jeudi 6 septembre 2012

Report : Ultracoït, Pord, Café Flesh et Hawks à l'Espace B - 01/09/2012





Je sens que je vais faire un malaise. J’ai même failli faire une vraie syncope lorsqu’il a malheureusement été confirmé que les HAWKS d’Atlanta ne joueraient pas à Lyon pour leur toute première tournée sur le vieux continent. Pensez donc : Les auteurs de Push Over, pour l’instant le meilleur album de noise rock de l’année – pour de ne pas dire l’un des meilleurs albums de l’année tout court – ont la possibilité de sortir de leur cambrousse et de traverser l’océan Atlantique et moi je raterais ça ? La Haine.
Alors, entre aller voir les Hawks à Lausanne, faire la route jusqu’en Lozère où les américains partagent l’affiche avec Buildings (encore un excellent groupe U.S. qui n’a pas joué à Lyon mais cette fois-ci pour des raisons complètement stupides d’« exclusivité ») ou monter sur Paris, le choix a finalement été simple : ce sera Paris ou rien tout simplement parce que cette date a lieu un samedi soir.
Une semaine auparavant une mauvaise langue m’avait pourtant affirmé que la salle du 19ème arrondissement où doit se dérouler le concert – l’Espace B – est « la salle la plus pourrie de tout Paris ». Bon et bien les travaux parait-il récemment entrepris dans ce lieu l’ont rendue plus qu’acceptable : une vraie scène, une vraie sono et une vraie équipe d’ingénieurs du son – on a fait bien pire comme salle pourrie alors, bande de parisiens, je ne peux finalement que vous la recommander.



L’affiche est chargée avec pas moins de quatre groupes et ce sont les locaux d’ULTRACOÏT qui ouvrent le bal. La maîtresse de cérémonie d’antan est désormais remisée au placard tout comme les vieux costumes de scène souillés et déchirés : je suis vraiment désolé de vous l’annoncer aussi crument mais pour Ultracoït c’est bel et bien fini les slip en latex extensible et les cagoules de catcheurs trisomiques, place désormais à des soutanes ou plutôt des robes de bur(n)e laissant c’est vrai planer un certain mystère.
Le public légèrement interloqué s’agglutine donc devant la scène tout en espérant que ces nouveaux déguisements tomberont et que dessous on pourra découvrir une surprise XXL mais, las, rien d’aussi spectaculaire ne se produit et les membres d’Ultracoït garderont pendant tout le concert leurs nouveaux attributs à la Sunn O))). Par contre la musique du groupe est toujours aussi lourde, puissante et rampante, elle me donne toujours envie de me vautrer dans un bain de boue et de stupre ou de reprendre une dixième cannette de cette bière tiède qui de temps en temps apparait comme par magie entre mes mains.
L’important c’est la musique, celle d’Ultracoït vaut vraiment le coup et peut-être qu’un jour ces garçons aux ventres rebondis et aux torses tendus se passeront de tous artifices pour nous l’enfoncer bien droit dans le crâne (et plus si affinités).



Les PORD jouent en second et une fois de plus le trio ne va pas décevoir. Le groupe est même survolté, il sait qu’il ne pourra jouer qu’un set écourté à trente cinq minutes aussi il a décidé de mettre le paquet malgré quelques problèmes de son empêchant d’entendre correctement le chant. Aux côtés des titres de l’album Valparaiso on a aussi le plaisir de découvrir deux nouveautés d’excellentes factures et qui donnent déjà envie d’en écouter bien davantage.
Honnêtement, dans le registre noise/hardcore il n’y a actuellement pas beaucoup de groupes – peut-être même aucun – de la trempe d’un Pord, des groupes capables d’une telle cohésion dans la furie et d’un tel déchainement sans jamais paraitre hors-propos ou à côté de la plaque. OK, si vous aviez interrogé le guitariste/chanteur (not dead) ou le bassiste à ce sujet après le concert ils vous auraient répondu que ce n’est pas vrai, que le groupe a fait trop de pains ce soir, que les nouvelles compositions ne sont pas encore assez en place et qu’ils peuvent peut être encore faire mieux. Et bien les gars c’est noté et en attendant je reprends quelques larges lampées de cette bière frelatée et trop acide.



