mardi 31 juillet 2012

Mombu / Zombi




Voilà un disque qui ne peut que s’écouter très fort. C’est un peu sa limite et donc sa faiblesse mais après tout Zombi ne prétend pas être un recueil de berceuses au clair de lune et MOMBU n’a pas pour vocation de passer pour un groupe adepte de finasseries. Je ne vais pas faire la fine bouche non plus de ce côté-là parce que les disques qui s’écoutent à burnes – comme on dit très vulgairement – c’est un peu ma tasse de thé. Mais il persiste plus ou moins tout au long de Zombi cette désagréable impression que le disque carbure un peu trop à la testostérone et aux anabolisants. Encore une fois ce n’est pas très grave : j’aime bien aussi les drogués. Zombi fait également regretter de ne pas avoir d’abord découvert Mombu en concert tant le disque ne laisse aucun doute sur l’intensité que cette musique peut dégager en live.
Mombu est donc un duo réunissant Luca Mai au saxophone baryton et aux effets ainsi qu’Antonio Zitarrelli à la batterie. Le premier est le souffleur pantagruelique de Zu et immanquablement on pourra faire quelques rapprochements faciles et réducteurs entre les deux groupes. Il faut dire que le titre d’ouverture Shutterer Ancestor c’est presque du Zu pur jus. Idem pour Orichas sauf que l’on peut commencer à y déceler quelques influences rythmiques en provenance directe d’Afrique et transparaissant au travers du metal prog/free jazz initial du duo. L’idée est séduisante et fonctionne très bien ; après tout les historiens en musicologie appliquée et jamais en manque d’idées brillantes ne pourront qu’affirmer qu’il ne s’agit là que d’un juste retour des choses et que sans Afrique pas de blues ni de jazz donc pas de Mombu (quels cons).
Par contre là où le disque pêche un peu c’est avec l’adjonction d’une pointe de chant parfaitement inutile – un chant de metalleux en mode mort vivant, cela va de soi. C’est peu dire que le tandem saxophone baryton (+ pédales d’effets) et batterie/percussions se suffit pourtant à lui-même, surtout au niveau de la richesse des rythmes d’Antonio Zitarrelli, merci le re-recording, mais également dans toutes les nuances de ce bel et très difficilement domptable instrument qu’est le baryton. C’est précisément en se focalisant sur ces deux éléments que l’option « écouter le disque le plus fort possible » prend toute sa signification ; certes on n’atteint certainement pas le même état de transe qu’un sorcier jeteur de sorts en pleine conversation avec les esprits-animaux de la forêt mais on chavire facilement du côté bestial de force.

Zombi a d’abord été publié sans titre et en CD uniquement en 2011. L’album a été réédité en vinyle en 2012 par Subsound records avec un titre en plus qui a également donné son nom à cette nouvelle édition : Zombi est initialement une composition de Fela – il est précisé que cette reprise a été mixée par un type ayant déjà travaillé avec Patton et Fantômas… surtout ce Zombi est précisément le titre sur lequel apparaissent les voix, il constitue un rajout honorable mais il n’apporte rien à l’album de base, encore plus direct et encore plus brut.

lundi 30 juillet 2012

Microwaves / Psionic Impedance




Enfin des vraies nouvelles de Microwaves ! On s’en doutait un peu puisque le groupe de Pittsburg a publié Beholder EP en 2011 et que les trois titres de ce 7’ ont eu le très grand mérite de nous remettre ces sauvageons de Microwaves en tête. Et puis surtout ils étaient d’excellente facture, comme l’annonce d’un bon présage pour la suite. La suite c’est donc pour cette année 2012 et sous la forme d’un quatrième album au titre Psionic Impedance complètement invraisemblable – son prédécesseur Contagion Heuristic datant déjà de 2006.
Entre ces deux albums Microwaves a encore connu quelques changements/mésaventures de personnel : l’indéfectible duo de base composé de David Kuzy (guitare et voix) et John Roman (batterie) est toujours là mais par contre il n’y a aucun bassiste* de crédité sur Psionic Impedance. Et pour cause puisqu’il n’y en a pas : à la place les deux Microwaves survivants ont blindé leur nouvel album de bidouillages et autres bidules électroniques, sans doute pour compenser. Microwaves pratiquait déjà la chose sur ses disques précédents mais à une échelle moindre et le punk no-wave du groupe s’est donc transformé en quelque chose de plus chaotique et de plus bruitiste encore. On note également que le son de la guitare s’est considérablement épaissi – on ne parlera pas de metal expé/prog noise** car Microwaves en reste très éloigné mais cette guitare fait elle aussi tout ce qu’elle peut pour faire oublier l’absence d’une basse (et elle y réussit parfaitement bien). On ne regrette pas longtemps la nervosité électrique voire épileptique d’antan parce que d’une certaine façon elle est toujours là, s’exprimant uniquement d’une façon un peu différente : malgré les ajouts d’effets Microwaves a su garder toute sa concision (l’album ne dure que 30 minutes pour 16 titres) et toute sa frénésie.
Alors il ne faut absolument pas avoir peur de cet artwork incroyablement laid et digne d’un groupe de metal progressif traumatisé à la fois par Voivod, King Crimson ou Magma : au contraire Psionic Impedance ne fait que libérer un peu plus les aspirations 80’s de Microwaves, le côté bidouille n’étant pas là pour affadir la musique du groupe et on est guère étonnés finalement de découvrir en neuvième position du disque une reprise du Penetration In The Centerfold de Devo. La version qu’en donne Microwaves est nettement moins sauvage que celle enregistrée par Pussy Galore il y a presque 25 années de cela mais elle va beaucoup mieux au duo. Elle ne fait que confirmer que Microwaves devait effectivement quelque chose à la bande des frères Mothersbaugh.
Pour le reste Psionic Impedance est une succession intelligente de riffs tranchants, de rythmiques concassées, d’ambiances schizophrènes et de déjections en provenance directe de dépotoirs urbains. Le spectacle de tout cet étalage d’accidents de la nature, d’expériences  ratées, de constructions manipulées et de cadavres avariés est terrible mais il reste pertinent : la folie de Microwaves possède décidemment toujours ce quelque chose de puissamment contagieux mais d’indéfinissablement attirant.

Psionic Impedance est publié en CD et LP par ugEXPLODE, le label de Weasel Walter (qui a aussi masterisé le disque). Il se trouve que dans la nuit du 22 au 23 juillet dernier à New-York des petits rigolos s’en sont pris au van de Weasel Walter, lui ont volé éléments de batterie, pédales d’effets, des t-shirts de metal obscurantiste encore tout dégoulinants de la sueur du concert de la veille et je ne sais quoi encore, mettant le musicien dans une mouise certaine. Le meilleur moyen de soutenir ce type aussi exceptionnel qu’insupportable avant qu’il ne crève de faim et pour qu’il puisse continuer à nous pourrir joyeusement les oreilles c’est précisément d’acheter un de ses disques à lui ou l’un des disques qu’il a publié sur ugEXPLODE.

* Steve Moore de Zombi a joué sur les deux premiers disques de Microwaves (System 2 et Professional Systems Overload), Adam MacGregor sur le troisième (Contagion Heuristic)
** j’adore ces étiquettes à la con

dimanche 29 juillet 2012

Comme à la télé : June Of 44





Il y a plein de bonnes raisons pour reparler de JUNE OF 44. Cette vidéo de concert  captée en 1998 alors que le groupe était à son sommet (l’album Four Great Points) en est assurément une.




