarre prennent de la place, moins la décennie progressive/kraut impose son diktat et on a bien conscience de découvrir là la genèse d’un groupe qui quelques années plus tard sera reconnu comme un groupe important et majeure de sa génération.
Enfin on signalera l’excellente qualité de ces bandes : il s’agit d’enregistrements studios peut-être parfois un peu cheap sur les bords mais absolument pas d’ignobles résidus de surfaces magnétiques. Tout ceci provient directement des archives de Ralf Wehowsky****, lequel s’avère être un conservateur averti et méticuleux. On ne va pas s’en plaindre.

* il n’a été publié qu’à cent exemplaires en CD par le label Songs From Under The Floorbords – qui est aussi le titre d’une chanson de Magazine –, en fait un sous-label de Intransitive Recordings chez qui il semble toujours disponible… une autre édition chez Absurd records est par contre complètement sold out
** certains disques de P16.D4 ont été réédités (Kühe In ½ Trauer en 1994 par Odd Size ou Tionchor en 1998 par Sonoris par exemple) mais ces rééditions sont elles-mêmes devenues introuvables à des prix décents : il serait grand temps qu’un autre label remette ces magnifiques enregistrements à la lumière
*** en attendant ce groupe s’appelait encore P.D. et a publié un unique album Inweglos en 1980, un album réédité en 2004 par Absurd records mais toujours et encore épuisé
**** il existe plusieurs disques estampillés eaRLy W : In Search of C.R chez Swill Radio en 1999, Nur Die Tiere Blieben Übrig en 2001 sur le même label, Neue Deutsche Peinlichtkeit chez WSDP en 2004 ou Ajatollah Carter la même année chez Editions Zero – tous ou presque ont le même type de pochette et ils participent également à une nouvelle forme impitoyable de recherche du Saint Graal

vendredi 21 septembre 2012

Narrows / Painted




D’aucuns prétendent, légèrement mauvaises langues sur les bords et avec toute la mauvaise foi nécessaire, que l’unique raison de s’intéresser à NARROWS est liée à la présence dans ses rangs du chanteur Dave Verellen – l’ex hurleur des mythiques Botch. Autant affirmer pendant qu’on y est que sans Verellen Narrows, groupe fondé aux alentours de 2008, ne tiendrait absolument pas la route et ne serait qu’une pauvre petite formation de bouseux comme tant d’autres… Allons bon, on ne va pas vous refaire une nouvelle fois le coup du super groupe et des vétérans au savoir ancestral mais il n’y a pas que des bouts de Botch dans Narrows, on y trouve également un petit peu de Some Girls et de These Arms Are Snakes c'est-à-dire pas vraiment n’importe qui non plus.
Pour se convaincre il suffit juste de s’enfiler Painted, le deuxième album du groupe publié cette année par Deathwish Inc. Du hardcore très sombre et très lourd, bien plus rampant que chaotique, plus visqueux que frénétique et, donc, d’excellente facture et d’un haut niveau. Narrows privilégie plutôt les mid-tempos soutenus et parfois les tempos lents – les introductifs et excellents Under The Guillotine et TB Positive sont les titres les plus rapides de l’album –, multiplie les barrières de riffs infranchissables et ménage son groove grâce à une paire rythmique impériale (écoutez bien les énormes lignes de basse, de la pure incitation à headbanger).
Or Narrows a plus d’une corde à son arc : le groupe est aussi capable de mélodies catchy et terriblement imparables (Absolute Betrayer est un hit absolu) ou multiplie les ambiances (un peu d’atmosphères industrielles sur Greenland avant de sombrer vers le côté obscur). L’album se bonifie inexorablement avec le temps c'est-à-dire que si les deux ou trois premières écoutes sont extrêmement convaincantes, les suivantes persuadent sans difficulté que Painted est tout simplement un excellent album de hardcore sans concession, massif mais jamais inutilement hystérique ou stupidement démonstratif et sportif. Ça suinte à chaque instant et on peut s’émerveiller qu’un tel disque soit sorti des entrailles de cinq musiciens qui ne sont plus vraiment des gamins, qui ont tous une famille et une vie palpitante en dehors de la musique et pour qui Narrows constitue un plaisir certain mais reste une activité annexe et sûrement pas à temps plein.
Et maintenant c’est la minute du geek : SST conclue Painted de fort belle façon mais tout n’est pourtant par réellement terminé car un locked groove bloque la tête de lecture de la platine et dissimule un mystérieux titre bonus à la fin de la seconde face du disque… **** *** ****** est présenté comme une composition de Steven  Morrissey et Martin James Borer et il s’agit en fait d’une reprise du Jack The Ripper de Morrissey, comme quoi tout est possible en ce bas monde.

