On avait déjà évoqué Appollonia à propos du
deuxième album du groupe, Blank Solstice, un album qui bien
que comportant certaines faiblesses ou même défauts avait définitivement retenu
l’attention. Pourquoi ? Et bien s’il fallait absolument faire rentrer
Appollonia à coup de massue dans une toute petite case ce serait celle de post
hardcore (celui des années 2000 et des groupes en « sis »). Les
boucliers se lèvent, les appréhensions aussi car ce terme de « post
hardcore » a des relents nauséeux parfois bien légitimes. Or Appollonia
est le groupe de post hardcore le plus original que l’on puisse trouver en ce
moment. C’était déjà flagrant sur Blank Soltice
et Crimson Shades, cent fois ou peut
être même mille fois meilleur que son prédécesseur, confirme sans difficulté
aucune cet état de fait : Appollonia est un groupe à part et bien au
dessus des suiveurs.
On aura beau chercher, on ne trouvera pas sur ce
disque de mornes plaines avant le déluge, de montée d’arpèges à la con,
d’explosions dans le ciel ou je ne sais quel climax mélodramatique. Pas de
plans enrobés de geignardise cold, de voix de mastodontes en rut prêts à vous
en faire baver, d’effets de manche, de structures cinématographiques, de
lourdeur sentencieuse et surchargée de signification. NON.
Rien de tout ça ou presque mais Crimson Shades a beaucoup d’autres excellentes
choses à montrer. Appollonia a creusé son sillon, est allé aux fonds des choses,
a beaucoup travaillé sa musique, a gommé ce qui pouvait fâcher précédemment, a accentué
ce qui plaisait déjà et le résultat est à l’avenant – ambitieux mais jamais
prétentieux, osé mais pas à côté de la plaque, tortueux mais limpide.
Dans un titre d’Appollonia il y a en fait souvent
plusieurs compositions. Par exemple Redeemer
qui au bout de trois minutes vire à la pop. Il fallait effectivement oser,
l’idée peut c’est vrai paraitre complètement casse-gueule mais cela fonctionne
plus que bien : Redeemer est
l’un des tout meilleurs titres de Crimson
Shades. Parmi les autres points positifs on note également les énormes progrès
effectués au niveau des voix. Tout le monde chante dans Appollonia : le
guitariste, le bassiste comme le batteur. Je ne sais pas qui fait quoi mais je
sais que la voix de gros monstre n’est pas là que pour jouer les gros bras et
que désormais les voix plus pop – les amateurs jamais à court de clichés
parlent de « chant clair » – s’intègrent parfaitement à
l’ensemble.
Enfin, s’il fallait vraiment insister, je
rajouterais que l’autre force d’Appollonia c’est d’arriver à pondre des
compositions hors du commun. D’un côté vous avez des choses très étonnantes
mais réellement réussies (dans le genre Off
Stillness And Space est même une très chouette ballade noisy) ; de
l’autre vous avez des compositions très (très) longues, de sept à onze minutes
et qui tiennent incroyablement bien la route. Je vais finir par employer le
terme de progressif au sujet des labyrinthes obsessionnels d’Appollonia mais
franchement le groupe mérite largement plus que cette étiquette bien trop
galvaudée tout comme il dépasse de loin et éclate définitivement les poncifs du
hardcore, post ou non. Bravo.
Crimson
Shades est publié par Maximum Douglas
records. Pour l’instant il n’existe qu’en version CD mais je croise les
doigts pour qu’il sorte un jour au l’autre en version vinyle – les trois rois
de la pochette méritent bien ça.