 Et pour les exégetes, précisons la set list du jour :

I Get My Kicks For You
Of Information And Belief
Does Your Heart Beat Slower
Sink Is Busted
Sanctioned In A Birdcage
Lusitania 
Lawn Bowler
The Dexterity Of Luck
Cut Your Face 
Doomsday
June Leaf

Soit une heure complète de bonheur totalement nostalgique.

samedi 28 juillet 2012

Volx / self titled




J’étais reparti d’un concert de Volx – le premier jamais vu de ce duo et pour l’instant le seul mais je l’espère pas le dernier – en oubliant d’embarquer la cassette DIY que le groupe proposait pour une somme dérisoire. Je m’en suis bien mordu les doigts mais la nouvelle apprise quelque temps plus tard de l’éventuelle parution d’un 45 tours de Volx sur l’excellent label marseillais Katatak m’avait quelque peu consolé. Et puis plus rien. Plus rien du tout jusqu’à ce qu’atterrisse ce CDr accompagnant l’envoi de l’album sans titre de Looks Like Miaou (les deux groupes partagent le même guitariste). Un CDr publié par Cabal records (?) et comportant des enregistrements live effectués à la maison ou presque c'est-à-dire au Garage de Forcalquier et à l’Enthropy de Marseille au début de l’année 2012. Donc quelque chose de vraiment pas très éloigné de ce concert de septembre 2011 et qui m’avait bien emballé.
OK la prise de son est souvent limite – pour ne pas dire crade – mais ce disque donne une bonne petite idée de VOLX en train de transpirer en concert et de la noise foutraque, démantibulée et imprévisible du duo. Dissonances de guitare, accélérations stupides, danse du crabe pour paraplégiques, hurlements canins du batteur (parce que c’est lui qui chante) et douze déflagrations en une demi-heure chrono : le précieux label punk as funk est obtenu haut la main par Volx qui revisite avec une aisance certaine les absurdités homologuées des groupes skingraftien d’antan. Bien bien bien, la stupidité conquérante et jouissive ce n’est pas à la portée de tout le monde.
En même temps ce disque a quelque chose de terriblement frustrant : c’est vrai qu’il ravive de bons souvenirs du groupe, il ravive également certaines envies mais il ne les comble pas tout à fait non plus. Tenir le rôle de la madeleine proustienne c’est bien mais personnellement j’ai toujours préféré et de très loin la junk food (le cassoulet Lidl-vache qui rit-harissa par exemple, vous m’en direz des nouvelles, hein) alors maintenant je me le demande vraiment : ce fameux 45 tours de Volx verra-t-il réellement le jour ? Un véritable album peut-être ? J’espère bien que oui. A bientôt, donc…

vendredi 27 juillet 2012

X-Ray Vision / self titled





Et voilà. A ma connaissance voici le seul et unique disque de surf music pure et dure publié dans le monde depuis le début cette année 2012 et comme par hasard c’est Rock’n’Roll Masturbation qui en a eu l’idée – avec l’aide bienveillante et salutaire de Dangerhouse records, fort heureusement. Cela en dit long sur la désinvolture et l’inconscience d’un groupe basé au milieu de nulle part (en gros entre Lyon et Vienne) et qui dépoussière avantageusement une musique pas loin d’être soixantenaire mais dont la flamme est régulièrement entretenue par quelques illuminés notoires et autres fondus, Man Or Astroman ? par exemple.
X-RAY VISION est de cette trempe là, celle des groupes au kitsch assumé, alignant les œillades, les citations et les salto-arrières dans le temps. Car voici revenu le temps des soucoupes volantes en carton alvéolé, des monstres en pâte à modeler, des bagnoles chromées jusqu’au carburateur, des garçons gominés jusqu’à la raie des cheveux et des filles en jupes trapèze. La liste des références (principalement aux années 50 et également 60 mais pas seulement) est vraiment longue, peut-être certaines sont-elles involontaires – ma conseillère technique préférée m’indique par exemple que lorsqu’elle était très jeune elle écoutait souvent un groupe de psycho revivaliste portant ce même nom de X-Ray Vision – et les reprises sont légion : le génial Ace Of Spades de Link Wray, Wayward Nile des Chantays  (mouhaha hahaha) ou le thème principal de The Persuaders (Amicalement Vôtre en froglish) composé par John Barry.
A ce propos quelques samples de dialogue de films ou autres viennent émailler le tout, ambiance cinéma du dimanche soir garantie et c’est drôle même lorsqu’on entend la voix de l’horrible Louis De Funès extraite de Fantômas et en train de cabotiner – mais cela permet surtout d’entendre une bonne version du Theme From Fantômas composé par Michel Magne.
A la base X-Ray Vision était un quartet : deux guitaristes experts dans ces sons typiques, gorgés de reverb et qui font ssssschtooooonnnnnng ou pppploooooinnnnnnnnnnng voire les deux en même temps et une paire rythmique issue elle des défunts noiseux Chick Peas. X-Ray Vision a donc toujours eu cette assise assez dure et âpre bien planquée mais pas trop derrière le fun de sa musique. Entretemps est arrivé un cinquième membre, ex bassiste de Doppler et actuel The Good Damn, chargé lui de jouer de l’orgue, d’un théremine et d’autres trucs à sons de l’espace inidentifiables. X-Ray Vision s’est alors quelque peu diversifié et affiné or c’est toujours de la bonne sueur qui s’écoule avec la musique du groupe pour mieux se mélanger au milkshake radioactif de base. Un bon cocktail, suffisamment bien mis en scène et avec tout le rentre-dedans nécessaire pour assurer la partie. 1, 2, 3, 4 !

[cet album sans titre tiré à 300 exemplaires a en outre été enregistré en prise directe aux studios PWL – le paradis perdu de l’analogique – et l’artwork a été réalisé par Der Kommissar]

jeudi 26 juillet 2012

A Place To Bury Strangers / Worship




Oliver Ackerman et ses petits camarades de jeu sont de retour, quelques mois à peine après le EP Onwards To The Wall. Comme on ne change pas une équipe qui gagne ni les recettes qui fonctionnent trop bien et surtout pas lorsqu’on s’appelle A PLACE TO BURY STRANGERS, personne ne pourra être surpris de la teneur générale de ce troisième album. Worship est un excellent enregistrement pour qui connait et aime déjà le groupe ; ce sera un étron sonique de plus pour tous ses détracteurs. Logiquement cette chronique devrait s’arrêter ici puisqu’elle est bien partie pour ne servir à rien ni apporter beaucoup d’eau au moulin des 0.000001 % de la population mondiale pour qui importe la musique d’un petit groupe new-yorkais. Il n’empêche qu’il y a deux ou trois choses extrêmement bizarres voire incongrues sur ce Worship.
Pris séparément la moitié des titres du disque sont la plupart du temps et au pire du remplissage parfaitement honorable alors que les autres se révèlent tout simplement être des hits imparables. Des petites perles soniques, que ce soit dans le registre d’une new wave un rien larmoyante, dans celui de fusées à étages dopées aux pédales d’effets fabriquées par Ackerman lui-même et, enfin, grâce à certains titres légèrement plus introspectifs et en retrait – tout est relatif bien sûr parce que le grand plaisir d’A Place To Bury Strangers est de toujours en rajouter une couche dans le pathos tout comme le guitariste en chef aime rajouter des couches d’artificialité conquérante sur sa guitare. Avec une telle collection de titres on peut penser que l’affaire est bel et bien pliée or Worship est un album bancal dont l’écoute peut s’avérer énervante voir décevante. Quel beau paradoxe.
S’il en est ainsi c’est que chaque titre s’accommode très mal du suivant (ou de son prédécesseur) et qu’on a rarement entendu un album aussi disproportionné et peu homogène alors que côté production tout a visiblement été fait pour donner l’impression/l’illusion du contraire. Même en essayant d’imaginer un tracklisting différent et plus efficient – mais en vain car la chose parait tout simplement impossible à réaliser – le disque continue de susciter une certaine retenue et un désarroi légitime : le sentiment persiste d’avoir affaire à onze titres qui s’éloignent toujours plus les uns des autres. Il ne reste plus qu’à s’habituer bon gré mal gré au côté playmobil et plastique moulé de Worship mais par contre il est très difficile de passer sur le cas de Dissolve qui démarre comme du vieux U2 suranné (glups…) puis fera penser dans le meilleur des cas à notre Indochine national dans sa version 1983 (si tu ne me crois pas écoute bien ce rythme faussement aventurier) – une horreur totale, donc, et surtout une erreur de taille.
Jusqu’ici A Place To Bury Strangers avait très bien su jouer de son artificialité tout en revendiquant une certaine liberté, conférant au groupe la place de numéro un sur la liste des formations revivalistes péchant dans les eaux usées des 80’s post punk et des 90’s noisy/shoegaze. Pour la première fois le groupe échoue avec Worship en ce sens que ce troisième album avait tout pour atteindre une certaine perfection mais qu’il la rate uniquement par excès de zèle. Et oui, la perfection cela n’existe pas et s’il y a des disques qui pourtant nous y font penser c’est parce qu’ils renferment suffisamment d’humain (et donc d’aléatoire et de possibilités d’erreur) pour obtenir un tel résultat. Worship est un album beaucoup trop déshumanisé. Si les groupes de l’après punk donnaient cette impression de froideur voire de (f)rigidité c’est parce qu’ils se mettaient volontairement à nu – il est vrai que ça n’a pas duré et qu’il y a rarement eu plus caricatural que les groupes pseudo cold/goth/etc pompant tout sur Joy Division/The Cure. Nous sommes en 2012 et A Place To Bury Strangers ne dévoile rien, finit par ne plus émouvoir car le groupe a placé l’efficacité voire l’efficience comme sa priorité d’ordre musicale la plus importante de toutes, tiens, oui, un peu comme n’importe quel groupe de metal de ce putain de 21ème siècle. C’est dommage et la seule solution est – finalement – de virer Dissolve du tracklisting et de combiner les dix titres restant sous la forme de cinq singles tous plus cinglants les uns que les autres. S’il vous plait, laissez-moi rêver un petit peu.

