Un maléfice ou un sortilège sont par définition
deux choses contre lesquelles on ne peut pas grand chose. Et il en va exactement de
même avec la musique de Monarch,
insondable malédiction et éternelle mise à l’épreuve. Les albums du groupe se
suivent et se ressemblent peut-être mais avec le temps les effets de cette
musique ensorcelante restent intacts et inévitables. Depuis ce double CD (trois
titres seulement !) publié en 2004 sur Throne records et en passant par Speak Of The Sea et Die Tonight (tous deux réunis plus tard sur Dead Men Tell No Tales par Crucial Blast), un formidable split
partagé avec Eluvium puis les albums Mer Morte et Sabbat Noir, Monarch n’a donc poursuivi
qu’un seul but, aussi extrême qu’inflexible, celui de repousser la violence
doom et down-tempo toujours plus loin.
Monarch y est toujours parvenu et y parvient
encore avec Omens, son premier album
pour At A Loss recordings.
Seulement la démarche de Monarch n’a pas seulement à voir avec un durcissement quantitatif
et une radicalisation grandissante de sa musique – radicale et sans appel cette
musique l’était dès le départ – mais également avec une noirceur et une
profondeur renouvelées : sur Omens
les titres Blood Seeres et Black Becomes The Sun sont une nouvelle démonstration
à base de riffs monolithiques et malades, de basses turbofuzzées, de rythmes
titanesques et de hurlements de sorcières or ils dévoilent également ces passages plus flottants et
finalement plus inquiétants parce que plus malsains et que l’on apprécie tant.
Depuis quelques albums (Mer Morte pour être plus précis) Monarch enlise sa musique dans des
sphères dangereusement brumeuses et toujours plus incantatoires. Un aspect que
l’on retrouve magnifié sur Blood Seeres
et Black Becomes The Sun et qui d’une
manière générale marque au fer rouge l’ensemble d’Omens, un album toujours plus dominé par les litanies spectrales du
chant féminin annonciatrices des sévices à venir.
On signalera que dans sa forme Omens diffère malgré tout quelque peu de
ses prédécesseurs directs. Pour la première fois depuis 2004 voilà un album de
Monarch qui comporte à nouveau trois titres, ce qui signifie également qu’Omens n’est pas qu’une seule et même
composition étalée sur toute la longueur d’un CD ou bien coupée en deux sur les deux faces d’un vinyle. Transylvanian Incantations est même un quasi instrumental très
ambient, portant bien son nom, avec une touche de goth funéraire.
Le mode opératoire pour enregistrer le disque diffère
également : pas de sessions uniques dans un même studio – Monarch était un
habitué des studios Amanita de Stephan Krieger – mais des enregistrements
successifs au gré des pérégrinations et des tournées de Monarch à travers le
monde… dans un studio à Osaka puis à Melbourne, à Montréal et enfin à Chicago
avec Sanford Parker (Buried At Sea, Minsk ou Nachtmystium). Un soin tout
particulier apporté à l’enregistrement (sensiblement perceptible au niveau des
voix) et au mixage final : Omens
ne souffre aucunement de cet éparpillement, au contraire voilà le disque de
Monarch le plus léché et le plus accompli tout en gardant le côté brut et noir
du groupe. Un joyau d’obscurité qui n’est décidemment pas près d’arrêter de
nous enflammer.