mardi 17 juillet 2012

CHROMB! / self titled


Mouhaha haha hahaha ! Mais qu’est ce quoi donc qu’est-ce ? Lorsque ce premier disque de CHROMB! a atterri sur la platine/piste de crash taste de 666rpm, mon sang n’a fait qu’un tour, évidemment dans le mauvais sens. Ne me trouvais-je pas instantanément et violemment confronté à tout ce que je déteste en matière de musique ? Rapidement : de vrais faux airs de jazz vindicatif, la présence de synthétiseurs et de bidouilles électroniques envahissants voire menant la danse, un saxophone alto pleurnichard, une basse beaucoup trop effacée et surtout sur deux ou trois titres l’intervention d’un chant funky/soul et suraigu. N’en jetez plus, ce disque n’est pas fait pour moi et quelle drôle d’idée de me l’avoir envoyé.
Et puis j’ai lu le (très) gentil mot accompagnant le disque : « Salut ! On aime bien ton blog. Alors on tenait à t’offrir notre premier album… Si ces basses flatteries ne te rebutent pas trop, peut-être accepteras-tu de le chroniquer… Ou peut-être de venir nous voir en vrai, en concert, tu trouveras la liste [des dates] ci-joint… CHROMB! te remercie. Bonne écoute ! ». Exactement de quoi me motiver pour en rajouter une couche dans la méchanceté gratuite et de descendre de manière deux fois plus dégueulasse encore un pauvre petit disque prétentieux.




En fait c’est à peu près tout le contraire qui s’est produit. J’ai tout de suite voulu écouter ce disque, intrigué par l’objet et son artwork – signé Benjamin Flao – qui m’a immédiatement attiré, pauvre matérialiste que je suis : des wagons balayés par une tempête de vent sur fond de paysage industriel désolé (et ce qui me plait le plus c’est ce bidon rouge entre les voies ferrées qui lui reste absolument collé au sol… le recto du disque est très bien également).
En toute sincérité il ne m’a pas fallu très longtemps pour tomber éperdument amoureux de CHROMB! et de sa musique. Et j’en suis le premier étonné. Car le jazz électrique et nuageux de CHROMB! possède c’est vrai une syntaxe et des éléments inhabituels pour des oreilles un brin passéistes et éduquées au free jazz de papa – petit raccourci flagrant : de Coltrane à Gustafsson en passant par Brötzmann et Joe McPhee – et un esprit qui n’en démord pas de ce qui est avec le temps devenu un nouvel académisme.
Académique, la musique de CHROMB! ne l’est vraiment pas. Et il est donc vrai que les synthétiseurs, orgues et autres Fender Rhodes mènent la danse ici. Camille Durieux qui joue de tous ces bidules est d’ailleurs l’un des principaux compositeurs de CHROMB!. Tout s’explique. Mais ce  garçon est loin d’être seul : il est accompagné d’Antoine Mermet au saxophone (alto et baryton) et à la voix, de Lucas Hercberg à la basse et de Guillaume Gestin à la batterie. Un groupe très actuel partant du jazz pour le mêler à toujours plus d’électricité sans avoir recours à une quelconque guitare. Toute ressemblance avec un groupe anglais de la fin des années 60/débuts des années 70 et originaire de Canterbury n’est peut être pas totalement fortuite.
Les emprunts sont ici multiples, électro évidemment comme sur les passages façon abstract/trip hop concassé de Il L’A Fait Avec Ta Sœur or le plus formidable ce sont ces envolées très lyriques dont CHROMB! a décidé de ne jamais se priver. Des volutes impérieuses qui dansent avec le kitsch progressif tout en lui intimant l’ordre de se tenir à sa place. La musique de CHROMB! fourmille allègrement de détails luxuriants et qui débordent constamment certes, mais toujours comme il le faut – on s’en aperçoit systématiquement une fois que tout est fini et que l’on a même pas eu le temps de s’écrier que le groupe en fait trop. Tout est donc une affaire de dosage dans l’exubérance et le lyrisme.
Certains titres sont d’apparence plus free rock et encore plus folle (Apocalypso) mais il y a toujours ce groove électrique – pas un groove qui fait danser sous les sunlights mais celui qui vous enveloppe les os d’un frisson impérieux de sensations proches d’un bon shoot d’adrénaline ou de ce que vous voudrez (du moment que c’est une drogue). Enfin, il y a effectivement du chant sur ce disque. Il apparait une première fois sur Tu Es Ma Pause Déjeuner : aigu et criard, sensible et lyrique, emphatique et sauvage comme les cris d’un petit animal coincé mais déployant tout son instinct de survie. Tu Es Ma Pause Déjeuner est le point de basculement d’un disque qui se payait déjà le luxe d’être intrigant et haletant. Cette musique de l’âme qui vascille pour mieux renaitre touche alors au plus juste et devient définitivement bourrée d’émotions, elle est aussi intemporelle et poétique que celle d’un Soft Machine endossant la combinaison magique du Surfer d’Argent. Et il en sera ainsi jusqu’à Maloyeuk qui est de loin la composition la plus grandiloquente du disque – et comme un vrai coup de grâce, celle qui bien sûr ne vous épargne pas mais vous touche encore et encore.
Ce disque totalement autoproduit est en écoute intégrale sur la page Soundcloud de CHROMB !. Et pour contacter le groupe, une seule adresse : madamechromb [arobase] gmail [point] com.




CHROMB! est également à l’affiche du festival Deux Jours De Musique Irréconcilée qui se tiendra les 20 et 21 juillet prochain à Peyrelevade. Non seulement Peyrelevade est un très beau coin de la campagne corrézienne mais en plus la programmation est au top : signalons France Sauvage et Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp le 20 ainsi que Marylin-Rambo, CHROMB! (donc) et K-Branding le 21. Et tout ça pour 10 €uros les deux jours, la campagne ça a vraiment du bon.
Sinon CHROMB! sera également à l’affiche de la prochaine édition du Riddim Collision à Lyon au mois de novembre prochain – mais ça on en reparlera en temps voulu…