[Worship  est publié en LP et en CD par Dead Oceans]

mercredi 25 juillet 2012

Moms On Meth / Self titled




La toute première qualité de ce premier EP de MOMS ON METH c’est d’avoir la pochette la plus horrible que j’ai vue depuis longtemps (alors c’est plutôt une mangouste en colère ou plutôt la gueule béante d’un ours ? les avis sont partagés) et à ce niveau là c’est même un sacré exploit que l’on n’est pas prêt d’oublier. La deuxième grosse qualité du disque c’est qu’il ne déçoit absolument pas. Qu’il donne enfin à entendre la musique de Moms On Meth enregistrée et compactée sur une rondelle de plastique polluant est déjà une bonne chose en soi mais le son du disque et le rendu sont vraiment à la hauteur.
On veut dire par là que le fastcore/powerviolence de Moms On Meth ressort parfaitement, que l’on retrouve sans peine la hargne musicale du groupe, sa concision (évidemment, quoi, les titres ne dépassant pas la minute), que les guitares taillent, que la basse envoie efficacement et que la batterie martèle sévèrement. Le son est peut être brut mais il n’est pas limité, en tous les cas il rend justice au groupe. La voix est également plus distincte sur enregistrement qu’elle ne l’est lors des concerts : le chant – oui c’est une fille qui chante – est bien placé, l’agressivité est palpable et pourtant cela ne braille pas que pour le plaisir de brailler.
Sur les sept titres de cet EP on retiendra tout particulièrement History Repeats Itself qui ouvre la deuxième face avec un intro pas loin d’être démentielle puis un riff certes extrêmement classique et old school mais terriblement accrocheur. La ligne de basse un rien groovy mène la danse et comme souvent chez Moms On Meth il y a ces breaks dopés au blasts et qui font toute la différence. History Repeats Itself est peut être le tube toutes catégories du disque mais globalement il n’y a rien à jeter de ces quelques six minutes de sauvagerie intelligente et libératrice.

Il n’y a pas de page bandcamp ou autre soundcloud pour écouter cet EP de Moms On Meth mais le groupe a choisi de le laisser en téléchargement libre et gratuit sur le net.
La version physique est en vinyle noir, tourne en 45 tours et a un gros rond central comme les vieux disques de rock’n’roll de papa. Quatre labels se sont cotisés pour permettre sa parution : Black Trash records, Middle Class Zombies Attack, Offside records ainsi que Up 2 Eleven records.

mardi 24 juillet 2012

KTL / V




Au départ, KTL – abréviation de Kindertotenlieder, le « chant de la mort des enfants » – est un duo monté par Peter Rehberg et Stephen O’Malley pour accompagner des spectacles de danse sur des chorégraphies de Gisèle Vienne. Ce qui n’a pas empêché KTL de produire nombre d’enregistrements, d’abord directement liés au travail de Gisèle Vienne et aux textes de Dennis Cooper (KTL I et KTL II) puis éloignés de toutes significations extramusicales (KTL IV). Les Editions Mego de Peter Rehberg ont publié en ce printemps 2012 le nouvel album de KTL, logiquement intitulé V, le premier véritable album studio du duo en trois ans.
KTL V marque un retour en arrière après la (relative) accessibilité de IV et ses parties rythmées. Pourtant KTL V n’est pas non plus essentiellement basé sur les drones de guitares que Stephen O’Malley a si patiemment mis au point avec Sunn O))). Ce nouvel album est même le fruit d’un travail haletant à base de synthétiseurs modulaires et analogiques manipulés par Rehberg comme par O’Malley. Les sonorités de guitare sont ici largement minoritaires et tout un titre, le trop court Study A, a même été enregistré aux Studios GRM de l’INA, temple de la musique acousmatique fondé par Pierre Schaeffer en 1958. Le superbe Phill 2 est lui basé sur un enregistrement effectué par les cordes et les cuivres de l’orchestre philarmonique de Prague et mis en forme par l’islandais Jóhann Jóhannsson.
Cette diversification des sources sonores n’entache pas – bien au contraire – la nature très organique que la musique de KTL mais elle l’a fait s’élever vers des sommets auparavant inaccessibles et qu’elle n’avait donc encore jamais connus. La lumière domine largement les trois premiers quarts de KTL V, une lumière certes crue et dispensant une tristesse insondable mais paradoxalement très confortable pour qui aime le recueillement, l’isolement et fermer les yeux en écoutant de la musique (et les fermer tellement fort que derrière les paupières des tâches de lumière apparaissent, un peu comme le logo KTL aux couleurs décomposées sur la pochette du disque). La puissance d’évocation de la musique de KTL tourne alors autour du tremblement de terre, l’onde de choc perturbe les atmosphères sans les fracasser et les éclairs de lumières aveuglants ne cessent de dévoiler la vérité derrière la vérité et donc un infini questionnement.
Dernier titre de KTL V, Last Spring : A Prequel est un travail sur un texte de Denis Cooper et mis en mot par le comédien Jonathan Capdevielle, collaborateur régulier voire favori de Gisèle Vienne. Last Spring : A Prequel est précisément la bande-son d’une installation de Gisèle Vienne. On retrouve ici une parties des ambiances mortifères du déjà très éprouvant Jerk – A Travers Leurs Larmes (un livre/disque de Peter Rehberg, Dennis Cooper et  Gisèle Vienne avec le même Jonathan Capdevielle et publié chez Dis Voir). On apprécie Last Spring : A Prequel mais on regrette malgré tout l’inclusion de cette dernière pièce sur KTL V car elle ne réussit pas à y tenir le rôle de climax pas plus que celui de contrepoint. En résumé on a plus l’impression d’un ajout artificiel que d’une continuité musicale. Les 300 premières copies vinyle de KTL V comportent un disque blanc/white label en bonus avec deux plages tirées des mêmes sessions GRM que Study A : on trouve juste qu’il aurait été plus judicieux d’inclure ces deux pièces-ci (surtout la première) sur le tracklisting normal de KTL V et de réserver Last Spring : A Prequel à l’édition en tirage limité.

