Un dimanche à marquer d’une pierre blanche : le SONIC a pu rouvrir juste quelques jours auparavant, après plusieurs semaines de travaux intenses et un nombre incalculable de points de soudure et de canettes de bières vidées – tout le monde aura bien sûr remarqué cette magnifique cage à poulet entourant désormais la console de mix – et c’est vraiment un plaisir que de pouvoir enfin retourner dans cette salle.
OM y joue ce soir et c’est également un
évènement : l’album Advaitic Songs aura marqué les
esprits au moins pour cette volonté du duo d’élargir ses horizons tout en ne
reniant pas complètement son passé. Un disque qui se prête très bien à la
glandouille apathique et masturbatoire – celle qui consiste à fixer son plafond
pour tenter d’y découvrir les mystères de l’univers enfin dévoilés par les
vapeurs bleutées de la tisane de 17 heures. De la bonne musique de hippies, somme
toute (même si associer le terme de « bon » et celui de
« hippie » me donne vraiment la nausée).
On annonce également, date unique en France oblige, que le concert risque d’être
complet (ce fut bien le cas : 180 personnes se sont entassées au Sonic) et que des billets en prévente sont disponibles. C’est en découvrant que ceux-ci donnaient le
droit d’acquérir une
jolie place de concert tout comme celles qui se faisaient avant – avant
c’est ce temps plus ou moins lointain quand tout était beaucoup mieux que
maintenant et surtout que demain – que j’ai cédé à la tentation. De quoi me
permettre d'oublier l’annulation du concert de Buildings qui devait avoir lieu le
même jour à Buffet Froid mais en fin d’après-midi. Deux concerts si différents
dans la même journée, cela aurait été si délicieusement déraisonnable…
SATHÖNAY
joue en première partie dans un Sonic déjà plus que bien rempli. Sathönay c’est
le projet solo de Nico Poisson (Ned, Rubiks, Chapel 59, Total Eclipse, etc.)
quoiqu’il me semble qu’au tout début il s’agissait d’un duo. On a donc droit à un bonhomme
planté sur un tabouret devant un parterre de pédales et de machines – une
boite-à-rythmes particulièrement récalcitrante –, chantant et jouant du saz
électrique.
Je n’avais jusqu’ici guère prêté attention à
Sathönay et j’avais tort. Puisant son inspiration dans des musiques que
j’imagine moyen-orientales, balkanique ou ottomanes (mais je n’y connais rien…),
Sathönay c’est avant tout des compositions abouties reposant aussi bien sur des
mélodies inhabituelles pour des oreilles occidentales surgavées, un chant
étrangement touffu et une utilisation du saz qui laisse pantois. Quel bel
instrument.
Un peu plus tard dans la soirée j’ai appris que
l’avant-dernier titre joué par Sathönay était en fait une chanson folklorique
grecque : ce fut assurément l’un des plus beaux moments de ce concert avec
cette insistance litanique et presque magique proche des illuminations d’un Daniel Higgs… Sachez
également que Sathönay annonce la parution de son tout premier album pour très
bientôt et qu’en attendant on peut en écouter quelques extraits sur sa page bandcamp.
Le Sonic ne désemplit pas pendant le changement de
plateau entre Sathönay et OM et on
ressent très nettement l’impatience grandissante du public. On remarque
également en inspectant la scène que OM va présenter un line-up à trois :
en plus de Al Cisneros (basse/chant) et Amil Amos (batterie) un troisième
membre va s’occuper de percussions, de samples, de synthés, d’un peu de guitare
(mais oui !) et de chant. Et je vais passer une bonne partie du concert de
OM à me
demander où j’avais déjà pu voir cette tête là… – puisque après le concert
j’ai demandé confirmation à l’intéressé je peux vous affirmer que oui, il
s’agissait bien de Robert Lowe, ancien
membre des 90 Day Men, un groupe d’indie rock US dont je ne saurais trop
vous conseiller l’album (It (Is) It)
Critical Band paru chez Southern records en 2000.
Mais je m’égare. Il n’empêche que sans Robert Lowe
OM serait complètement incapable de redonner les couleurs plus ethniques et
contemplatives que possède désormais sa musique. Ce troisième membre est quasiment
responsable de tout le rendu mélodique et ornemental de compositions qui sinon
tiennent presque du dub minimal et s’éloignent définitivement du doom, même si
on peut parler à propos de OM de doom shamanique et mystique.
Mais c’est là que le bas blesse : laissons de
côté le jeu de batterie assez insupportable d’Emil Amos (tout est question de
goût), par contre on trouve malheureusement qu’Al Cisneros n’arrive que fort
peu à faire passer ne serait-ce qu’une toute petite partie de l’électricité
transcendantale qui semble le traverser de part en part. Si les gimmicks de OM
fonctionnent très bien sur disques, le cul bien calé sur le tapis du salon en
fausse laine de mouton, en concert la litanie devient rapidement pénible et désespérément
longuette. On rajoutera que les moments de bravoure étaient bien trop rares
pour relever l’intérêt d’un concert qui a tourné à la messe idolâtre pure et
simple. Déception et ennui.
[des photos moites et transpirantes du concert ici]