Quelle bonne idée que de programmer LOUP au Kraspek. Et quelle meilleure idée
encore que d’organiser un concert avec des musiciens invités se greffant au duo
d’origine composé de Clément Edouard et de Franck Gaffer. La programmatrice du Kraspek
– non, je ne la connais pas personnellement – fait tout ce qu’elle peut pour
faire enfin évoluer le lieu et sa programmation un rien trop pépère vers
quelque chose de plus excitant et elle semble enfin parvenir à ses fins. Pourvu
que ça dure.
Et en plus, pour un dimanche soir, le public est
tout à fait honorable. Des fans, des connaisseurs et des curieux, bref tout ce
qu’il faut pour assurer les applaudissements de rigueur. Cette soirée s'annonce bien.
La première partie de la soirée consiste donc en
un concert de Loup accompagné de musiciens amis : à ma droite Romain
que l’on connait pour être membre des excellents Kouma et Polymorphie* ; à
ma gauche Arthur
qui est le saxophoniste de Kanine. Donc, pour résumer, deux musiciens invités connaissant
très bien ceux de Loup puisqu’ils jouent déjà avec l’un ou l’autre dans d’autres
formations**. Surtout ce line-up donne à entendre quelque chose d’assez rare
c'est-à-dire la gamme presque complète des saxophones : Romain est au
baryton, Arthur au ténor et Clément à l’alto – le soprano ce sera peut-être pour une autre fois.
Le concert est très acoustique et frontal :
Clément délaisse sa bidouille habituelle pour se concentrer sur son instrument,
les trois saxophonistes se font face et partent d’emblée tous ensembles pour un
joyeux maelstrom où les timbres s’emmêlent hardiment. Au bout d’une demi-heure de
montagnes russes entre paroxysmes free et moments plus apaisés et parfois très
beaux le constat s’impose de lui-même – le plaisir qu’ont ces quatre
garçons à jouer ensemble est aussi évident que communicatif. En matière
d’impro/free jazz cela prend ou cela ne prend pas et cette formation inédite de
Loup & Guests tient toutes ses promesses, celle d’une musique exubérante,
vive, énergique et sans fard. Une expérience réussie et à renouveler.
Vient ensuite le concert de Loup proprement dit :
Clément retourne derrière sa petite table sur laquelle trône ses appareils à
bidouille. Le duo présente une set-list largement tirée de The Opening, son deuxième et tout récent album. Le duo maitrise
aussi bien le côté très acoustique que le coté transformé/électronique de sa
musique or il y a toujours quelque chose de nouveau à un concert de Loup,
quelque chose que l’on découvre pour la toute première fois – Loup possède
cette faculté plutôt rare de ne pas se répéter tout en se forgeant une identité
propre et à cheval sur des idiomes musicaux qu’à priori tout oppose : un
peu (beaucoup) de free par ici, de l’ambient drone par là et une pincée de
noise pour épicer le tout.
Fait réellement marquant lors de ce concert au
Kraspek, la façon dont Loup joue avec les cassures et les silences a bien
occupé les esprits. On n’affirme pas uniquement cela à propos du titre Drums Unit dont le duo a donné une
interprétation survoltée mais parce que les liens que tissent les deux musiciens
entre eux finissent par réellement se voir et s’appréhender comme tels, des
liens sur lesquels chacun tire à l’envie, déclenchant chez l’autre une réaction
attendue ou non. Alors peut être que cette impression de jeu continuel sur les
cassures et les silences (toujours très brefs !) vient de là, de ce
ping-pong permanent et ne choisissant surtout pas entre l’option ludique et
l’option cérébrale. Un peu à l’image du balancier sans fin du groupe entre les
techniques instrumentales classiques (saxophone alto et batterie) et
électroniques (pad et ordinateur). Quoi qu’il en soit la musique de Loup garde
toujours cette spontanéité qui en concert la rend encore plus précieuse.
[les amateurs de souvenirs peuvent voir quelques
photos de ce concert ici]
* juste en guise de rappel et parce que l’on aime vraiment
ça : Polymorphie sera en concert au Périscope le vendredi 28 septembre
** dans Polymorphie on retrouve également Clément
alors que Franck est le batteur de Kanine