mercredi 4 juillet 2012

Appollonia / Crimson Shades





On avait déjà évoqué Appollonia à propos du deuxième album du groupe, Blank Solstice, un album qui bien que comportant certaines faiblesses ou même défauts avait définitivement retenu l’attention. Pourquoi ? Et bien s’il fallait absolument faire rentrer Appollonia à coup de massue dans une toute petite case ce serait celle de post hardcore (celui des années 2000 et des groupes en « sis »). Les boucliers se lèvent, les appréhensions aussi car ce terme de « post hardcore » a des relents nauséeux parfois bien légitimes. Or Appollonia est le groupe de post hardcore le plus original que l’on puisse trouver en ce moment. C’était déjà flagrant sur Blank Soltice et Crimson Shades, cent fois ou peut être même mille fois meilleur que son prédécesseur, confirme sans difficulté aucune cet état de fait : Appollonia est un groupe à part et bien au dessus des suiveurs.
On aura beau chercher, on ne trouvera pas sur ce disque de mornes plaines avant le déluge, de montée d’arpèges à la con, d’explosions dans le ciel ou je ne sais quel climax mélodramatique. Pas de plans enrobés de geignardise cold, de voix de mastodontes en rut prêts à vous en faire baver, d’effets de manche, de structures cinématographiques, de lourdeur sentencieuse et surchargée de signification. NON.
Rien de tout ça ou presque mais Crimson Shades a beaucoup d’autres excellentes choses à montrer. Appollonia a creusé son sillon, est allé aux fonds des choses, a beaucoup travaillé sa musique, a gommé ce qui pouvait fâcher précédemment, a accentué ce qui plaisait déjà et le résultat est à l’avenant – ambitieux mais jamais prétentieux, osé mais pas à côté de la plaque, tortueux mais limpide.
Dans un titre d’Appollonia il y a en fait souvent plusieurs compositions. Par exemple Redeemer qui au bout de trois minutes vire à la pop. Il fallait effectivement oser, l’idée peut c’est vrai paraitre complètement casse-gueule mais cela fonctionne plus que bien : Redeemer est l’un des tout meilleurs titres de Crimson Shades. Parmi les autres points positifs on note également les énormes progrès effectués au niveau des voix. Tout le monde chante dans Appollonia : le guitariste, le bassiste comme le batteur. Je ne sais pas qui fait quoi mais je sais que la voix de gros monstre n’est pas là que pour jouer les gros bras et que désormais les voix plus pop – les amateurs jamais à court de clichés parlent de « chant clair » – s’intègrent parfaitement à l’ensemble.
Enfin, s’il fallait vraiment insister, je rajouterais que l’autre force d’Appollonia c’est d’arriver à pondre des compositions hors du commun. D’un côté vous avez des choses très étonnantes mais réellement réussies (dans le genre Off Stillness And Space est même une très chouette ballade noisy) ; de l’autre vous avez des compositions très (très) longues, de sept à onze minutes et qui tiennent incroyablement bien la route. Je vais finir par employer le terme de progressif au sujet des labyrinthes obsessionnels d’Appollonia mais franchement le groupe mérite largement plus que cette étiquette bien trop galvaudée tout comme il dépasse de loin et éclate définitivement les poncifs du hardcore, post ou non. Bravo.

Crimson Shades est publié par Maximum Douglas records. Pour l’instant il n’existe qu’en version CD mais je croise les doigts pour qu’il sorte un jour au l’autre en version vinyle – les trois rois de la pochette méritent bien ça.