mercredi 18 juillet 2012

Report : L'Etrangleuse, L'Ocelle Mare et Pneu au Périscope - 13/07/2012




C’est déjà la cinquième édition du festival Expérience(s) organisé comme tous les ans par le Périscope de Lyon. Et tout ce que l’on espère c’est que cet évènement grossisse toujours un peu plus, occupe enfin toute la place qu’il mérite et devienne une réelle référence en matière d’éclectisme et de recherche musicale – tout en gardant son côté humain et convivial, cela va de soi.
J’aurai tout tenté pour assister à l’ensemble de la programmation de cette nouvelle édition du festival mais je n’aurai réussi qu’à rater les premiers jours et en particulier la soirée du jeudi 12 juillet – par ailleurs de très bons échos me sont parvenus du duo eRikm/Frédéric Blondy et surtout d’Actuum, quartet de free jazz très colemanien dans l’esprit (et dont on reparlera bientôt). Par contre hors de question de rater cette soirée du 13 avec L’Etrangleuse, L’Ocelle Mare et Pneu.
Arrivé sur place je m’aperçois que juste à côté du Périscope certaines rues sont complètement bloquées à la circulation et on peut entendre au loin le bruit du bal des pompiers – le contraste avec l’ambiance plus détendue du Périscope est saisissant et assez drôle. Or ce qui est vraiment énervant c’est de constater une fois de plus que le week-end du 14 juillet est l’un des jours privilégiés dans l’année où quelques uniformes peuvent faire diffuser en plein milieu de la ville de la musique pas loin d’être innommable voire complètement insupportable et ce à des volumes désormais interdits et bien sûr jusqu’à l’aube – alors que tout le restant de l’année les bars et petites salles de concerts sont eux régulièrement harcelés et mis à l’amende au nom des principes bien propres sur eux de  l’ « écologie urbaine » et du respect des riverains. Passons.




Le début de cette soirée au Périscope est placé sous le signe d’une certaine délicatesse. Le premier album sans titre de L’Etrangleuse publié par les Disques de Plomb avait dévoilé énormément de charmes et de diversité aussi ce concert suscitait-il une attente certaine. Sur la scène trône une harpe majestueuse et imposante. Juste à côté toute une rangée de pédales d’effets et une guitare.
L’Etrangleuse est un duo mariant subtilement écriture sophistiquée et énergie rock : la guitare est le plus souvent électrique mais pas de trop ; la harpe distille arpèges et douceur(s) mais pas seulement. On est même très étonnés de la vitalité et des résonnances que la harpiste tire sans aucune peine de son instrument, entre puissance et élégance. Ce gros machin en bois et truffé de cordes recèle bien plus de possibilités que ce l’opinion commune veut bien d’ordinaire lui accorder.
Presque tout l’album de L’Etrangleuse sera passé en revue pendant le set – quelques chansons un brin folklorique, des instrumentaux plus post rock, une très belle reprise de Kletka Red – et on est séduits par la force tranquille et exigeante d’une musique qui n’hésite pas à se frotter à une certaine simplicité et une élégance sobre mais fort justement mise en valeur : les deux musiciens sur scène ont une certaine conviction et beaucoup de charme, au moins autant que leur musique.




Thomas Bonvalet aka L’Ocelle Mare a déjà installé tout son attirail sur le côté gauche de la scène. Des bidules insensés pour qui s’attend à écouter de la musique (ou quelque chose censée s’en approcher), des objets hétéroclites, des instruments un peu fatigués ou bricolés, un banjo… Tout est éclairé en contre-plongée par une petite loupiote qui illumine Thomas Bonvalet sans pourtant l’éclairer réellement, transforme le musicien en statue de pierre vivante, projette des ombres qui masquent une partie de ce petit coin de scène mais laissent apparaitre de drôles de formes. Une lumière qui réussit à donner un caractère d’irréalité complète à ce que l’on croit tout de même deviner tout en accentuant la perception des choses. Comme un trompe-l’œil en perpétuel mouvement et imprégnant l’atmosphère d’une fragilité un peu brutale mais également d’un trouble évident comme celui provoqué par un cri incompréhensible et tétanisant.
Assister à un concert de L’Ocelle Mare c’est donc déjà un vrai plaisir pour les yeux. Cette musique aux contours toujours très organiques mais à la beauté décidemment minérale pourrait se suffire à elle-même or l’avantage de voir Thomas Bonvalet réellement devant soi, en train de jouer, de se tordre sur son tabouret, de transpirer et de tout détraquer est de balayer aussi sec tout ce que l’on avait fini par en penser – oh, seulement deux ou trois petites certitudes mais jamais beaucoup plus – et nous voila abandonnés mais heureux dans un autre espace-temps, estomaqués parce qu’il n’est même plus convenu d’appeler « classe », une beauté d’autant plus mystérieuse qu’elle est à la fois fulgurante et à portée de la main. On voudrait donc la toucher cette musique tellement elle nous parle tout en nous étourdissant, on voudrait l’attraper fermement autant qu’elle nous captive mais on ne peut pas. Baigné par sa lumière d’icône irréelle et de poète des sons Thomas Bonvalet/L’Ocelle Mare est tout-puissant et tellement inaccessible mais en même temps tellement généreux et altruiste.




Tranchant nettement avec le reste de la soirée, c’est PNEU qui jouait en dernier. Les tourangeaux sont arrivés assez tard au Périscope, leur beau van orange  ayant crevé sur la route (!!??) – une mésaventure qui peut arriver à tout le monde, même aux meilleurs, la preuve. Je me suis demandé depuis quand je n’avais pas revu Pneu en concert : à ma grande surprise la dernière fois remonte déjà à Septembre 2010, lors du premier passage à Lyon de la Colonie de Vacances aux côtés d’Electric Electric, Marvin et Papier Tigre. Entretemps Pneu a pourtant bien rejoué à Lyon (toujours avec la colo) et il paraitrait également que le duo a donné un concert impromptu en guise d’after soulographe lors du Festival Africantape en avril 2011 mais voilà bien une information que je n’ai jamais pu vérifier de sources sûres. Qu’importe, je vais pouvoir me rattraper.
Pneu en concert, cela reste du Pneu : d’un côté un guitariste survolté et de l’autre un batteur qui le lui rend bien. Je laisse aux anciens le soin de disserter avec âpreté pour savoir si Pneu ce n’était pas mieux avant lorsque le guitariste n’avait qu’un seul ampli et une ou deux pédales d’effets seulement (maintenant il utilise des loop stations et il a même un octaver) parce que moi je m’en fous complètement : j’aime toujours ce groupe en concert et c’est bien parti pour que je les aime toujours.
Pourtant Pneu a souffert du même phénomène que Marvin l’année précédente et au même endroit : un certain immobiliste poli et contagieux de son auditoire du jour. A croire que l’ambiance cosy du Périscope coupe toute velléité dans le public de se bouger le popotin et de se mettre à puer sous les bras. A la place l’audience était presque uniquement composée de rangées de chiens-chiens à tête basculante comme celui que mon oncle Jean-Claude avait installé sur la plage arrière de sa R12 en 1975. J’admets volontiers que pour ma part je n’ai pas réellement donné l’exemple, un peu occupé à prendre quelques photos pour immortaliser cette improbable séance de yoganoise. A la prochaine les gars.