Painted  a été pressé en vinyle blanc, bleu ou gris par Deathwish Inc., fais-ton choix camarades.

jeudi 20 septembre 2012

Zulus / self titled




Avec un artwork vraiment affreux et digne d’un chef-d’œuvre de fin d’études par un élève en CAP d’histoire de l’art, on ne peut pas dire que les ZULUS ont décidé de mettre tous les atouts de leur côté. Comme l’url du site officiel du groupe l’atteste, Zulus est également basé à New-York et même à Brooklyn – et oui, encore un.
Ce disque sans titre est le premier véritable album de Zulus après deux petits singles. Un album très court, dépassant à peine la vingtaine de minutes et dévoré par une réverb omniprésente qui noie le chant sous une masse informe façon blob amateur de gloubiboulga ou body snatcher boulimique. Un peu comme si le préposé ou les préposés au micro chantaient avec une patate coincée au fond de la bouche depuis le fin fond d’un puits de mine à charbon. Malgré tout on arrive à discerner qu’effectivement ces garçons ne peuvent pas faire grand-chose avec leur voix et donc on comprend parfaitement qu’ils veuillent les masquer ainsi. Mais trop c’est trop et le niveau de reverb utilisée n’a aucune chance de passer pour une quelconque marque de fabrique mais bien pour le cache-misère qu’il est dans la réalité.
C’est dommage parce que le reste est plutôt bien. Comme son nom ne l’indique pas Zulus n’est pas un énième groupe influencé par les zookeries indigestes d’Animal Collective and C° mais sort allègrement les guitares pour une sorte de punk éjaculateur précoce, arty, survitaminé et plutôt garage. L’esprit de John Dwyer pourrait planer au dessus de ce disque si les compositions étaient vraiment à la hauteur mais cela ne semble pas non plus être le principal souci de Zulus qui privilégie plutôt l’énergie brute et le va-comme-je-te-pousse avec une jubilation certaine. On pourrait également penser aux très regrettés A-Frames si le son de disque bavait beaucoup moins sur les bords. On citera enfin Sonic Youth et les affreux Liars dont les influences respectives sont des plus palpables sur Death In The Current.
En fait on a surtout l’impression que Zulus se cherche encore. Le groupe a beaucoup de bonnes idées, des idées qui permettent de penser qu’il y a là un potentiel certain et chargé d’un avenir peut-être radieux. Mais maintenant il va falloir confirmer tout ça, il va falloir affiner les compositions, changer de pédales d’effet (ou de chanteur) et sortir de l’option bordel sans queue ni tête. Prometteur, donc.

Ce disque est publié en CD digipak et en LP par Aagoo records.

mercredi 19 septembre 2012

Report : Loup au Kraspek - 16/09/2012




Quelle bonne idée que de programmer LOUP au Kraspek. Et quelle meilleure idée encore que d’organiser un concert avec des musiciens invités se greffant au duo d’origine composé de Clément Edouard et de Franck Gaffer. La programmatrice du Kraspek – non, je ne la connais pas personnellement – fait tout ce qu’elle peut pour faire enfin évoluer le lieu et sa programmation un rien trop pépère vers quelque chose de plus excitant et elle semble enfin parvenir à ses fins. Pourvu que ça dure.
Et en plus, pour un dimanche soir, le public est tout à fait honorable. Des fans, des connaisseurs et des curieux, bref tout ce qu’il faut pour assurer les applaudissements de rigueur. Cette soirée s'annonce bien.




