Rhys Chatham
est un artiste complet. Accordeur de piano pour La Monte Young ou Glenn Gould,
ancien curateur/programmateur de la Kitchen de New York, au départ compositeur
minimalisme inspiré par Young (encore), il est surtout celui qui le premier a
marié la fée électricité des guitares « rock » et la musique minimaliste
de ses maîtres à penser, jouant avec les dissonances tirées de la no wave sur
des formats répétitifs – quand on dit « premier » c’est effectivement
avant que ce gros copieur de Glenn Branca qui a joué avec Chatham à ses débuts
ne reprenne toutes les idées de ce dernier à son compte et bien avant que
les très arty Sonic Youth ne s’en inspirent également. Mais Rhys Chatham est
surtout un homme extrêmement intelligent. Il n’aura pas passé sa vie à
ressasser inlassablement Guitar Trio*
(sa pièce pour guitares bruyantes et répétitives la plus connue) ni à se
reposer sur ses lauriers. Une vision globale de la musique nécessite
obligatoirement d’explorer sans cesse, de travailler avec d’autres instruments,
de tester de nouvelles façons de faire.
Outdoor
Spell est symptomatique de la démarche ouverte et curieuse de Chatham. On
pourrait affirmer qu’il s’agit là d’un disque de musique expérimentale bien que
l’on craigne qu’employer ce genre de terminologie fasse fuir les éventuels amateurs.
Mais non, ne partez surtout pas. Restez donc encore un peu. Outdoor Spell est essentiellement basé
sur la trompette. Un instrument d’habitude partialement cantonné dans les
sphères du jazz et autres musiques de bal mais qui n’est jamais aussi
intéressant que lorsqu’il est trituré, malmené, déphasé. C’est précisément ce
qu’entreprend Chatham sur les trois premiers titres du disque, non sans un
certain humour, une certaine fraicheur et une certaine poésie. Faire rire avec
une trompette péteuse (Crossing The Sword
Bridge Of The Abyss) après avoir ému avec une trompette litanique et
fantasmagorique (Outdoor Spell) est
un bel exploit.
Quatrième et dernier titre du disque, The Magician diffère quelque peu de tout le reste de l’album : voici un trio composé de Rhys Chatham à la trompette, du très grand Jean-Marc Montera à la guitare électrique et de Kevin Shea à la batterie. Douze minutes d’improvisation libre et brute entre trois musiciens aussi expérimentés qu’irrévérencieux. Nettement moins facile d’accès, The Magician n’en demeure pas moins un beau moment de musique complice et tournoyante.
Quatrième et dernier titre du disque, The Magician diffère quelque peu de tout le reste de l’album : voici un trio composé de Rhys Chatham à la trompette, du très grand Jean-Marc Montera à la guitare électrique et de Kevin Shea à la batterie. Douze minutes d’improvisation libre et brute entre trois musiciens aussi expérimentés qu’irrévérencieux. Nettement moins facile d’accès, The Magician n’en demeure pas moins un beau moment de musique complice et tournoyante.
Cette chronique vous pouvez également la lire dans une version (presque) similaire dans le #11 de (new) Noise disponible chez tous les bons kiosques à journaux depuis quelques jours. Enjoy.
* le tripe CD Guitar
Trio Is My Life semble démentir cette affirmation un rien péremptoire mais
on prend plutôt ce disque paru en 2008 chez Table Of The Elements comme une
profession de foi testamentaire que comme la tentative pécuniaire de réchauffer
le cadavre refroidi d’une gloriole passée – d’ailleurs ce Guitar Trio Is My Life il faut l’écouter absolument, tout comme le
coffret An Angel Moves Too Fast To See
publié deux ans auparavant sur le même label et présentant plusieurs aspects de
la diversité musicale de Rhys Chatham