jeudi 19 juillet 2012

Report : Cockpit, Kouma et Split Second au Périscope - 14/07/2012





Retour au Périscope pour le dernier soir du festival Expérience(s). Les pompiers sont toujours dans le coin, du moins c’est ce que l’on devine parce qu’au loin on entend encore la vague rumeur du bal annuel du 14 juillet et cette année les clubbers des rues auront donc eu droit à la double dose : une première le vendredi et une seconde le samedi – que du bonheur. Après tout, se bourrer la gueule pour fêter l’abolition d’un régime monarchiste et autoritaire et en profiter pour oublier où nous en sommes arrivés de nos jours, en 2012, reste une activité comme une autre.
Mais l’éternelle ardoise placée à l’entrée du Périscope dévoile le déroulement d’une tout autre soirée. Ce sera donc Split Second puis Cockpit et enfin Kouma. Et malgré l’absence de tête d’affiche un peu porteuse ce dernier jour du festival connaitra un bon petit succès, ce qui il faut bien l’avouer n’était pas gagné d’avance…




C’est devant un public clairsemé que Split Second commence. Split Second est un duo composé de la saxophoniste Christine Abdelnour (elle joue de l’alto) et de Ryan Kernoa à la guitare. La première est une habituée de la scène des musiques improvisées et expérimentales ; on connait le second parce qu’il joue – très fort – dans Kourgane. Un duo qui sur le papier est assez étonnant mais heureusement que la vie est bien faite : ces deux là forment un beau duo.
Un duo qui doit beaucoup également au travail de Stefano Canapa, l’homme de l’ombre qui du fond de la salle diffuse à l’aide de trois projecteurs 16 mm des bouts de films presque exclusivement en noir et blanc, déforme les images, les mélange et éventuellement brûle ses pellicules. Evidemment on pense un peu au travail de Christophe Auger et Xavier Quérel au sein de La Cellule d’Intervention Metamkine mais pas seulement : Stefano Canapa joue plus sur les textures qui granulent et privilégie les contrastes presque thermiques entre blanc et noir (il utilise aussi une sorte de stroboscope qui annihile en une fraction de seconde tout repère visuel). 
De leur côté les deux musiciens murmurent, grincent ou tiennent la note. Après une intro réussie parce qu’un brin mystérieuse puis une partie intermédiaire malheureusement trop flottante, le dialogue finit par s’installer, particulièrement réussi sur toute la dernière partie du concert, en forme de longue plainte bruitiste s’élevant dans les airs.



C’est toujours avec plaisir que l’on retrouve Julien Desprez en concert : IRèNE, Q et DDJ sont autant de groupes que l’on apprécie. Pour Cockpit il s’est associé avec le batteur Edward Perraud (qui joue dans Das Kapital) et du bassiste Hubert Dupont qui a lui aussi un curriculum vitae long comme le bras. Autant dire tout de suite que ce concert de Cockpit a été un éprouvant calvaire : aucune idée forte, aucune tenue et surtout l’impression de trois musiciens n’ayant strictement rien à faire les uns avec les autres. Cela n’en finissait pas et plus le concert avançait on plus regrettait le gâchis d’un guitariste tel que Julien empêtré dans ce que l’on pourra qualifier au mieux de caricature de musique improvisée (et démonstrative). Par contre je remercie mon camarade d’un soir – dont je tairai le nom – d’avoir éclater de rire en même temps que moi à la fin du concert en signe de soulagement et de libération.




Fort heureusement KOUMA a largement sauvé la soirée. Pendant le changement de plateau entre les deux groupes les gens du Périscope ont eu la très bonne idée d’enlever les chaises disposées devant la scène : il était impensable que le trio s’échine devant un parterre de spectateurs trop sagement assis – un mauvais plaisantin décidément mal remis de Cockpit en a même profité pour s’écrier maintenant c’est rock’n’roll.
Il est vrai que le concert de Kouma a été à l’exact opposé de celui du groupe précédent. Un pur moment de furie et de folie, sur les traces de l’excellent premier album sans titre du trio. Il n’y a plus grand-chose de réellement jazz dans Kouma, sauf cet esprit vindicatif, libertaire et libérateur du free européen du début des années 70. Parce que question énergie et électricité, Kouma est un power trio total, terriblement noise et crade avec cette guitare baryton saccadée et ce saxophone baryton lui aussi qui bien qu’étant l’élément introduisant de la mélodie dans la musique du groupe sait parfaitement ce que tension et fracas signifie. Et je ne vous parle même pas de ce  batteur tout simplement génial et diabolique.
Les gens dans le public étaient donc debout, hurlaient, bougeaient, trépignaient et finalement Kouma a récolté l’enthousiasme auquel Pneu n’avait malheureusement pas eu droit la veille. Une véritable ovation et une ovation largement méritée : Kouma a littéralement explosé les compteurs question frénésie et fulgurance, à la limite de la transe la plus folle et des musiques électriques les plus rudes. Un très grand bravo, vraiment.

[quelques photos du concert sont visibles ici]