Cet album me parle. Enormément. Et cet album
m’obsède. Terriblement. Mais pas seulement parce que j’y reconnais avec bonheur
quelques références incontournables à un son, à des musiques ou des groupes qui
ont marqué voire changé ma perception de la musique il y a une bonne quinzaine –
plutôt une vingtaine ! – d’années maintenant.
C’est très facile de les énumérer ces groupes (et
puis tiens, allons-y gaiment : Rapeman/Shellac, Six Horse, Big’N, les
Dazzling Killmen et j’en oublie certainement) mais par contre ce qui était beaucoup
plus difficile c’est ce qu’a accompli CHOOCHOOSHOESHOOT
avec Playland. Donc disons les choses
honnêtement : si on a écouté Playland
attiré par ce son sec et tendu et ces antécédents historiques, tentant sûrement
d’y retrouver quelques émois d’antan, désormais on réécoute le disque jour
après jour, inlassablement et passionnément,
pour ce qu’il est réellement et en toute simplicité – UNE BOMBE.
La nostalgie c’est mal, on est bien d’accord. Or
ChooChooShoeShoot ne se contente pas de nous faire le mauvais coup trop connu
et très convenu de la visite au musée – « alors là vous avez le pénis de
Steve Albini admirablement conservé dans du formol, là vous pouvez découvrir la
toute première bicyclette de Nick Sakes que ses parents lui avaient offerte
pour ses cinq ans et un peu plus loin sur votre gauche voici un échantillon
d’urine de David Yow » – mais le groupe présente les choses telles
qu’elles s’étaient prétendument arrêtées il y a quelques années (je vous laisse
déterminer exactement laquelle, personnellement je ne m’en souviens pas, je
refuse de m’en souvenir et la plupart des spécialistes en la matière ne sont
pas tous d’accord sur ce point précis, loin de là), oui avec Playland c’est comme si on y était
encore et surtout avec Playland on
sait que l’on va encore pouvoir y croire et y être demain et sûrement encore le
jour d’après.
Et, précisément, le plus beau, le plus formidable
et le plus époustouflant dans tout ça c’est le côté naturel et jubilatoire de
la chose. Les quatre ChooChooShoeShooteurs (une voix, deux guitares et une
batterie) n’ont pas fait semblant question haut niveau des compositions entre
tiroirs cachés, déclivités abruptes, angles aigus, instabilité calculée, sophistication
efficace et intrépidité formelle. Mais surtout ils ont encore moins fait
semblant question interprétation avec un mélange de volontariste affamé et
d’aisance apparente qui laisse tout simplement pantois. Ils ont pourtant du
souffrir pour en arriver là, pour trouver toutes ces idées qui donnent le
vertige, ces purs moment d’émotions et de frissons, pour mémoriser tout ça, pour
polir cette musique jusqu’à ce qu’elle se mette à briller sous tous les angles.
Ils ont du souffrir encore davantage pour donner ce côté sauvage, conquérant et
impérieux à Playland : l’album
est plutôt court (huit titres, une trentaine de minutes) mais il explose à
chaque seconde, se défragmentant puis se recomposant en une succession de
moments de bravoure jamais forcés et liés entre eux par une âpreté proche de
l’obsessionnel.
Presque au dessus de la mêlée mais toujours happé
par elle, le chant est définitivement l’élément passionné et passionnel de Playland : il s’impose tout en
invectives mais aussi en belles nuances, réalisant la délicate équation entre
ce qu’il faut donner à entendre et ce qu’il est préférable de laisser aller tout seul,
entre despotisme sensitif et sincérité de l’immédiateté. On affirmera alors que
Playland est tout simplement l’un des
albums de cette année 2012. Un album aussi salutairement enragé que définitivement
essentiel.
Playland a
été enregistré de main de maître par Miguel Constantino dans son studio quelque
part en Bretagne. La photo de l’artwork très réussi est signée Amelie Grosselin (guitariste et
chanteuse de Fordamage). Enfin, Playland
a été publié en vinyle par trois excellents labels dont en général on aime beaucoup
vous parler ici : A Tant Rêver Du Roi,
Kythibong et Rejuvenation.