POLYMORPHIE
est un groupe étonnant. Basé à Lyon et abrité par le Grolektif,
Polymorphie est surtout un groupe à géométrie variable. La formation semble évoluer
selon ses projets en cours et pour Voix,
le groupe prend la forme d’un septet placé sous la direction du saxophoniste
Romain Dugelay qui a par ailleurs assuré toutes les compositions. Il y a de
quoi être intrigué parce que le line-up intègre une chanteuse/narratrice,
Marine Pelligrini, et qu’aux côtés de Romain Dugelay on retrouve avec bonheur
ses deux complices de Kouma à savoir Damien Cluzel à la guitare baryton et Léo
Dumont à la batterie. Pour compléter le tableau précisons que Polymorphie
intègre également Félicien Bouchot à la trompette et au bugle, Lucas Garnier à
la trompette et au synthé (un Korg) ainsi que Clément Edouard (Lunatic Toys,
IRèNE et Loup) au saxophone et au clavier – on se sent pour ainsi dire entre de
bonnes mains.
Mais résumons un peu. Dans Polymorphie il y a une
voix, deux saxophonistes, deux trompettistes, un guitariste, un batteur mais
également un peu de synthétiseur et de la bidouille. Cette formation
inhabituelle, variée et protéiforme porte décidemment bien son nom et assure
des paysages musicaux aussi diversifiés que passionnants. Polymorphie est ainsi
un autre excellent exemple de ces groupes et musiciens actuels qui puisent une
partie de leur inspiration dans le jazz mais ne sauraient s’en contenter, un
bouillonnement vivifiant où chacun trouve sa place mais où tout le monde garde
son identité propre*.
Celle de Polymorphie vous saute d’abord à la
gueule avec cette voix entre naïveté et détermination : Marine Pelligrini
se prête à l’exercice difficile de dire des textes sur de la musique. Elle ne
raconte pas réellement d’histoire(s), elle ne chante pas non plus vraiment (ce
qui ne l’empêche pas de très bien vocaliser à l’occasion), non, le résultat est
quelque part entre les deux, dévoilant une sacrée présence et une insistance
toute en finesse et réellement au service des textes. Les textes ? Ah oui,
les textes… En bon mélomane avachi/vieux rocker en pantoufles/hard rocker à
moitié repenti/noiseux indécrottable** on peut très facilement écouter Voix en admettant tout simplement – mais
bien trop expéditivement – que le chant/narration est vraiment très bien et de
le considérer aussi sec comme un instrument comme les autres.
Mais ce n’est qu’une grossière erreur. La toute première
écoute du cinquième titre est de ce fait une expérience assez incroyable et
inoubliable : lorsque résonnent les mots « And The Mercy Seat Is Waiting/I
Am Think My Head Is Burning/And In A Way I’m Yearning/To Be Done With All This
Measuring Of Truth » on en croit tout simplement nos oreilles. Déjà on se
demande (mais pas très longtemps non plus) ce que Nick Cave vient faire là et
surtout on s’ébahie devant tant de culot et devant tant de réussite. Le culot
d’avoir repris/adapté l’une des plus belles chansons de Nick Cave & The Bad
Seeds et la réussite de cette version, aussi poignante que puissante bien que
forcément très différente de l’originale***.
Dès lors on écoute Voix d’une toute autre oreille et on se rend compte qu’en fait il y a deux autres textes de Nick Cave regroupés avec The Mercy Seat au sein d’une Suite NC : Happy Birthday qui est une reprise des Birthday Party ainsi que Where The Wild Roses Grow (que Nick Cave chantait en duo avec Kylie Minogue, ce n’est pas non plus la meilleure qu’il ait faite dans toute sa carrière). Enfin, on remarque ce texte très beau mais très sombre placé en début de disque : sur Le Berger – unique concession de Voix à la langue française – l’ambiance est lourde, les mots pèsent leur poids d’interrogations et la musique est doublement magnifique car elle n’efface pas la portée de ces mots mais leur offre un parfait écrin pour accompagner la tristesse sourde et la tension latente que l’on croit deviner ici****.
Dès lors on écoute Voix d’une toute autre oreille et on se rend compte qu’en fait il y a deux autres textes de Nick Cave regroupés avec The Mercy Seat au sein d’une Suite NC : Happy Birthday qui est une reprise des Birthday Party ainsi que Where The Wild Roses Grow (que Nick Cave chantait en duo avec Kylie Minogue, ce n’est pas non plus la meilleure qu’il ait faite dans toute sa carrière). Enfin, on remarque ce texte très beau mais très sombre placé en début de disque : sur Le Berger – unique concession de Voix à la langue française – l’ambiance est lourde, les mots pèsent leur poids d’interrogations et la musique est doublement magnifique car elle n’efface pas la portée de ces mots mais leur offre un parfait écrin pour accompagner la tristesse sourde et la tension latente que l’on croit deviner ici****.
Il n’en demeure pas moins que Voix regorge d’une musique passionnante et enlevée et que
Polymorphie est l’association de musiciens fort talentueux. Construites pour et
autour des textes, les compositions de Voix
gardent cette puissance d’évocation et cette force d’attraction qui forcent le
respect parce qu’elles peuvent vous emmener très loin mais ne vous perdent pas
en route. C’est évident pendant les passages avec chant/narration mais ça l’est
tout autant et de manière très différente mais imparable sur les nombreuses
parties purement instrumentales : Polymorphie y développe des idées aussi lumineuses
et pénétrantes qu’intenses et persistantes – et puisque la musique c’est aussi
est un langage, on affirme que celui déployé par Polymorphie est largement à la
hauteur de la découverte.
Voix est
publié en CD par le Grolektif. Des
extraits sans mixage définitif sont en écoute sur la page soundcloud du groupe. Enfin,
c’est une information spécialement à l’usage des lyonnais, Polymorphie sera de
retour en concert le 28 septembre 2012 au Périscope.
* histoire d’en rajouter une couche : outre
les groupes déjà cités (Kouma, Lunatic Toys, IRèNE et Loup) ajoutons à la liste
Q, DDJ, Louis Minus Seize, Woland Athletic Club, Myself, Actuum, Chromb!, Zhol,
Les Yeux De La Tête, Tapetto Traci… ça commence à faire un bon paquet,
non ?
** faites votre choix
*** dîtes, jeunes gens, avez-vous raisonnablement
envisagé d’envoyer votre disque à Nick Cave ? – vous devriez
**** ce texte, Le
Berger, est signé sans plus d’explications par Jean Noël Pelligrini :
on comprend alors qu’il y a un lien entre son auteur et son interprète et que
cette mise en musique est également un très bel hommage d’une personne à une
autre