vendredi 6 juillet 2012

Huata / Atavist Of Mann





La première fois que l’on avait évoqué Throatruiner records c’était précisément à propos de Huata qui venait d’y publier Open The Gates Of Shambhala, un mini album des plus prometteurs – il s’agissait également de l’une des toutes premières références du label. Et bien on va remettre ça puisque HUATA a sorti à la toute fin de l’année 2011 et toujours sur Throatruiner son premier véritable album Atavist Of Mann. Huata a la folie des grandeurs – cet album est un double LP de sept titres, la version CD n’en comporte que six* – et surtout Huata n’a pas peur de tendre des perches pour se faire battre. Et quand je dis battre c’est jusqu’au sang et pendu par les pieds jusqu’à ce que mort s’en suive.
D’abord prenons un peu ce visuel et d’une manière générale tout le soin apporté à l’emballage d’Atavist Of Mann. Ça sent la messe noire, le sacrifice de jeunes vierges (il est extrêmement plaisant de constater que Huata fait une fixette sur les jeunes filles aux seins nus), le vieux parchemin retraité à l’ordinateur, le carton à gros grammage qui sent bon l’encre d’impression, les photos des membres du groupe en tenue de schtroumpfs occultistes (les photos que j’ai pu voir de Huata en concert les montrent également en capuchons rouges et plein d’airs entendus) et les textes sont illisibles parce qu’écrits avec un alphabet/code secret (imaginaire ?) comme ceux qu’enfants on inventait pour s’envoyer des messages sans que les parents puissent y comprendre quelque chose. Tout ça fait de Huata un groupe très soucieux de l’image qu’il veut donner de lui-même et surtout très respectueux des codes en vigueur du côté du doom 70’s.
Parce qu’il s’agit bien de cela. Dans un premier temps on pense que Huata est uniquement un rip-off d’Electric Wizzard. Sans doute écrire une telle phrase ne rendra pas service au groupe mais c’est pourtant l’exacte vérité : Atavist Of Mann a plus que des relents pompés sur les géniteurs de Dopethrone et de Come My Fanatics. Celles et ceux que cela dérangent peuvent arrêter de lire cette chronique ici. Celles et ceux qui détestent ce genre musical en particulier peuvent également partir en claquant la porte. Les autres, puisqu’ils ont décidé de s’accrocher un peu, ont parfaitement raison de persévérer au sujet d’un disque qui s’avère immédiatement addictif.
Sans doute est-ce un effet de la vénération du grand malin et d’offrandes toujours plus saignantes aux forces obscures du mal éternel mais le fait est que Huata a su enregistrer un très bon disque. Atavist Of Mann n’est finalement pas autre chose : plus d'une heure et quart de riffs poisseux, de basses pachydermiques, de fuzz instillant une mort lente, de samples de films obscurs – bref que des éléments connus mais pour les associer les quatre garçons de Huata n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère ni avec des gants. Là où le groupe réussit son pari c’est très certainement au niveau du songwriting car il n’y a rien à jeter sur Atavist Of Mann, il n’y a aucun temps mort non plus et on pardonnera donc le maniérisme affiché (le code, les us et coutumes du genre allègrement repris et décrits plus haut) pour se concentrer uniquement sur le plaisir que procure un disque sombre, envoutant et vénéneux.
Et puis il y a des détails que l’on apprécie plus que d’autres. Par exemple les passages planants qui parsèment Atavist Of Mann. Le premier apparait dès le premier titre Lords Of The Flame : cet orgue sépulcral, cette guitare en mode aérien et une atmosphère faussement tranquille qui se dégage presque par surprise. Il y a alors comme une vague touche de psychédélisme qui surnage ici, une teneur qui n’est pas sans évoquer – attention je vais écrire un énorme gros mot – le Pink Floyd post Syd Barrett mais encore influencé par lui et alors que les nouvelles compositions du groupe s’allongeaient toujours plus (l’album A Saucerful Of Secret si on préfère dit comme ça). Le chant est également à mettre à l’actif d’Atavist Of Mann : l’imprécateur en chef de Huata n’est visiblement pas n’importe qui et peut varier les registres bien plus qu’on le pense au départ.
Atavist Of Mann est donc un disque qui n’a que faire d’être révolutionnaire et novateur pour préférer endosser les rôles de tortionnaire et d’envouteur. Et Huata évite complètement les pièges autosuffisants de l’exercice de style tout simplement parce que le groupe est convaincant, y croit réellement et s’impose au gré d’un album résolument magnétique et (c’est vrai) démoniaque. En mauvaise compagnie de Monarch et de Cult Of Occult (mais évidemment chacun dans son genre à lui) on tient enfin avec Huata le dernier élément de la triple alliance des groupes lents, lourds et qui font mal.


* le double LP comporte une reprise du Black Sabbath de Coven en plus… Vous ne connaissiez pas ? Moi non plus