Après avoir sorti il y a presque deux ans un excellent double split en compagnie de Hawks, les CAFÉ FLESH n’avaient plus qu’une seule obsession, un seul but dans la vie, ils rêvaient tout haut de pouvoir enfin tourner avec les américains. Voilà, c’est chose faite, nous y sommes en plein parce que cette date parisienne est en quelque sorte le coup d’envoi d’une tournée d’une semaine avec les deux groupes. Dreams are my reality.
Café Flesh a donc également la ferme intention de se montrer à la hauteur de l’enjeu et de l’évènement. En outre, avec Lions Will No Longer Be Kings publié cette année, le groupe a signé son meilleur album à ce jour et Café Flesh va très logiquement faire dangereusement monter la pression dans une salle déjà bien mise à mal. La chaleur devient quasiment insoutenable, le public se presse toujours plus fort devant la scène en une marée humaine en plus en plus enthousiaste tandis que les quatre Café Flesh enchainent les tubes, bénéficiant eux d’un son laissant enfin clairement entendre la voix mais aussi le saxophone baryton (ce qui n’est pas toujours le cas).
Le groupe tord son punk noise dans tous les sens, la chaleur augmente encore et on finira par voir ces quatre garçons courageux pas très loin de l’épuisement mais visiblement très heureux après une prestation qui en a laissé plus d’un sur le cul. Café Flesh n’est pas le groupe du coin le plus populaire – je me rappelle d’un concert à Lyon devant à peine plus d’une dizaine de personnes – or je me demande toujours pourquoi. Alors pour fêter ce succès insolent je prends quelques goulée de ce whisky qui commence à circuler dans les milieux autorisés.



Arrivent enfin les HAWKS, véritable raison de mon déplacement sur Paris. Le groupe s’inquiète un peu de la chaleur qui règne dans la salle, le batteur se colle contre un gros ventilateur et un léger doute s’installe alors – vont-ils la jouer pépère ? Mais de doute il n’en sera pas question très longtemps : Hawks en concert c’est exactement comme on pouvait l’imaginer dans nos rêves les plus fous c'est-à-dire une groupe mené par un chanteur donnant tout ce qu’il peut et un guitariste armé d’une guitare saignante de riffs découpés au blues noise. Seuls le bassiste (un peu trop de dos) et le batteur semblent trop en retrait et ne font qu’assurer leur rôle mais ce n’est pas bien grave car avec un Michael P. Keenan Jr derrière le micro c’est le spectacle et la furie assurés.
Pourtant Hawks connaitra également quelques problèmes de son sur tout le début de son concert (voix inaudible ou presque, ce qui est vraiment frustrant en comparaison des mouvements de corps impitoyables du chanteur) mais lorsque la situation se clarifie enfin tout devient subitement complètement taré, aussi bien sur scène que dans le public, et l’ambiance monte encore de plusieurs crans jusqu’à atteindre ce niveau entre folie et plaisir irréel qui vous font prendre conscience que vous êtes en train de vivre un grand moment. Après les séminaux Big’N l’année dernière à l’Africantape, Hawks est le groupe incontournable qu’en 2012 il ne fallait pas rater pour rien au monde. Ça méritait bien quelques rasades supplémentaires de gnôle.


A l’heure où vous lirez peut-être ces lignes la tournée Hawks/Café Flesh sera presque sur le point de se terminer. Mais il reste encore trois dates : ce soir jeudi 6 septembre à Périgueux (Lou Vessiou), le 7 à Rennes (au Mondo Bizarro, avec également les excellents ChooChooShoeShot et c’est un concert organisé par les vieux briscards de K-Fuel) et le 8 au Havre (au Mc Daid’s et à nouveau en compagnie d’Ultracoït). Alors surtout ne ratez pas ça.

[un grand merci également à la Rejuteam et la GTKOrganisation pour avoir mis sur pied ce concert, pour l’accueil impeccable, l’hébergement et le whisky – des photos-souvenirs du concert sont visibles ici et puis tiens, pendant qu'on y est, celles de Stef Rad Party sont en couleurs et vraiment très biens]