lundi 12 mars 2012

Report : Colin Webster - Sheik Anorak - Clément Edouard Trio à Buffet Froid - 07/03/2012




Ce mercredi 7 mars Gaffer records organisait un nouveau concert* à Buffet Froid : profitant du passage à Lyon de Colin Webster (lequel jouait ailleurs le lendemain avec un tout autre groupe et en tant que sideman – une pratique très courante pour nombre de musiciens qui sinon ne pourraient tout simplement pas subvenir à leurs besoins) l’idée était donc d'inviter le saxophoniste anglais pour un concert aussi impromptu qu’improvisé en compagnie d’autres musiciens locaux.
Logiquement Franck Gaffer/Sheik Anorak s’est réquisitionné lui-même à la batterie mais il a également demandé à Clément Edouard**, son petit camarade au sein de Loup, de se joindre à eux. Une formation inédite en trio avec une seule idée : jouer et se faire plaisir. Malheureusement Franck était malade, une situation fort peu propice pour jouer dans une cave froide et humide et on remarque en arrivant dans celle de Buffet Froid que Clément ne jouera pas du saxophone mais se concentrera uniquement sur son dispositif à bidouilles comme il le fait déjà en solo, avec AM PM ou IRèNE.
Quant à Colin Webster, grande était la curiosité d’entendre enfin un musicien qui avait ravi nos oreilles avec l’album Koi Bombs il y a presque un an. Et quelle surprise de découvrir un visage aussi juvénile et angélique. Colin Webster a l’air vraiment très jeune – et moi je suis de plus en plus vieux.




Preuve de la fougue des trois musiciens, la musique du trio jaillit spontanément, à profusion, sans hésitation ni tergiversation dès les premières notes. Si jouer ensemble – surtout de l’impro – est avant tout une question d’affinité entre personnes et bien Colin Webster, Sheik Anorak et Clément Edouard l’ont parfaitement démontré par le dynamisme et l’entrain de leur prestation.
Dans le détail on aurait sûrement des choses à redire. D’abord les quatre improvisations jouées ce soir là par le trio se sont toutes terminées de la même façon, sur un mode d’atténuation après avoir cordialement rué dans les brancards. On sait depuis l’écoute de Koi Bombs que Colin Webster peut être un saxophoniste fin et délicat, qu’il aime également les sons ténus, les détails, etc. Peut être aurait-il aimé jouer un peu plus dans ce registre là et non pas majoritairement sur celui de la bourrade free ? Ces fins de titres étaient somme toute assez frustrantes car elles auraient pu constituer une sorte de porte ouverte à une suite en forme de variation plus étendue du langage pratiqué par les trois musiciens.
Un peu dans le même ordre d’idée, le dispositif sonore de Clément Edouard écrasait parfois un peu trop le saxophone de Colin Webster. C’était particulièrement vrai et assez logique sur les passages les plus free – à la décharge des musiciens on signalera que Webster a systématiquement joué de profil et que malgré l’amplification de son instrument, cela ne devait pas aider pour se faire entendre correctement du public (par contre les trois musiciens devaient s’entendre parfaitement entre eux).
Plus le concert avançait et plus le trio avait tendance à perdre le fragile équilibre qui doit laisser une place entière à chaque musicien. En fin de set, alors que le public réclamait un peu de rab et que le groupe rejouait pour une quatrième et dernière fois, la batterie était ainsi trop forte, surlignant ce qui ne le méritait pas. L’enthousiasme était pourtant bien là et malgré tout a permis à ce concert d’être un bon moment. Revoir Colin Webster avec son batteur/partenaire habituel (Mark Holub) devrait être une belle expérience. J’espère que cela se réalisera un jour.



Le duo constitué de Léo Dumont et de Julien Grosjean a joué en première partie. On connait un peu le premier parce qu’il est le batteur de Kouma – dont on a déjà chroniqué avec bonheur le premier album – mais pas du tout le second. Mais on sait que les deux sont batteurs et on s’attendait donc à un duo de batterie sous la haute influence du maître Seijiro Marayama. Et bien pas du tout.
La batterie de Léo Dumont n’en est pas vraiment une mais plutôt une simple caisse claire et une cymbale plus toute une flopée d’accessoires. Julien Grosjean est lui installé derrière tout un dispositif sonore, de la bidouille etc. On imagine que le second retraite une partie des sons générés par le premier mais on n’en est pas très sûr non plus. Dans le continuum sonore du duo, il était parfois difficile d’appréhender le réel apport et l’impact des manipulations et/ou diffusions de Julien Grosjean.
On en est même venu à penser qu’un solo de Léo Dumont se serait suffi à lui-même. Ce garçon doit avoir des flux magnétiques et/ou magiques qui lui sortent du bout des doigts. Ses idées sont très simples mais le rendu est d’une beauté poétique certaine : ainsi on a passé la quasi-totalité du concert du duo à se focaliser sur ce que faisait le seul Léo Dumont. Là aussi on espère qu’il sautera un jour le pas de l’expérience en solo, si ce n’est pas déjà fait.

* et la prochaine programmation du label sera de taille et à ne rater sous aucun prétexte : un concert des Norvégiens de Staer (dont le prochain enregistrement est publié sur Gaffer) et Child Abuse le 2 avril, toujours à Buffet Froid
** tout ce petit monde – Sheik Anorak solo, Colin Webster - Mark Holub duo et les Lunatic Toys (l’un des autres nombreux groupes de Clément) – tournera ensemble fin mars en Angleterre, par exemple le 20 au Vortex à Londres