lundi 23 juillet 2012

ChooChooShoeShoot / Playland




Cet album me parle. Enormément. Et cet album m’obsède. Terriblement. Mais pas seulement parce que j’y reconnais avec bonheur quelques références incontournables à un son, à des musiques ou des groupes qui ont marqué voire changé ma perception de la musique il y a une bonne quinzaine – plutôt une vingtaine ! – d’années maintenant.
C’est très facile de les énumérer ces groupes (et puis tiens, allons-y gaiment : Rapeman/Shellac, Six Horse, Big’N, les Dazzling Killmen et j’en oublie certainement) mais par contre ce qui était beaucoup plus difficile c’est ce qu’a accompli CHOOCHOOSHOESHOOT avec Playland. Donc disons les choses honnêtement : si on a écouté Playland attiré par ce son sec et tendu et ces antécédents historiques, tentant sûrement d’y retrouver quelques émois d’antan, désormais on réécoute le disque jour après jour, inlassablement et passionnément,  pour ce qu’il est réellement et en toute simplicité – UNE BOMBE.
La nostalgie c’est mal, on est bien d’accord. Or ChooChooShoeShoot ne se contente pas de nous faire le mauvais coup trop connu et très convenu de la visite au musée – « alors là vous avez le pénis de Steve Albini admirablement conservé dans du formol, là vous pouvez découvrir la toute première bicyclette de Nick Sakes que ses parents lui avaient offerte pour ses cinq ans et un peu plus loin sur votre gauche voici un échantillon d’urine de David Yow » – mais le groupe présente les choses telles qu’elles s’étaient prétendument arrêtées il y a quelques années (je vous laisse déterminer exactement laquelle, personnellement je ne m’en souviens pas, je refuse de m’en souvenir et la plupart des spécialistes en la matière ne sont pas tous d’accord sur ce point précis, loin de là), oui avec Playland c’est comme si on y était encore et surtout avec Playland on sait que l’on va encore pouvoir y croire et y être demain et sûrement encore le jour d’après.
Et, précisément, le plus beau, le plus formidable et le plus époustouflant dans tout ça c’est le côté naturel et jubilatoire de la chose. Les quatre ChooChooShoeShooteurs (une voix, deux guitares et une batterie) n’ont pas fait semblant question haut niveau des compositions entre tiroirs cachés, déclivités abruptes, angles aigus, instabilité calculée, sophistication efficace et intrépidité formelle. Mais surtout ils ont encore moins fait semblant question interprétation avec un mélange de volontariste affamé et d’aisance apparente qui laisse tout simplement pantois. Ils ont pourtant du souffrir pour en arriver là, pour trouver toutes ces idées qui donnent le vertige, ces purs moment d’émotions et de frissons, pour mémoriser tout ça, pour polir cette musique jusqu’à ce qu’elle se mette à briller sous tous les angles. Ils ont du souffrir encore davantage pour donner ce côté sauvage, conquérant et impérieux à Playland : l’album est plutôt court (huit titres, une trentaine de minutes) mais il explose à chaque seconde, se défragmentant puis se recomposant en une succession de moments de bravoure jamais forcés et liés entre eux par une âpreté proche de l’obsessionnel.
Presque au dessus de la mêlée mais toujours happé par elle, le chant est définitivement l’élément passionné et passionnel de Playland : il s’impose tout en invectives mais aussi en belles nuances, réalisant la délicate équation entre ce qu’il faut donner à entendre et ce qu’il est préférable de laisser aller tout seul, entre despotisme sensitif et sincérité de l’immédiateté. On affirmera alors que Playland est tout simplement l’un des albums de cette année 2012. Un album aussi salutairement enragé que définitivement essentiel.

Playland a été enregistré de main de maître par Miguel Constantino dans son studio quelque part en Bretagne. La photo de l’artwork très réussi est signée Amelie Grosselin (guitariste et chanteuse de Fordamage). Enfin, Playland a été publié en vinyle par trois excellents labels dont en général on aime beaucoup vous parler ici : A Tant Rêver Du Roi, Kythibong et Rejuvenation.

dimanche 22 juillet 2012

Comme à la télé : God Bullies




Les God Bullies ne sont pas la formation la plus connue des 90’s et ayant appartenu à l’écurie Amphetamine Reptile records (avec une fin de carrière chez Alternative Tentacles) mais c’est l’une de mes préférées.

Ci après une vidéo de ce groupe du Michigan enregistré en concert à Dallas/Texas en 1991. Bon, accrochez-vous un peu parce que le son n’est pas bien terrible, qu’il craque et que surtout le volume est très bas – donc il faut monter le son de votre ordinateur…




Aux dernières nouvelles les God Bullies n’ont toujours pas eu l’idée de retourner en studio pour enregistrer un nouveau disque forcément inutile bien qu'ils aient eu le mauvais goût de se reformer comme tant d'autres morts vivants persuadés que les années 2000 étaient le bon moment pour le faire (c'était pour les 25 ans d'Amrep et il n'est pas bon de vieillir). Désolé les gars mais un bon groupe des années 90 est un groupe mort.

samedi 21 juillet 2012

Rhys Chatham / Outdoor Spell





Rhys Chatham est un artiste complet. Accordeur de piano pour La Monte Young ou Glenn Gould, ancien curateur/programmateur de la Kitchen de New York, au départ compositeur minimalisme inspiré par Young (encore), il est surtout celui qui le premier a marié la fée électricité des guitares « rock » et la musique minimaliste de ses maîtres à penser, jouant avec les dissonances tirées de la no wave sur des formats répétitifs – quand on dit « premier » c’est effectivement avant que ce gros copieur de Glenn Branca qui a joué avec Chatham à ses débuts ne reprenne toutes les idées de ce dernier à son compte et bien avant que les très arty Sonic Youth ne s’en inspirent également. Mais Rhys Chatham est surtout un homme extrêmement intelligent. Il n’aura pas passé sa vie à ressasser inlassablement Guitar Trio* (sa pièce pour guitares bruyantes et répétitives la plus connue) ni à se reposer sur ses lauriers. Une vision globale de la musique nécessite obligatoirement d’explorer sans cesse, de travailler avec d’autres instruments, de tester de nouvelles façons de faire.
Outdoor Spell est symptomatique de la démarche ouverte et curieuse de Chatham. On pourrait affirmer qu’il s’agit là d’un disque de musique expérimentale bien que l’on craigne qu’employer ce genre de terminologie fasse fuir les éventuels amateurs. Mais non, ne partez surtout pas. Restez donc encore un peu. Outdoor Spell est essentiellement basé sur la trompette. Un instrument d’habitude partialement cantonné dans les sphères du jazz et autres musiques de bal mais qui n’est jamais aussi intéressant que lorsqu’il est trituré, malmené, déphasé. C’est précisément ce qu’entreprend Chatham sur les trois premiers titres du disque, non sans un certain humour, une certaine fraicheur et une certaine poésie. Faire rire avec une trompette péteuse (Crossing The Sword Bridge Of The Abyss) après avoir ému avec une trompette litanique et fantasmagorique (Outdoor Spell) est un bel exploit.
Quatrième et dernier titre du disque, The Magician diffère quelque peu de tout le reste de l’album : voici un trio composé de Rhys Chatham à la trompette, du très grand Jean-Marc Montera à la guitare électrique et de Kevin Shea à la batterie. Douze minutes d’improvisation libre et brute entre trois musiciens aussi expérimentés qu’irrévérencieux. Nettement moins facile d’accès, The Magician n’en demeure pas moins un beau moment de musique complice et tournoyante.