La première partie de la soirée consiste donc en un concert de Loup accompagné de musiciens amis : à ma droite Romain que l’on connait pour être membre des excellents Kouma et Polymorphie* ; à ma gauche Arthur qui est le saxophoniste de Kanine. Donc, pour résumer, deux musiciens invités connaissant très bien ceux de Loup puisqu’ils jouent déjà avec l’un ou l’autre dans d’autres formations**. Surtout ce line-up donne à entendre quelque chose d’assez rare c'est-à-dire la gamme presque complète des saxophones : Romain est au baryton, Arthur au ténor et Clément à l’alto – le soprano ce sera peut-être pour une autre fois.
Le concert est très acoustique et frontal : Clément délaisse sa bidouille habituelle pour se concentrer sur son instrument, les trois saxophonistes se font face et partent d’emblée tous ensembles pour un joyeux maelstrom où les timbres s’emmêlent hardiment. Au bout d’une demi-heure de montagnes russes entre paroxysmes free et moments plus apaisés et parfois très beaux le constat s’impose de lui-même – le plaisir qu’ont ces quatre garçons à jouer ensemble est aussi évident que communicatif. En matière d’impro/free jazz cela prend ou cela ne prend pas et cette formation inédite de Loup & Guests tient toutes ses promesses, celle d’une musique exubérante, vive, énergique et sans fard. Une expérience réussie et à renouveler.




Vient ensuite le concert de Loup proprement dit : Clément retourne derrière sa petite table sur laquelle trône ses appareils à bidouille. Le duo présente une set-list largement tirée de The Opening, son deuxième et tout récent album. Le duo maitrise aussi bien le côté très acoustique que le coté transformé/électronique de sa musique or il y a toujours quelque chose de nouveau à un concert de Loup, quelque chose que l’on découvre pour la toute première fois – Loup possède cette faculté plutôt rare de ne pas se répéter tout en se forgeant une identité propre et à cheval sur des idiomes musicaux qu’à priori tout oppose : un peu (beaucoup) de free par ici, de l’ambient drone par là et une pincée de noise pour épicer le tout.
Fait réellement marquant lors de ce concert au Kraspek, la façon dont Loup joue avec les cassures et les silences a bien occupé les esprits. On n’affirme pas uniquement cela à propos du titre Drums Unit dont le duo a donné une interprétation survoltée mais parce que les liens que tissent les deux musiciens entre eux finissent par réellement se voir et s’appréhender comme tels, des liens sur lesquels chacun tire à l’envie, déclenchant chez l’autre une réaction attendue ou non. Alors peut être que cette impression de jeu continuel sur les cassures et les silences (toujours très brefs !) vient de là, de ce ping-pong permanent et ne choisissant surtout pas entre l’option ludique et l’option cérébrale. Un peu à l’image du balancier sans fin du groupe entre les techniques instrumentales classiques (saxophone alto et batterie) et électroniques (pad et ordinateur). Quoi qu’il en soit la musique de Loup garde toujours cette spontanéité qui en concert la rend encore plus précieuse.

[les amateurs de souvenirs peuvent voir quelques photos de ce concert ici]

* juste en guise de rappel et parce que l’on aime vraiment ça : Polymorphie sera en concert au Périscope le vendredi 28 septembre
** dans Polymorphie on retrouve également Clément alors que Franck est le batteur de Kanine

mardi 18 septembre 2012

Zebras / self titled




ZEBRAS est un drôle de groupe qui débarque de nulle part – d’un coin paumé du Milwaukee pour être vaguement plus précis – et qui a publié en juillet 2012 son tout premier album, enregistré avec les moyens du bord* et publié en complète autoproduction sous tous les formats physiques existants encore dans notre joli monde en déroute** : une version vinyle (la version en couleur est sold-out depuis belle lurette), une version CD numérotée à la main et une version cassette tiers-mondiste.
Mais le plus beau c’est que Zebras est un groupe inclassable. Ces jeunes gens prennent un malin plaisir à l’affirmer par eux-mêmes mais ils ont en fait complètement raison : ils aiment beaucoup trop de musiques différentes, ils ont mis beaucoup trop de choses variées dans leur disque et ils ont si bien su digérer tout ça que l’on serait bien en peine de caser Zebras dans une petite catégorie trop spécifique et donc normative. Bien que parfois difficile sinon exigeante, la musique du groupe est donc extrêmement rafraichissante car complètement inattendue et elle assouvit un besoin bien légitime d’écouter quelque chose d’autre et surtout d’un peu différent tout en se servant de codes préexistants.
En insistant un peu on pourra penser à propos de Zebras à un Steel Pole Bath Tube sous speed, à un Racebannon en moins métallique ou encore à un jeune Barkmarket dopé aux radiations intergalactiques*** mais on laissera à chacun le plaisir de comparer ou pas cet excellent groupe à quelques grands anciens ou simples prédécesseurs. Personnellement, plus j’écoute ce disque et plus je bloque sur le chant. Un chant insistant, outré voire se vautrant dans l’exagération et qui là aussi me rappelle plein de bonnes choses tout en s’en éloignant constamment.
Et plus ça va plus Zebras me fait penser à un groupe qui aurait totalement sa place sur un label aussi tordu et défenseur des différences qu’Alternative Tentacles... originalité du propos, line-up inhabituel (chant/logorrhée mongoloïde, bidouille électronique sidérale, guitare cosmique et acide, batterie martiale et stakhanoviste et basse vrombissante – basse uniquement présente sur la seconde face), compositions entre fureur électrique et déraison progressive et, au final, un disque qui s’impose tout simplement pour ce qu’il est : un moment de bravoure déraisonnée, une déflagration incontrôlable mais salvatrice et un grand trou noir vers la quatrième dimension. Psycho.

