Il se dégage un curieux parfum de ce Nowhere - No Where - Now Here*. Ce
parfum c’est celui de la voix de G.W. SOK que tout le monde connait – ou
devrait pourtant connaitre – pour avoir été le chanteur de The EX pendant plus
de 25 années. Un parfum que l’on adore mais dont l’habitude nous a fait perdre un
peu du recul nécessaire à son appréciation. Il ne s’agit pas de remettre en
cause l’engagement des textes de G.W. Sok, sa poésie, son verbe… mais si le
chanteur/poète avait été particulièrement convaincant en
concert, sur Nowhere - No Where - Now
Here il a un peu plus de mal à recréer toute la magie fulgurante et
électrique de ses mots incandescents. Qu’est ce que j’en attendais ? Des
harangues tribales à la The EX ? Du post punk balancé au mégaphone ?
Il y en a ici mais – et c’est sans doute heureux – G.W. Sok et CANNIBALES &
VAHINÉS ne recréent pas systématiquement
ce qui a déjà été fait, se concentrant également sur l’aspect spoken words meets
freeture du projet.
Là où cela fonctionne parfaitement bien c’est
quand les trois musiciens** envoient la sauce, qu’ils ne se contentent pas
d’accompagner le chanteur/poète mais créent un réel environnement musical entre
rock tendu (la guitare est malgré tout vraiment très exienne) et free jazz
bariolé (le saxophone baryton fait des merveilles). Parfois on aimerait les
entendre encore plus longtemps et encore plus fort ces trois musiciens parce
qu’il y a du bonhomme, parce qu’ils ont aussi des choses à nous dire haut et
fort même si c’est avec des instruments de musique et pas avec des mots. Strange Fruit*** est l’exemple parfait –
et le meilleur titre de l’album – de la collaboration réussie entre les trois
musiciens de Cannibales & Vahinés et G.W. Sok. Les trois instrumentistes se
lâchent totalement et entièrement alors que la partie mots/chant n’est pas pour
autant mise de côté. Mieux, Strange Fruit
est l’un des titres sur lequel G.W. Sok tente réellement de chanter,
abandonnant quelque peu sa scansion vindicative habituelle. Un pur moment de
grâce, vraiment.
Un peu plus loin Lazarus Listen (une reprise de la chanson Ecoute-Moi de Léo Ferré) et The
Belly And The Beast reprennent les fulgurances de The EX. Ces deux titre
sont vraiment très biens mais ils me donneraient presque mauvaise
conscience : Nowhere - No Where - Now
Here ne devrait pas être un disque nostalgique mais il finit donc par l’être
ne serait-ce qu’un petit peu. Heureusement The
Belly And The Beast se termine en débauche free et permet une nouvelle fois
aux trois musiciens de s’exprimer pleinement. Alors la solution c’est peut-être
Night And Day. Une seconde reprise de
Léo Ferré. Un titre qui – malgré l’aversion profonde que m’a toujours inspirée
son interprète originel – joue le rôle de déclencheur. Celui qui vous incite à
réécouter le disque, à appuyer de nouveau sur la touche play : est-ce que la magie sera au rendez-vous à la prochaine
écoute ? Je ne le sais pas.
Nowhere - No
Where - Now Here est ainsi un disque difficile. Le plus difficile c’est,
très précisément, que sa beauté et sa force ne sont pas à portée d’oreille
alors que je m’imaginais tout le contraire. Il y a des jours où ce disque reste
une énigme un peu froide, comme une somme d’intentions, fussent-elles bonnes.
Il y a d’autres jours, malheureusement plus rares, où le charme opère presque totalement. Mais dans un cas
comme dans l’autre voilà un disque qui me rendrait également presque
malheureux. Il ne s’agit même pas de la contrariété de passer à côté d’une
musique et de ses interprètes. Mais de la déception née des promesses non
tenues avec cette impression irritante que c’est moi qui fait défaut, pas le
disque.
* ça c’est le titre tel qu’il apparait sur la
pochette mais sur la tranche du boitier cartonné ainsi que sur le CD en
lui-même il est écrit N-O-W-H-E-R-E
** Marc Démereau aux saxophones et à l’électronique, Nicolas Lafourest à la guitare et Fabien Duscombs à la batterie
** Marc Démereau aux saxophones et à l’électronique, Nicolas Lafourest à la guitare et Fabien Duscombs à la batterie
*** la célèbre chanson composée par Lewis Allan et
sublimement immortalisée
par Billie Holiday