Retour au Périscope pour le dernier soir du
festival Expérience(s). Les pompiers sont toujours dans le coin, du moins c’est
ce que l’on devine parce qu’au loin on entend encore la vague rumeur du bal
annuel du 14 juillet et cette année les clubbers des rues auront donc eu droit
à la double dose : une première le vendredi et une seconde le samedi – que
du bonheur. Après tout, se bourrer la gueule pour fêter l’abolition d’un
régime monarchiste et autoritaire et en profiter pour oublier où nous en sommes
arrivés de nos jours, en 2012, reste une activité comme une autre.
Mais l’éternelle ardoise
placée à l’entrée du Périscope dévoile le déroulement d’une tout autre
soirée. Ce sera donc Split Second puis Cockpit et enfin Kouma. Et malgré
l’absence de tête d’affiche un peu porteuse ce dernier jour du festival
connaitra un bon petit succès, ce qui il faut bien l’avouer n’était pas gagné
d’avance…
C’est devant un public clairsemé que Split Second
commence. Split Second est un duo composé de la saxophoniste Christine Abdelnour (elle joue de l’alto) et de Ryan Kernoa à la
guitare. La première est une habituée de la scène des musiques improvisées et
expérimentales ; on connait le second parce qu’il joue – très fort – dans
Kourgane. Un duo qui sur le papier est assez étonnant mais heureusement que la
vie est bien faite : ces deux là forment un beau duo.
Un duo qui doit
beaucoup également au travail de Stefano Canapa, l’homme de l’ombre qui du fond
de la salle diffuse à l’aide de trois projecteurs 16 mm des bouts de films presque
exclusivement en noir et blanc, déforme les images, les mélange et
éventuellement brûle
ses pellicules. Evidemment on pense un peu au
travail de Christophe Auger et Xavier Quérel au sein de La Cellule d’Intervention Metamkine mais pas seulement :
Stefano Canapa joue plus sur les textures qui granulent et privilégie les
contrastes presque thermiques entre blanc et noir (il utilise aussi une sorte
de stroboscope qui annihile en une fraction de seconde tout repère visuel).
De leur côté les deux musiciens murmurent, grincent ou tiennent la note. Après une intro réussie parce qu’un brin mystérieuse puis une partie intermédiaire malheureusement trop flottante, le dialogue finit par s’installer, particulièrement réussi sur toute la dernière partie du concert, en forme de longue plainte bruitiste s’élevant dans les airs.
De leur côté les deux musiciens murmurent, grincent ou tiennent la note. Après une intro réussie parce qu’un brin mystérieuse puis une partie intermédiaire malheureusement trop flottante, le dialogue finit par s’installer, particulièrement réussi sur toute la dernière partie du concert, en forme de longue plainte bruitiste s’élevant dans les airs.
C’est toujours avec plaisir que l’on retrouve Julien Desprez en concert : IRèNE, Q et DDJ sont
autant de groupes que l’on apprécie. Pour Cockpit il s’est associé avec le
batteur Edward Perraud (qui joue dans Das Kapital) et du bassiste Hubert Dupont
qui a lui aussi un curriculum vitae long comme le bras. Autant dire tout de
suite que ce concert de Cockpit a été un éprouvant calvaire : aucune idée
forte, aucune tenue et surtout l’impression de trois musiciens n’ayant strictement
rien à faire les uns avec les autres. Cela n’en finissait pas et plus le
concert avançait on plus regrettait le gâchis d’un guitariste tel que Julien
empêtré dans ce que l’on pourra qualifier au mieux de caricature de musique
improvisée (et démonstrative). Par contre je remercie mon camarade d’un soir –
dont je tairai le nom – d’avoir éclater de rire en même temps que moi à la fin
du concert en signe de soulagement et de libération.
Fort heureusement KOUMA a largement
sauvé la soirée. Pendant le changement de plateau entre les deux groupes les
gens du Périscope ont eu la très bonne idée d’enlever les chaises disposées
devant la scène : il était impensable que le trio s’échine devant un
parterre de spectateurs trop sagement assis – un mauvais plaisantin décidément
mal remis de Cockpit en a même profité pour s’écrier maintenant c’est rock’n’roll.
Il est vrai que le concert de Kouma a été à
l’exact opposé de celui du groupe précédent. Un pur moment de furie et de
folie, sur les traces de l’excellent premier album sans
titre du trio. Il n’y a plus grand-chose de réellement jazz dans Kouma,
sauf cet esprit vindicatif, libertaire et libérateur du free européen du début des
années 70. Parce que question énergie et électricité, Kouma est un power trio
total, terriblement noise et crade avec cette guitare baryton saccadée et ce
saxophone baryton lui aussi qui bien qu’étant l’élément introduisant de la
mélodie dans la musique du groupe sait parfaitement ce que tension et fracas
signifie. Et je ne vous parle même pas de ce
batteur tout simplement génial et diabolique.
Les gens dans le public étaient donc debout,
hurlaient, bougeaient, trépignaient et finalement Kouma a récolté l’enthousiasme
auquel Pneu n’avait malheureusement pas eu droit la veille. Une véritable
ovation et une ovation largement méritée : Kouma a littéralement explosé
les compteurs question frénésie et fulgurance, à la limite de la transe la plus
folle et des musiques électriques les plus rudes. Un très grand bravo,
vraiment.
[quelques photos du concert sont visibles ici]
[quelques photos du concert sont visibles ici]