Ce disque sans titre**** est disponible uniquement auprès de Zebras via l’inévitable page bandcamp du groupe.

* l’insert donne la liste de toutes les personnes qui ont précommandé ce disque avant même son enregistrement
** l’insert précise qu’il s’agit de papier et cartonnage recyclé
*** les paroles n’ont pas l’air spécialement gai mais on note une référence explicite à Sun Ra sur Diablo Blanco
**** un disque peut-être sans titre mais les ronds centraux de chacune de ses faces en affiche pourtant un – face A : Impending Doom ; face B : The Fate Of A World Plagued By Soulless Shits

lundi 17 septembre 2012

Om / Advaitic Songs




Il commence vraiment sous les meilleurs auspices ce nouvel album de Dead Can Dance : Addis est une chanson extrêmement envoutante, marquée par un rythme lancinant, une mélopée orientale et des arrangements de cordes précieux… Décidément, je n’en attendais pas autant de cet improbable retour de mes amis Lisa et Brendan, dans la droite lignée des meilleurs moments de Within the Realm of a Dying Sun et ███ ████████ █████ █ ██████ ██████ ██ ███████████ ███ █████ █ ███████ !!!?? Oui, quoi ? OK, pardon, excusez-moi. Le comité Posture Idéologique & Défonce Musicale de 666rpm s’occupera peut être un peu plus tard de la dernière œuvre de Mademoiselle Lisa Gerrard et du Damoiseau Brendan Perry alors ne perdons pas plus de temps.
Addis est en fait inspiré d'un mantra et est surtout le premier titre d’Advaitic Songs, le cinquième album d’OM. Le descriptif qui en a été fait juste au dessus n’est pourtant pas une erreur et Addis marque le début de certains changements dans la musique du groupe composé du bassiste/chanteur Al Cisneros (Sleep) ainsi que du batteur Emil Amos (Grails). Des changements que l’on aurait pu deviner et que de toute façon on ne pouvait que souhaiter : d’un côté il faut bien admettre que la formule du duo commençait à sérieusement tourner en rond et à sentir l’encens cramé et l’eau croupie abandonnée au fond d’un baptistère ; un autre point de vue consiste à dire que OM a toujours été porté sur le mysticisme et le religieux ne serait-ce qu’au travers de ses visuels – regardez un peu combien de pochettes du groupe reprennent une iconographie sacrée – mais aussi de ses textes et de certaines de ses ambiances musicales.
Alors fini les tâtonnements à base d’ambiances tibétaines un peu faciles et de larmoyances de schtroumpf grognon en mode je vous ai compris mais pas vous, Al Cisneros a donc sauté le pas, sans doute conscient que le remplacement de Chris Haikus (également ex batteur de Sleep) par Emil Amos n’avait jusqu’ici été guère satisfaisant ni suffisant pour insuffler un nouvel élan à OM : God Is Good, le précédent album du duo et le premier avec Amos n’était pas vraiment une réussite. Le doom shamanique de OM mue donc sur Advaitic Songs en une musique toujours plus imprégnée d’emprunts moyen-orientaux et levantins et rehaussée d’arrangements de cordes (violon et violoncelle), de flute, de percussions additionnelles (tablas), de tamboura (une sorte de luth) ou de samples. Le chant féminin sur Addis est assuré par Kate Ramsey et il est vrai que le résultat semble étonnamment proche d’un Dead Can Dance opiacé.
Mis à part sur State Of Non-Return (et dans une bien moindre mesure sur Gesthsemane) qui garde les accents telluriques du OM d’avant, tout Advaitic Songs est parcouru par cette nouvelle vision qu’a Al Cisneros de sa musique. Un vrai courant d’air frais, presque une bénédiction et malgré la crainte de tomber dans une sorte de mysticisme de pacotille façon décorum baba-kitsch, il n’en est rien. Admettons que l’on peut rester complètement insensible à la mystique et à l’attirance religieuse d’OM – tout comme les écoutes répétées du génial Hum-Allah-Hum-Allah-Hum-Allah n’ont pas converti tous les fanatiques de Pharoah Sanders à l’Islam – mais il existe bel et bien un esprit de transcendance que l’on peut partager à l’écoute de cette musique, simplement pour la beauté de la chose, en tout bien tout honneur pourrait-on même dire.
Advaitic Songs est parcouru dans son entier par des rythmes d’une lenteur ajustée pour un ensorcellement presque assoupi, le rituel devient réellement envoutant mais conserve une torpeur certaine. La basse d’Al Cisneros tourne toute en rondeur, son chant s’efface presque jusqu’à la litanie et Advaitic Songs se conclue de manière presque trop classique sur un Haqq Al-Yaquin aux arrangements finaux un poil trop luxurieux.