Cette chronique vous pouvez également la lire dans une version (presque) similaire dans le #11 de (new) Noise disponible chez tous les bons kiosques à journaux depuis quelques jours. Enjoy.

* le tripe CD Guitar Trio Is My Life semble démentir cette affirmation un rien péremptoire mais on prend plutôt ce disque paru en 2008 chez Table Of The Elements comme une profession de foi testamentaire que comme la tentative pécuniaire de réchauffer le cadavre refroidi d’une gloriole passée – d’ailleurs ce Guitar Trio Is My Life il faut l’écouter absolument, tout comme le coffret An Angel Moves Too Fast To See publié deux ans auparavant sur le même label et présentant plusieurs aspects de la diversité musicale de Rhys Chatham

vendredi 20 juillet 2012

The Thing & Neneh Cherry / The Cherry Thing





Neneh Cherry + The Thing = The Cherry Thing. Oui, vous avez bien lu. Une chanteuse de variétés qui s’associe à la crème du free jazz actuel. Bon, gardons notre calme et tentons de trouver quelques bonnes raisons pour expliquer cette association. Et commençons par celles qui n’ont rien à voir ou presque. Premièrement Neneh Cherry s’appelle en vrai Neneh Mariann Karlsson et est à moitié suédoise (par sa mère), tout comme Mats Gustafsson de The Thing. Deuxièmement The Thing est le nom d’une composition du trompettiste Don Cherry, lequel n’est autre que le beau-papa de Neneh Cherry – l’histoire raconte que Don Cherry, après avoir épousé Monica Karlsson, a élevé Neneh comme sa propre fille aux côtés de son demi-frère Eagle-Eye et que celle-ci n’a pas pu s’empêcher de prendre le nom de Cherry lorsqu’elle a à son tour décidé de faire de la musique.
Un peu plus sérieusement, Neneh Cherry dans sa prime jeunesse jouait dans un groupe post punk (comme on dit maintenant) plutôt recommandable du nom de Rip Rig + Panic (qui est aussi le titre d’un album de Rahsaan Roland Kirk) en compagnie de Gareth Sager et Bruce Smith, deux anciens membres de The Pop Group – accessoirement Bruce Smith était également le mari de Neneh Cherry.
Encore plus sérieusement, si je ne veux pas que cette chronique de disque se termine en billet mondain digne d’un magazine pipole pour ménagères débordées je suis obligé d’arrêter là. Car en fait il n’y aucune raison valable pour expliquer qu’un jour Mats Gustafsson, Ingebrigt Håker Flaten et Paal Nilssen-Love ont décidé de donner des concerts en compagnie de Neneh Cherry puis d’enregistrer un disque avec elle, aucune raison valable mise à part l’envie de le faire et ça c’est déjà beaucoup. C’est même l’essentiel.
C’est Eugene Robinson d’Oxbow qui je crois a déclaré que le jazz a perdu beaucoup de son âme et de sa raison d’être en délaissant le chant et en devenant quasiment instrumental. The Cherry Thing est un disque qui donne entièrement raison à monsieur Robinson. D’un côté vous avez une chanteuse rompue à toutes les sauces plus ou moins indigestes des hit-parades mondiaux – oui, bon, d’accord, il y a vraiment pire comme chanteuse – et qui a été contrainte d’enregistrer un disque d’une heure en moins de quatre jours et sans avoir recours à la tricherie des studios modernes ni à l’informatique musicale (question sophistication on note quelques rajouts avec une petite section de cuivres sur nombre de titres, quelques overdubs de saxophone, un peu d’orgue, d’électronique ou du vibraphone). De l’autre côté vous avez un trio aventureux qui aime multiplier les collaborations (Otomo Yoshihide, Joe McPhee, Ken Vandermark, etc.) et qui pour la première fois ose se frotter à une « personnalité » qui n’est pas vraiment de son bord.
On peut détester la façon de chanter de Neneh Cherry mais il n’empêche qu’elle a un grain de voix et un feeling qui colle on ne peut mieux avec un groupe de (free) jazz. Les trois garçons de The Thing, puisqu’on en parle, sont très bons dans le rôle d’accompagnateurs de luxe, ont concocté des  arrangements aux petits oignons et ne s’interdisent jamais quelques digressions free dont ils sont coutumiers. En résumé l’association des deux fonctionne et la petite Neneh joue de sa voix avec tact, sensibilité, conviction et ce qu’il faut de beauté, boostée par un Gustafsson qui ne fait rien pour l’étouffer non plus.
Comme toujours avec The Thing, The Cherry Thing est un album bourré de reprises. Outre le What Reason Could I Give d’Ornette Coleman (de son album Science Fiction en 1972) et Golden Heart de Don Cherry (de l’album Complete Communion en 1973), on remarque Accordion de Madlib, le magnifique et magnifié Dream Baby Dream de Suicide et surtout une excellente version du Dirt des Stooges – le dernier titre de la première face de Fun House, évidemment, et non ne hurlez pas, cette reprise n’est pas si hérétique que cela. Un programme qui confirme en partie l’encrage rock/punk/etc. de The Thing mais qui surtout a du permettre à tous les protagonistes de The Cherry Thing de trouver un peu plus qu’un terrain d’entente. C’est bien au niveau de la complicité que tout se passe et The Cherry Thing n’est ni une lubie, ni un coup de bluff et encore moins un disque artificiel mais un bon petit disque qui passe tout seul. Alors maintenant, laissons faire le temps…

[The Cherry Thing est publié en CD par Smalltown Supersound]

jeudi 19 juillet 2012

Report : Cockpit, Kouma et Split Second au Périscope - 14/07/2012





Retour au Périscope pour le dernier soir du festival Expérience(s). Les pompiers sont toujours dans le coin, du moins c’est ce que l’on devine parce qu’au loin on entend encore la vague rumeur du bal annuel du 14 juillet et cette année les clubbers des rues auront donc eu droit à la double dose : une première le vendredi et une seconde le samedi – que du bonheur. Après tout, se bourrer la gueule pour fêter l’abolition d’un régime monarchiste et autoritaire et en profiter pour oublier où nous en sommes arrivés de nos jours, en 2012, reste une activité comme une autre.
Mais l’éternelle ardoise placée à l’entrée du Périscope dévoile le déroulement d’une tout autre soirée. Ce sera donc Split Second puis Cockpit et enfin Kouma. Et malgré l’absence de tête d’affiche un peu porteuse ce dernier jour du festival connaitra un bon petit succès, ce qui il faut bien l’avouer n’était pas gagné d’avance…




C’est devant un public clairsemé que Split Second commence. Split Second est un duo composé de la saxophoniste Christine Abdelnour (elle joue de l’alto) et de Ryan Kernoa à la guitare. La première est une habituée de la scène des musiques improvisées et expérimentales ; on connait le second parce qu’il joue – très fort – dans Kourgane. Un duo qui sur le papier est assez étonnant mais heureusement que la vie est bien faite : ces deux là forment un beau duo.
Un duo qui doit beaucoup également au travail de Stefano Canapa, l’homme de l’ombre qui du fond de la salle diffuse à l’aide de trois projecteurs 16 mm des bouts de films presque exclusivement en noir et blanc, déforme les images, les mélange et éventuellement brûle ses pellicules. Evidemment on pense un peu au travail de Christophe Auger et Xavier Quérel au sein de La Cellule d’Intervention Metamkine mais pas seulement : Stefano Canapa joue plus sur les textures qui granulent et privilégie les contrastes presque thermiques entre blanc et noir (il utilise aussi une sorte de stroboscope qui annihile en une fraction de seconde tout repère visuel). 
De leur côté les deux musiciens murmurent, grincent ou tiennent la note. Après une intro réussie parce qu’un brin mystérieuse puis une partie intermédiaire malheureusement trop flottante, le dialogue finit par s’installer, particulièrement réussi sur toute la dernière partie du concert, en forme de longue plainte bruitiste s’élevant dans les airs.



