En 2008 le label Africantape signait son acte de
naissance en publiant – conjointement avec Sickroom records – Long Distance, le cinquième album de THREE
SECOND KISS. Il aura donc fallu attendre quatre années pour en écouter et
découvrir la suite et Tastyville
marque une rupture certaine dans l’histoire musicale du groupe italien. C’est
le batteur Sacha Tilotta (également responsable de l’enregistrement et du
mixage du disque) qui joue les quelques notes d’orgue égrenées en introduction puis
en conclusion de Caterpillar Tracks
Haircut : un orgue placé là comme un avertissement tranquille –
attention ça va être un peu différent de ce que vous connaissez déjà de nous –
mais aussi comme une invitation – êtes-vous prêts à nous suivre là nous
voulons aller, maintenant ?
La réponse est indéniablement oui. Sans
radicalement jouer la carte révolutionnaire ou celle de l’apaisement (bien que
le chant soit plus coulant et parfois légèrement distant – le merveilleux Maya – et bien que les guitares fassent
le dos rond) Three Second Kiss a beaucoup changé. Ni en bien et ni en mal,
juste changé. L’évolution est palpable, elle est belle et intrigante, il y a même
un parfum de psychédélisme pop et nonchalant qui parcourt Tastyville de part en part mais la tension y est toujours présente,
dans la complexité des lignes entremêlées de la guitare qui tricote la tête en
bas alors que tant d’autres s’échinent en vain à faire du point de croix avec
trop d’application, dans les parties de basse qui déploie des trésors de
contrechamps et de déviations et avec cette batterie à la fois aérienne et
précise.
Tastyville
est un album lumineux et éclairé, habité et volontaire, d’une finesse qui ne
tourne jamais à l’obsession du détail ni à la démonstration forcée d’un
savoir-faire exemplaire. Un disque d’une lucidité crue et épicurienne – le bonheur, simple, qui descend du ciel vers
la mer* nous confie une voix amie au début de Vampirized et c’est exactement de cela dont il s’agit. Three Second
Kiss pourra un jour se vanter d’avoir enregistré un album de noise rock funambule
et poétique jouant sur la finesse des émotions et la justesse d’une sérénité partagée
et surtout évitant toute forme de pathos vicelard et de frontalité belliqueuse.
La sueur et les larmes sèchent doucement sous les assauts d’un vent subrepticement
chaud et enveloppant et Tastyville
inscrit une nouvelle marque indélébile et franche dans le paysage musical
actuel, comme avaient pu le faire en leur temps des groupes aussi justement
décalés mais finalement totalement à propos que Red Krayola, US Maple ou Storm
And Stress.
Tastyville
est publié en vinyle et CD à pochette cartonnée par Africantape – seuls les geeks et les furieux seront intéressés par le fait de
savoir que le mastering de ce disque a été assuré par Bob Weston.
* on dirait du Jean-Claude Izzo, non ?