[Advaitic Songs est publié en CD et vinyle – un double 12’ qui tourne à 45rpm et qui donc sonne terrible – par Drag City]


OM c’est aussi des concerts envoutants mais on peut se demander ce qu’il en sera désormais avec un album aussi léché qu’Advaitic Songs et dont les arrangements semblent difficiles à reproduire sous la même forme. On pourra peut-être répondre à toutes ces questions essentielles lors de la prochaine tournée européenne d’OM : celle-ci passera par Lyon et le Sonic le dimanche 23 septembre – en espérant que la salle qui actuellement joue la montre, effectue des travaux conséquents et des aménagements importants pour se remettre aux normes et rouvrir le plus tôt possible, réussira son pari.

dimanche 16 septembre 2012

A Snake Of June / self titled




C’est dimanche et le dimanche c’est poésie.

Je ne sais pas si vous ça vous énerve mais moi je ne supporte pas les chasses d’eau déficientes. Ces bouts d’étron qui remontent à la surface de l’eau dans la cuvette des chiottes malgré le gaspillage insensé de cinq litres d’eau potable pour évacuer tout ça – mais c’est bientôt la fin du monde donc la plupart d’entre nous n’auront même pas le temps de mourir de soif.
C’est exactement ce qui s’est produit avec ce CD d’A SNAKE OF JUNE : la secrétaire de direction était pourtant chargée de trier les disques promos reçus depuis le début de l’année – c'est-à-dire de tous les balancer à la poubelle, sans exception – mais elle a oublié celui-ci*. Et en plus elle a cru bon ensuite de le mettre dans la boite à musique pour l’écouter pendant qu’elle passait l’aspirateur sur la moquette de la salle de réunion de 666rpm. Un disque qui lui aussi remonte à la surface de l’oubli… je vous l’avais bien dit qu’aujourd’hui ce serait poésie.
Mais le hasard fait bien les choses. Ce mini album – quatre titres, vingt-cinq minutes de bruit –, il aurait fallu le chroniquer bien avant. Il le mérite largement. Je vous fais rapidement le topo : A Snake Of June c’est deux grosses basses qui beuglent, une batterie qui pilonne et une voix qui braille – non ce bourdonnement apocalyptique n’était pas celui de l’aspirateur. Et c’est presque aussi simple que ça. Quel que soit le registre emprunté, du lent et lourd au crust avarié en passant pas le sludge, la noise ou le post hardcore, il n’y a en tout et pour tout que deux constantes chez A Snake Of June : le gras polysaturé et omniprésent des deux basses et le chien galeux qui aboie derrière. La voix c’est peut être ce qui pourrait refroidir certains mélomanes et se la prendre en pleine face dès le titre d’ouverture La Montagne Est Belle** est certes un peu rude.
Celles et ceux qui sont moins chochottes et un peu plus habitués aux débordements de gras double sous champignons apprécieront au contraire et, musicalement, mettront le doigt sur les inévitables comparaisons entre A Snake Of June et les dinosaures Godheadsilo et Milkmine, le tout sous le haut patronage de la paire Unsane/Neurosis. Ces quatre titres dont un Cougar aux relents épiques très réussis forment plus qu’un bon premier petit disque : ils laissent clairement à entendre que ces quatre gugusses originaires de Dordogne ont un sacré potentiel et ont pas mal d’atouts pour s’imposer dans le paysage pourtant surchargé des groupes down tempo/hardcore/noise. A suivre !