C’est toujours avec plaisir que l’on retrouve Julien Desprez en concert : IRèNE, Q et DDJ sont autant de groupes que l’on apprécie. Pour Cockpit il s’est associé avec le batteur Edward Perraud (qui joue dans Das Kapital) et du bassiste Hubert Dupont qui a lui aussi un curriculum vitae long comme le bras. Autant dire tout de suite que ce concert de Cockpit a été un éprouvant calvaire : aucune idée forte, aucune tenue et surtout l’impression de trois musiciens n’ayant strictement rien à faire les uns avec les autres. Cela n’en finissait pas et plus le concert avançait on plus regrettait le gâchis d’un guitariste tel que Julien empêtré dans ce que l’on pourra qualifier au mieux de caricature de musique improvisée (et démonstrative). Par contre je remercie mon camarade d’un soir – dont je tairai le nom – d’avoir éclater de rire en même temps que moi à la fin du concert en signe de soulagement et de libération.




Fort heureusement KOUMA a largement sauvé la soirée. Pendant le changement de plateau entre les deux groupes les gens du Périscope ont eu la très bonne idée d’enlever les chaises disposées devant la scène : il était impensable que le trio s’échine devant un parterre de spectateurs trop sagement assis – un mauvais plaisantin décidément mal remis de Cockpit en a même profité pour s’écrier maintenant c’est rock’n’roll.
Il est vrai que le concert de Kouma a été à l’exact opposé de celui du groupe précédent. Un pur moment de furie et de folie, sur les traces de l’excellent premier album sans titre du trio. Il n’y a plus grand-chose de réellement jazz dans Kouma, sauf cet esprit vindicatif, libertaire et libérateur du free européen du début des années 70. Parce que question énergie et électricité, Kouma est un power trio total, terriblement noise et crade avec cette guitare baryton saccadée et ce saxophone baryton lui aussi qui bien qu’étant l’élément introduisant de la mélodie dans la musique du groupe sait parfaitement ce que tension et fracas signifie. Et je ne vous parle même pas de ce  batteur tout simplement génial et diabolique.
Les gens dans le public étaient donc debout, hurlaient, bougeaient, trépignaient et finalement Kouma a récolté l’enthousiasme auquel Pneu n’avait malheureusement pas eu droit la veille. Une véritable ovation et une ovation largement méritée : Kouma a littéralement explosé les compteurs question frénésie et fulgurance, à la limite de la transe la plus folle et des musiques électriques les plus rudes. Un très grand bravo, vraiment.

[quelques photos du concert sont visibles ici]

mercredi 18 juillet 2012

Report : L'Etrangleuse, L'Ocelle Mare et Pneu au Périscope - 13/07/2012




C’est déjà la cinquième édition du festival Expérience(s) organisé comme tous les ans par le Périscope de Lyon. Et tout ce que l’on espère c’est que cet évènement grossisse toujours un peu plus, occupe enfin toute la place qu’il mérite et devienne une réelle référence en matière d’éclectisme et de recherche musicale – tout en gardant son côté humain et convivial, cela va de soi.
J’aurai tout tenté pour assister à l’ensemble de la programmation de cette nouvelle édition du festival mais je n’aurai réussi qu’à rater les premiers jours et en particulier la soirée du jeudi 12 juillet – par ailleurs de très bons échos me sont parvenus du duo eRikm/Frédéric Blondy et surtout d’Actuum, quartet de free jazz très colemanien dans l’esprit (et dont on reparlera bientôt). Par contre hors de question de rater cette soirée du 13 avec L’Etrangleuse, L’Ocelle Mare et Pneu.
Arrivé sur place je m’aperçois que juste à côté du Périscope certaines rues sont complètement bloquées à la circulation et on peut entendre au loin le bruit du bal des pompiers – le contraste avec l’ambiance plus détendue du Périscope est saisissant et assez drôle. Or ce qui est vraiment énervant c’est de constater une fois de plus que le week-end du 14 juillet est l’un des jours privilégiés dans l’année où quelques uniformes peuvent faire diffuser en plein milieu de la ville de la musique pas loin d’être innommable voire complètement insupportable et ce à des volumes désormais interdits et bien sûr jusqu’à l’aube – alors que tout le restant de l’année les bars et petites salles de concerts sont eux régulièrement harcelés et mis à l’amende au nom des principes bien propres sur eux de  l’ « écologie urbaine » et du respect des riverains. Passons.




Le début de cette soirée au Périscope est placé sous le signe d’une certaine délicatesse. Le premier album sans titre de L’Etrangleuse publié par les Disques de Plomb avait dévoilé énormément de charmes et de diversité aussi ce concert suscitait-il une attente certaine. Sur la scène trône une harpe majestueuse et imposante. Juste à côté toute une rangée de pédales d’effets et une guitare.
L’Etrangleuse est un duo mariant subtilement écriture sophistiquée et énergie rock : la guitare est le plus souvent électrique mais pas de trop ; la harpe distille arpèges et douceur(s) mais pas seulement. On est même très étonnés de la vitalité et des résonnances que la harpiste tire sans aucune peine de son instrument, entre puissance et élégance. Ce gros machin en bois et truffé de cordes recèle bien plus de possibilités que ce l’opinion commune veut bien d’ordinaire lui accorder.
Presque tout l’album de L’Etrangleuse sera passé en revue pendant le set – quelques chansons un brin folklorique, des instrumentaux plus post rock, une très belle reprise de Kletka Red – et on est séduits par la force tranquille et exigeante d’une musique qui n’hésite pas à se frotter à une certaine simplicité et une élégance sobre mais fort justement mise en valeur : les deux musiciens sur scène ont une certaine conviction et beaucoup de charme, au moins autant que leur musique.




Thomas Bonvalet aka L’Ocelle Mare a déjà installé tout son attirail sur le côté gauche de la scène. Des bidules insensés pour qui s’attend à écouter de la musique (ou quelque chose censée s’en approcher), des objets hétéroclites, des instruments un peu fatigués ou bricolés, un banjo… Tout est éclairé en contre-plongée par une petite loupiote qui illumine Thomas Bonvalet sans pourtant l’éclairer réellement, transforme le musicien en statue de pierre vivante, projette des ombres qui masquent une partie de ce petit coin de scène mais laissent apparaitre de drôles de formes. Une lumière qui réussit à donner un caractère d’irréalité complète à ce que l’on croit tout de même deviner tout en accentuant la perception des choses. Comme un trompe-l’œil en perpétuel mouvement et imprégnant l’atmosphère d’une fragilité un peu brutale mais également d’un trouble évident comme celui provoqué par un cri incompréhensible et tétanisant.
Assister à un concert de L’Ocelle Mare c’est donc déjà un vrai plaisir pour les yeux. Cette musique aux contours toujours très organiques mais à la beauté décidemment minérale pourrait se suffire à elle-même or l’avantage de voir Thomas Bonvalet réellement devant soi, en train de jouer, de se tordre sur son tabouret, de transpirer et de tout détraquer est de balayer aussi sec tout ce que l’on avait fini par en penser – oh, seulement deux ou trois petites certitudes mais jamais beaucoup plus – et nous voila abandonnés mais heureux dans un autre espace-temps, estomaqués parce qu’il n’est même plus convenu d’appeler « classe », une beauté d’autant plus mystérieuse qu’elle est à la fois fulgurante et à portée de la main. On voudrait donc la toucher cette musique tellement elle nous parle tout en nous étourdissant, on voudrait l’attraper fermement autant qu’elle nous captive mais on ne peut pas. Baigné par sa lumière d’icône irréelle et de poète des sons Thomas Bonvalet/L’Ocelle Mare est tout-puissant et tellement inaccessible mais en même temps tellement généreux et altruiste.




