lundi 24 septembre 2012

Three Second Kiss / Tastyville





En 2008 le label Africantape signait son acte de naissance en publiant – conjointement avec Sickroom records – Long Distance, le cinquième album de THREE SECOND KISS. Il aura donc fallu attendre quatre années pour en écouter et découvrir la suite et Tastyville marque une rupture certaine dans l’histoire musicale du groupe italien. C’est le batteur Sacha Tilotta (également responsable de l’enregistrement et du mixage du disque) qui joue les quelques notes d’orgue égrenées en introduction puis en conclusion de Caterpillar Tracks Haircut : un orgue placé là comme un avertissement tranquille – attention ça va être un peu différent de ce que vous connaissez déjà de nous – mais aussi comme une invitation – êtes-vous prêts à nous suivre là nous voulons aller, maintenant ?
La réponse est indéniablement oui. Sans radicalement jouer la carte révolutionnaire ou celle de l’apaisement (bien que le chant soit plus coulant et parfois légèrement distant – le merveilleux Maya – et bien que les guitares fassent le dos rond) Three Second Kiss a beaucoup changé. Ni en bien et ni en mal, juste changé. L’évolution est palpable, elle est belle et intrigante, il y a même un parfum de psychédélisme pop et nonchalant qui parcourt Tastyville de part en part mais la tension y est toujours présente, dans la complexité des lignes entremêlées de la guitare qui tricote la tête en bas alors que tant d’autres s’échinent en vain à faire du point de croix avec trop d’application, dans les parties de basse qui déploie des trésors de contrechamps et de déviations et avec cette batterie à la fois aérienne et précise.
Tastyville est un album lumineux et éclairé, habité et volontaire, d’une finesse qui ne tourne jamais à l’obsession du détail ni à la démonstration forcée d’un savoir-faire exemplaire. Un disque d’une lucidité crue et épicurienne – le bonheur, simple, qui descend du ciel vers la mer* nous confie une voix amie au début de Vampirized et c’est exactement de cela dont il s’agit. Three Second Kiss pourra un jour se vanter d’avoir enregistré un album de noise rock funambule et poétique jouant sur la finesse des émotions et la justesse d’une sérénité partagée et surtout évitant toute forme de pathos vicelard et de frontalité belliqueuse. La sueur et les larmes sèchent doucement sous les assauts d’un vent subrepticement chaud et enveloppant et Tastyville inscrit une nouvelle marque indélébile et franche dans le paysage musical actuel, comme avaient pu le faire en leur temps des groupes aussi justement décalés mais finalement totalement à propos que Red Krayola, US Maple ou Storm And Stress.

Tastyville est publié en vinyle et CD à pochette cartonnée par Africantape – seuls les geeks et les furieux seront intéressés par le fait de savoir que le mastering de ce disque a été assuré par Bob Weston.  

* on dirait du Jean-Claude Izzo, non ?