Ce disque sans titre a été publié en CD digipak par Day Off et Some Produkt.

* ce disque d’A Snake Of June a débarqué ici il y a presque huit mois, ce qui en dit long sur l’entrain et la rapidité du chroniqueur : si jamais tu joues dans un groupe et que tu as déjà envoyé ton disque ici ne perds donc pas patience, sa chronique est peut-être pour demain (ou pas) ; si tu veux envoyer ton disque mais que tu n’oses toujours pas ne te gène pourtant pas pour le faire, à cette adresse et à tes risques et périls
** néanmoins la qualité d’élocution ne permet pas de se rendre compte s’il s’agit ou non d’une reprise de Jean Ferrat

samedi 15 septembre 2012

La « rentrée » de Grrrnd Zero : traffic d'émotions





Je reproduis ci-dessous un communiqué de Grrrnd Zero que vous pouvez par ailleurs lire sur le site du collectif. Cette « rentrée » a un goût amer que l’on peut facilement déceler entre les lignes de ce texte néanmoins combatif et militant. C’est beau l’espoir.

Une nouvelle fois je ne peux que vous inciter – je parle pour les lyonnais et les gens du coin – à soutenir Grrrnd Zero en assistant aux quelques concerts que le collectif a déjà programmés dans son nouveau et déjà futur ex-hangar ou ailleurs, hors les murs comme on dit pudiquement.

Quelques dates à venir, en vrac, sachant que toute la programmation est consultable, toujours sur le site de Grrrnd Zero :

Black Dice + Andrea Parkins et Ignatz Schick le 17 septembre
Chris Corsano + Sir Richard Bishop + Ben Chasny = Rangda le 15 octobre
Doomsday Student le mardi 25 octobre
Skoal Kodiak le vendredi 2 novembre

[…]

Cet été, on a pas beaucoup bronzé finalement. Le mois d'août qui vient de filer, avec ses 52°C de moyenne, certains ont préféré le passer dans nos bureaux de Brossette à fomenter une sorte de hold-up contre la fatalité du Plan Urbain, un plan fumeux auquel on croyait pas trop au début puis qui, petit à petit, s'est mis à ressembler à quelque chose de pas si débile.

Aujourd'hui, en l'état des choses, Grnd Zero est éjectable du 40 rue Pré Gaudry à la date du 31 décembre 2012. Toujours à cause d'un processus d'urbanisme-pseudo-participatif-à-la-cool, la Zone d'Aménagement Concertée dite des Girondins, à laquelle on ne peut rien redire. Notre beau lieu bientôt rasé et à la place une série d'immeubles de verre pour des entreprises du tertiaire, de résidences sécurisées tout confort avec interphone à reconnaissance rétinienne, et de promenades familiales aux proportions d'autoroutes....
Au 1er janvier, la propriété de notre bâtiment passe du Grand Lyon à un aménageur/démolisseur décidément bien mystérieux.
Et d''ici à la fin de l'ultimatum, tout reste encore à négocier, à pousser, à forcer le passage...

Mais, comme on vient déjà de vivre une pénible année sans espace fixe de concerts et de fêtes, avec cette épée de Damoclès planant au dessus du Grnd Zero Gerland, on voulait pas d'une rentrée de septembre (peut être la dernière en ces lieux) toute triste.
Grnd Zero est donc en train de bosser dur et va ouvrir un nouvel espace, oui, temporaire mais c'est déjà ça, pour qu'on puisse enfin recommencer notre petit trafic d'émotions.
Grnd Zero est actuellement en travaux et vous annonce qu'il ouvrira fin septembre un nouveau lieu de concerts, dans lequel vous serez enfin protégés par les kilomètres de papiers du Code de Sécurité, un bout du hangar des anciennes usines Brossette, au fond de notre parking du 40 rue Pré Gaudry.
Un autre bout de territoire, juste à côté de l'ancien, pour au moins trois mois de bonnes vibes.

Grrrnd Zero jamais mort.