Tranchant nettement avec le reste de la soirée, c’est PNEU qui jouait en dernier. Les tourangeaux sont arrivés assez tard au Périscope, leur beau van orange  ayant crevé sur la route (!!??) – une mésaventure qui peut arriver à tout le monde, même aux meilleurs, la preuve. Je me suis demandé depuis quand je n’avais pas revu Pneu en concert : à ma grande surprise la dernière fois remonte déjà à Septembre 2010, lors du premier passage à Lyon de la Colonie de Vacances aux côtés d’Electric Electric, Marvin et Papier Tigre. Entretemps Pneu a pourtant bien rejoué à Lyon (toujours avec la colo) et il paraitrait également que le duo a donné un concert impromptu en guise d’after soulographe lors du Festival Africantape en avril 2011 mais voilà bien une information que je n’ai jamais pu vérifier de sources sûres. Qu’importe, je vais pouvoir me rattraper.
Pneu en concert, cela reste du Pneu : d’un côté un guitariste survolté et de l’autre un batteur qui le lui rend bien. Je laisse aux anciens le soin de disserter avec âpreté pour savoir si Pneu ce n’était pas mieux avant lorsque le guitariste n’avait qu’un seul ampli et une ou deux pédales d’effets seulement (maintenant il utilise des loop stations et il a même un octaver) parce que moi je m’en fous complètement : j’aime toujours ce groupe en concert et c’est bien parti pour que je les aime toujours.
Pourtant Pneu a souffert du même phénomène que Marvin l’année précédente et au même endroit : un certain immobiliste poli et contagieux de son auditoire du jour. A croire que l’ambiance cosy du Périscope coupe toute velléité dans le public de se bouger le popotin et de se mettre à puer sous les bras. A la place l’audience était presque uniquement composée de rangées de chiens-chiens à tête basculante comme celui que mon oncle Jean-Claude avait installé sur la plage arrière de sa R12 en 1975. J’admets volontiers que pour ma part je n’ai pas réellement donné l’exemple, un peu occupé à prendre quelques photos pour immortaliser cette improbable séance de yoganoise. A la prochaine les gars.

mardi 17 juillet 2012

CHROMB! / self titled


Mouhaha haha hahaha ! Mais qu’est ce quoi donc qu’est-ce ? Lorsque ce premier disque de CHROMB! a atterri sur la platine/piste de crash taste de 666rpm, mon sang n’a fait qu’un tour, évidemment dans le mauvais sens. Ne me trouvais-je pas instantanément et violemment confronté à tout ce que je déteste en matière de musique ? Rapidement : de vrais faux airs de jazz vindicatif, la présence de synthétiseurs et de bidouilles électroniques envahissants voire menant la danse, un saxophone alto pleurnichard, une basse beaucoup trop effacée et surtout sur deux ou trois titres l’intervention d’un chant funky/soul et suraigu. N’en jetez plus, ce disque n’est pas fait pour moi et quelle drôle d’idée de me l’avoir envoyé.
Et puis j’ai lu le (très) gentil mot accompagnant le disque : « Salut ! On aime bien ton blog. Alors on tenait à t’offrir notre premier album… Si ces basses flatteries ne te rebutent pas trop, peut-être accepteras-tu de le chroniquer… Ou peut-être de venir nous voir en vrai, en concert, tu trouveras la liste [des dates] ci-joint… CHROMB! te remercie. Bonne écoute ! ». Exactement de quoi me motiver pour en rajouter une couche dans la méchanceté gratuite et de descendre de manière deux fois plus dégueulasse encore un pauvre petit disque prétentieux.




En fait c’est à peu près tout le contraire qui s’est produit. J’ai tout de suite voulu écouter ce disque, intrigué par l’objet et son artwork – signé Benjamin Flao – qui m’a immédiatement attiré, pauvre matérialiste que je suis : des wagons balayés par une tempête de vent sur fond de paysage industriel désolé (et ce qui me plait le plus c’est ce bidon rouge entre les voies ferrées qui lui reste absolument collé au sol… le recto du disque est très bien également).
En toute sincérité il ne m’a pas fallu très longtemps pour tomber éperdument amoureux de CHROMB! et de sa musique. Et j’en suis le premier étonné. Car le jazz électrique et nuageux de CHROMB! possède c’est vrai une syntaxe et des éléments inhabituels pour des oreilles un brin passéistes et éduquées au free jazz de papa – petit raccourci flagrant : de Coltrane à Gustafsson en passant par Brötzmann et Joe McPhee – et un esprit qui n’en démord pas de ce qui est avec le temps devenu un nouvel académisme.
Académique, la musique de CHROMB! ne l’est vraiment pas. Et il est donc vrai que les synthétiseurs, orgues et autres Fender Rhodes mènent la danse ici. Camille Durieux qui joue de tous ces bidules est d’ailleurs l’un des principaux compositeurs de CHROMB!. Tout s’explique. Mais ce  garçon est loin d’être seul : il est accompagné d’Antoine Mermet au saxophone (alto et baryton) et à la voix, de Lucas Hercberg à la basse et de Guillaume Gestin à la batterie. Un groupe très actuel partant du jazz pour le mêler à toujours plus d’électricité sans avoir recours à une quelconque guitare. Toute ressemblance avec un groupe anglais de la fin des années 60/débuts des années 70 et originaire de Canterbury n’est peut être pas totalement fortuite.
Les emprunts sont ici multiples, électro évidemment comme sur les passages façon abstract/trip hop concassé de Il L’A Fait Avec Ta Sœur or le plus formidable ce sont ces envolées très lyriques dont CHROMB! a décidé de ne jamais se priver. Des volutes impérieuses qui dansent avec le kitsch progressif tout en lui intimant l’ordre de se tenir à sa place. La musique de CHROMB! fourmille allègrement de détails luxuriants et qui débordent constamment certes, mais toujours comme il le faut – on s’en aperçoit systématiquement une fois que tout est fini et que l’on a même pas eu le temps de s’écrier que le groupe en fait trop. Tout est donc une affaire de dosage dans l’exubérance et le lyrisme.
Certains titres sont d’apparence plus free rock et encore plus folle (Apocalypso) mais il y a toujours ce groove électrique – pas un groove qui fait danser sous les sunlights mais celui qui vous enveloppe les os d’un frisson impérieux de sensations proches d’un bon shoot d’adrénaline ou de ce que vous voudrez (du moment que c’est une drogue). Enfin, il y a effectivement du chant sur ce disque. Il apparait une première fois sur Tu Es Ma Pause Déjeuner : aigu et criard, sensible et lyrique, emphatique et sauvage comme les cris d’un petit animal coincé mais déployant tout son instinct de survie. Tu Es Ma Pause Déjeuner est le point de basculement d’un disque qui se payait déjà le luxe d’être intrigant et haletant. Cette musique de l’âme qui vascille pour mieux renaitre touche alors au plus juste et devient définitivement bourrée d’émotions, elle est aussi intemporelle et poétique que celle d’un Soft Machine endossant la combinaison magique du Surfer d’Argent. Et il en sera ainsi jusqu’à Maloyeuk qui est de loin la composition la plus grandiloquente du disque – et comme un vrai coup de grâce, celle qui bien sûr ne vous épargne pas mais vous touche encore et encore.
Ce disque totalement autoproduit est en écoute intégrale sur la page Soundcloud de CHROMB !. Et pour contacter le groupe, une seule adresse : madamechromb [arobase] gmail [point] com.




