Mouhaha haha hahaha ! Mais qu’est ce quoi donc
qu’est-ce ? Lorsque ce premier disque de CHROMB! a atterri sur la platine/piste
de crash taste de 666rpm, mon sang n’a fait qu’un tour, évidemment dans le
mauvais sens. Ne me trouvais-je pas instantanément et violemment confronté à
tout ce que je déteste en matière de musique ? Rapidement : de vrais faux
airs de jazz vindicatif, la présence de synthétiseurs et de bidouilles
électroniques envahissants voire menant la danse, un saxophone alto
pleurnichard, une basse beaucoup trop effacée et surtout sur deux ou trois
titres l’intervention d’un chant funky/soul et suraigu. N’en jetez plus, ce
disque n’est pas fait pour moi et quelle drôle d’idée de me l’avoir envoyé.
Et puis j’ai lu le (très) gentil mot accompagnant
le disque : « Salut ! On aime bien ton blog. Alors on tenait à
t’offrir notre premier album… Si ces basses flatteries ne te rebutent pas trop,
peut-être accepteras-tu de le chroniquer… Ou peut-être de venir nous voir en
vrai, en concert, tu trouveras la liste [des dates] ci-joint… CHROMB! te
remercie. Bonne écoute ! ». Exactement de quoi me motiver pour en
rajouter une couche dans la méchanceté gratuite et de descendre de manière deux
fois plus dégueulasse encore un pauvre petit disque prétentieux.
En fait c’est à
peu près tout le contraire qui s’est produit. J’ai tout de suite voulu
écouter ce disque, intrigué par l’objet et son artwork – signé Benjamin Flao – qui m’a immédiatement
attiré, pauvre matérialiste que je suis : des wagons balayés par une
tempête de vent sur fond de paysage industriel désolé (et ce qui me plait le
plus c’est ce bidon rouge entre les voies ferrées qui lui reste absolument
collé au sol… le recto du disque est très bien également).
En toute sincérité il ne m’a pas fallu très
longtemps pour tomber éperdument amoureux de CHROMB! et de sa musique. Et j’en
suis le premier étonné. Car le jazz électrique et nuageux de CHROMB! possède
c’est vrai une syntaxe et des éléments inhabituels pour des oreilles un brin
passéistes et éduquées au free jazz de papa – petit raccourci flagrant :
de Coltrane à Gustafsson en passant par Brötzmann et Joe McPhee – et un esprit
qui n’en démord pas de ce qui est avec le temps devenu un nouvel académisme.
Académique, la musique de CHROMB! ne l’est vraiment
pas. Et il est donc vrai que les synthétiseurs, orgues et autres Fender Rhodes
mènent la danse ici. Camille Durieux qui joue de tous ces bidules est
d’ailleurs l’un des principaux compositeurs de CHROMB!. Tout s’explique. Mais
ce garçon est loin d’être seul : il
est accompagné d’Antoine Mermet au saxophone (alto et baryton) et à la voix, de
Lucas Hercberg à la basse et de Guillaume Gestin à la batterie. Un groupe très
actuel partant du jazz pour le mêler à toujours plus d’électricité sans avoir
recours à une quelconque guitare. Toute ressemblance avec un groupe anglais de
la fin des années 60/débuts des années 70 et originaire de Canterbury n’est
peut être pas totalement fortuite.
Les emprunts sont ici multiples, électro
évidemment comme sur les passages façon abstract/trip hop concassé de Il L’A Fait Avec Ta Sœur or le plus
formidable ce sont ces envolées très lyriques dont CHROMB! a décidé de ne
jamais se priver. Des volutes impérieuses qui dansent avec le kitsch progressif
tout en lui intimant l’ordre de se tenir à sa place. La musique de CHROMB!
fourmille allègrement de détails luxuriants et qui débordent constamment
certes, mais toujours comme il le faut – on s’en aperçoit systématiquement une
fois que tout est fini et que l’on a même pas eu le temps de s’écrier que le
groupe en fait trop. Tout est donc une affaire de dosage dans l’exubérance et
le lyrisme.
Certains titres sont d’apparence plus free rock et
encore plus folle (Apocalypso) mais il
y a toujours ce groove électrique – pas un groove qui fait danser sous les
sunlights mais celui qui vous enveloppe les os d’un frisson impérieux de
sensations proches d’un bon shoot d’adrénaline ou de ce que vous voudrez (du
moment que c’est une drogue). Enfin, il y a effectivement du chant sur ce
disque. Il apparait une première fois sur Tu
Es Ma Pause Déjeuner : aigu et criard, sensible et lyrique, emphatique
et sauvage comme les cris d’un petit animal coincé mais déployant tout son
instinct de survie. Tu Es Ma Pause
Déjeuner est le point de basculement d’un disque qui se payait déjà le luxe
d’être intrigant et haletant. Cette musique de l’âme qui vascille pour mieux
renaitre touche alors au plus juste et devient définitivement bourrée
d’émotions, elle est aussi intemporelle et poétique que celle d’un Soft Machine
endossant la combinaison magique du Surfer d’Argent. Et il en sera ainsi
jusqu’à Maloyeuk qui est de loin la
composition la plus grandiloquente du disque – et comme un vrai coup de grâce,
celle qui bien sûr ne vous épargne pas mais vous touche encore et encore.
Ce disque totalement autoproduit est en écoute
intégrale sur la page
Soundcloud de CHROMB !. Et pour contacter le groupe, une seule adresse :
madamechromb [arobase] gmail [point] com.
CHROMB! est également à l’affiche du festival Deux Jours De Musique Irréconcilée qui se tiendra les 20 et 21 juillet prochain à
Peyrelevade. Non seulement Peyrelevade est un très beau coin de la campagne
corrézienne mais en plus la programmation est au top : signalons France
Sauvage et Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp le 20 ainsi que
Marylin-Rambo, CHROMB! (donc) et K-Branding le 21. Et tout ça pour 10 €uros les
deux jours, la campagne ça a vraiment du bon.
Sinon CHROMB! sera également à l’affiche de la
prochaine édition du Riddim Collision à Lyon au mois de novembre prochain – mais
ça on en reparlera en temps voulu…