samedi 14 juillet 2012

EL-P / Cancer 4 Cure




Nouveau messie du hip-hop underground depuis plus de dix ans, ex Company Flow, cofondateur désormais démissionnaire de Definitive Jux recordings et génial producteur de l’album The Cold Vein de Cannibal Ox (entre autres), EL-P revient enfin avec un nouvel enregistrement, Cancer 4 Cure… sur Fat Possum cette fois. Bon, allez, c’est vrai que l’on a été un peu surpris suite à l’annonce de ce changement de label et qu’un brin d’inquiétude avait même fait son apparition. En attendant d’en savoir plus on pouvait toujours supputer sur l’illustration de la pochette de Cancer 4 Cure reprenant celle de l’album I'll Sleep When You're Dead mais en version phœnix transformé en miroir aux alouettes et surtout en mille morceaux. On pouvait également extrapoler au sujet d’un titre d’album aussi sibyllin que mortifère.
Mais le résultat est là, éclatant de réussite : avec Cancer 4 Cure on ne peut qu’admettre qu’EL-P continue de boxer hors catégorie. Et très loin au dessus de tout le monde. Si quelque chose s’est brisée en ce bas monde ce ne sont certainement pas l’inspiration ni le mordant du presque quarantenaire Jaime Meline, El Producto.
Marques de fabrique incontournables, les instrus de Cancer 4 Cure sont à la fois luxuriants et glaçants, les rythmes tribaux et irrésistibles (le presque breakbeat de Request Denied surligné par un sample en hommage aux débuts de Meat Beat Manifesto – « Storm The Studio »), le flow d’EL-P imperturbable et impérieux. Cancer 4 Cure impressionne par ce mélange de brutalité froide et de sophistication accessible à tous, de profusion d’idées et d’efficacité inquiétante, entre embrouilles électro de haut vol et urbanité contagieuse et viscérale. Malgré une fin d’album moins rentre-dedans, moins nerveuse et presque plus mélancolique il n’y a sur cet album strictement aucun temps mort ni aucune éclaircie pour reprendre son souffle – le très beau mais très sombre Sign Here n’est finalement qu’un faux répit – et Cancer 4 Cure apparait à la fois encore plus tendu et plus luxuriant que tous ses prédécesseurs réunis. Il est surtout d’une unité et d’une cohésion pas loin d’être admirables.
Dernier détail, EL-P a souvent fait appel à des invités hors hip-hop et hors rap, des gens souvent pas recommandables pour deux sous mais il a toujours su les intégrer dans un ensemble cohérent, loin de tout effet artificiel – ici c’est le poupon Paul Banks des abominables Interpole qui apparait sur Works Everytime et le blondinet new-yorkais colle parfaitement à l’ambiance voulue tout comme Trent Reznor l’avait fait avant lui sur l’album I'll Sleep When You're Dead. Sur Stay Down Nick Diamonds (aka Nicholas Thorburn) vient lui aussi pousser la chansonnette et le résultat est tout simplement époustouflant. Il est toujours amusant de constater comment El-P arrive à faire exactement ce qu’il veut de ses guests, aussi pénibles soient-ils. Côté invités hip-hop on remarque le gros affreux Mr Motherfucking eXquire, Danny Brown, Killer Mike et Despot, soit la crème du hip-hop undergrond US.
Aussi bon rappeur que producteur éclairé, orfèvre du son et ingénieur expert en magie noire, El-P livre avec Cancer 4 Cure son meilleur album solo à ce jour. L’avenir lui appartient plus que jamais.