CHROMB! est également à l’affiche du festival Deux Jours De Musique Irréconcilée qui se tiendra les 20 et 21 juillet prochain à Peyrelevade. Non seulement Peyrelevade est un très beau coin de la campagne corrézienne mais en plus la programmation est au top : signalons France Sauvage et Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp le 20 ainsi que Marylin-Rambo, CHROMB! (donc) et K-Branding le 21. Et tout ça pour 10 €uros les deux jours, la campagne ça a vraiment du bon.
Sinon CHROMB! sera également à l’affiche de la prochaine édition du Riddim Collision à Lyon au mois de novembre prochain – mais ça on en reparlera en temps voulu…

lundi 16 juillet 2012

Movie Star Junkies / Son Of The Dust




Il est vraiment précédé d’une très sale réputation ce troisième album des MOVIE STAR JUNKIES. Il paraitrait même que la fête est définitivement terminée, que tout le monde est rentré bien sagement à la maison et que l’entrain d’antan a laissé la place à une ambiance lénifiante au possible… Alors ? Gueule de bois, repos du guerrier, sieste digestive et citrate de bétaïne/alka seltzer à la cantonade ?
OK, on admettra qu’avec Son Of The Dust les Movie Stars Junkies s’éloignent plus que jamais de la furie maritime et déjantée du génial Melville et de la gouaille alcoolisée/fin de partie d’A Poison Tree. Mais avec le recul on s’aperçoit surtout que Son Of The Dust s’inscrit parfaitement dans une certaine logique, que les trois albums des Movies Stars Junkies (quatre si on compte l’excellente et indispensable compilation de singles et raretés Junkyears) forment un tout et que chaque enregistrement représente en quelque sorte une facette différente de ce tout.
Alors ne boudons pas notre plaisir parce qu’il est tout simplement excellent ce Son Of The Dust et il l’est instantanément, dès les premières écoutes et sans discussion possible – alors que son prédécesseur direct A Poison Tree avait lui nécessité un petit peu d’apprentissage, sans doute parce qu’il avait un côté un peu trop forcé par moment. Certainement plus sereine et moins éthylique, la musique des Movie Stars Junkies n’en est pas pour autant devenue insipide. Certes les rythmes trépident désormais rarement, les guitares sont passées en mode aigrelet, le chant susurre voir croonise à l’envie, les chœurs féminins envahissent chaque retour de refrain, Nick Cave et ses Bad Seeds viennent de dépasser  la quarantaine sans s’en rendre vraiment compte et on sent surnager comme une légèreté presque pop. Pop est en fait un mot bien mal choisi, disons plutôt que les Movie Stars Junkies ont travaillé leurs mélodies et leurs arrangements sur l’établi, se sont débarrassés du côté trop gouailleur, ont pissé un bon coup toute la bière frelatée qu’il leur restait dans le bide, ont épousseté leurs vestes de costumes dépareillées, ont rajouté une fleur un peu fanée à leurs boutonnières, ont lustré leurs vieilles chaussures en cuir fatigué sur le derrière des jambes de leurs pantalons et ils sont passé en mode dandy froissé et piquant – non pas le dandy qui souffre parce qu’il est trop défoncé et qu’il a des remords, qu’il pense à son amour perdu et qu’il prétend regarder dieu dans le blanc des yeux mais le dandy consciemment décadent et un rien rigolard qui se souvient de tout, recommencera peut-être parce qu’il ne veut renoncer à rien.
Si j’osais – tant pis, j’ose… – je dirais même que l’euphorie discrète et élégante qui se dégage de Son Of The Dust est une euphorie amoureuse mais lucide. Rien à voir avec du gnangnan et du va comme je te montre mon petit cœur tout bleu (quoique) mais plutôt le plaisir éphémère d’une joie peut-être sans lendemain et dont on ne veut pas manquer une miette. En cela Son Of The Dust n’a rien de très différent de Melville et d’A Poison Tree : la musique des Movie Star Junkies est toujours la musique d’un quotidien que l’on s’efforce de rendre différent. Exprimer son ressenti pour une musique sous un angle d’utilité quelconque c’est mal mais s’il me fallait vraiment le faire voilà bien la seule raison qui m’y pousserait : aujourd’hui et rien d’autre (et, bien sûr, exactement la même chose demain).

[Son Of The Dust  est publié sous la forme d’un combo vinyle + CD par deux labels : Outside Inside records et Wild Honey records]

dimanche 15 juillet 2012

Comme à la télé : Sonic Youth 25 ans après



Comme pour faire écho à une précédente vidéo, revoilà les Sonic Youth en concert et enregistrés pour ce qui reste à ce jour la dernière apparition du groupe. Cela se passait le 14 novembre 2011 au Brésil.













Aucun regret, donc.

samedi 14 juillet 2012

EL-P / Cancer 4 Cure




Nouveau messie du hip-hop underground depuis plus de dix ans, ex Company Flow, cofondateur désormais démissionnaire de Definitive Jux recordings et génial producteur de l’album The Cold Vein de Cannibal Ox (entre autres), EL-P revient enfin avec un nouvel enregistrement, Cancer 4 Cure… sur Fat Possum cette fois. Bon, allez, c’est vrai que l’on a été un peu surpris suite à l’annonce de ce changement de label et qu’un brin d’inquiétude avait même fait son apparition. En attendant d’en savoir plus on pouvait toujours supputer sur l’illustration de la pochette de Cancer 4 Cure reprenant celle de l’album I'll Sleep When You're Dead mais en version phœnix transformé en miroir aux alouettes et surtout en mille morceaux. On pouvait également extrapoler au sujet d’un titre d’album aussi sibyllin que mortifère.
Mais le résultat est là, éclatant de réussite : avec Cancer 4 Cure on ne peut qu’admettre qu’EL-P continue de boxer hors catégorie. Et très loin au dessus de tout le monde. Si quelque chose s’est brisée en ce bas monde ce ne sont certainement pas l’inspiration ni le mordant du presque quarantenaire Jaime Meline, El Producto.
Marques de fabrique incontournables, les instrus de Cancer 4 Cure sont à la fois luxuriants et glaçants, les rythmes tribaux et irrésistibles (le presque breakbeat de Request Denied surligné par un sample en hommage aux débuts de Meat Beat Manifesto – « Storm The Studio »), le flow d’EL-P imperturbable et impérieux. Cancer 4 Cure impressionne par ce mélange de brutalité froide et de sophistication accessible à tous, de profusion d’idées et d’efficacité inquiétante, entre embrouilles électro de haut vol et urbanité contagieuse et viscérale. Malgré une fin d’album moins rentre-dedans, moins nerveuse et presque plus mélancolique il n’y a sur cet album strictement aucun temps mort ni aucune éclaircie pour reprendre son souffle – le très beau mais très sombre Sign Here n’est finalement qu’un faux répit – et Cancer 4 Cure apparait à la fois encore plus tendu et plus luxuriant que tous ses prédécesseurs réunis. Il est surtout d’une unité et d’une cohésion pas loin d’être admirables.
Dernier détail, EL-P a souvent fait appel à des invités hors hip-hop et hors rap, des gens souvent pas recommandables pour deux sous mais il a toujours su les intégrer dans un ensemble cohérent, loin de tout effet artificiel – ici c’est le poupon Paul Banks des abominables Interpole qui apparait sur Works Everytime et le blondinet new-yorkais colle parfaitement à l’ambiance voulue tout comme Trent Reznor l’avait fait avant lui sur l’album I'll Sleep When You're Dead. Sur Stay Down Nick Diamonds (aka Nicholas Thorburn) vient lui aussi pousser la chansonnette et le résultat est tout simplement époustouflant. Il est toujours amusant de constater comment El-P arrive à faire exactement ce qu’il veut de ses guests, aussi pénibles soient-ils. Côté invités hip-hop on remarque le gros affreux Mr Motherfucking eXquire, Danny Brown, Killer Mike et Despot, soit la crème du hip-hop undergrond US.
Aussi bon rappeur que producteur éclairé, orfèvre du son et ingénieur expert en magie noire, El-P livre avec Cancer 4 Cure son meilleur album solo à ce jour. L’avenir lui appartient plus que jamais.